So cold | Ft. Karigan

Devant l'entrée du Creux aux loups, j'étais allongé sur un rocher. De là, je pouvais voir toute la vue qu'offrait la montagne. Une fine couche de neige recouvrait encore le sol et celle-ci semblait persisté même si le soleil était bien présent. C'était le début de l'après-midi, la plupart des Séides était parti chasser ou se livrer à leur toutes autres occupation. Je me sentais personnellement trop faible pour aller chasser pour l'instant, mes muscles endoloris étant toujours là pour me rappeler mon âge de plus en plus avancé mais aussi les séquelle que la mutation passée m'a laissée. J'avais donc préféré rester un peu me reposer, observer la vue, sentir l'air frais balayer mon pelage et mes plumes. J'étais tout simplement en train de profiter du beau temps et du calme de cette journée.

De mon rocher, j'observais un groupe de louveteaux jouer de l'autre côté. Une maternelle était assise non loin, observant le petit groupe avec attention tout en lissant de temps à autre son pelage. C'était une scène que ne me faisait ni chaud ni froid. Je comprenais qu'on ait besoin de ce genre de rôle dans la meute mais je ne pouvais comprendre l'envie qu'on pouvais avoir de s'occuper des louveteaux des autres toute sa misérable vie. Je trouve ça idiot.
Si ces louve veulent des enfants, elle n'ont qu'a avoir les leurs...
Lorsque j'observais ces petits louveteaux se battre gentiment, se donner des petits coups de crocs amicaux, se pousser, se plaquer au sol en riant, je ne ressentais rien. Je n'avais jamais ressentis ce que les autres éprouvait lorsqu'il voyait des louveteaux, je ne sentais pas cet "amour" pour ces petits être mignons. Non, je ne le voyais pas comme ça. Mais j'ai bien compris pourquoi je ne voyais pas d'amour à travers les yeux de ces petites créatures. Je savais que mon enfance était à l'origine de cette particularité chez moi. Notre mère ne nous a jamais vraiment aimés avec Nox, oh non jamais. Elle nous a conçut par intérêt et elle nous a lâchement abandonné dès que c'était possible. Je n'ai jamais reçu d'amour véritable de ma mère moi, et mon père était déjà à moitié mort avant même de nous concevoir si j'en croyait les dires. C'est ce qui a fait de moi cette pierre froide et distante...

Posant ma tête sur mes pattes, rabattant mon unique aile sur moi, j'ai fermé les yeux. Je tentais de chasser ces souvenirs avant qu'ils ne reviennent me hanter...

Depuis le creux de roche où elle s'était tapie, Karigan observait d'un oeil méfiant les batailles de ses camarades. Elle ne voulait pas y aller, elle. Elle n'était pas comme eux. D'ailleurs, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi ils aimaient cela, ces espèces de jeux remplis de piaillements et de coups de pattes.Et puis il y avait autre chose, surtout : Maman l'avait laissée. C'était la première fois qu'elle quittait réellement le camp en la laissant toute seule avec Volstein sous la garde des Maternelles, et même si elle avait promis de revenir vite, c'était terrifiant. On leur avait toujours dit de ne pas sortir, de ne pas passer l'entrée du Creux aux Loups car l'extérieur était trop dangereux pour eux - elle avait très vite compris la notion de danger, contrairement à ceux de son âge -, alors pourquoi Maman y allait-elle ? Maman ne voyait pas, elle ne verrait pas arriver le danger. Peut-être ne reviendrait-elle jamais. C'était terrifiant, angoissant.

