Ennemis [Pv.Tatsu]

Tu ne devrais pas te rendre là-bas.

C'est ce que lui avait soufflé la petite voix de son glowstick, alors qu'il se rapprochait dangereusement des mines abandonnées. Mais Twitchell, malgré la peur qui le rongeait intérieurement, avait décidé de s'en approcher tout de même. Il n'avait entendu parler de cet endroit que par les loups plus âgés que lui. Des rumeurs, des légendes, une part d'histoire importante. Il voulait vérifier qu'on ne lui racontait pas que des salades, que tout cela était vrai.
Cet endroit avait été le berceau des Précursors. Là où ils se réunissaient, là où ils se terraient en attendant qu'on vienne les déloger. Là où ils avaient aussi attrapés des loups pour les amener au fond de leur antre, pour leur ouvrir la gorge ou leur disloquer un membre. Des loups étaient morts, là-dedans. Des méchants comme des gentils.
L'échine du jeune loup se redressa.
Finalement, est-ce que c'était une si bonne idée que cela, de se rendre au fond de cette antre ? Et s'il en croisait un, justement, des Précurors ?! Non, ils n'étaient plus là. De toute façon, ils devaient être bien vieux maintenant...non ?
Le Brethen se figea.

Il était maintenant à l'entrée de la mine, les poutres de bois délimitant l'intérieur de l'extérieur. Ses yeux sondaient au mieux le couloir principal, il alla jusqu'à plisser les yeux pour tâcher d'en apercevoir le bout. Au mur, les torches faisaient danser leur lumière tamisée et vacillante. Ça n'avait rien de rassurant, tout cela.
Avalant sa salive, les traits tirés sous une légère angoisse, Twitchell décida d'être courageux. Après tout, il était un éclaireur du clan Brethen désormais, il se devait de faire honneur à son rang. Alors, il s'avança.
Le moindre de ses poils étaient dressés sur son dos, mais il tachait de lutter contre l'envie folle de faire demi-tour. Et puis, maintenant, il avait son glowstick pour le défendre ! Même s'il n'avait pas encore découvert son pouvoir, si ce n'était la voix qu'il entendait désormais, et qui tachait de lui donner des conseils et autres recommandations.

Continuant à s'enfoncer dans les méandres des mines, il commençait tout de même à ne point regretter cette escapade. Après tout, il n'avait encore jamais vu d'endroit tel que celui-ci ! Des tunnels creusés à même la pierre, le plafond soutenu à l'aide de poutres solides. Des rails au sol, qui allait toujours plus bas dans la terre, droit vers les abysses de ce monde. Des wagons, aussi, parfois renversé sur le côté. Il se serait cru dans un des bouquins qu'il avait lu. Un peu en enfer, aussi. Il faisait après tout diablement chaud.
Tout cela commençait à prendre des allures de promenade de santé, finalement.
Du moins, s'il n'y avait pas eu ce bruit de chaine inexpliqué.
Un bruit qui résonna du tréfonds du couloir, là où sa vue ne pouvait percer convenablement. Un cliquetis, une chaine que l'on fait tomber, quelque chose du genre.
Son souffle se coupa net.
Ne restant pas plus longtemps interdit, Twitchell fit volte-face et s'éloigna en courant, de peur de se faire prendre. Sa précipitation eut raison de lui, car bientôt il s'égara, incapable de remonter sa propre odeur tellement il était passé un peu partout.

Ralentissant l'allure, les larmes au bord des yeux, il se risqua à suivre une lumière bleutée qui s'échappait d'une entrée. Reniflant, ravalant sa morve d'un air pitoyable, il s'avança fébrile dans ce sous-lieu, ne sachant absolument pas où il venait de mettre les pattes.
Dans de l'eau turquoise et brillante, à voir dans quoi il marchait.
Relevant la tête, il calma sa respiration. C'était joli, ici... Etait-il prêt de la sortie ? Il se risqua à monter les escaliers, curieux de voir ce qui se trouvait en haut du piédestal. Et si, par la même occasion, il pourrait mieux observer les alentours et trouver un échappatoire à cet endroit.
Mais à voir ce qui se trouvait en haut, il eut un haut le cœur.
Du sang. Du sang partout. Des touffes de poils et des ossements, aussi.
S'en était trop !
Il regretta de ne pas avoir écouté sa mère, et d'avoir évité cette horrible mine.
Il recula alors précipitamment, jusqu'à se culbuter à quelque chose.
Ou plutôt, à quelqu'un...
Basculant sur le dos, il couina alors d'un air affolé :

« PITIÉ ! MERDE PUTAIN T'ES MORT ! »

Il était de plus en plus rare que Tatsu ne s'éloigne des limites de son territoire.

Ce jour-là, l'ennui l'avait rattrapée, à tel point qu'elle s'était mise en route, à l'instinct, laissant ses pattes la porter là où elles le désiraient, et ce fut ainsi qu'elle se retrouva en terres libres. Autrefois, elle avait craint cet endroit. Aujourd'hui, son ressenti était des plus neutres. Elle n'avait plus peur de tomber sur un Solitaire ou sur un Brethen, et espérait à moitié retrouver l'un des Precursors. Elle n'avait pas eu d'entraînement martial, et n'était donc pas tout à fait disposée au combat, mais la perspective d'affronter un autre loup ne la remplissait que d'impatience. C'était étrange. Cela venait sans doute des gènes de Raw, mais elle se refusait à penser de la sorte. Elle n'avait rien à voir avec son père, et c'était tout. Les muscles tendus à se rompre, elle progressait rapidement, et prenait peu garde à se montrer discrète. En outre, Tatsu s'exposait. Et elle ne savait même pas pourquoi.

