Ombres et Lumières | Curse

Elle était revenue sur l'Île Fantôme.
Cela faisait bien longtemps qu'elle n'y avait pas mis les pattes. Apparemment, les souvenirs sombres qu'elle y avaient repoussaient ce lieu de ses destinations. Pourtant, elle s'était forcée y rediriger ses pas, d'abord parce qu'il était ridicule de garder cet espèce de pseudo-traumatisme qui l'en éloignait, mais aussi parce qu'elle espérait pouvoir vraiment être seule ce soir-là. Le crépuscule était tombé doucement sur les terres, et sans doute le continent baignait-il encore dans la lumière flamboyante de la fin du jour. Mais ici, au coeur des brumes, il lui semblait déjà être au plus profond de la nuit. Elle avait pris sa décision. Le lendemain, elle irait s'adresser aux dieux et scellerait son destin. Elle se demanda d'ailleurs pourquoi elle n'avait pas pris la peine de rester au campement, au milieu de ces visages familiers, de ces loups sympathiques et dans ce cocon qu'elle serait peut-être bientôt contrainte de quitter.

Malgré ce qui risquait de se passer, elle avait décidé que ce soit serait de nouveau un soir de solitude. Elle était parfaitement réveillée, l'eau froide de la langue de mer qu'elle avait traversée l'ayant revigorée étrangement... positivement. Ses cheveux étaient encore humides sur ses épaules, et l'air était saturé de l'odeur des embruns. Elle s'arrêta sur la plage et la contempla en silence. C'était ici qu'avait tragiquement vu le jour Tatsu, la fille de Valka. Elle avait été là ce jour-là, pas forcément très utile, pas forcément très préparée. Mais bel et bien là. Elle soupira et reprit son chemin, décidant cette fois-ci de s'enfoncer un peu plus dans l'île, laissant derrière elle la plage et ses souvenirs qui dansaient comme des fantômes.

Elle tomba, après quelques temps de marche silencieuse, non sans surprise sur le Cimetière qui se trouvait au centre de l'île. Elle pensait qu'il lui aurait fallu plus de temps pour l'atteindre, mais à demi-plongée dans les images qui dansaient sous ses paupières, elle avait parcouru le chemin comme une ombre, presque sans s'en rendre compte. Elle y entra d'un pas prudent, ne sachant trop comment s'y comporter. Les centaines de stèles qui s'étalaient jusqu'à se perdre dans le brouillard avaient quelque-chose d'intimidant, pour qui n'était jamais venu. Elle se demanda naïvement, une seconde durant, si sa mère était ici. puis elle chassa cette idée - c'était tout simplement impossible, elle n'avait jamais vécu ici et n'y avait pas non plus trouvé la mort. Elle s'avança finalement entre les allées, et son regard fut attirée une tombe dont on avait orné la pierre d'un cristal bleuté. Elle s'approcha et s'arrêta devant, comme fasciné.Il semblait luire d'un éclat léger, unique lumière au milieu de ces vagues de ténèbres.

Ombres et Lumières

Curse ft. Romance

Il était encore sur l'Île Fantôme.
Il fallait dire qu'il y passait beaucoup de temps. Déjà, à cause de son rang. En tant que Croque-Mort officiel des Séides, il se devait de respecter les morts, de s'assurer que chacun d'entre eux était enterré selon leurs coutumes, que chacun d'entre eux avait un endroit où leurs proches pourraient se recueillir. C'était son devoir de faire en sorte que le défunt soit mis en terre dignement. Oui, et aussi, c'était pour lui une manière pratique de vider les corps de leur sang, afin de se nourrir sans avoir à mordre quelqu'un de vivant. Car, voyez-vous, Curse était frappé par la malédiction des vampires : il avait besoin de sang pour survivre. Cependant, il avait bien trop peur d'être incapable de s'arrêter, de vider complètement de son sang quelqu'un, pour oser mordre une personne vivante. D'où l'utilité du rang de Croque-Mort. Qui gère les cadavres ? Lui. Les cadavres contiennent quoi ? Du sang. Entre autres. Vider les carcasse de leur hémoglobine était-il moral ? Nah. Mais tuer des gens l'était encore moins. Quand trop de temps passait entre deux morts, quand le loup noir en venait à épuiser ses réserve, il se tournait alors vers les animaux. Il n'aimait pas du tout le sang végétarien. Mais un mal pour un bien, comme on dit.

