Sandman || Pv. Caïn

Cette foutue mine...
Aendil hésita quelques secondes avant de passer l'entrée. Les souvenirs qu'il avait de cet endroit n'était pas des plus joyeux. Il se revoyait y entrer, borgne, en compagnie des deux louves de sa vie -l'officielle et celle qu'il aimait en cachette-, chercher ces diables de Precursors dans l'obscurité, le combat contre Zerfall, sa défaite, le sang perdu.
Il revoyait surtout son réveil au purgatoire. Jamais il n'oublierait l'intonation mielleuse de son bourreau et encore moins le contact de la roche glacée dans son dos alors qu'il reculait pour fuir la sanction que les envahisseurs avaient jugé bon de lui donner.

Le chemin du retour s'était fait vautré dans la poussière. Ayant perdu énormément de sang, il n'avait pas trouvé les forces nécessaires pour se remettre debout. C'était Taormine qui l'avait trouvé à quelques mètres du Squat, plus mort que vif. Par la suite, il avait prié les Dieux de lui ôter ce coeur battant qui le maintenait en vie. Il n'avait pas voulu continuer à exister, son honneur ainsi bafoué.
Du moins, jusqu'à ce qu'elle revienne.
Ce souvenir aussi était teinté de regrets : il s'en voulait d'avoir été si misérable, de lui avoir conté d'une voix tremblante la scène vécue au purgatoire alors que, lorsqu'elle s'était blottie contre lui et avait fourré son museau dans son épaisse fourrure, auraient pu fleurir sur ses babines deux mots très différents. Deux foutus mots qui résumait bien le bordel qui se jouait dans son cœur, dans ses tripes lorsqu'il songeait à elle, lorsqu'il voyait cette peluche à son effigie offerte par Nox.
Je t'aime.

Sauf qu'il ne le lui avait jamais dit, et c'était trop tard par ce qu'il n'avait pas la moindre idée de l'endroit ou elle pouvait être maintenant. Et qu'il refusait de parcourir les terres libres comme un forcené pour ramper à ses pattes massives.
C'était tellement mieux de pouvoir erreur dans les terres libres et d'espérer la trouver par hasard au détour d'un sentier, de pouvoir s'exclamer sur un ton léger "Tiens, je ne pensais pas te croiser ici, ça baigne ? " au lieu du "TU ME MANQUES REVIENS ;___; " qui lui brûlait les babines. Son ego s'en portait tellement mieux.
Et il était tellement con. Il le savait, ça.

Quoiqu'il en soit, il était désormais inutile de regretter le passé. Qui aurait probablement été tout autre si il avait su, par avance, ce que ses actions engendraient. Ainsi, si on lui avait dit qu'il ne ressortirait pas de cette mine crasseuse avec ses deux yeux, il se serait très certainement abstenu d'y mettre les pattes. Et là, maintenant, il ne savait pas si l'un de ces monstres n'était pas resté dans leur ancien chez eux. Si quelqu'un ne l'avait pas repéré et attendait gentiment sa venue pour lui sauter dessus et crever son œil récemment récupéré.
Par ce que c'était tellement drôle de le mutiler.

Non, vraiment, il ne pourrait pas remettre les pattes dans cette mine. Du moins, pas tout de suite.
Il fit demi-tour et ne tarda pas à apercevoir la silhouette d'un loup gris qui venait dans sa direction.

Cette foutue mine...