Au bout de plusieurs heures de marche, elle tomba sur un endroit tout à fait particulier, qui fit aussitôt écho à une description que Valka lui avait fait d'un certain champ de bataille. L'endroit avait une odeur horrible. Malgré le temps qui était passé, on voyait clairement des marques très sombres sur le sol, là où le sang avait coulé. Le poil hérissé, la louve déglutit et avança jusqu'à un mur de pierre, où une entrée très nette et bien dessinée lui faisait face. C'était sombre, humide, et des relents de morts lui parvenaient. Oui, sa mère lui avait bel et bien parlé de cet endroit. Elle en avait rêvé, cauchemardé, après qu'elle ne lui eut compté l'histoire qui s'était déroulée en ces lieux. Mais il était temps pour elle de sortir définitivement de l'enfance, et d'affronter la réalité de la vie bien en face. Elle plissa les yeux, prit une brève inspiration sèche, et entra dans la mine.

Ses griffes cliquetaient sur le grès. Elle ralentit et progressa à pas très doux pour ne pas faire le moindre bruit. Son corps mince n'effleurait même pas les côtés de la galerie pourtant étroite. Ombre parmi les ombres, elle progressa lentement, le cœur battant si fort qu'elle en avait mal aux tempes. Une lumière très faible lui parvenait d'en face. Le sol remontait en pente très douce sous ses pattes. L'odeur de la mort, de la peur et du sang lui emplissaient les narines. C'était une expérience affreuse. Pourtant, elle ne fit pas demi-tour, et continuait toujours vers la source de la lumière.

Le chemin déboucha sur un promontoire de pierre. En dessous, il y avait de l'eau, très claire, et étrangement lumineuse. Au centre, une presqu'île de roche accueillait de multiples ossements. Avec un haut le coeur, Tatsu comprit qu'elle se trouvait au-dessus du Purgatoire. Elle se recroquevilla sur elle-même et observa les lieux avec attention. Il y avait là des geôles, des ossements variés, des outils qu'elle n'identifia pas. A bien y regarder, elle avait l'impression de voir une silhouette ... Mais pouvait-elle être vivante ? Intriguée, elle l'évalua du regard. Ce n'était pas très grand. Elle n'arrivait pas à capter son odeur, à cause de tous les effluves nauséabonds des environs. Elle décida donc de s'en approcher. Elle longea le chemin autant qu'elle le put, et descendit progressivement, sans bruit. Elle approcha l'individu par l'arrière, et se figea lorsque celui-ci se mit à reculer. C'était bien un loup. Jeune. Plus petit qu'elle. Elle s'immobilisa et se raidit lorsqu'elle comprit qu'il allait lui rentrer dedans. Au contact, le jeune mâle se jeta au sol, les pattes tendues vers l'avant pour protéger son ventre, et se mit à hurler grâces et invectives en même temps. Tatsu fronça les sourcils et grimaça.

Elle tendit l'une de ses pattes griffues vers lui et lui asséna un coup sur le derrière, avant de la reposer au sol.

- Hé, ho. Debout.

Il était terrorisé au-delà des mots. Quelque chose en elle se mit à crépiter. La sensation qu'elle éprouvait à l'idée de se savoir crainte lui procurait un plaisir aussi intense qu'inattendu. Elle plaqua les oreilles en arrière et se força à reculer d'un pas en poussant un soupir exaspéré.

- Je suis pas un Precursor.

Et lui ?
Alors qu'il roulait sur lui-même, elle entrevit un éclat violet au niveau de sa queue. Ses mâchoires se serrèrent. Était-ce un voleur de glowstick, ou bien un Brethen ? Dans les deux cas, il était son ennemi. L'échine de la louve, au lieu de s'aplatir, se hérissa autant que possible, et un mouvement spasmodique agita ses babines. C'était bien là une rencontre des plus déplaisantes.

- Et toi ? jeta-t-elle. T'es qui ? Et qu'est-ce que tu fous ici ?

C'était plutôt suspect qu'un loup aussi jeune ne traîne dans le coin. Surtout non accompagné. Il avait beau porter un glowstick, Tatsu était convaincue qu'il ne l'avait pas depuis longtemps. Encore l'un de ces écervelés qui se pensait prêt à affronter toutes les puissances du monde, juste parce qu'il avait reçu une bénédiction ... Elle serra les mâchoires et se concentra pour retenir un grondement, la queue dressée et les muscles tendus.

Peur.
Seule la peur l'habitait. Il aurait voulu fuir, ou disparaitre, ou les deux à la fois si c'était possible. Il ne savait pas trop, il ne comprenait plus rien. Pourquoi ne pouvait-il pas aussi bien réfléchir que son frère et que sa sœur ? Ou que sa maman ou son papa. Car lui, à l'inverse de ces quatre là, ne savait quoi faire dans les situations de ce genre.
Des situations imprévisibles, qui survenait vicieusement pour le prendre au dépourvu. Avant sa logique, c'était donc ses sentiments qui réagissaient. Comme actuellement, l'angoisse le paralysant au sol.
Il sentit une patte se poser dans le bas de son dos, des griffes tendues sur sa peau sans pour autant pourfendre sa chaire et faire couleur son sang. Et puis, le contact disparu, et une voix s'éleva à ses oreilles, perçant à travers les sifflements dû au malaise qui le menaçait.

