Tempête. ♣ LIBRE

Thème ♫♪ ♥

" Elle était mon vent, mes ailes.
Ma vie en plus beau... "

Un tumulte de colère et de déception écartelait la poitrine de Jagh. Son impuissance et son manque de courage faisaient tourner en boucle la culpabilité dans son esprit embrumé. Son regard d'or, brûlant et incendiaire, fixait le chemin devant lui. Il avançait sans réel but, mettant dans sa course toute cette énergie négative. Si seulement il avait eu l'audace d'assumer ces émotions, si seulement il avait osé être franc avec l'ange au pelage chocolat. Peut-être alors qu'elle ne serait pas parti sans un seul coup d'oeil en arrière ? Peut-être même que Thyara n'aurait pas suivit Hyozan ? Peut-être même que...
Jagh secoua le museau avec rage. Non. Il ne devait pas penser comme ça. Il ne devait pas pensé à ce qui aurait pu se passer. Il devait se contenter de supporter le poids de la timidité qui l'avait empêché de déclarer sa flamme à la belle Maternelle. Il devait penser qu'il avait perdu celle qu'il aimait en plus de son ami le plus proche. Alors que si il avait parler à la douce louve ailée, eh bien, il y avait une infîme possibilité pour qu'il ne perde que cet ami proche. En même temps, il n'avait pas imaginé que Hyozan laisserait sa compagne partir sans se battre. Et Jagh se serait battu pour elle. Oui. Il aurait tout donné pour elle. Alors pourquoi n'avait-il jamais eu la force d'avouer ses sentiments à Thyara ? Pourquoi ? Par les dieux ! Jagh dressa le museau vers le ciel, envoyant un regard plein de ressentiment à ces dieux qui le rendaient ainsi malheureux et se rendit compte qu'il pleuvait à torrent. Le mâle blanc et vert s'ébroua vigoureusement avant de reprendre sa route à une allure soutenu. Son souffle devenait rauque et saccadé. Il poussait ses muscles à aller plus loin, et à courir plus vite. Jusqu'à ce que la boue laisse place à du sable et que ses pas devinrent vraiment difficiles. Il ne s'arrêta pas pour autant et força encore, le long de la plage. Finalement il dût s'arrêter pour ne pas tomber d'épuisement. Ses pattes flageolaient. Jagh expirait comme un buffle, bruyamment. Ses prunelles d'or quittèrent le sol dans lequel il donna un coup de patte rageur pour fixer l'océan déchaîné. Un orage lointain grondait et soulevait les vagues. Bientôt il viendrait renforcer la pluie qui trempait le pelage sale de boue du loup blanc devenu marron de terre. Bientôt, les éléments se déchaînerait au dessus de la tête de Jagh, en plus de ses émotions qui se battaient brutalement dans ses entrailles.

Etait-elle trop belle ?
Ou suis-je trop sot ?

N'aime t-on jamais assez... ?

C'était une sale journée.
Même depuis l'intérieur de la Bibliothèque, Morokei avait entendu le premier orage qui était passé plus tôt dans la journée. Cela faisait plus de trois jours qu'elle travaillait sans relâche dans le sanctuaire de la connaissance, étudiant les ouvrages qui traitaient des glowsticks pour tâcher de déterminer s'il y avait des antécédents d'un semblable phénomène. Les Sept soient loués, elle ne faisait pas partie de ceux qui possédaient un glowstick au pouvoir parasité. Pour le moment, ses recherches avaient été vaines, mais elle progressait doucement. Le dernier ouvrage qu'elle avait commencé contait des histoires qui ressemblaient, un témoignage d'un loup de temps anciens qui avait vécu bien avant eux. Mais son corps lui avait rappelé qu'il était temps de prendre une petite pause, le dos fourbu et les yeux piquants, aussi avait-elle décidé d'aller passer la fin de la journée et la nuit suivante au Creux aux Loups. Elle reprendrait son travail le lendemain de bon matin.

Lorsqu'elle quitta la Bibliothèque, le ciel était couvert et noir, et l'atmosphère pesante. Electrique. Elle détacha ses cheveux rapidement, les laissant flotter derrière elle en une épaisse tignasse, et reprit le chemin du camp. Elle décida de faire un crochet par les Criques du Soleil. Ce lieu était à la fois remplis de souvenirs tristes et de choses heureuses. c'état là le dernier endroit où elle avait vu sa mère, avant que l'océan ne l'emporte. Elle se souviendrait toujours de cette vision atroce, alors qu'elle-même n'était qu'à demi consciente sous la gravité de ses blessures. Désormais, chaque fois qu'elle se sentait triste, elle venait marcher sur la plage et avait la naïve impression d'être plus proche de Plume Blanche ainsi. Elle avait perdu ses deux parents bien vite, et son mentor également. Désormais, elle avait l'impression d'avoir été jetée dans le monde des adultes un peu comme ça, sans prévenir, et se débrouillait bon an mal an.