Caïn ne savait pas vraiment pourquoi il revenait sur ces lieux, s'approchant en boitillant de cette bâtisse mystérieusement apparue en même temps que les Precursors. Peut-être par goût du danger, pour espérer avoir une petite dose d'adrénaline, ou tout simplement par nostalgie. Ou par masochisme.
C'était ici qu'il avait définitivement perdu sa motricité. Il était rentré avec ses quatre pattes valides, avait vaillamment combattu. D'abord en tendant un guet-apens avec quelques Séides et Brethens, piégeant Papol, qui les avait ensuite entraîné dans les dédales de la mine.
Papol qu'il avait lui même tué, lui arrachant une patte et le laissant crever dans son sang. Il pouvait presque sentir le gout métallique dans sa gorge, le sang coller ses poils à sa peau, l'odeur rance que dégageait le mâle d'un blanc sale.
Après lui, il n'avait perdu de temps, avançant au pas de course dans les couloirs jusqu'à trouver son prochain adversaire.
Krilla.
Le combat avait été rude. Tant pour lui que pour tous ses camarades, qu'importe leur clan, qui lui avaient fait face. Il avait prit des risques, ce jour là. Beaucoup de risques. Il infligeait des blessures sans que jamais la louve ne semble faiblir. Jusqu'à ce qu'il cède, un bref instant.
Bref instant durant lequel la brune lui massacra sa patte arrière gauche.
Bref instant durant lequel il perdit son entière motricité, et gagna un handicap.
Pourtant, il n'avait pas faiblit. Il avait continué, encore, même lorsqu'une louve l'eut mit éphémèrement à l'abri. Il avait tenu bon, notamment grâce à la rage qui battait à ses tempes, après que la solide louve eut crevé l'un des yeux d'Illa, et égorgée Romance.
Pour, finalement voir la louve fuir.
En voulant ainsi l'épargner, et obtenir des informations, ils l'avaient laissés filés.
Les crocs du mâle se serrèrent entre eux, blanchissant ses gencives.
Ils auraient mieux fait de la tuer immédiatement...
S'il venait à la revoir un jour, il n'hésiterait pas à lui sauter à la gorge, pour mettre fin à ce qu'ils avaient commencés il y a quelque temps de cela.
Encore faudrait-il qu'il la recroise. Les Précursors, comportant désormais dans leur rang l'ancienne alpha Margarett, était désormais introuvables.
On ne sentait leur odeur nul part, ne relevait aucunes traces d'un potentielles passages sur les terres. Disparus. Ils avaient tout bonnement disparus.

Caïn continua sa progression. Bientôt, il perçut la lumière qui s'échappait de l'entrée de la grotte. Et, devant, se détachait une silhouette qu'à force il commençait à bien connaître.
Aendil.
Il croisait toujours de façon hasardeuse ce loup. Jamais ils ne se donnaient rendez-vous, et pourtant leurs rencontres étaient fréquentes. La dernière ne remontait pas à si longtemps que cela. Quelques mois, tout au plus. Juste avant qu'il ne retrouve Illa au Palais, et aboutisse sur la conception de ces enfants qu'il n'appréciait pas des masses.
Le blanc ne semblait pas prêt à entrer dans la mine.
Et c'était tant mieux, car Caïn n'en éprouvait pas non plus l'envie. Revivre les événements qui s'y étaient déroulés n'étaient pas dans ses priorités.
Alors, il se contenta de s'approcher à pas lent de l'ex-conseiller Brethen, un fin sourire sur les yeux. Quelque chose accrocha alors son regard, il leva alors les yeux vers la leur bleuté qui se dégageait...De son œil ?
Les sourcils de Caïn se haussèrent, le mâle ne pouvant cacher sa surprise.

« Eh bien. Je savais les lézards capables de faire repousser leur queue, mais pas toi ton œil. »

Il voulait bien son astuce pour se refaire à neuf ses membres, histoire de réparer une bonne fois pour toute sa patte abîmée.

Caïn.
Il croisait toujours ce loup lorsqu'il s'y attendait le moins. Et pour cause : la plupart du temps, il le trouvait sur ses propres terres alors que le loup gris n'avait rien à y faire. Pourtant, et étrangement, jamais Aendil n'avait ressenti la moindre envie de se montrer agressif. Il savait que Caïn n'avait pas pour but de leur nuire. Ce devait encore être plus le cas depuis que sa belle était montée au conseil.
Quoiqu'il en soit, Aendil appréciait ces rencontres. Elles étaient un peu comme une petite bulle hors du temps et il avait eu l'occasion de raconter à son comparse des choses que sa fierté l'empêchait de partager avec son propre frère. Avec Caïn, il se sentait étrangement bien.

