Reborn [Némésis]

Beaucoup de choses, trop de choses avaient changé. Depuis qu'Aendil avait essayé de le réconforter après son épreuve de glowstick, le monde dans lequel vivait Noximilien avait continué à s'effondrer à une vitesse folle. Kaméo, sa meilleure amie, la louve dont il se sentait le plus apaiser lorsqu'elle était à ses côtés, était partie sans prévenir et il n'avait jamais réussi à la revoir. Aendil était parti lui aussi, lui qui avait dit qu'il le soutiendrait toujours s'était enfui. Niveau le Conseil, lui qui était le guides, lui qui était l'aide des Brethens ne ressemblait plus à rien. Illa était gravement malade, Khal s'était cassé lui aussi, les abandonnant tous (d'un autre côté, ça n'étonnait pas du tout Nox qui avait perdu toute confiance en ce satané loup depuis le jour où il avait perdu son unique œil et sa bonne relation avec Sekmêt), il ne restait plus que Ska. Les Brethens étaient tout simplement en train de disparaître petit à petit et le loup gris se demandait s'il pouvait encore considérer la meute comme une maison, une famille qui se protège les uns les autres. Cet esprit fraternel, il avait l'impression qu'il avait disparu. Tout le monde partait en abandonnant les autres derrière eux, autres qui mourraient les uns après les autres. Et lui Noximilien, aveugle sans glowstick ni talent ne devait être qu'un poids de plus pour cette meute qui ne semblait plus s'en sortir aussi bien qu'autrefois, il n'avait même pas de rang, se contentait d'aider par-ci par-là quand il ne s'enfermait pas des jours durant dans sa tanière.
Noximilien aurait pu continuer à sombrer face à cela, mais il avait déjà atteint le fond depuis bien longtemps et aussi surprenant que cela puisse paraître, il reprenait du poil de la bête. Le semi-ailé s'était remis en tête les leçons de sa première famille, de sa mère et de sa sœur, sa vraie sœur : on ne peut compter que sur soit-même. Nox était devenu carrément sauvage avec les autres brethens, il était devenu méfiant, ne leur parlant que lorsqu'il était nécessaire, ne renouant avec plus personne. Ça servirait à quoi après tout ? De toute façon, ils allaient finir par se casser un jour ou l'autre. Noximilien était un solitaire dans une meute, sa condition d'aveugle ne lui permettant pas d'en être réellement un. D'ailleurs, cette condition ne serait bientôt plus un obstacle, il guérissait. Le choc psychologique qu'il avait subi ne devenait plus qu'une vieille histoire et son monde noir s'ouvrait à la lumière. Petit à petit, le loup gris revoyait, il en était certain, quelque chose se débloquait chez lui. Il ne voyait toujours pas mais maintenant, il percevait la lumière. Le noir était remplacé par le gris et parfois, lorsqu'il était en forme, il voyait des grosses masses noires et floues se mouvoir, comme si d'immense tas de terre s'étaient mis à vivre. Sa condition s'améliorait, il se soignait enfin alors qu'il s'était éloigné de tout le monde.

Aujourd'hui, il se sentait pousser des ailes (ou alors une seule qui lui permettrait de voler), il avait envie de s'enfuir lui aussi et de ne plus jamais revenir. Il était en forme, il ne voyait toujours pas, son monde n'était que d'un gris sombre légèrement illuminé et composé de grosses masses noirs mouvantes lorsqu'il rencontrait quelqu'un mais un jour il reverrait. Il était simplement un peu trop tôt alors il comptait pas trop s'éloigner... et pourtant, il sortit du territoire dans sa course folle poussée par une excès de liberté. D'un seul coup, il perdit tout ses repères. Il était encore obligé de se guider aux odeurs, il ne s'éloignait jamais des terres Brethens seul en général, pour avoir encore des repères et réussir à rentrer mais là, il n'y avait plus que des traces très vieilles du passage de ses compagnons de meute. Il sentait l'odeur des renards, des lièvres, des harfangs et des ours, celle de la brume et du lichen, de la roche et des pins mais aucune odeur récente de loup. Il avait été trop loin et avait réussi à se perdre. Il était dans une forêt, de conifère à en sentir les aiguilles qui tapissaient le sol et lui rentraient dans les coussinets. Il faisait sombre, comme toujours dans ce genre de lieu, son monde était redevenu noir. Il faisait humide et le froid passait sous son pelage, glaçant ses os. Il y avait du vent qui faisait grincé les branches, le perturbant avec des bruits parasites. Noximilien n'était pas totalement perdu, il reconnaissait les landes de brumes, il devait probablement être dans sa forêt qui la séparait de la Grève Gelée. Le tout était de retrouver la direct du Dolmen sans finir sur la banquise. Il voyait encore bien trop peu pour s'aventurer sur ce terrain seul. D'un côté, ça l'énerva un peu, il était encore trop dépendant des autres.