Enfin, bref, quand Curse en avait l'occasion, il traversait à la nage les eaux sombres qui séparaient cette île lugubre sur laquelle il se sentait si bien avec un cadavre plus ou moins frais, effectuait sa petite besogne puis enterrait dignement le pauvre défunt. Ce jour-là, il avait eu de la chance. Il en était à son deuxième jour d'affilé à se sustenter au sang de cervidé et il commençait à en avoir mal au cœur. En arpentant les terres solitaires, l'adulte dans la fleur de l'âge tombant -de façon ô combien convenante - sur le cadavre d'un solitaire mort de vieillesse. Eh bien, le sang de vieux croûtons n'était pas le meilleur des nectars, mais comparé à celui d'un cerf, c'était l'ambroisie des dieux. Alors le charmeur de ces mâles traîna la carcasse sur son dos, traversant les bois, les prairies, la mer. L'eau était diablement froide en cette journée d'hiver, mais rien ne pouvait se mettre entre Curse et la perspective d'un vrai bon repas.

Une fois sur l'île, qu'il croyait bien être le seul à trouver accueillante, il se dirigea aussitôt vers l'un des trous qu'il avait préalablement creusé à l'automne. C'était assez pratique. Il creusait les trou quand la terre était encore meuble, les remplissait de neige, puis remplaçait celle-ci par de la terre lorsque le printemps faisait chanter les oiseaux. Bon, il ne fallait juste pas tomber sur l'une des tombes au printemps, quand la neige perdait sa dureté, ou quand on pouvait apercevoir le macchabé gonflé d'eau, déformé. Ça puait et c'était carrément dégueux. Mais bon, comme la majorité des loups évitait cette section des terres de PunkWolf, c'était assez rare que Curse tombe sur un pauvre être effrayé, dégoûté, ou pris au piège d'une tombe.

Alors, donc, Curse s'était coltiné le chemin avec un poid mort sur les épaules, et ce n'était certainement pas pour le laisser tomber dans le trou et puis basta. Abandonnant le cadavre près de son dernier lieu de repos, le loup vampire s'éloigna ensuite pour récupérer son système de transfusion. Grâce à ses poches de sangs et ses tubes, il pouvait drainer le sang d'un mort proprement, dans plusieurs petits sac d'au maximum un litre chacun. Le principe était assez simple. L'un des bouts du tube était armé d'une aiguille impressionnante, qu'il devait planter dans une artère. S'il avait de la chance, la rigor mortis et le froid n'avait pas encore figé l'hémoglobine et il pouvait simplement vider le corps. Dans le cas contraire, celui-ci ne lui était plus d'aucune utilité et il sautait immédiatement à la case " Enterrement ". Cette fois-ci, il eu de la chance : le cadavre étant frais et la température ayant été clémente, le sang du mort, bien que plus épais que la normale, se laissa gentiment tirer hors du corps. Curse en profita donc, avant de se lancer dans la deuxième partie de son boulot, pour se faire un petit en-cas. Il bu donc directement à l'un des sacs, le contact de l'hémoglobine lupine sur sa langue le faisant presque grogner de plaisir. Combien il aimait ce goût, même affadit par la mort et la vieillesse.