« Eh bien. Je savais les lézards capables de faire repousser leur queue, mais pas toi ton œil. »

Un petit rire s'échappa de la gueule d'Aendil.
Il comprenait la surprise de son ancien camarade. Si il était courant de voir des blessures graves bien cicatrisées quelques semaines plus tard, son cas relevait du miracle. Pourtant, il avait toujours pris soin de ne pas donner trop de détails sur sa guérison miraculeuse. Il craignait que les loups blessées aillent voir Ska, lui demandent de les réparer et que ce dernier, trop gentil, accepte au péril de sa vie. Ne pouvant pas passer sa vie à surveiller son enfant -il n'en avait d'ailleurs pas envie, étant bien loin d'être le père le plus responsable du monde- ni lui briser son glowstick, il devait se contenter de cacher l'étendue de son pouvoir à ceux susceptibles d'en profiter.

Même la blessure de Caïn était sacrément moche.
Lors de leur dernière rencontre, quand il était encore aveugle, il n'avait pas eu l'occasion de voir l'étendue des dégâts et pu seulement supposer des difficultés à se déplacer chez son congénère, à l'entente de son pas claudiquant. La réalité était pire, il resterait probablement dans cet état pour le reste de sa vie. Comme lui aurait du rester aveugle jusqu'à ce que la faucheuse se décide à descendre pour venir le chercher. Mais Aendil refusait de le regarder avec pitié. Caïn n'aurait très certainement pas trop apprécié, de toutes manières. Tous deux avait leur honneur.
D'ailleurs, cette blessure n'empêchait visiblement pas le Séide de se promener là ou bon lui semblait.

▬ Je te l'ai pas dit ? Je suis le roi des lézards.

Ce qui lui permettait de refaire pousser n'importe quelle partie du corps de laquelle il serait amputée. Ou du moins, c'était ce qu'il aurait voulu, tout en étant conscient qu'il ne récupérerait jamais son œil droit.
Et ne désirait pas retrouver son usage au prix de nouvelles souffrances pour Ska. Et pour lui, fallait pas déconner, cette fièvre avait bien failli le tuer.

▬ J'imagine que je devrais féliciter l'heureux papa. Les gamins sont plus redoutables que les Precursors quand il s'agit de te casser les oreilles. Prend garde à toi, guerrier.

Il n'avait jamais imaginé que Caïn deviendrait père un jour et sa surprise avait été grande lorsque Illa avait mis leurs trois mômes au monde. C'était toujours mignon un louveteau... au début. Autrefois attendri devant la petite boule de poils claire qu'était sa fille, il avait bien vite regretté de lui avoir donné la vie lorsqu'elle avait commencé à crier de sa petite voix aiguë et à courir partout. Alors imaginer que Caïn s'en coltinait trois fois plus, il ne pouvait avoir que le plus grand des respects pour le loup gris.

Sa remarque eu pour effet de soutirer un bref rire chez son camarade lupin.
Il semblait bien moins maussade, depuis qu'il avait retrouvé son œil. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Il avait été privé pendant un temps d'un de ses sens, se retrouvant contraint à se voir constamment accompagné, ne pouvant se retrouver seul qu'en faussant compagnie à ses infirmières personnelles comme la fois où ils s'étaient retrouvés à la passe ventue.
Et maintenant, par un quelconque miracle, il retrouvait son indépendance. Et toute la fierté personnelle et l’orgueil qui allait naturellement avec.
Alors oui, qu'il ne pouvait être heureux. Caïn aurait bien aimé savoir par quel procédé il avait obtenu à nouveau son œil. Un peu de lèche auprès des dieux peut-être ? Il devrait aller voir Mido tiens, pour espérer regagner sa patte. Un jour. Peut-être.
En attendant, il se faisait à sa situation. Il n'avait pas le choix, de toute façon.
Et puis, ce qui ne nous tuait pas nous rendez plus fort, un truc du genre.

« Je te l'ai pas dit ? Je suis le roi des lézards. »

Caïn plia alors une patte avant, arquant la nuque pour offrir une révérence à l'empereur des reptiles, un sourire fendant ses lèvres.