Beaucoup trop de choses avait changé ces temps-ci. Aussi bien personnellement qu'au niveau de la meute.

D'abord les alphas cèdent leur place à de nouveaux entraînant beaucoup de mécontentement. Ensuite je suis nommée bêta et j'hérite avec ça de nombreuses responsabilités. Je deviens un peu plus importante aux yeux de ma meutes et je dois entretenir une bonne image de moi. Et maintenant ça.. J’apprends comme ça, dans le plus grand des calmes, que j'ai deux demi-frère, une demi-sœur et que mon frère que je pensais mort depuis bien longtemps est en réalité bien vivant et réside chez les Brethen depuis tout ce temps sans que je n'en sache jamais rien.
Bien sûr, ça avait l'air de faire ni chaud ni froid à Ether cette histoire. Il m'avait annoncé ça comme si il m'avait dit que demain il allait pleuvoir : rien à foutre. J'aurais peut-être dû réagir pareil après tout. J'aurais peut-être dû restée indifférente et continuer ma vie comme si de rien n'était. Pourtant, au fond, il fallait que je sache. Il fallait que je sache ce qu'il était devenu...

C'est sans doute pour ça qu’inconsciemment, aujourd'hui, je m'étais rendu en terre libres. Je m'y était rendue comme si je me dirigeai en direction du nid Brethen mais de façon totalement indirecte. Mais en tout cas, si on m'avais demandé ce que je comptais faire en dehors des terres Séides, j'aurais simplement répondu "Rien, je vais juste vérifier que personne ne vient violer nos frontière". J'aurais mentis bien sûr, j'allais pas dire que j’espérais surtout rencontrer mon frère qui fait parti clan opposé. Je savais bien que je comptais pas le chercher bien sûr, juste que si je tombais sur lui, ça m'arrangerais. Enfin peut-être pas en fait... Qu'est-ce que je ferais une fois en face de lui ? Je ne sais absolument pas comment réagir et c'est bien évidemment ça qui me faisait douter.

Je marchais tête baissée, ne regardant pas où j'allais. J'étais arrivée jusqu'à la Lande des Brumes sans m'en rendre compte. Le temps était passé plus vite que je le pensais. Au beau milieu de la forêt brumeuse, j'allais faire demi-tour quand quelque chose attira mon attention. Une tâche qui se distinguait au loin parmi les arbres. Je me suis avancée lentement en sa direction alors qu'elle se distinguait de plus en plus. C'était bien ce que ce pensais : un loup. Alors que je m'approchait, une odeur se distingua peu à peu. Une odeur qui semblait être celle d'un Brethen.

Je me suis arrête deux ou trois mètre derrière ce loup, au moment où j'ai réaliser que c'était lui.

Noximilien...

Je fixais le mâle gris, mes yeux vides de toute émotions. Ainsi donc, mon frère disparu depuis tout ce temps était juste devant moi en ce moement. Que faisait-il ici tout seul ?... Mais c'est quoi cette question que je me pose, ça n'a pas d'importance !
J'ai ouvert la bouche comme pour lui parler mais celle-ci s'est refermée presque immédiatement après. Je ne savais pas quoi faire... M'avait-il seulement vue ? Mes yeux se sont tournés vers le sol comme si j'étais déçue de moi-même.