« Hé, ho. Debout. »

On lui ordonnait de se lever. Machinalement, sans même qu'il y pense, son corps se redressa alors. Tenant fébrilement sur ses quatre pattes, la queue entre les pattes et la tête baissée, il n'osait relever la tête vers celle qui venait de prendre la parole. Il était même surpris d'être capable de tenir debout, à vrai dire.
Il se risqua cependant à relever un œil vers elle, juste pour voir à quoi elle ressemblait, avant d’enfouir à nouveau son museau dans son écharpe. C'était une louve brune et beige, au glowstick bleu, qui semblait plus âgé que lui. Elle avait aussi l'échine hérissée, chose qui ne le rassurait absolument pas.
Elle allait le frapper, le mordre, faire couleur son sang. Le blesser, le torturer, le tuer... ?!
Ses muscles se tendirent un peu plus, sa respiration se fit plus rapide et un couinement aigüe s'échappa d'entre ses crocs.
Mais elle ajouta alors autre chose. Elle n'était pas un Précursor. Oh ? Elle lui retourna la question, lui demandant qui il était et ce qu'il venait faire ici.
Il renifla, puis se redressa un peu. Sa position était encore un peu soumise, avec son dos légèrement vouté et sa queue qui pendait, comme incapable de se redresser. Mais au moins offrait-il une vue sur son visage, et il pouvait mieux voir cette louve.

« [...] Et qu'est-ce que tu fous ici ?
- Etqu'est-cequetufousici ? »

Elle n'avait toujours pas l'air très contente.
Vite, il devait lui répondre, sinon elle allait finir par le taper pour qu'il parle plus vite ! Prit de tremblements incontrôlés, il bégaya quelques phrases peu compréhensibles.

« J-J-Je suis Twitc-TWEET. FACE DE..Brethen, j'suiis,... »

Il passa d'une patte à l'autre, nerveux, les yeux rivés vers elle sans pour autant la regarder dans les yeux, de peur qu'elle prenne ça pour une confrontation.

« Je sais pas pourquoi je suis ici, aaarh !! Je suis perdu, je voulais juste voir à quoi ça ressemblait la mine, mais MINABLE, iiih promis pardon je voulais pas te rentrer dedans NIQUE TA SŒUR. »

Pause. Il redressa un peu plus le museau, les lèvres pincées.

« ...et toi? »

Tatsu se tenait là, droite, raide comme la justice, à dévisager l'énergumène sans mot dire.

Il n'avait pas l'air tout à fait entier. D'un côté, la louve était agacée : elle n'était pas venue ici pour se retrouver avec un adolescent déviant et sûrement dérangé mentalement, elle avait bien d'autres chats à fouetter. De l'autre, et bien malgré elle, elle ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver une certaine pitié. Et, au-delà de tout cela, elle ressentait un mépris sans bornes à l'égard des Brethens, flegmatiques au point de considérer qu'un loup ayant reçu son Glowstick était immédiatement capable de se débrouiller seul. Ce gamin avait de la chance de n'être tombé que sur Tatsu. Il y avait pire, dans les alentours. La louve ne put s'empêcher de sursauter aux insultes proférées par le jeune, mais ne rétorqua pas. Elle aurait presque dit que les injures franchissaient le seuil de ses lèvres de manière incontrôlée, et de toutes façons, ce n'était pas à elle de faire son éducation. Il avait passé l'âge, de toutes manières. Elle affichait toujours un air réservé, limite sévère, les oreilles légèrement orientées vers l'arrière et le poil de l'échine dressé, malgré ses efforts pour le laisser retomber.

Elle n'avait pas tout à fait saisi son prénom. Twitctwit, face de Brethen ? Elle se mordit l'intérieur des joues. Ça n'allait pas être de la tarte. Il fallait qu'elle aborde la chose avec le maximum de sang-froid ou de recul possible, où elle ne s'en sortirait jamais.

- Ok, alors, pour commencer, je n'ai pas de soeur.

Elle marqua une brève pause, le temps de se rendre compte de la débilité de sa réplique et reprit aussitôt.

- Ensuite ... Tu n'as qu'à grimper là-derrière pour trouver la galerie qui remonte à la surface. Tu peux pas te tromper.

Même si t'as l'air bien con.
Elle lui indiqua le chemin d'un geste de la queue. Hors de question de le raccompagner. Il s'était mit dans le pétrin tout seul, il devait s'en sortir tout seul. Il aurait été Séide, Tatsu aurait très certainement ajusté son comportement. Mais dans le cas présent, la survie du jeune loup n'était pas de son ressort.

Elle n'avait pas eu le temps d'explorer le fin fond de la grotte, et tenait absolument à le faire. Et seule. Pas en compagnie de cet énergumène. Elle avait besoin de calme pour comprendre tout ce qui se cachait ici, et ça allait prendre du temps. De plus, Tatsu ignorait ce qui logeait encore ici. Son cœur lui dictait qu'ils n'étaient pas les seules âmes qui vivent dans les environs, et cette certitude ne tendait pas à la décontracter, bien au contraire. Elle ne pouvait s'empêcher d'être excessivement tendue, et la présence du marmot n'arrangeait rien.

