Sable mouvant | Ozgan

Le redoux du printemps approchant n'était pas pour déplaire au solitaire, car au plus profond de son esprit une pensée avait longuement trôné pendant l'hiver : 'Ça caille bordel de dieu !' et malgré la vulgarité du jeune loup, il n'avait pas eu tout à fait tord. Alors il avait été tout naturellement soulagé de moins sentir le froid mordant le matin et constater que la neige avait reculée bien plus loin vers le nord. Comme il aurait dit alors, il se gelait moins le cul. Mais nous n’adhérerons pas à la rudesse de son langage pauvre et rustre. Au moins débarrassée des températures les plus basses, la vie était plus agréable au goût d'Ozgan ; qui pouvait alors s'adonner à son passe-temps préféré et activité principale de ses journées insipide, la chasse. C'était après tout son centre d'intérêt le plus important, puis-ce que presque unique. Son seul talent, aussi.

Mais au moins, il était doué dans quelque chose.

Il avait remonté la piste d'une bête dont il n'avait pas réussit à définir l'odeur, et cela l'embêtait. Il était censé pouvoir les reconnaître au premier coup d’œil, il aurait pu donner les différents noms de ses repas sur le bout des doigts, normalement ! Ça l'avait vexé, tout au fond de lui, de ne pas savoir. Alors pour palier à cet égo qu'il s'était éventré tout seul comme un grand, il avait donc commencé à filer cette chose qui avait décidé de lui taire son origine et son espèce. Il n'avait pourtant rien à prouver à qui que ce soit, mais Ozgan était comme ça, un peu stupide et surtout pointilleux sur la question de la nourriture. C'est ainsi qu'il avait traversé les terres et était remonté jusqu'au Delta Embourbé, traquant nez à terre ce qui lui était inconnu pour pouvoir étancher cette soif de triomphe, pour peut-être même s'il pouvait, abattre la bête et en goûter la chaire ! Un nouveau goût, même si chez lui absolument tout faisait ventre... Mais ainsi allait la vie. Ozgan n'était absolument pas un être doté d'une logique implacable, tant qu'il en avait envie, il faisait.

Il ne se doutait absolument pas que quelqu'un arrivait vers lui, tout occupé et affairé qu'il était sur la piste de cette bestiole nommée x dans son esprit actuellement. Il voulait se la faire, la manger et pouvoir ajouter ça à sa liste de viandes répertoriées, point barre.

Mais peut-être que finalement, c'était lui qui allait se faire faire, to be continued...

La truffe frôlant toujours la terre meuble et humide, il commençait à amonceler une quantité de terre sur celle-ci, essayant de ne pas creuser un sillon avec derrière lui non plus. Mais il fallait qu'il aspire chaque trace, chaque résidu, chaque molécule odorante pour pouvoir continuer de pister !

C'était vital, c'était crucial, il ne pouvait pas se laisser distraire...

Alors la masse arrivant sur lui le surprit. Vu plus qu'il avait été particulièrement absorbé par sa tâche et son envie de débusquer son objectif, d'autant plus. Il ne calcula qu'à la dernière seconde l'ombre de la louvette à la carrure androgyne qui s'abattit sur lui tel un écureuil volant, débarquant de derrière ce buisson -qu'il n'avait même pas vu, pourtant dieu était-il seulement à un pauvre mètre de lui !- vile et traître. L'embuscade le fit violemment sursauter, contractant d'un fulgurant mouvement ses muscles, ses pattes se tendant à la vitesse d'un arc relâché propulsant une flèche ; il se retrouva raide comme un piquet dans un bond ridiculement peu élevé alors que son assaillante arrivait sur son dos en vociférant il ne savait quoi. Il était un peu trop sous le joug de l'étonnement pour bien déchiffrer ses mots, il n'eut que le timbre mixe de sa voix et le ton puissant et colérique qu'elle avait émit. Mais ce fut suffisant pour ajouter de l'effroi à sa stupeur, finissant de totalement le tétaniser et lui faire remonter le cœur au bord des lèvres.

Lui-même, tout en sentant la force de la masse de la jeunette commencer à l'emporter, émit un cri absolument inélégant.
Ses décibels s'envolèrent alors qu'il bafouilla tout en hurlant.

─ qoUA qu'es- skessé comanzou -POURKOUA qUOUA ?!?

Qui êtes-vous gente demoiselle, puis-je vous aider en quoi que ce soit ? aurait pu être une traduction tout à faire correcte s'il avait été quelqu'un d'autre. Mais il n'était que lui-même, bien malencontreusement, ainsi alors s'exprima t-il.
Tout gringalet qu'il était, son poids n'arrivait pas à la cheville d'un adulte, et était à peine plus élevé que celui d'un louveteau bien dodu, ce qui était donc visiblement tout le cas de Varky', bien que lui ne le sache pas. Cependant, ce fait additionné à l'élan qu'elle avait prit et sa surprise entrainant sa crispation toute certaine, le combo gagnant fut atteint.
Le solitaire s'écroula sous cette agression pure et simple et catapulté, roula avec la jeune Séide sur le chemin gadoueux sur un ou deux tours, s'écrasant dans la dite boue aux teintes similaires à son pelage. Le tout dans une gerbe d'eau spectaculaire qui ne manquerait pas d'éclabousser l'agresseur également.

Par terre, Ozgan sortit très vite de sa tétanie et gesticula de façon désordonnée pour se détacher de celle qui lui avait foncé dessus tête baissé, pédalant une seconde dans le vide avant que son torse ne se contorsionne avec. Avec ces mouvements, il se redressa à la vitesse de l'éclair tout en continuant de hurler à peu près tout ce qui lui passait par la tête.

─ j'J'ME LAISSERAIS PAS FAIRE MA MERE M'AS PAS ÉLEVÉ COMME ÇA !

Il se retourna pour faire face à... un louveteau. Un lardon vachement gros.
Avec une crête en os sur le dos. Bah par la barbe de pépé, s'il avait cru voir ça un jour... Pépé n'avait jamais eu de barbe, d'ailleurs, s'il se souvenait bien de ce que lui avait raconté sa mère. Mais soit.
Il resta interloqué face à elle.