Je me tenais là, sans bouger, dans l'incapacité de l’interpeller.

Noximilien, il y a tant de choses que j'aimerais savoir...

Alors que j'étais toujours là, debout, incapable de bouger ne serais-ce que d'un poil, Nox s'est retourné et m'a fait face. Ce que j'ai vu dépassait bien tous ce que j'imaginais.
Son visage était balafré. Traversé d'une large griffure qui s'étalait sur son œil droit. Œil qui était d'ailleurs très terne et son attitude me laissait penser qu'il ne me voyait pas. Il était aveugle ? Mais comment est-ce qu'il s'est fait ça...?
Il ne voyait rien, c'était évident. Il m'avait parfaitement fait face et pourtant, il ne m'avait pas reconnue. C'est donc bien la preuve qu'il était incapable de me voir. Méfiant, il a alors fait demi-tour et s'est éloigné rapidement, manquant de se heurter contre un arbre. Quel spectacle pathétique... Je regrattais presque de l'avoir retrouvé. Dans l'état où il était, j'aurais préféré garder l'image de lui que j'ai toujours eue. L'image d'un Noximilien en assez bonne santé pour avoir la joie de vivre...

Alors qu'il s'éloignait de plus en plus, j'ai réalisé la chance que je laissais passer. La chance de retrouver mon frère perdu depuis trop longtemps. Certes, nous n’avons pas toujours été très fusionnels mais ce n'est certainement pas une raison pour le laisser filer.
J'ai commencé à marché derrière lui d'un pas de plus en plus rapide jusqu'à me mettre à courir. Je l'ai vite rattrapé étant donné son handicap qui semblait le gêner pour se déplacer rapidement. Arrivée non loin de lui, je l'ai enfin interpellé.

"A-Attend !!"

Je me suis arrêtée brusquement. Mais qu'est-ce que je fous là... J'espère vraiment que je ne vais pas regretter ce que je fais à l'avenir. De toute façon, il est trop tard pour rebrousser chemin...


Comment allait-il réagir quand il allait réaliser que j'étais sa sœur qu'il avait perdu de vue ? Qu'allait-il dire ? Qu'allait-il penser lorsqu'il allait apprendre que je suis devenue bêta Séide ? Seul le temps me le dira...

Alors qu'il s'éloignait, la peur au ventre (celle de l'inconnu restait et resterait toujours la plus forte chez les animaux au final), il entendit des pas qui le suivait. Dire qu'il ne pouvait même pas voir pour fuir plus vite. Ils n'étaient pas sur un territoire de meute, de plus, Nox était bien plus proche des terres de son clan que le Séide l'était des sienne alors pourquoi s'obstinait-il à le suivre comme ça ? Si le loup gris n'avait plus la vue, son ouïe elle, était devenue plus performante, autant dire qu'il n'eut aucun mal d'entendre la course plus rapide de l'autre loup et le savoir proche fut aussi très facile à deviner. Mais bordel, qu'est-ce qu'il lui voulait ? N'ayant plus confiance aux autres membres de son espèces, surtout depuis les Précursors, voyant qu'il ne pouvait s'échapper, Noximilien se retourna pour faire face à l'inconnu, les oreilles en arrière, le museau froncé, l'échine commençant à se hérisser et l'aile déployée. En cas de conflit physique, il ne l'emporterait pas, ça c'était sûr, mais il ne se laisserait pas non plus attaquer sans rien faire mis à part couiner.

Il s'était à peine retourner que des mots retentirent. Cette voix... elle lui paraissait si lointaine dans ses souvenirs mais sa familiarité lui réchauffa soudainement le cœur. Cette voix, la dernière fois qu'il l'avait entendu, il n'était alors qu'un gamin de six mois à peine et maintenant ? Du haut de ses quatre ans et demi d'adulte, alors qu'il approchait de ses cinq ans et de son premier tiers de vie, il n'aurait jamais imaginé réentendre cette voix, celle de sa sœur.