De nouveau silencieuse, Tatsu lui rendit son regard sans ciller, attendant simplement qu'il ne daigne dégager pour reprendre son exploration.

La louve en face de lui restait méfiante, tendue, décryptant le personnage qu'il était. Lui ne percevait pas le fait qu'elle devait le juger intérieurement, restant dans sa position décomplexée, les yeux tous ronds qui ne cessait de la détailler.
Elle ne répondit pas à sa question, l'ignorant pour parler d'autre chose. Elle lui indiqua que tout d'abord, elle n'avait pas de sœur. Oh ? C'était bien dommage ça ! Mais elle avait peut-être un frère, qui sait. Lui possédait et un frère et une sœur, tous les deux plus âgés que lui, et qu'il appréciait beaucoup. De toute façon, pour qu'il déteste quelqu'un, il fallait le faire... Voir c'était tout bonnement impossible. A toujours trouver des excuses pour justifier tous les comportements, même les plus odieux.
La louve lui indiqua ensuite comment rejoindre la sortie. Il devait grimper là-derrière, puis suivre la galerie qui remontait vers la surface, pour enfin atteindre l'extérieur. Ooh, ok !
Sa queue battit la mesure, et il lui répondit d'une voix débordant de reconnaissance et de joie.

« Ooooh, merci, c'est très gen-gentil de m'aider ♥ !! Très très gentil ! »

Il s'approcha brusquement d'elle pour momentanément plaquer sa joue contre la sienne, dans un signe d'affection profonde. Un hug canin, entre autre, car c'était compliqué de se prendre dans les bras lorsqu'on ne possédait que des pattes.
Il se dégagea ensuite d'elle pour repartir dans la direction indiquée par la louve, se retournant une dernière fois pour la regarder et lui lancer un grand sourire.
Twitchell remonta dans la galerie à vive allure. Non pas parce qu'il avait peur de quelque chose et tâchait donc de fuir, mais plutôt parce qu'il était en proie à une importante excitation, chose qui survenait fréquemment après une nouvelle rencontre. C'est qu'il avait du mal à se contenir, ce ptit.

Finalement, il atteignit la sortie. L'air frais vint s'engouffrer dans son poils ras, le faisait réprimer. Brrr, il faisait plus chaud à l'intérieur ! Ses yeux se posèrent alors sur un bosquet de petites fleurs blanches.
Oh, il devait remercier l'autre louve comme il se devait, pour lui avoir montré le chemin à prendre ! Rapidement, il alla cueillir les fleurs, formant un petit bouquet qu'il maintenait par les tiges dans sa gueule. Il s'agissait d'ornithogales encore toutes fraiches, éclot il n'y a pas si longtemps que cela.
Oui, il était sûr que cela lui plairait !!

Twitchell retourna ensuite dans la mine, reprenant le chemin précédemment emprunté dans le sens inverse pour aller rejoindre la louve.
Finalement, il ne l'aura même pas laissé tranquille une dizaine de minutes...
La louve n'était cependant plus à la même place, mais ce n'était pas un problème : avec son odorat, et malgré l'odeur légère des fleurs, il parvint à la retrouver un peu plus loin, lui sautant limite dessus.
Sans faire attention où il posait les pattes, il déboula devant elle, lâchant à ses pattes son petit bouquet.

« C'est pour toi, POUR TOI ! Ça te plait, ou tu préfères autre chose ?? »

Car il serait prêt à aller lui chercher autre chose, oui, tellement il lui en était reconnaissait. Un autre bouquet, une proie, un bijoux, n'importe quoi si la louve le lui demandait !!

[Edit : Désolée pour la bible, je me suis un peu laissée emporter ... ]

Gentil ?

Elle baissa les yeux sur lui, ne sachant trop comment réagir face à l'enthousiasme qu'il semblait dégager. Ses yeux étaient brillants, il trépignait sur place, son visage était fendu par un large sourire. Il ne semblait pas du tout effrayé par la louve, ou du moins, il ne l'était plus. Et quelque part, Tatsu en était fort contrariée. Ce petit loup n'avait aucune notion de la rivalité. Elle ne pouvait pas être son amie. Bien au contraire. Tout les opposait. Tatsu était plongée dans une situation absolument infernale : elle était obligée de faire comprendre à son cadet qu'ils ne pouvaient pas se montrer familiers l'un envers l'autre, mais en même temps, il était si complètement craquant qu'elle n'arrivait plus à l'envoyer paître.

En réfléchissant avec acharnement à un moyen de se sortir de ce pétrin, son regard qui fixait le jeune Brethen finit par dériver dans le flou, et elle ne le vit pas venir. Il sauta vers elle et pressa sa joue contre la sienne, la ramenant brutalement à la réalité dans un grand sursaut. Ses oreilles se plaquèrent contre son crâne et ses babines se retroussèrent, mais il était déjà parti, filant vers la galerie qui le ramènerait vers la surface. Tatsu s'était tournée d'un bloc, juste à temps pour voir le bout de la queue de Twitchtwit disparaître dans le couloir. Elle poussa un profond mais bref soupir.

Bon débarras.