« Je m'incline face à votre puissance, Roi Lézard. »

Il se redressa ensuite, cette position n'étant pas des plus confortables. Et puisque sa patte lui rappelait à nouveau qu'elle n'était plus des plus saines, il décida de se mettre assis sur le sol, enroulant sa queue autour de ses pattes avants.
Et puis, Aendil apporta sur le tas un sujet quelque peu fâcheux.
Enfin, du moins pour lui. Nombreux étaient les parents fiers de faire part des mésaventures, des succès et autres sottises de leurs garnements. Mais lui n'en faisait pas parti. Il n'appréciait pas vraiment ses gosses. C'était ceux d'Illa, pas les siens : il n'avait joué qu'un faible rôle dans cette histoire, simple géniteur répondant aux envies de sa belle alors que lui n'en avait jamais voulu.
Et encore plus maintenant, quand il constatait leur évolution quelque peu calamiteuse.
Il avait eu un vague espoir, lorsqu'ils les avaient vu pour la toute première fois. A peine âgé de quelques heures, blottis contre le ventre de leur mère.
Mais il avait très vite déchanté.

Il avait d'abord eu quelques espoir en la première née, seule qui possédait un nom donné par lui-même. Pensée. La seule possédant un peu de jugeote, finalement. Néanmoins, il n'aimait guère son aspect trop pédant. Le sale gosse en lui continuait de rejeter les je-sais-tout, chose qu'elle était. A voir si elle parviendrait à se contenir un peu en grandissant, ou si elle deviendrait une bibliothécaire coincée.
Le second, Isiah, lui ressemblait un peu plus au niveau du caractère, il revoyait en lui le louveteau qu'il avait été. Avec quelque chose en plus, cette part de noirceur qu'il parvenait presque à déceler, et qui le laissait sceptique pour la suite.
Quant au dernier, Twitchell...Il se demandait encore comment il avait pu engendrer un tel phénomène de foire, multipliant les troubles et au caractère digne d'une chochotte, à s’aplatir à la moindre remontrance sans chercher à le réfuter, acceptant ses pics comme des remarques pour s'améliorer sans jamais se vexer. Et il avait bien entendu fallu qu'il s'agisse du plus actifs des trois, celui qui se faisait le plus remarquer en multipliant les rencontres et en le collant dès que l'occasion se présentait.

En guise de réponse aux félicitations du mâle, les oreilles de Caïn virèrent en arrière, et il grinça un peu des dents.

« Merci. Il est vrai que je préférerais supporter Krilla plutôt que l'un de ces gosses. »

Ça, c'était dit. Et rien ne laissant prévoir une quelconque trace d'humour, car il était tout à fait sérieux. Ou presque. Il est vrai qu'il préférait encore la présence d'un de ses enfants à celle de la louve qui l'avait privée de sa parfaite motricité. Mais à peu de chose prêt, eh bien...
Bref.
Les sourcils rehaussés, un air un brin désolé sur le visage, Caïn reprit.

« J'espère qu'ils ne perturbent pas trop la quiétude des Brethens...Surtout le dernier. »

Avec sa voix insupportable, à constamment brailler. Ou pire, à chanter.
Et encore, lui ne les supportait pas continuellement, contrairement à son camarade qui vivait à proximité d'eux. Aussi se demandait-il si le Squat n'était pas devenu...un squat, bruyant et où il est difficile de trouver un peu de repos sans se faire déranger par un cri ou un gamin qui vous saute sur le ventre.

Caïn ne semblait pas très emballé.
Ce n'était pas vraiment étonnant, il n'y avait que les femelles ou les papas gâteaux, dont tous deux ne faisaient pas partie, pour s'extasier devant des petites boules de poils bruyantes et hyperactives. Ou alors il n'avait seulement pas eu de chance à la loterie de la génétique et leurs spermatozoïdes les plus foireux avaient gagné la course pour la vie, évinçant ainsi ceux qui auraient pu être supportables. Il n'en savait rien et ne comptait pas renouveler l'expérience, préférant vivre avec le doute d'avoir des gênes complètement foireux -ce qui ne serait pas étonnant, il avait tout de même un fils albinos, un détraqué émotionnel et une pile électrique-. A son plus grand bonheur, il se trouvait désormais libéré de ses responsabilités de père : Sa fille était grande, Ska doux comme un agneau et Lucien... Lucien loin. Son cœur se serra à cette pensée.