« Némésis c'est bien toi ? »

Oui c'était elle, ça ne pouvait être qu'elle. Il ne reconnaissait ni son odeur, tout comme lui elle avait perdu la senteur de leur mère, ni le son de ses pas ayant troqué la démarche pataude du louveteau pour une nouvelle beaucoup plus légère, elle avait grandi, elle était devenue une louve adulte et portait l'odeur du clan adverse au sien, elle était séide.

« Je ne t'avais pas reconnu, tu as tellement changé »

Et encore, je ne peux pas voir ton visage.

"Toi aussi tu as beaucoup changé..." ai-je finalement dis.

La louve prit son temps pour répondre, suffisamment pour instaurer le doute chez Noximilien. S'était-il trompé ? Mais aussi, combien de séide pouvait le connaître ? Lui qui sortait assez rarement, ça semblait complètement impossible qu'une autre louve autre que sa sœur puisse savoir son nom et l'associer au bon loup, à moins que sa propre mère ait rejoint l'autre meute. Dans ce cas, elle n'aurait pas eu cette voix et plutôt que de chercher à le suivre, elle se serait plutôt arrangée pour s'éloigner de lui le plus possible. Non, ça ne pouvait être que Némésis alors pourquoi ce silence était-il aussi long ? L'attente le rendait nerveux, il sentait son corps battre trop fortement dans sa poitrine et lui faire tourner la tête. Il sentait aussi le regard de la louve se promener sur lui, lui donnant l'impression de lui brûler la peau, vous savez, la même sensation que lorsqu'on se sait pertinemment observer et juger. A cause de ce certain stress, il eut le tic nerveux de malaxer le sol de ses griffes grâce à un jeu de doigt.
Finalement, elle brisa le silence pour lui répondre la même chose qu'il avait annoncé pour elle juste avant. Ils avaient tout les deux changés. Ils n'étaient plus ces petits louveteaux de solitaires qui traînaient dans les fourrés des terres libres, devant se cacher dans les buissons ou les ronces pour échapper aux oiseaux de proie, aux félins, aux ours ou encore aux autres loups plutôt qu'entre les pattes d'adultes compétents. Ils n'étaient plus ces gamins qui avaient été laissé chacun dans une meute pour on ne sait quelle raison, peut-être l'espoir de devenir quelqu'un ? Noximilien n'avait aucune idée de ce qui était devenue sa sœur et aujourd'hui, il la revoyait enfin pour qu'elle découvre que lui n'était devenu personne. Elle lui posa d'ailleurs la question indirectement, en constatant simplement son état et même s'il ne voyait pas son regard, il tourna légèrement la tête comme le fuir, héritage d'une vie où il n'était pas encore aveugle.

« Ce n'est rien, j'ai simplement eu un ou deux accidents qui m'ont rendu un peu dépendant des autres... Alors quand ils n'ont pas le temps, j'essaye de me débrouiller tout seul, ce qui donne parfois de drôle de résultat... »

Ce n'était pas vraiment la vérité. En réalité, il refusait l'aide des autres brethens. Ses amis s'étant tous barrés les uns après les autres, il ne se sentait plus vraiment comme un membre de la meute, le problème était qu'il avait dû mal à rendre son pelage potable, quoique le temps et la pratique avaient réglé ce problème, et surtout, se recoudre était un véritable enfer. Il grognait dés qu'on lui proposait de lui faire, il y passait des heures et se massacrait lui même. Rajoutons à cela les petits souvenirs laissés par les Précursors et le semi ailé ressemblait bien plus à une vieille peluche oubliée dans un parc à celle simplement recousue qu'il était au départ.

« Et toi ? Qu'est-ce que tu deviens ? »

Il avait rajouté ça assez vite au final, histoire que les questions le concernant soient vite abrégées. Il n'avait certes pas eu de bol mais il avait été une vrai larve à se morfondre juste derrière et ce détail, il aurait aimé l'oublié, surtout qu'il n'avait ni rang ni glowstick contrairement à la plupart des autres loups de la meute.