Elle fit lentement volte-face et jeta un coup d’œil circulaire aux alentours. Elle était enfin seule, elle pouvait donc reprendre ce pourquoi elle était venue : explorer la mine. Elle déglutit et s'approcha de l'endroit qui l'intriguait le plus : cette espèce d'autel dont le sol était encore souillé par le sang, au milieu d'une presqu'île entourée d'eau bleutée cristalline. C'était presque trop beau pour un lieu aussi sordide. Ici, à proximité de l'eau souterraine, le sol était absolument glacé. Le nez au sol, Tatsu repéra des touffes de poils mitées, des os, des griffes, et d'autres éléments qu'elle ne parvînt pas à identifier, mais qui sentait extrêmement fort, et lui rappelaient l'odeur des carcasses pourrissantes qu'on trouvait parfois en forêt. Elle se redressa et pinça les narines. Il avait dû se passer des horreurs, ici.

Finalement, il n'y avait pas tant de choses que ça à observer là. Tatsu se détourna en frémissant et s'avança vers la droite. Le mur de la grotte paraissait plus sombre à certains endroits, et elle voulait savoir pourquoi. Elle progressa lentement, surprise que ses griffes fassent autant de bruit - le cliquetis résonnait tout autour d'elle, et rebondissait contre les parois lisses de la grotte - avant de s'arrêter. Il y avait quelque chose de bizarre. Elle s'approcha du mur et y colla son oreille. Son sang se figea dans ses veines. C'était creux. Elle recula, le coeur battant, et observa plus attentivement. Il y avait un très, très fin espace, comme si ce qu'elle avait devant elle était une sorte de porte. A bien y regarder, oui, c'était le cas : une très grosse pierre polie et arrondie faisait office de barrage à l'entrée qui se trouvait devant elle. Elle leva machinalement les yeux et tomba sur un alignement de barres, faites dans une matière dure et froide comme la pierre, mais plus lisse, et plus blanche ... Des os. Frémissante, elle saisit le plus proche avec dégoût et s'en servit pour faire coulisser sans effort la porte de pierre.

Une prison ?

Tatsu en lâcha son outil. Au fond de la cellule se trouvait un tas d'ossement, dont elle reconnut sans mal l'identité. Alors qu'elle se perdait dans cette contemplation sordide, elle entendit un bruit de cavalcade. Elle eut un ultime sursaut, et referma l'entrée de la cellule le plus vite possible, puis se précipita d'un bond à l'opposé en faisant mine de chercher quelque chose. L'autre excité revenait à fond de train, sans discrétion, et termina sa course dans les pattes arrières de Tatsu qui lutta pour ne pas finir assise sur lui. Elle se tourna vers lui, et leva bien haut la tête pour l'empêcher de l'atteindre, cette fois-ci. Elle ne comprenait rien à ce qu'il lui hurlait, mais il tenait un bouquet de fleurs dans la gueule.

Oh, non.

En reculant, geste qu'elle ne pouvait absolument pas contrôler par ailleurs, elle buta dans un amas de roche qui s'effondra derrière elle en soulevant un nuage de poussière. Il y eut un bruit de verre brisé, et quelque chose roula, quelque chose de froid au contact très étrange, mais Tatsu ne put observer ce qu'elle venait de casser. Elle avait une crise à gérer d'abord.

- Je ... C'est très joli, mais tu ... Tu ne devrais pas ...

Elle serra les mâchoires, secoua la tête, et pria Ao de lui venir en aide.

- C'est adorable, vraiment, mais tu ne peux pas m'offrir de cadeau ... Je suis ton ennemie.

Très convaincant, le regard de biche et la voix de velours. Très convaincant. Félicitations, Tatsu, c'est officiel, tu fais peur.

- On a pas le droit de s'échanger des fleurs et de se faire des câlins. Je suis Séide. Tu es Brethen. Si ça se trouve, demain, on sera en train de se battre pour un marquage fait de travers qui sera pris pour une tentative d'acquisition de territoire. Ou parce qu'un chasseur aura coursé un lapin un peu trop loin. Tu comprends ?

Elle poussa un soupir et afficha une mine contrite. Elle gigota, indisposée par la chose qui lui collait à la patte arrière et semblait fusionner avec son pelage.

- Je suis désolée ...

Non, cette fois, s'en était trop. Elle leva la patte et tourna la tête pour se gratter avec ses crocs. Ses yeux s'arrondirent, et elle bondit en arrière, hurlant à gorge déployée, bousculant le petit Brethen au passage.

- OH PUTAIN. EST-CE QUE C'EST UN OEIL ?! Mais ... Mais OUI ! AAH !

Le globe tomba à terre et rebondit une fois avant de se stabiliser. C'était ignoble. Il devait avoir été délogé de son orbite depuis bien des lunes, et une magie qui lui échappait avait permit de le conserver. Sûrement un liquide, qui devait être au préalable contenu dans la fiole qu'elle avait cassé avec sa maladresse ... Encore tremblante, Tatsu fixait l'oeil, essayant de comprendre quel genre d'horreur avait bien pu se dérouler dans cette maudite grotte.

- Ils les mutilaient ... Ils les enfermaient et les sortaient pour les mutiler ... C'est impensable ...

Se rendant compte qu'elle réfléchissait à haute voix, Tatsu ferma les mâchoires et se mordit les joues, décochant un regard de traviole au Brethen, et espérant qu'il n'avait rien entendu. Mais rien n'était moins sûr.

