Entre chien et loup [PV Némésis]

Les jours passaient et se ressemblaient, Amestrys ne se sentait plus de vivre, ça n’avait pas de sens. La rage, la douleur, tout ces sentiments s’entremêlaient et ne laissaient derrière eux qu’une maigre carcasse un peu aigrie malgré son jeune âge. Son corps était marqué, un squelette aurait presque eut plus de volume, et sa grande taille n’arrangeait en rien l’image qu’elle renvoyait. Son seul bouclier était cette fourrure semblable à celle de son défunt père et ce masque qui trônait fièrement sur sa tête.

Dans l’obscurité naissante, on ne distinguait plus que ses yeux d’émeraude. Un bien triste tableau mais cela faisait son effet, personne ne semblait l’approcher. Etait-ce mal ? En vouloir à sa mère, à son père et au monde entier ? Peut être. Trys se situait à la lisière du bien et du mal, un peu comme si jongler entre la vie et la mort lui faisait plaisir. Elle déambulait tel un fantôme, arpentait les sentiers battus tout en cherchant le sien. La louve grise se demandait bien si elle devait rejoindre un clan, histoire de changer sa vie. Les Séides ? Elle avait de la famille là bas mais les raisons qui la pousseraient à y aller et y vivre seraient des plus négatifs. Quant aux Brethens, ils semblaient bien loin de ce qu’elle pouvait être.

Sans trop y prêter attention, la louve tout juste adulte se tenait prostrée entre deux racines. Comme si elle attendait quelque chose, mais quoi ? Son masque osseux lui masquait le visage et assombrissait sa vision. Cependant, elle pouvait toujours voir l’arbre changer à mesure que le soleil finissait sa course du jour. Il brillait ça et là de lueurs étranges. Une odeur presque alléchante titilla son museau. La demoiselle secoua la tête, ce n’était pas ça, un rêve tout au plus. Il y avait quelque chose, un étranger se baladait non loin. La faim lui tiraillait les boyaux si bien qu’un loup ou autre chose cela ne faisait pas grande différence.

Une silhouette qui se dessinait, étrange munie d’une seule aile. La jeune solitaire n’apercevait que les contours vaguement illuminés par les insectes qui tournoyaient autour. Son masque n’arrangeant que peu la définition. Néanmoins, un bâton de lumière orange brillait à son cou, un glowstick simple. La grande louve squelettique huma l’air, inspirant et expirant pour deviner une odeur assez familière. La douce fragrance des Séides, c’en était presque gerbant. Trys retint un haut-le-cœur pour ne pas montrer sa gêne face aux membres insensibles de ce clan. Et visiblement cette louve ne faisait pas exception à ce qu’elle avait toujours pu voir de leur part. Un profond mépris s’installait sous sa chevelure rosée puis elle marmonna :

« Si tu le dis. »

La louve au manteau de fourrure ne pouvait pas réellement le nier ; la vie n’était pas la plus tendre avec elle. La paire d’émeraude fatiguée continuait de fixer l’inconnue, guettant sagement le moindre mouvement brusque mais apparemment ce n’était pas encore son heure. Et puis pourquoi s’en ferait-elle ? Après tout cette terre restait une zone neutre et personne ne devait la connaître vu le peu de temps passer dans la cordillère. Ames’ se racla la gorge pour pouvoir parler un peu plus fort :

« Qui es-tu ? »

Ses questions se limitaient volontairement au strict minimum, sa volonté n’étant pas réellement de porter l’attention sur elle. Il en aurait été autrement dans une autre vie, peut être. Mais à cet instant précis, la solitaire ne cherchait qu’à se cacher pour réfléchir un peu. Sans son père, elle devait trouver un sens à sa vie, même le plus futile et les interférences des autres ne l’aideraient sûrement pas.

Visiblement, la louve rouge ne semblait pas belliqueuse pour un sou, ce qui arrangeait fortement la jeune. Heureusement, car elle n’avait ni la volonté ni la forme pour engager un combat. L’hiver n’épargnait personne.

Alors que le faible manteau de neige crissait sous le poids des deux individus, la séide se présenta. Un signe rassurant de plus, même si elle semblait bien bavarde et curieuse. Le minimum de civilité s’imposait à la solitaire quand bien même se présenter face à ce qui représentait une menace la révulsait.

« Amestrys. »

Répondit-elle froidement, tout en se relaxant un peu. Une chose restait sûre, elle ne montrerait son visage que si une bonne raison ou un état de confiance s’installe. Un climat qui, dans les faits, sera impossible. Trys continuait d’observer la partie adverse sans montrer d’animosité. En profitant même pour s’assoir gentiment dans son coin.

« Je ne pensais pas que quelqu’un de ton clan viendrait par ici à une heure pareille. »

La soigneuse itinérante pensait réellement se trouver tranquille pour dormir mais la vie était faite de tant d’imprévus que ça ne la surprenait pas. Tout comme le bruit du vent qui faisait battre les branches au dessus de sa tête. La demoiselle grisâtre gratta le sol de ses griffes, comme ci cela l’aidait à réfléchir. Pouvait-elle simplement discuter avec une inconnue ? Non pas que le droit lui empêche ce genre de contact mais moralement était-ce bon ? Trys se torturait les méninges pour finir par demander :

« Que fais-tu par ici Némésis ? »