« Ce n'est rien, j'ai simplement eu un ou deux accidents qui m'ont rendu un peu dépendant des autres... Alors quand ils n'ont pas le temps, j'essaye de me débrouiller tout seul, ce qui donne parfois de drôles de résultats... »

Sa cécité l'avait rendu dépendant des autres... Quelle tristesse de ne plus pouvoir compter que sur les autres, de ne plus pouvoir se débrouiller tout seul. Au fond, je me sentais mal pour lui. J'avais gravé les échelons, j'étais devenu bêta Séide et lui il était devenu aveugle et il s'était retrouvé dans un état un peu pitoyable et dépendant des loups de sa meute. Déjà que nous sommes nés d'une relation non consentante alors si en plus c'est pour finir comme ça, c'est fort dévalorisant. Je me demande si les choses auraient été différentes si nous étions nés dans de deux parents qui s'aiment, d'une union véritable et si nous n'avions pas été séparés.

« Et toi ? Qu'est-ce que tu deviens ? »

La question était tombée comme ça, comme pour trancher ce qu'il m'avait dit précédemment. Il avait sans doute pas envie que je lui pose plus de questions. Je voulais lui demander pourquoi il ne portait pas de Glowstick mais vu la situation, il valait mieux que je me taise.
J’espérais qu'il ne serai pas trop vexé d'apprendre que tout va bien de mon côté, que je suis posée chez les Séides et que j'y suis bien. J'avais pas envie de me sentir coupable de mener une petite vie tranquille pendant qu'il devait se débrouiller chaque jour pour se diriger. Surtout que d'après ce que j'ai vu, il a un peu de mal a repérer les obstacles.

"Et bien... J'ai obtenu le Glowstick de la Renarde à mes 1 ans et... J'ai été nommée bêta des Séides"

J'ai marqué une courte pause avant de reprendre sur un ton moins hésitant :

Némésis avait bien grandi, elle était devenu quelqu'un, elle avait un glowstick, elle avait un rang important, elle était sûrement aimé de tous et elle devait certainement être maintenant une jolie louve. Noximilien ne voyait pas, il ne savait pas comment avait évolué physiquement sa sœur alors il se l'inventait avec les souvenirs, il avait envie de la croire jolie alors il l'imaginait comme ça. Elle avait gravi les échelons contrairement à lui et avait trouvé sa place dans ce monde, lui cherchait encore la sienne.

« C'est cool ça. »

Une simple phrase et aucune amertume dans sa voix. Il était bien loin d'être jaloux de sa sœur, en réalité, il était même plutôt content pour elle et il sentait une certaine fierté naître dans son cœur. Sa sœur était bêta, sa sœur avait un avenir. Elle enchaîna cependant très rapidement sur une histoire qui lui était arrivé, un combat dont elle n'était pas ressortie complètement indemne, lui apprenait qu'elle aussi avait le visage marqué.

« Non, pas vraiment de famille... Toi tu as toujours été forte, ça devait être un combat véritable. Pour ma part, je n'ai que donné quelques coups de crocs, la plupart dans le vide en croyant que je pouvais espérer me défendre... »

Petit sourire gêné, il avait l'impression d'être redevenu à cet instant le louveteau d'avant, celui qu'on pouvait taper mais qui considérait en souriant que c'était à lui de faire plus attention. Le louveteau qui se relevait toujours parce qu'il fallait bien le faire un jour. Ses héros d'enfance avaient abandonné le clan qui l'avait recueilli, sa demi sœur était partie folâtrer avec cet idiot de Khal qui en plus de l'avoir abandonné dans les mines, avait aussi délaissé le clan en s'enfuyant, Kaméo aussi était partie. Il était seul et ça l'avait abattu mais en réalité, il avait toujours eu quelqu'un sur qui compter, même s'il l'avait perdu de vu. Il avait toujours eu sa sort et maintenant, elle était là devant lui.