[Non tkt, pas de problème, même si je te promets pas d'en faire autant xD]


Le bouquet de petites fleures blanches posé devant la louve, Twitchell attendait. Sa queue battait joyeusement, à la manière d'un chiot heureux. Un sourire étirait ses babines, un peu timidement. Il ne savait pas ce qu'aimait cette louve, alors il ne savait pas si cela était une chose qui lui plaisait vraiment ! Il n'offrait jamais de cadeaux à d'autres louves, seulement à sa maman. Mais sa maman aimait tout ce qu'il lui apportait de toute façon, alors ce n'était pas pareil.
Là, l'enjeu était toute autre, c'était une inconnue qui venait de l'aider, et qui méritait donc toute sa considération !
Alors, il attendit sa réponse, la fixant de ses grands yeux pâles trahissant toute la sincérité de son geste.
Elle finit par lui répondre, d'un ton hésitant. Elle semblait gênée, touchée, il ne savait pas trop. Très joli, adorable qu'elle lui avait dit !
Il était content !
Néanmoins, elle ajouta d'autres choses aussi. Qu'elle était son ennemie, qu'il ne pouvait pas lui offrir de cadeaux. Quoi ?
Il la fixa, un brin déconcerté.

« Mais tu peux pas être mon ennemie, les ennemies ça n'aide personne ! »

Hors, elle l'avait tout de même conduit vers la sortie en lui indiquant le chemin à prendre. Sans elle, il serait resté bloqué ici jusqu'à ce qu'on vienne le chercher. Et puis, un ennemi, ça faisait du mal aussi, chose qu'elle ne lui avait pas fait.
Elle rajouta alors qu'ils n'avaient pas le droit de s'échanger des fleurs et de se faire des câlins. Oh, ça aussi ! Ils étaient de deux clans différents, deux clans qui demain pourraient se faire la guerre.
La gueule fermée, sa queue ayant cessée de battre, il la regardait d'un air plus sérieux.
Même si finalement, il ne comprenait pas plus la situation.
Car lui, jamais il ne voudrait faire la guerre ! Il n'appréciait pas la violence, le sang, la mort. Il ne voulait faire du mal à personne. Il en était incapable.
Il hocha tout de même la tête.
La louve se retourna alors, pour se gratter, ou quelque chose du genre. Quand tout d'un coup, elle se redressa et bondit dans sa direction. Elle le bouscula en le tapant de plein fouet, et le jeune Brethen roula sur la terre poussiéreuse, la fixant d'un air affolé.

« OH PUTAIN. EST-CE QUE C'EST UN OEIL ?! Mais ... Mais OUI ! AAH !
- HIIIIIII, TU DIS CA POUR ME FAIRE PEUR, HEIN, HEIN ?? »

Alors là, ce n'était même plus son air qui était affolé. Tremblant, convulsant à moitié sur le sol dans ses veines tentatives pour se relever, la louve lui avait vraiment fait peur. Un œil, un œil ! Mais où ça ?!! Il parvint après plusieurs essais à se remettre debout, sa queue placée entre les pattes et ses oreilles couchées en arrière.
Des larmes naquirent au coin de ses yeux, et il eut la nausée. Il voulait partir d'ici, il avait tellement peur ! Reniflant, il écouta la louve, qui venait de reprendre une voix plus posée malgré le fait qu'elle restait affolée.
Et profondément révulsée, aussi.

« Ils les mutilaient ... Ils les enfermaient et les sortaient pour les mutiler... C'est impensable... »

Meurtri, il releva des yeux rougis vers la Séide, la fixant d'un air indescriptible avant de prendre la parole à sa suite, après un petit silence. Le ils, il savait de qui il s'agissait. Des Précursors. Il avait entendu des histoires sur eux, et il en avait mal dormi la nuit pendant plusieurs jours.

« Pourquoi...Pourquoi ils faisaient ça ? Pourquoi ils faisaient du mal aux gens ? Ça sert à quoi d'être si méchant, je ne comprends pas... »

Son museau se plissa, et sa voix mourus dans sa gorge. Il se sentait si mal, son cœur lui faisait si mal... Cette attitude, pour les mener à quoi ? Tremblant, il se ratatina un peu sur lui même, les larmes coulant sur ses joues.
Tout cela était si horrible qu'il ne parvenait à contenir ses pleurs.

Elle se forçait à respirer calmement, mais son souffle restait court et soutenu.

Apparemment, il l'avait entendue, mais ça ne semblait pas être si grave qu'elle l'avait pensé. Ce loup n'était clairement pas comme les autres. Elle ne savait pas trop si ça tenait d'une pathologie, ou si les Brethens élevaient réellement leurs louveteaux dans l'optique d'en faire des éponges dégorgeant de mollesse et incapables de se défendre seules. Elle ne l'entendait plus qu'à moitié, et faisait en sorte de l'ignorer, de repousser sa voix aigüe le plus loin possible, pour se focaliser sur sa découverte. Ce n'était pas une révélation : tout le monde se souvenait parfaitement de ce que les Precursors avaient infligé à leur peuple. Mais le voir de ses propres yeux, bien des lunes après, c'était toute autre chose, une véritable prise de conscience, extrêmement violente. Pouvait-elle permettre à l'histoire de se répéter ? Non. Elle devait être capable de défendre sa meute à n'importe quel prix. Et pour cela, il fallait que la meute elle-même se fortifie.

