Lévitation - Prio David

Un filet de bave coulant avec délicatesse sur le sol, Abélard dormait d'un sommeil tranquille. Sa tête reposait confortablement dans toute l'épaisseur de son pelage, comme lui permettait la longueur de sa queue. Il roula sur le flanc dans un grognement, à demi-conscient.

Peut-être était-ce le choc trop rude de ses os contre le sol, ou bien l'impression d'être observé, mais le loup blanc ouvrit les paupières. Il lutta quelques instants contre la lumière du soleil à renfort de battements de cils et aperçut un jeune louveteau à quelques longueurs de lui. D'un revers de patte, Abélard essuya le reste de bave sur son menton, avant de mâcher dans le vide pour se réveiller.

L'observation de ce gosse lui donnait des idées. Il était à une distance optimale, et il ne devait pas peser plus gros qu'un lièvre. Le mâle concentra tout son pouvoir télékinesique. Il sentit la force traverser son corps pour s'accumuler derrière ses globes occulaires. Il ordonna à ces esprits invisibles de se précipiter vers le petit. Soulevez-le. Abélard se concentra sur ce seul mot de toute ses forces. Soulevez-le!
L'effet ne fut pas celui escompté. Le gosse bougea à peine, et encore, Abélard ne l'aurait pas juré. Il abaissa brusquement sa tête sur ses pattes avant. Il avait encore beaucoup, beaucoup de progrès à faire.

Le ciel était d’un bleu pâle, presque gris en ce début de journée. Le temps clément était nuancé de brises fraîches qui balayaient les plaines, faisant danser les graminées en un même mouvement ; comme une vague qui déferle sur le rivage. Cette contrée verdoyante rappelait les hauts plateaux d’Irlande. Cette praire, terre arable et paisible, offrait d’excellents pâturages aux grands gibiers et, dressé en son sein, il y avait le dolmen, pour tout refuge en temps d’orage. C’est précisément ici, dans l’ombre que projetait un menhir, que David avait choisi de s’abandonner au sommeil. Son réveil avait été graduel, agréable sans être précipité et il fit l’agréable constat de se voir complètement reposé. Dans une courbette flexible, il s’étira comme un chat, dénouant ses muscles engourdis. D’une démarche lente et lasse, presque traînante, il s’engagea dans une étroite cavité sombre et fraîche, où l’eau, condensée sur des parois rocheuses raboteuses, retombait goutte à goutte dans un clapotis régulier. La fraîcheur de la caverne rappelait les caves où l’on entrepose le mil, à la seule différence près que l’on conserve le lieu au sec pour la conservation des céréales, l’humidité favorisant la prolifération de moisissure. Les blattes emboîtèrent le pas à leur père, comme à l’accoutumée, toujours sur ses talons. Ses seules amies pour toute compagnie, il n’opposa aucune résistance lorsque certaines ménagèrent de faire l’ascension de son épine dorsale : après tout, leur nature repoussante lui convenait comme il convenait à un chat de faire un brin de toilette, c’était devenu une seconde nature. Les coquerelles s’engouffrèrent dans la tanière les premières, comme pour faire un premier constat des lieux, David clôtura le convoi sans un son, seule la pâle lueur de son glowstick violet témoigna sa présence.