Il recula de quelques pas, se concentrant sur son sens disparu. Il voyait en arrière plan une lueur grise mais plus il rapprochait son regard, plus il percevait d'immenses formes noirs constituant le paysage, s'il ne se savait pas dans une forêt, il n'aurait jamais deviné ce que c'était. Et là, au milieu de ce monde morne et incolore, une tâche rouge dont les mouvements causés par la brise ou simplement la vie faisait onduler comme un petit feu. Il savait que sa sœur était jolie, elle l'était forcément et la seule vision qu'il pouvait avoir d'elle, il l'aimait bien.

« Je suis content de te revoir »

Il était heureux qu'elle soit à nouveau là, plus si éloignée de lui contrairement à ces dernières années.

Nox commenta brièvement ma promotion. J'imagine qu'avec sa cécité, il ne devais pas remplir de rôle très important dans son clan. Enfin si il en remplit un déjà... En tout cas vu comme il avait du mal à se déplacer en terrain inconnu, je me doute bien que chasser où se battre était difficilement accessible pour lui.
Ça a dû être dur pour lui de ne plus voir au début, d'avoir perdu un sens primordiale. Heureusement pour nous les loups, notre flair est bien développé et nos autres sens aussi ce qui nous permet de nous en sortir même sans la vue.

« Non, pas vraiment de famille... Toi tu as toujours été forte, ça devait être un combat véritable. Pour ma part, je n'ai que donné quelques coups de crocs, la plupart dans le vide en croyant que je pouvais espérer me défendre... »

C'était bien triste mais au fond il n'avait pas tord. Ce jour là, je venais de rencontrer Sh'Eym dans la Forêt Pluviale. Un solitaire qui avais à première vu l'air pacifique et plutôt sympathique. On rencontre toutes sortes de solitaires et celui-là me plaisait bien. Malgré tout, notre conversation a vite été interrompue et nous avons été attaqués par une tigresse affamée qui avait l'air déterminée à faire de nous son repas. Nous nous sommes battus et ce Sh'Eym ne s'est pas enfui comme l'aurait fait n'importe quel autre solitaire. Non, il s'est battu à mes côté. J'ai pu montrer que je méritais de porter le titre de soldate à l'époque, j'étais jeune et agile et je portais avec fierté mon Glowstick orange. Nous avons réussi à la faire fuir mais une faute de stratégie pendant le combat m'a valu cette cicatrice. Mais elle est au moins la preuve que je me suis battue avec courage.

Noximilien, je le sais bien, est différent de moi sur ce point. Il n'a pas hérité de la même détermination et manque décidément beaucoup de confiance en soit. Ça l'a guidé à se refermer sur lui-même et ce n'est pas la bonne démarche à suivre. Il aurait du persévérer, il n'aurait pas se forger une coquille tout au long de sa vie et se révolter à chaque claque qu'elle lui donnait. Mais malheureusement, ce n'est pas dans ses atouts...
Mais ça ne veut pas dire qu'il en a aucun, loin de là. D'ailleurs je voulais lui dire, mais il m'a devancée.

« Je suis content de te revoir »

Je me suis redressée. Après toutes ces années, après toutes ces épreuves endurées, je retrouvais mon frère, mon frère en chair et en os. J'étais bien évidemment contente également, je ne regrettais pas de ne pas m'être enfuie.

"Moi aussi, je suis contente"

Un silence s'installa et seul le vent animait la scène. Ça faisait vraiment bizarre de retrouver sa famille mais dans des circonstances pareil, on se raconte rarement autre choses que nos vies respectives et puis, plus rien. Ça crée un malaise, c'est malheureux !

"Ouais, on sait pas trop quoi dire dans des ces moments là."

J'ai ris légèrement. Au moins les choses avait le mérite d'être claires ainsi.