Son regard glissa sur l'adolescent. Il était en train de pleurer. A cet instant, il y eut un déclic en Tatsu, un changement brutal et irréversible. Toute trace de compassion et de douceur avait déserté son âme. Elle le dévisagea âprement, déconcertée de le voir ainsi recroquevillé sur lui-même, pleurant, tremblant. Elle vit en lui tout ce qu'elle reprochait aux Brethens : d'avoir voulu faire d'un idéal une réalité qui ne correspondait pas au mode de fonctionnement des loups. D'avoir voulu constituer une meute d'égalité et de partage alors que seule la hiérarchie stricte et les règles bien énoncées pouvaient permettre à un groupe de fonctionner. Voilà donc le résultat de l'utopie : cette chose molle et dégoulinante devant elle, qui une fois sur le champ de bataille, ne serait capable que d'une chose. Fuir. Ils ne pouvaient plus se permettre d'entretenir des liens avec les Brethens. Ils ne pouvaient pas se lier à eux. Ils ne pouvaient pas leur faire confiance. Quel genre de soutien leurs donneraient-ils en temps de guerre ? Des peluches qui feraient des bisous sur leurs bobos pour les soigner ? L'échine de la louve se hérissa. Sortant de son mutisme, elle ressentit des picotements sévères dans ses mâchoires et dans ses pattes, et sans réfléchir, fit un pas en avant, puis s'arrêta net.

Non.
Elle ne lui ferait pas de mal. Ce n'était pas qui elle était. En revanche, elle pouvait lui faire peur. Elle hésitait néanmoins. Lui faire peur, c'était en un sens lui rendre un très grand service, et elle n'avait pas envie de lui donner le moindre avantage. En même temps, à son niveau ... Ca n'aurait pas servi à grand chose. Comme d'habitude, Tatsu choisit la froide neutralité. Elle redressa les oreilles, plissa les yeux, et entrouvrit les lèvres.

- Parce que c'était la guerre. Ils voulaient reprendre nos terres, écraser nos principes, renier l'un de nos dieux. Ils voulaient nous prendre tout ce que nous possédions et le transformer selon leurs choix. Nous ne pouvions pas accepter. Alors nous nous sommes battus. Et c'est là le sort dont les plus infortunés ont écopé.

Elle pencha la tête sur le côté et ouvrit les yeux un peu plus grand pour ne rien manquer des expressions sur son visage. Puis, sans rien ajouter, elle fit brusquement volte-face, sa queue cinglant légèrement la joue du jeune mâle, et s'éloigna à grands pas. Elle voulait en apprendre encore plus, en particulier sur l'agencement de cette grotte. Il y avait forcément d'autres galeries, qui menaient à d'autres cavités, et les explorer allait prendre un temps fou. A nouveau, elle s'arrêta, et grogna sourdement. Elle ne pouvait pas faire ça tant qu'il serait là. Ses oreilles se rabattirent contre son crâne. Elle rejeta la tête en arrière et lui cria de là où elle se trouvait :

- Morale de l'histoire : tu ferais mieux de partir si tu ne veux pas subir la même chose. On ne sait jamais. Les survivants Precursors sont peut-être toujours cachés ici.

Twitchell ne comprenait pas ce déploiement de violence, cette méchanceté, cette mesquinerie ! A quoi cela pouvait-il faire avancer efficacement les choses ? Savoir user de sa langue, cela pouvait aussi fonctionner ! Les gens éloquents savaient mener les troupes là où bon leur semblait.
La louve éclaira vaguement sa chandelle, même si finalement ça ne l'avança pas plus. Il ne posa cependant aucune question supplémentaire, jugeant qu'il risquait plus d'embêter la louve qu'autre chose.
Ainsi, s'ils s'étaient comportés de la sorte, c'était parce que s'était la guerre. Ils voulaient changer leurs principes, basculer leurs principes en reprenant les terres et en reniant les dieux. Ils avaient voulu tous leur prendre, tout transformer. Les loups s'étaient alors battus. Il savait que ses parents avaient aussi pris part à ce combat, et qu'ils avaient été tout autant blessé que les autres, peut-être même plus. Il avait donc une mère rendue borgne et un père boitillant, le tout à cause de ces ennemis.
Et si un œil se trouvait là, c'est parce que les moins chanceux avaient tout simplement trouvé la mort.
Il hocha la tête, silencieux.
Oui, il comprenait. Des fois, il était alors essentiel de se battre, si l'on voulait survivre. Même s'il préférerait sans doute la fuite, ou raisonner son adversaire. Mais il était bien trop naïf.

Et, brusquement, la louve s'éloigna. Sa queue vint glisser sur sa joue, le faisant relever les yeux vers la louve beige qui s'en allait plus loin. Ou allait-elle ? Elle lui cria alors qu'il ferait mieux de partir s'il ne voulait pas subir la même chose, que les Precursors étaient peut-être cachés autour d'eux.
Son échine se hérissa et il émit un couinement plaintif.
Mais il redressa tout de même la tête, ses muscles se détendant. Il observa de ses yeux clairs les alentours, recherchant un potentiel méchant, humant l'air pour percevoir leurs effluves. Il ne sentit rien de plus que leurs deux odeurs, ainsi que celle du sang. Elle disait juste ça pour lui faire peur !
Il fit un pas en avant, et en quelques foulées parti rejoindre la louve, se plantant un mètre derrière elle.

« Mais...et toi alors ? Toi aussi ils pourraient t'attaquer ! Je veux rester avec toi, au cas où, pour t'aider !! »

Il était sûr qu'il pouvait défendre la louve, au besoin ! Et puis, on était toujours plus fort à deux contre un !

