Palais et chevaliers | Méléagant

Méléagant se trouvait lui aussi aux abords du Palais, effectivement. Sa silhouette pourtant massive paraissait bien minuscule comparée à l'immensité de la construction. Mais ce n'était pas pour se sentir plus petit - quelle étrange idée - qu'il était venu de nouveau à la rencontre de l'imposante bâtisse. Elle avait attiré son attention et celle de son frère Agravain dès leur arrivée, et peut-être cela avait-il été un élément déterminant dans le choix de leur meute. Plus ou moins,naturellement. En effet, si les terres de Punk Wolf étaient relativement accueillante bien qu'elle se relevassent d'une dure période, mais elles étaient sauvages et bien différentes des cités au coeur desquelles ils avaient grandi. Le peuple d'où ils venaient était un peuple de bâtisseur, qui avait accumulé suffisamment de science au fil des âges pour être capable de construire des habitations de briques et de bois, de grandes fortifications et d'imposants Palais. Il n'y avait rien de semblable ici, les loups avaient utilisé les refuges offerts par la nature pour s'y installer et y aménager leurs abris. On ne pouvait appeler "sommaire" leur civilisation, mais simplement très différente. Et lorsqu'il avait découvert le Palais, Méléagant avait ressenti une pointe de nostalgie, sa vision lui rappelant la forteresse au coeur de laquelle lui et son camarade roux avaient été entraînés puis sacrés Chevaliers. La dernière image qu'ils en avaient était celle de ses hauts murs détruits par es créatures démoniaques que les serviteurs de Maxwell avaient invoquées.

Il s'était donc permis, au retour de sa chasse matinale, de retourner vers la grande construction. Le styl était bien différent de celui des constructions qu'il connaissait déjà. Plus subtil, plus détaillé il en imposant moins que les constructions brutes entre les murs desquelles il avait vu le jour. Et cette pierre blanche comme la neige, il n'en avait jamais vue de telle. Le Palais semblait presque dédié aux Dieux, si l'on en croyait les grandes statues qui ornaient ses abords, mais aucun loup natif de ces terres ne savait le dire précisément si c'était le cas ou non. Ce Palais était un mystère. Un très beau mystère cependant. Même pour Méléagant, qui n'avait pas exactement de fibre artistique développée, cette construction éveillait en lui un sentiment d'admiration, presque de déférence. Comme si les divins eux-mêmes avaient posé le blanc palais sur la terre des mortels, comme manifestation de leur présence et de leur beauté.

Méléagant avait trouvé en les dieux une sorte de partie manquante à son existence. De là où ils venaient, les forces qui gouvernaient l'univers étaient assez floues. Seule la Mort était une sorte de dieu véritable, qui guettait les guerriers pour emmener leurs âmes lorsqu'ils tombaient sur le champ de bataille. Les Sept divins de ces terres avaient été une sorte de révélation, d'autant qu'ils existaient bel et bien, comme il avait pu le constater lors de l'apparition d'Aka à son épreuve de glowstick. Il avait une foi solide en ces dieux-là.

Une odeur familière attira son attention alors qu'il approchait de l'entrée du Palais, longeant ses murs en contemplant silencieusement les hautes statues, les tours qui semblaient se dresser à l'infini et les hauts murs immaculés. Un léger sourire étira ses babines. Il n'était pas surpris qu'Agravain soit revenu dans les parages lui-aussi. Peut-être éprouvait-il également cette espèce d'attirance pour cet endroit, qui était celui ressemblant le plus à ce qu'ils avaient connu jusque là. Il s'avança dans l'entrée - qui n'était pas la porte principale,mais une entrée vers un couloir un peu plus sombre. La silhouette à la cape blanche de son frère se dessinait un peu plus loin, éclairé par la lumière vacillante d'une torche. Il s'avança vers lui, et le roux se retourna pour le saluer.

"Agravain." Répondit-il en parvenant à sa hauteur et en lui adressant un sourire.

Ils formaient un étrange tandem, tous les deux, si différents dans leur corpulence et leurs tempérament, et pourtant si semblables par leur histoire et leur uniforme.

"Qu'est-ce que tu fabriques ici ?"

Sa voix était plus grave que celle du roux, plus roulante, comme si même ses cordes vocales s'étaient accordées avec son apparence.

Méléagant rendit un sourire complice à son frère, et suivit son regard lorsqu'il lui exposa le mystère des symboles qui se trouvaient sous leur nez. Effectivement, si l'on reconnaissait vaguement quelques couleurs et symboles des différents dieux, tout ce qui se trouvait autour était indéchiffrable pour lui autant que ça l'avait visiblement été pour son camarade roux. A la lueur dansante des flammes, les motifs paraissaient presque irisés. Une autre malice de cette pierre étrange qui semblait étinceler même lorsque la lumière du soleil ne l'éclairait pas ? Ce Palais tout entier était un mystère. Il avait entndu dire que chez l'autre meute, quelques loups avaient pour vocation d'étudier et d'acquérir le plus de savoir possible, vivant quasiment toute leur vie dans la grande Bibliothèque qui se trouvait sur l'Île Fantôme. Une bien étrange vocation. On leur devait beaucoup des livres et parchemins qui y étaient exposés, mais mener une vie de ce type devait être bien difficile. Le loup bicolore ne l'aurait pas supporté, il n'avait aucun doute sur la question. Son regard clair parcourut une nouvelle fois les signes, sans en saisir d'avantage le sens.

Et sans surprise, ces quelques instants suffirent à Agravain pour bondir sur un autre sujet. Son frère était un loup très sociable et cordial, avec qui la conversation était toujours plaisante - sauf évidement quand il abusait de choses fermentées, mais là elle penchait plutôt vers le comique, avec une petite exception pour ceux à qui il décidait de s'attaquer sans raison et un peu n'importe comment à ce moment là. Méléagant se fit d'ailleurs la réflexion que c'était bien une chose qu'il regrettait parfois de leur ancienne vie, cette boisson qui rendait les pensées plus légères et les actions d'Agravain plus aléatoires. Peut-être y en avait-il dans l'autre meute, après tout pourquoi pas. Ils n'avaient pas vraiment eu de contact avec les Séides depuis leur arrivée, se cantonnant à leurs rôles chez les Brethens afin d'être pleinement acceptés par cette meute qui se relevait difficilement d'Everbloom.

"Rien de bien inhabituel." Répondit-il. "La chasse a été plutôt bonne ce matin, et avec la trêve temporaire entre les meutes il n'y a pas grand chose à défendre ici."

L'un de plus gros changements dans leur vie. Ils étaient des soldats, des combattants, des chevaliers. Et ici, sur ces terres blessées par les récents événements, il n'y avait personne à combattre ou à guetter, personne à traquer hormis les proies, personne contre qui se défendre.

"Nous devrions reprendre l'entraînement seuls." Continua-t-il. "Même en chassant, je sens que je vais perdre mes réflexes si je reste passif et à me promener sans but dans ces terres. Lorsque des petits naîtront, peut-être pourrons-nous avoir des Ecuyers si la coutume se fait ici, mais en attendant..." Il le gratifia d'un coup d'épaule amical. "... je me demande si tu sais toujours défendre ta petite carcasse, sire Agravain."