Némésis lui dit qu'elle était également heureuse de le revoir et puis plus rien. Un blanc gênant s'installa, vous savez, le moment de vide où on se regarde dans les yeux sans savoir quoi dire, à défaut qu'ici, lui ne pouvait plus regarder quoique ce soit. Sa sœur brisa le silence au bout d'un moment simplement pour constater le fait actuel, ils n'avaient plus rien à se dire. C'était sa sœur et au final, il n'avait toujours eu qu'elle comme soutient même caché. Elle, elle ne l'avait pas abandonné, ils s'étaient juste perdus de vue à cause de leur mère mais les années qui les avaient séparé se sentaient maintenant, ils n'étaient plus les louveteaux qu'ils avaient connu. Nox répondit à la séide avec un petit ouais perdu dans un rire nerveux avant de laisser un nouveau blanc s'installer.
Finalement, un vent frais lui souffla au visage, l'incitant à lever le museau. Il ne voyait pas le ciel alors il sentait par rapport au temps, à la température, au bruit de la forêt le moment de la journée. Il était resté trop longtemps hors du camp Brethen, s'il se doutait bien que sa n'empêcherait pas les loups de sa meute de dormir, pour lui, rester dehors la nuit n'était une très bonne idée, même s'il n'avait pas vraiment envie de rentrer non plus. Il soupira, on essayait de faire croire dans les parole des choses bien plus belles que dans la réalité. Une meute fraternelle où tout le monde s'entraide ? Ah c'est bien beau sur le papier mais il n'y avait qu'à voir comment avaient tourné les fondateurs, ils s'étaient tous barrés les uns après les autres abandonnant leur meute aux premiers débutants et aux brutes, brutes qui s'enfuient également avec l'arrivée des responsabilité. Noximilien avait bien envie de demander à sa sœur s'il pouvait rentrer avec elle mais ce genre de décision ne se prenaient pas à la légère, on ne pouvait plus faire marche arrière quand elle avait été prise. Et puis, il venait tout juste de la retrouver sa sœur, elle n'avait probablement pas envie de se trimballer un frère qui n'était plus capable de faire quoique ce soit. Il chassa ses mauvaises idées, il était grand temps qu'il rentre chez lui.

« Le temps s'humidifie, je devrais rentrer pendant que ma trace est encore là. »

Nox tourna les talons à ses mots et commença à chercher son odeur, truffe vers le sol. La terre était froide, région pleine de tourbe du nord, elle était rarement chaude. Au bout de trois pas, il s'arrêta pour relever la tête et ma tourner dans la direction de sa sœur, plus pour qu'elle l'entende correctement que pour la voir.

« On se reverra un jour »

Et il reprit tranquillement son chemin, l'oreille attentives aux sons, la truffe à son odeur.

Nox répondit brièvement avant qu'un nouveau blanc s'installe. C'est assez bizarre au final, j'aurai pensé qu'on aurait plein de ragots à se raconter et que ça n'en finirai pas mais non. Il faut croire qu'on sait déjà tout l'un de l'autre rien qu'en ayant passé l'enfance ensemble et en étant du même sang.
Le soleil déclinait doucement laissant place à un air plus frais. Il commençait à se faire tard et j'allais devoir rentrer bientôt si je ne voulais pas arriver trop tard au Creux aux loups d'autant plus que j'aimerais essayer de chasser sur le chemin du retour pour avoir au moins la conscience d'avoir été utile aux Séides aujourd'hui. Heureusement, Nox explicita mon constat :

« Le temps s'humidifie, je devrais rentrer pendant que ma trace est encore là. »

Sur ces mots, il se mit en route dans la direction opposée. Il marcha un peu avant de se tourner de nouveau vers moi et me lancer :

« On se reverra un jour »

Puis il repartit lentement, prenant le temps de sentir chaque recoin pour être sûr de l'endroit où il se rend. Avant qu'il ne soit trop loin pour que je puisse l'interpeller, j'ai lancé à mon tour :

"Je l'espère !"

Et, d'un bond, je me suis mise à galoper vers les terres Séides d'un rythme plus rapide que celui de mon frère. Je n'aurai jamais imaginé retrouver mon frère et encore moins apprendre l'existence de loups qui partage le sang de mon père. Il faut dire que la vie nous réserve bien des surprises...
Je commençais alors déjà à réfléchir aux recoins les plus propices à la chasse et les plus stratégiques au fur et à mesure que je m'éloignais, mettant cette rencontre dans un coin de ma tête.