Par contre, son camarade n'était pas sorti de l'auberge. Les gamins étaient encore jeune et il en avait encore pour de longs mois à se les coltiner chiants et braillards. Pourtant, Aendil ne détestait pas les enfants. C'était même très mignon... quand ça dormait. Il fallait bien avouer que le mâle blanc avait toujours eu le sang un peu chaud et une patience très limitée.
Il sourit à Caïn.

▬ Au moins, les tiens ne sont pas en train d'élaborer 56 magouilles pour aller se balader tout seul alors que tu leur a expliqué tout autant de fois que c'était dangereux. Ça, c'était ma fille. Une petite peluche lorsqu'elle était petite mais, bordel, qu'est ce qu'elle a pu me faire tourner en bourrique. Le pire, c'est que tu peux tataner un ennemi quand il te fait trop chier. Mais ton gosse, vaut mieux éviter si tu ne veux pas te retrouver avec la mère sur le dos. Tu peux même pas l'attacher dans un coin de tanière si tu ne veux pas passer pour un père indigne.

Même si Caïn n'avait pas été beaucoup plus gâté. D'ailleurs, il se devait de répondre à sa dernière question concernant Twitchell... Un sacré phénomène que ce gamin. Vu de loin, il était mignon. Par contre, quelqu'un le côtoyant tous les jours devait bien vite cesser de penser cela. Il fallait bien avouer que sa voix était... particulière. Aendil s'estimait heureux de posséder des oreilles encore fonctionnelles et ne comprenait pas comment il pouvait en être de même pour celles d'Illa. C'était au moins aussi miraculeux que la repousse de son œil.

▬ Je t'avoue lui souhaiter une extinction de voix de temps en temps... Enfin, rien de douloureux. Juste de quoi l'empêcher de brailler à tue-tête. Je ne suis quand même pas un monstre.

Et encore, lui n'était pas le plus à plaindre puisqu'il passait la plupart de son temps dehors, à chasser ou à se promener. Ce devait être bien pire pour les lanternes qui restaient au camp la plupart du temps.

▬ Laisse moi deviner... C'est Illa qui les a voulus ?

Comment pouvait-il en être autrement ? Vu son expression, il ne pouvait pas imaginer son congénère demander une portée à sa compagne d'un air guilleret. D'ailleurs, il se souvenait encore de la précédente progéniture de la louve brune, un jeune mâle nommé Sohah qui avait disparu du jour au lendemain sans donner d'explications. Qu'était-il devenu ? Était-ce pour le remplacer qu'Illa avait voulu d'autres enfants ? Caïn était il au courant de son existence ? Dans le doute, Aendil préféra ne pas poser de questions à ce sujet.

Le blanc lui esquissa un sourire, sûrement amusé, peut-être aussi compatissant.
Il lui parla alors de sa fille. A toujours vouloir aller se balader seule, élaborant maintes et maintes stratégies pour échapper à la surveillance de ses géniteurs. Petite peluche capable de faire tourner en bourrique le Conseiller Brethen.
Car tel était le pouvoir des enfants : qu'importe le rang de leurs parents, ils étaient capables de les soumettre à eux, d'échapper à leur surveillance, d'en faire ce qu'ils voulaient. Implacables créatures qui ne leur arrivait même pas au garrot, et qui pourtant pouvait leur sauter dessus sans en éprouver la moindre crainte.
Il est vrai que l'on pouvait sans mal mettre à terre un ennemi qui vous cherchait d'un peu trop près. Mais ça ne pouvait être le cas avec votre gosse, sous peine d'avoir la mère sur le dos.
Et le courroux d'Illa, il ne préférait ne pas l'avoir.
Déjà qu'elle tirerait sûrement la gueule si elle venait à apprendre, d'une façon ou d'une autre, ce qu'il disait sur ses gosses dans son dos.
Aendil répondit ensuite à sa semi-question, concernant le cadet de ses enfants. Bien sûr, qu'il était bruyant, bien sûr, qu'on lui souhaitait une extinction de voix.
Une petite angine, quelque chose, rien que ça.
Caïn priait aussi pour que les dieux n'aient pas la fabuleuse idée de lui donner un pouvoir en rapport avec ses cordes vocales. A moins qu'ils ne les améliorent considérablement.

