L'adieu [PV Xercès & Amestrys]

Quelques rayons de soleil perçaient les branchages encore nus des arbres. Une pâle et froide lumière qui jaillissait par l’entrée. Une agression, et elle était certainement la dernière que ses yeux ternes verraient, de plus de la nature. Sa cruauté n’avait d’égal que l’amour fou qu’il portait à ses deux jeunes enfants. S’il avait pu, le solitaire les aurait eus plus tôt. Mais c’était ainsi, le passé resterait inchangé, le sien, le leur, la seule chose à regarder était le futur. Malgré ses lacunes Tarik espérait leur avoir apporter de bonnes choses. Les années l’avait ramolli et cette idée laissa s’échapper un hoquet amusé. Les odeurs entremêlées de son fils et de sa fille, leurs inquiétudes pesaient sur l’ambiance et ce bruit si particulier fit frémir Amestrys. Pas besoin de la voir, le grand loup ressentait très bien la chose, son angoisse ne cessait de croitre depuis quelques mois, à la première grosse chute de son paternel. Dès lors, elle se relayait avec Xercès pour chasser à sa place, du moins ils essayaient de faire au mieux. Des mois plaisants à se la couler douce, à ronfler, à attendre patiemment son heure.

La mort était sa plus grande amie, oui, une alliée qui le poursuivait jusque dans ses songes. Pourquoi en aurait-il peur alors ? A quoi bon se tordre de douleur, Tar’ acceptait totalement ces faits bien qu’il allait regretter de ne plus les voir.

Un spasme, une quinte de toux poussive et difficile à supporter tant pour le mourant que ceux qui siégeaient à son chevet patiemment. Cette respiration sifflante était la seule chose qui brisait le calme apparent. Il tourna mollement son cou pour observer les silhouettes troubles, distinguant vaguement les couleurs dans la pénombre. De la buée s’échappa de sa gueule et Tarik tenta de dire quelque mot :

« Ce que vous avez grandi… je…kuf kuf… j’aurais aimé vous voir d’avantage… »

Une larme se mit à perler le long de sa joue et il afficha un grand sourire. Ses paupières se fermèrent doucement. Pour un peu, il serait parti mais il souhaitait dire encore quelques mots à ces deux là. Il articula fébrilement :

« Prenez bien soin l’un de l’autre, … j’espère que vous continuerez à vous soutenir aussi longtemps que possible. Ne regarder pas en arrière et partez faire votre vie où vous serez heureux… je suis si fier de vous… »



Cette voix rauque s’estompa, résonnant comme les dernières volontés d’un mort aux oreilles de la grande et fine louve. A bientôt un an, elle observait le corps amaigri convulser de toute part. Une longue et douloureuse agonie face à laquelle Amestrys s’efforçait de ne pas réagir. Mais il fallait bien croire que cet amour étrange qu’elle portait reprenait le dessus. Sans bouger, des larmes naquirent le long de ses cils puis roulait sur son poil gris pour se poser violemment au sol.
Une fois le corps immobile, la jeune demoiselle glissa pour s’allonger à ses côtés et plongea son museau fin dans l’épaisse crinière de son père. Sans que son frère puisse l’entendre, elle chuchota quelque chose à l’oreille sourde espérant qu’il saurait un jour ce qu’elle lui avait dit ce jour là. Sa peine demeurerait invisible une fois que les deux canidés quitteraient cet endroit.