Trouillard comme il l'était, il devait être enfin parti.

Tatsu n'osait pourtant pas se retourner, de peur d'avoir à nouveau le loisir d'observer sa mine désolée, ses grands yeux huileux et ses petites pattes tremblantes. Très fortement agacée, et de moins en moins sûre de parvenir à retenir la colère qui fourmillait en elle, la louve reprit ses investigations, mettant le cap vers l'est de la caverne, là où elle croyait deviner un passage bien dissimulé entre un amas de lourdes roches. Ses pattes cliquetaient sur le sol, et le bruit résonnait fort dans ses oreilles. Pour autant, elle parvînt à déceler les pas de l'adolescent par-dessus les siens, et bloqua sa respiration pour ne pas exploser. La paupière de son œil gauche eut un mouvement nerveux et se mit à battre plus vite que sa jumelle, alors que l'animal la dépassait et lui bloquait le passage. Lorsque son regard se posa dans le sien, elle eut un sursaut. Elle avait - un tout petit peu - espéré qu'il se soit en fait dirigé vers la sortie, mais finalement, non.

- Aaah ! Je peux me débrouiller toute seule !

Soudain, elle fut frappée par une idée de génie.
Écarquillant légèrement les yeux, et sentant sa tension s'effondrer d'un seul coup, elle prit des respirations plus grandes, plus amples et plus légères, comme si on venait de la soulager d'un poids énorme. Elle abaissa légèrement la tête, et son pelage retomba sur son échine. Elle prit une mine interrogatrice exagérée, avant que ses lèvres ne s'étirent sur un très chaleureux sourire. Elle s'approcha un peu de lui, et s'arrêta en face, les oreilles pointées vers lui.

- Quoique ... Tu as peut-être raison. Tu pourrais bien m'aider à quelque chose.

Elle jeta un regard circulaire à la grotte, leva, puis baissa la tête, la tourna de gauche à droite, comme si elle était à la recherche de quelque chose. Elle plongea ensuite de nouveau son regard or et glace dans celui de Twitchtwit et s'adressa à lui d'une voix mielleuse.

- Je suis obligée de rentrer bientôt chez moi, sinon mon chef ne va pas être content. Seulement, je voulais vraiment explorer la mine le plus possible aujourd'hui. Nous n'avons qu'à nous séparer : j'irais dans le boyau derrière toi ... Et tu iras là-bas.

Elle désigna le fond de la caverne d'un geste de la queue, là où l'obscurité était quasiment totale. De multiples galeries s'élevaient vers la surface où s'enfonçaient vers le sol. Il n'y avait que l'embarras du choix. Tatsu soupçonnait que certaines n'étaient que des leurres, et d'autres, sûrement des pièges mortels, voire même des catacombes. Elle appuya sa proposition, ou plutôt, son injonction, d'un petit mouvement de la tête appuyé d'un sourire.

- On se retrouve ici ... Quand ce sera fini !

Puis, sans un mot de plus, elle lui sauta par-dessus et s'engouffra dans la galerie rocheuse, dont elle dévala la pente au triple galop.

LIBRE.

La louve ne semblait pas vraiment ravie qu'il eut voulu l'aider de la sorte, et ne manqua pas de lui faire savoir. Pourtant, il saurait un peu la défendre, si elle venait à se faire agresser. Il pourrait attaquer, utiliser ses crocs et ses griffes !
Voir même son pouvoir, peut-être. La voix de son glowstick lui assurait après tout sa protection, en lui donnant moult conseil pour éviter qu'il ne se fasse avoir. Aussi pourrait-elle bien aussi le protéger physiquement ! Il en était certain, il le savait, c'était une entité particulière qui veillait là sur lui.
Mais alors, la louve cessa de refuser son aide, lui intimant qu'il avait raison.
Lui, raison ?
Rien qu'à cette idée, sa queue dépourvue de poil s'agita de gauche à droite. C'était un compliment ça, non ? Elle était si gentille cette louve ! Il sentait qu'il l'appréciait déjà. Elle lui avoua alors qu'elle devrait bientôt rentré chez elle, car son chef l'y attendait. Elle ne pouvait cependant terminer d'explorer seule cette mine, et avait donc besoin de son aide. Pour cela, ils n'auraient qu’à se séparer. Elle partirait de ce côté -un tunnel qui remontait un peu-, et lui partirait dans ce boyau là.
Un boyau obscur, au chemin qui lui semblait sinueux, et où l'on aurait presque pu entendre des cris de détresse résonner au fond.
Mais sur son visage aux traits enfantins, aucune ombre de peur ne passa. A la place, lorsque la louve eut terminée de parler, il hocha frénétiquement la tête.

« D'accord, on fait comme ça, je vais tout de suite aller explorer ça !! »

Et il se détourna d'elle, non sans lui lancer un dernier regard. Il partit en trottinant, s'engouffrant dans ce tunnel. Tunnel où il se perdra, où il trébuchera et se tordra une patte. Tunnel qui l'engloutira à moitié, l'égarant un bon moment, avant de le recracher une bonne heure après. Totalement déboussolé, boitillant, il ne parvint pas non plus à remettre la patte sur la louve, ne trouvant plus cette antre où ils devaient se retrouver.
Et finalement, il décida de quitter tout bonnement la mine, bien décidé à aller tout de même s'excuser auprès de cette louve lorsqu'il la recroiserait, un jour.

[Terminé pour moi !]