« Laisse moi deviner... C'est Illa qui les a voulus ? »

Un caillou dans la mare.
Il releva les yeux, fixant un instant l'autre mâle. Ses lèvres s'étendirent alors dans un sourire crispé, et il poussa un sourire las tout en haussant les épaules.

« Bingo.»

Si elle ne les aurait pas demandé, jamais ils n'en auraient eu. Caïn n'aimait pas beaucoup les enfants. Du moins, ils n'aimaient que ceux qui se rendaient un tant soit peu utile, de la même manière que les apprentis qu'il avait formé. Hors, en engendrant une progéniture, on n'était jamais certain de tomber sur de bons petits : déformations, problèmes, caractère de merde... Et bien entendu, il avait tiré le gros lots à la loterie.
En même temps, il avait toujours été certains que ses gênes n'étaient pas des plus sains, à en voir certains de ses frères et sœurs aînés, quelque peu dégénérés. Il s'en était plutôt bien sorti, tout comme son seul frère cadet en vie -à moins que ses parents aient pondus après eux une nouvelle fournée de mômes, ce qui n'auraient guère été étonnant en stéréotype white trash qu'ils formaient, et faisant qu'il n'était donc plus le fruit de leur dernière union-.

« Je dois t'avouer que je suis plutôt content d'être resté chez les Séides, pour ne pas à avoir à les supporter constamment. »

Et puis avoir tout le temps sur le dos des gamins qu'on n'appréciait pas plus qu'un autre, c'était plutôt compliqué.
Car Caïn restait un loup difficilement approchable. Il ne s'était ouvert qu'à très peu de camarades, au point qu'il pouvait sans peine les nommer, eux qui tenait sur les doigts de ses pattes.
Aslan. Hylda. Illa. Raw.
Des loups à qui il se confiait sans crainte, témoignait un grand respect, appréciait la simple présence. Ou aimait, tout simplement. Des loups pour lesquels il aurait tué, pour lesquels il aurait sacrifié sa propre vie si la leur aurait été en danger.
A force, il se rapprochait aussi d'Aendil. Assez pour ainsi lui parler, lâchant parfois quelques confidences. Mais pas encore suffisamment pour le protéger quoi qu'il lui en coûte. On pouvait le considérer à la place de l'ergot.
Quoi qu'il en soit, ses enfants ne faisaient pas parti de ce cercle privé. Du moins, pas encore. A voir s'ils parviendraient à s'entendre un jour, lorsqu'ils seront devenus grands et plus matures.

Enfin bon, il ne pouvait pas non plus rejeter constamment la raison de leur existence sur Illa. Il avait accepté sans chercher de compromis, pensant que la louve lui en aurait voulu par la suite. Et si ça n'avait pas été le cas ? Si elle s'était raisonné ? Il en doutait. Et puis, elle semblait pleinement épanouie, avec ces gamins à ses côtés. Il pouvait se permettre de s'investir un peu plus dans son clan, sans craindre que la louve ne retombe dans une dépression, due à une trop grande solitude.
Nouveau soupir.

« Enfin, je n'ai pas trop à me plaindre non plus, au moins ont-ils suffisamment de potentiels pour un jour servir convenablement leur clan. Je crois. »

Via l'intelligence ou la force, selon leur profil. Il devait s'estimer heureux, de ne pas avoir engendrer de futurs adultes inutiles. Car ça, il ne l'aurait vraiment pas supporter.
Le gris arqua les sourcils, dardant ses yeux verts clairs sur le mâle clair, reprenant la parole.

« Sinon, ça se passe bien, la retraite ? »

Ils n'allaient pas passer leur temps à parler de ses gosses non plus.
Et puis, Caïn était curieux de savoir si le mâle s'y faisait, à sa nouvelle condition. Caïn savait que son tour non plus ne tarderait pas, que le jour où il renoncerait à sa place de Bêta approchait dangereusement. Il fallait qu'il se fasse une raison, et passe à autre chose en trouvant ailleurs sa place.
Comme l'avait sans doute fait Aendil avant lui.

