Lost land. | Méléagant

Perdue.

Azura avait l’impression que c’était un peu l’histoire de sa vie. Elle était perdue, tout le temps, partout, et dans tous les sens du terme. Perdue sur le territoire. Perdue dans son esprit. Perdue dans ses émotions. Perdue dans sa vie.

Aujourd’hui, il faisait froid. Une fine couche de neige avait recouvert les brins d’herbe recouvrant l’immense plaine dans laquelle la louve se trouvait. Elle se rappelait maintenant pourquoi elle n’était pas souvent sur son territoire de meute : parce qu’elle n’aimait pas les terres qui leur étaient attribués. Elle adorait sa meute et lui était très fidèle, mais merde alors, elle ne se sentait pas très bien dans les paysages qui leur étaient donnés. Et encore moins depuis l’apparition d’Everbloom. Elle soupira, désespérée d’elle-même. Tournant sur elle-même, elle ne voyait que du vide, une immense plaine vierge et enneigée. Elle continuait à marcher dans l’espoir d’y apercevoir une frontière ou un chemin. Mais elle commençait un petit peu à désespérer. Du coup, plus elle paniquait, moins elle s’y retrouvait. Car sa peur créait encore une fois, autour d’elle, une brume qui l’empêchait de voir au loin. Un cercle vicieux qui n’allait pas l’aider dans sa quête de retrouver le chemin. Elle commençait vraiment à désespérer au point qu’elle failli cracher un juron, quand elle aperçut une grosse pierre au loin. Unique point de repère, elle se mit à courir vers le Dolmen jusqu’à ce qu’elle puisse y écrases le museau. Elle s’appuya contre la pierre, et se laissa glisser au sol glacé.

Au moins, elle avait un point de repère.

Ce fut à peu près à cet instant qu'une silhouette massive se dessina sous le Dolmen. La journée en était à une bonne moitié, et Méléagant avait décidé d'aller patrouiller les frontières du territoire Brethen, et pourquoi pas éventuellement de chercher un nouveau territoire de chasse parmi les terres libres alentours. La traque matinale n'avait été glorieuse pour aucun des chasseurs, et l'hiver durait. Il faudrait sans nul doute se serrer la ceinture quelques jours, mais peut-être trouveraient-ils dans les territoires où le climat était plus clément quelques troupeaux de proies un peu plus vivaces et un peu moins prudentes que les quelques daims et lapins qui peuplaient les forêts et les plaines. Bien-sûr, il s'était quelques peu renseignés et avait prêté une oreille attentive aux rumeurs qui disaient que d'autres prédateurs rôdaient dans les environs, et que les solitaires n'étaient pas forcément du genre à laisser leur part aux loups de clans, mais il voulait tenter l'aventure tout de même.

Toutefois, un léger détail sembla compromettre cette expédition. Alors qu'il passait sous les larges pierres qui formaient la structure principale du Dolmen, il remarqua dans un coin de son champ de vision une silhouette prostrée contre la pierre, qui avait tout l'air de ne pas être une statue. Le loup ralentit l'allure jusqu'à un pas raisonnable, et s'avança vers elle. C'était une louve, une Brethen comme le montrait son odeur. Elle avait un pelage sable et des cheveux bruns, et se tenait appuyée contre la pierre, à moitié étendue au sol, dans une posture qui trahissait la détresse - ou au moins une sorte de désespoir silencieux. Le grand loup s'avança à pas mesurés, les oreilles vers l'avant et le regard posé sur la silhouette de la femelle. Elle était de sa meute, aussi ne voyait-il pas d'impolitesse à venir s'enquérir de son état. Si elle ne désirait pas lui parler, elle le ferait sans doute savoir, par des actes ou des gestes, et il s'en retournerait à son objectif initial. Mais il n'était pas dans sa nature de laisser une demoiselle en détresse seule dans la panade.

Il se douta que le bruit léger de ses pas dans la neige avait trahi sa présence, mais lorsqu'il fut non loin il s'annonça en quelques mots, pour être certain de ne pas la prendre par surprise :

"Seriez-vous dans quelque mauvaise passe dont je puisse vous tirer, ma Dame ?"

Il s'était approché doucement, assez près pour montrer ses intentions des plus innocentes, assez loin pour demeurer à une distance qui ne le ferait pas paraître menaçant.