Karigan déglutit et se pelotonna un peu plus sur elle-même, le long de la roche. La louve qui s'occupait d'eux et des autres louveteaux ne semblait pas faire attention à elle. Elle se mit à réfléchir rapidement. Peut-être pourrait-elle s'avancer vers l'entrée et simplement regarder ? La simple pensée de mettre une patte dehors la faisait frissonner, mais elle pouvait peut-être jeter un oeil, depuis derrière un rocher qui la protégerait de ce qui pourrait lui sauter à la gorge. Oui, c'était une idée. Elle posa son regard doré sur la Maternelle et se redressa doucement, le flanc collé à la paroi, et commença à avancer doucement vers l'entrée. Finalement, voyant que la louve tournait la tête dans une autre direction, elle s'élança... et heurta brutalement quelque-chose de grand, doux et foncé qui se dressait en travers de son chemin. Elle roula au sol, son petit coeur battant la chamade, et se releva d'un bond maladroit avec un petit couinement effrayé. Les oreilles rabattues contre son petit crâne, elle leva un regard terrorisé vers la louve qui se tenait devant elle.

Les yeux clos, je tentais de penser à des choses positives même si je n'arrivais pas à en trouver. J'étais déçue au fond que mon frère soit parti sans me dire au revoir, il était le seul que j'appréciait vraiment au fond. Mais ce n'est pas si grave après tout puisqu'il a toujours fait parti des Brethen, il fallait s'attendre à ce qu'il rentre chez lui le moment venu. Et puis j'ai au moins la chance de le savoir en vie après tout ce que Everbloom a causé, je devrais me satisfaire de ça. De toute façon je me débrouille très bien totue seule, je n'ai pas besoin que mon frère vienne me demander si je vais bien en m'apportant des cookies et un verre de lait avec un couverture chauffante, non merci. Je resterais fière et indépendante quoiqu'il arrive, je ne me laisserai jamais chouchouter de la sorte, beurk !

Mais alors que j'étais tranquillement perdue dans mes pensées, une petite boule de poil m'a heurtée, se retrouvant projetée un peu plus loin. Surprise, j'ai entrouvert les yeux. Le petite bête ne m'avais pas vraiment fait bouger à vrai dire, sa taille était considérablement inférieur à la mienne tout comme l'écart entre nos âges semblait flagrant également. La couleur de son pelage m'indiqua qu'il s'agissait d'un des deux louveteaux de la récente portée de Romance et Aristote. Ces deux-là en était à leur deuxième portée déjà... Ça alors...

La toute petite louvette me regardait d'un air assez effrayé. Elle devait sans doute avoir peur que je la gronde parce qu'elle m'est rentrée dedans. Je l'observais d'un regard neutre alors qu'un court silence s'installa. Mon regard se dirigea lentement vers le groupe de louveteaux qui jouait au loin avant de revenir sur la petite louve. Tiens donc c'est étonnant, elle ne jouait pas avec ses camarades louveteaux ?
Regardant toujours la petite louve grise de haut, car c'était la seule chose que sa petite taille me permettait, je lui ai calmement dis :

"N'ais pas peur, je ne vais pas te gronder, ce n'est pas grave."

J'ai de nouveau jeter un coup d’œil au petit groupe, le montrant du museau.

"Pourquoi tu ne va pas jouer avec tes petits camarades ?"

Elle me faisait un peu penser à moi quand j'étais petite et que je venais d'arriver chez les Séides. Au fond, je n'ai jamais approché les autres louveteaux. Je préférais encore rester dans mon coin toute seule plutôt que d'aller avec eux.
Comme aujourd'hui à vrai dire.
Et comme cette petite louve.

La grande mit un long moment à répondre, un moment terriblement long. Un tremblement agita la petite silhouette grise alors qu'elle se recroquevillait légèrement, ses oreilles enfoncées dans les mèches de sa tignasse blanche et le regard brillant de peur. Maman lui avait dit que les loups de sa meute étaient là pour veiller sur elle et la protéger, qu'il ne fallait pas les craindre. Et lorsqu'elle serait grande, ce serait à elle de veiller sur les plus jeunes de la même façon. Mais elle ne connaissait pas celle qui se trouvait devant elle, et elle se trouvait seule à l'entrée du camp sans compagnie. Peut-être cela voulait dire que les autres loups avaient peut d'elle et la laissaient tranquille. Et si les autres grands avaient peur d'elle c'est qu'elle était dangereuse, forcément. Son petit coeur battait votre dans le creux de son poitrail, alors que l'autre la jaugea depuis sa hauteur d'adulte.