Alors qu'elle s'avança sur la grève, le vent fouettant son pelage caramel et faisant tourbillonner ses mèches de neige, une silhouette attira son attention. Deux silhouettes, plus précisément. La première était celle de Jagh, un mâle Séide dont l'expression ne laissait rien augurer de bon. Depuis la scission de la meute et le départ des renégats, une étrange ambiance régnait chez les Séides. Il devait sans doute y avoir eu dans le lot quelqu'un auquel le blanc tenait, et elle en était désolée pour lui. A ses pieds, elle reconnut avec surprise la silhouette familière de Sayuri, sa nièce et fille de sa petite soeur Aora. L'histoire entre elle et Alistair était arrivée soudainement et Morokei s'était retrouvée tante avant d'avoir eu le temps de saisir toutes les ficelles de l'aventure. La petite au pelage nuageux jetait un regard terrorisé vers Jagh, comme si elle cherchait à se cacher entre ses pattes.

Morokei s'avança avec prudence, surveillant les potentiels caprices de son pouvoir, et s'approcha des deux. Elle les salua d'un hochement de tête, consciente que sa voix ne porterait sans doute pas avec la tempête qui approchait le vent qui sifflait à leurs oreilles.

Trop perdue dans ses sombres pensées, Jagh ne remarqua la gamine que lorsqu'elle cria tout prêt de lui. Il sursauta violemment, réellement persuadé d'être complètement seul face à cette tempête. Voyant l'air terrorisée de la louvette qu'il reconnu comme Séide, il se força à renvoyer loin sa souffrance morale. Un enfant avait besoin de lui, là tout de suite. Jagh avait beau être Gabelou, il avait un contact fréquent avec les louveteaux et appréciaient s'en occuper. La moment était clairement mal choisi pour la louvette au poil nuageux, ne serait-ce à cause de la pluie battante et de l'orage menaçant qui se profilait rapidement à l'horizon. Le mâle blanc couvert de boue roula des épaules pour délier ses muscles avant de laisser la petite grise se protéger entre ses fortes pattes de guerrier presque aguerris. Depuis la scission de la meute, le jeune mâle au regard d'or s'était perdu corps et âme dans l'entraînement intensif et avait finalement gagné de la masse musculaire et de bons réflexes. Ce qui faisait enfin de lui un bon élément utile. Mais ce n'était pas assez satisfaisant pour lui, parce qu'il était seul. Parce qu'il n'avait personne avec qui partager cette fierté. Jagh soupira et baissa le museau pour répondre à la petite effrayée :

« Je suis Jagh, je fais un tour du territoire, car c'est mon rôle de Gabelou. Et toi ? Tu es toute seule petit papillon ? »

La voix du loup boueux était forte pour se faire entendre sous les rugissements du vent, mais chaleureuse pour être rassurant. Bien que l'envie ne soit pas là, il faisait son possible pour paraître réconfortant et sécuritaire à la louvette ailée. D'autaut plus que croiser un enfant maintenant ne lui rappelait que trop le départ de celle qu'il aimait, celle qui aurait des petits avec un autre... Il releva le museau pour vérifier la plage et essayer de voir s'il n'y avait pas un meilleur abri pour la gamine que son corps détrempé et dégoulinant de terre. Ses orbes couleur miel s'arrêtent sur une masse blanche capricieuse qui tourbillonnait sous les assauts incessants des courants d'air. Jagh reconnu une louve sous cette tignasse insubordonnée. Elle avait le pelage aussi marron que lui. Cette idée lui arracha un très léger sourire. Il ne devait rester que son dos et peut-être le haut de ses joues de blancs, ou du moins d'assez propre pour le reconnaître. Elle les salua en s'approchant. Il sentit une certaine retenue, comme si elle n'osait pas les rejoindre franchement. Pourtant elle était Séide non ? Les cheveux ne laissait que peu de doutes quand à sa parenté, il le devinait facilement parce qu'il côtoyait régulièrement Grimm, le fils de Nout. Donc s'il ne se trompait pas il s'agissait de la soeur ou de la cousine de cette dernière, enfin un truc du genre parce que les histoires de famille ne l’intéressait pas vraiment et qu'il se rappelait juste qu'elles avaient grandis ensemble. Malgré les hurlements dans ses tympans, il voulut l'interpeller pour qu'elle hâte le pas vers eux. Lorsque le temps se faisait si déchaîné, il était de bon tons de rester groupé.

« Morokei ? Viens ! Il y a un abri là-bas ! »

Il accompagna le geste à la parole au cas où elle serait encore trop loin pour comprendre ce qu'il disait, surtout qu'il ne s'égosillait pas non plus : il montra la falaise de la patte avant d’attraper la petite par la peau du cou, prêt à se mettre à l'abri en vitesse dès que la femelle chocolat les aurait rejoint.