Le loup noir dissimula le reste des poches de sang dans sa cachette habituelle, puis revint à sa besogne. Il sentait les changements du sang s'opérer en lui. C'était son groupe sanguin favori, celui qui attisait sa luxure. Sa démarche se faisait plus féline, son regard plus suave, son humeur plus séductrice. Il mena sa tâche à bien avec minutie et grava même dans la pierre tombale qui surplombait le lieu de repos du mort une petite épitaphe.
Cî-git un Solitaire oublié de tous, emporté par l'hiver et le temps.
Satisfait de son travail et rassasié, le Séide entama le chemin du retour. Mais il ne fit que quelques pas à travers le cimetierre avant de repérer une âme qui vive. Une superbe louve d'un gris bleuté qui attirait le regard, surtout dans cet endroit sombre. Il se demanda donc ce qu'elle pouvait y faire. Venait-elle se recueillir sur la tombe d'un proche ? Hm. Il se souvenait de chacune de ses mises en terre, de chasue loup enterré. Il ne se souvenait pas que qui que ce soit ne soit jamais venu rendre visite à la louve plongée dans un sommeil éternel sous les pattes de la louve grise. D'ailleurs, il la connaissait, cette jolie louve. C'était une Séide, il l'avait vu quelque fois. Son nom, il l'avait retenu après l'avoir entendu de la gueule de quelqu'un d'autre, car il le trouvait délicieux. Romance… Se glissant parmi les ombres jusqu'à la femelle, un sourire charmeur apparu automatiquement sur les babines du croque-mort.

« Bonsoir, belle Romance, souffla-t-il en s'asseyant dans un rayon de lune. Jolie, n'est-ce pas ?, commenta-t-il en remarquant qu'elle observait la pierre qu'il avait incrusté dans la stèle de la défunte louve.[color=black] Tout comme vous, cette louve était magnifique. Lorsque j'ai vu cette pierre je n'ai pu résister à l'envie de la laisser comme souvenir de la magnificence de cet être que la mort avait emporté. La connaissiez-vous ?[/color, demanda-t-il doucement, son sourire dévoilant légèrement ses crocs à peine plus longs que la normale.

code by Elle

Sujet: Re: Ombres et Lumières | Curse Lun 28 Mar 2016, 11:13

[Mes excuses pour le délai de réponse ^^"]

Elle n'avait pas entendu l'autre s'approcher, le regard perdu dan les éclats bleutés de la pierre, aussi sa voix la surprit-elle. Elle redressa les oreilles et tourna la tête, son attention se déportant de la tombe pour aller se poser sur la silhouette qui venait d'apparaître dans la lumière de la lune. C'était un loup au pelage sombre, mêlant gris acier et anthracite, et au visage encadré de mèches blanches et rouges. Ce qui était le plus carmin cependant dans ce nouveau venu était son regard, presque perturbant. Il semblait luire légèrement dans les ténèbres. Mais elle ne sut si ce n'était qu'un effet de leur couleur marquée ou si ses yeux étaient bel et bien luminescents. Une étrange aura semblait l'entourer, qui allait à la perfection avec le timbre suave sur lequel avaient été prononcées ses paroles. Une aura féline et qui semblait chargée de séduction. Avant qu cela n'aie le moindre effet sur elle, cela attisa sa curiosité. Elle n'avait jamais vu quelque-chose de tel sur l'un des loups du clan - ou n'importe quel loup d'ailleurs. Une lueur fascinée passa dans ses yeux dorés. Il avait un sourire un peu étrange aussi, mais sans qu'elle ne parvienne exactement à déterminer pourquoi.

"Bonsoir Croque-Mort." Répondit-elle de son timbre délicat. "Pardonnez-moi je ne connais pas votre nom." Ajouta-t-elle ensuite d'un ton légèrement gêné.

Rien à voir pour elle avec cette espèce de croyance comme quoi connaître le nom de quelqu'un donnait une sorte de puissance. Elle était juste confuse que quelqu'un la connaisse, alors que la réciproque n'était pas vrai : cela lui donnait la dérangeante impression que ce loup lui avait prêté un semblant d'attention, alors qu'elle n'en avait pas fait de même. Son regard se reporta sur la tombe ornée de la pierre.

"Non. Je ne connais personne ici." Répondit-elle à son interrogation.

Et c'était bien vrai. Elle n'avait aucune idée des noms des parents de son paternel, et la notion d'ancêtres se résumait pour elle à une brume épaisse, sans couleur ni patronyme, dans laquelle flottaient des visages qu'on ne pouvait décrire. C'était sans doute un peu de sa faute aussi, elle n'avait jamais vraiment interrogé Anthem à ce sujet. Son regard s'était perdu quelques instants, et elle revint à la réalité en terminant :

"Mais elle est très jolie. C'est un bel hommage."

Elle rendit un léger sourire au mâle.

"Vous vivez ici ? On ne vous croise pas souvent au camp."

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