Puis elle lui parla. Sa voix n'était pas si effrayant,e mais la petite eut un mouvement de recul et baissa les yeux au moment où l'autre entrouvrit les babines, comme si elle craignait un coup de crocs. Les paroles n'étaient pourtant pas méchantes, bien au contraire. Elle lui assurait qu'elle ne la gronderait pas et qu'elle ne devait pas avoir peur. Karigan déglutit et releva craintivement son regard doré pour observer celui de la grande. Elle ne la regardait plus d'ailleurs, mais semblait plutôt scruter l'endroit où se trouvaient ses jeunes camardes, dont les piaillements leur parvenaient d'ici. Et elle lui demanda pourquoi elle n'était pas avec eux, et Karigan ne sut trop comment comprendre son ton. Etait-ce un reproche, se devait-elle absolument de jouer avec les autres petits comme tout bon louveteau ? Elle se mordit les babines, ses petites griffes labourant nerveusement la terre sous ses pattes.

"Je... Je suis désolée." Répondit-elle avec une petite voix. "Je n'en avais pas... très envie."

Elle baissa les yeux vers ses pattes, puis les releva vers l'adulte.

"Je voulais... Je voulais juste regarder si Mère était revenue." Dit-elle en guettant la moindre réaction de type grondement de la part de la grande silhouette devant elle.

La petite chose grise clair semblait si petite, si innocente à côté de ses camarades qui se chamaillaient et se poussaient dans l'herbe sans vraiment faire attention à si il blessait leurs congénères ou non. C'était pour ça aussi que je n'aimais pas les enfants, ils étaient... Souvent idiots et inconscients. Ils ne connaissent rien de la vie et ne se rende pas compte des dangers qui guette à chaque coin. Ils ne sont qu'ignorance. Oh, bien sûr ça s'arrange en grandissant, pour certains plus vite que pour d'autres. Cependant, je n'aurais personnellement pas la patience de supporter un gamin de la sorte. Je n'aurais pas eu la patience...
Mon attention se reporta sur la petite louvette qui me répondit d'une voix si petite qu'elle était à peine audible. Une voix qui contrastait fort avec ma voix d'adulte légèrement plus grave comparée voix de femelles toutes mignonnes et innocente qu'on entendait parfois. Bref, elle s'excusa avant de se justifier sur le fait qu'elle n'était pas avec les autres en indiquant qu'elle n'avait simplement pas envie de jouer avec eux. Oh, je la comprenais, ça ne m'aurait pas du tout fait envie à son âge non plus. Elle expliqua alors qu'elle voulait juste voir si sa maman était rentrée. Sûrement que Romance devait l'avoir laissée seule et qu'elle ne devait pas avoir l'habitude, ce qui devait expliquer sa façon assez craintive de se comporter.
Hochant lentement la tête pour lui signaler que je comprenais, j'ai répondu :

"Ne t'inquiète pas, je te comprend. Moi aussi je n'aimais pas jouer avec les autres quand j'avais ton âge."

J'ai marqué une pause avant de reprendre :

"Ta maman rentrera bientôt, ne t'en fait pas."

Elle me plaisait bien celle-là, rien que pour le fait qu'elle soit distante des autres. Je m'identifiais en elle. Sauf pour la crainte, je n'étais pas si peureuse à l'époque. Non, j'étais juste solitaire. Je le suis toujours d'ailleurs.
Reposant ma tête entre mes pattes pour ramener mon regard à la hauteur des petits yeux dorés de la créature, j'ai alors lancé toujours d'un ton neutre mais un peu plus amical :

"Je m’appelle Némésis. Et toi, quel est ton nom ma chère ?"

Ce dernier m'était sorti de la tête. Ou peut-être que je ne l'avais jamais su, aucune idée...