Pauvre Caïn.
Aendil se sentait partagé entre l'amusement lorsqu'il voyait les babines de son congénère s'étirer en un sourire crispé et la compassion. De toute évidence, il n'avait pas voulu de ces gamins et se portait bien mieux lorsqu'il s'en trouvait loin. Illa avait quand même de la chance d'avoir un compagnon pareil, d'autres n'auraient pas été prêts à un tel sacrifice par amour. Car, Aendil en aurait mis sa patte à couper, c'était ce sentiment uniquement qui l'avait poussé à lui faire ce cadeau. Pourtant, Caïn n'était pas parfait non plus puisque -comme il l'avait souligné- il demeurait chez les Séides ce qui l'empêchait d'être constamment présent pour sa famille. Enfin, ce ne devait être qu'un prétexte pour ne pas se trouver en compagnie de ses enfants. Auquel lui seul avait le droit puisque les autres papas ne fréquentaient pas une louve du clan d'en face, en général.

« Enfin, je n'ai pas trop à me plaindre non plus, au moins ont-ils suffisamment de potentiels pour un jour servir convenablement leur clan. Je crois.

Aendil manqua de pouffer mais se retint. Il n'était pas aussi optimiste que Caïn concernant l'avenir de ses rejetons, probablement par ce qu'il avait toujours été un loup exigeant. Si la femelle Pensée semblait assez prometteuse, il ne savait pas quoi penser d'Isiah et surtout... de Twitchell. Par ce qu'à part un avenir dans la chanson paillarde, il ne voyait pas vraiment ce qu'il adviendrait de lui. Ceci dit, si jamais le petit rosé devenait une star de la chanson, rien ne l'empêcherait, lui, de commercialiser des produits dérivés du jeune prodige à commencer par un CD à son paternel. Aendil était certain que cela lui ferait grand plaisir.
Enfin, peut-être que Spike en ferait un bon individu. Il fallait l'espérer.

« Sinon, ça se passe bien, la retraite ? »

Gnnnnnnn.
Cette fois ci, ce fut au tour d'Aendil d'offrir un sourire crispé à Caïn. Toute sa bonne humeur s'était soudainement éclipsée à l'entente de cette question et il se retrouvait plongé dans son dilemme habituel : Devait-il faire semblant de s'en foutre et l'assurer que ça faisait du bien de se reposer un peu après des années de bons et loyaux services à la meute ? Ou alors devait-il et honnête et lui expliquer, avec force de jurons, qu'il n'avalait que difficilement la pilule, rageait tous les jours un peu plus de voir le clan dirigé par des loups qui n'étaient pas lui et dont les profils le laissaient parfois sceptique, entre la compagne d'un Séide, un idéaliste et un quasi-muet. En fait, il se sentait un peu comme un vieux commandant aguerri devant ses toutes jeunes recrues un peu bras cassés. Néanmoins, il ne pouvait évidemment pas raconter tout ça à Caïn puisque sa compagne était l'une des conseillères.
Hahahaha cette logique, nommer la compagne d'un Séide au conseil.
Hahaha....

Son sourire se transforma furtivement en une expression grognonne qu'il tâcha se chasser le plus vite possible.

▬ J'ai la gueule de ceux qui se satisfont d'une retraite peinarde ?

Ce n'était même pas agressif.
La réponse était évidente : non. Aendil se sentait encore jeune. Plus encore, grondait toujours en lui cette rage, cette envie de guider les siens et de leur assurer la vie la plus paisible possible, cette même vie qu'il ne s'offrait même pas. Evidemment, qu'il se faisait chier en tant que simple éclaireur. Pour ça, il avait même envisagé de quitter la meute mais était finalement revenu sur sa décision : Jusqu'à son dernier souffle, il se devrait de garder un œil sur son bébé, sa meute. Ce n'était pas demain la veille que les petits nouveaux se débarrasseraient de lui et de son encadrement. Par ce qu'Aendil n'avait réellement confiance qu'en lui même.

▬ Et toi donc ? Tu occupes toujours ta fonction de chasseur malgré les sales coups du destin ?

Il voulait évidemment parler de sa patte détruite.