Furieuse luciole | Heinrich

[ceci se passe au bord du territoire Brethen, à la frontière avec les terres libres]

Elle était toute, toute petite, à quelques mois seulement, et ressemblait à un joyau, dans la nuit, à luire d'une douce lueur bleue, avec ses espèces de voiles sur le dos et le bout de la queue, c'était impossible de ne pas la remarquer, dans le noir. Elle n'avait toujours pas eu l'idée de mettre de longues guêtres sur ses pattes pour cacher ses marquages, et sa silhouette brillante était bien visible entre les herbes, alors qu'elle se baladait. Elle était sortie du champ de vision un peu nonchalant de ses deux parents Brethens, et n'avait pas arrêté de marcher dès ce moment là. Décidée à voir à quoi ressemblait le monde.

Elle était si petite qu'on avait tendance à la sous estimer, car pour une enfant, elle abritait une puissante furor, qui semblait ne pas avoir de racine profond autre que faire souffrir les autres.
Elle marchait là, le crâne de sa sœur jumelle, arrachée à son cadavre qu'elle avait trouvé dans le cimetière lors de sa dernière escapade, attaché à la collier à piques avec des fils rouges, qui lui rappelaient les fibres musculaires qu'elle avait sectionnés de ses propres crocs de toute petite louve.

Soudain, elle crut percevoir qu'il y avait quelqu'un d'autre ici.
Quelqu'un de mâle.
Une si, si petite louve, si furieuse dans son fond, tourna la tête vers l'odeur et le bruit, ses mèches phosphorescentes, bleues tournant dans un arc gracieux avec elle.

Elle l’aperçut enfin. Il était clair, il avait de cheveux rouges, et il était trop grand.
Quelque chose brûla en son regard, quelque chose qui contrastait avec son apparence si placide, et elle se fraya un chemin entre les longues herbes, vers l'individu.
Enfin, il l’aperçut, et elle lui jeta un regard.
Un regard furibond.

Pourquoi est ce qu'il fallait qu'elle soit aussi petite ?
Toutes les Brethens un peu plus vieilles tournaient autour de mâles, et elle, elle ne pouvait pas leur sourire, pour leur arracher les côtes dans la nuit quand ils dormiraient au près d'elle.
Elle en avait marre.
Souffre, loup.

« QU'EST CE QUE TU FAIS LA SALE ROUX ?? POURQUOI T'ES SUR DES TERRES QUI NE T'APPARTIENNENT PAS HEIN : ODURE !? » hurla la toute petite, alors qu'elle franchissait les longues herbes, pour venir se planter sur ses quatre pattes noires et bleues, devant Heindrich.

Elle se mit à grogner, tout petit bout de rage qu'elle était.

Il rétorqua, et elle ne comprit pas tout à fait ce qu'il voulait dire, mais ce qu'elle comprit, c'est que ce n'était pas un compliment. Son regard s'assombrit, alors qu'elle lui gueula en guise de répartie :
« C'EST TOI LE THON. THON ! »

En fait, il ne lui avait rien fait, mais elle voulait le voir mécontent et pour l'instant, cela réussissait plutôt bien. Elle prit alors la décision de persévérer dans ses efforts, avant qu'il ne lui lâche une longue tirade … Qu'elle ne suivit pas, toute à l’œuvre d'un complot maléfique qui lui apporterait à la fois douleur psychique et morale.
Mais comment atteindre un loup qui faisait 2 fois sa taille ?
C'était presque impossible, et ça a frustrait, d'où son excès de rage.

Le loup crème se détourna, avec un regard dédaigneux, et lui foutu sa queue dans la figure.
Elle n'hésita même pas une seconde.
Elle la croqua.

Elle enfonça ses jeunes crocs dans la queue du mâle, et ne le lâcha pas, bien que incapable de lui l'arracher, elle planta ses pattes dans le sol, le retenant comme elle pouvait.

« Tu fouis le chombat ? Chale chon ? » lui grogna-elle, la bouche pleine de la pilosité du mâle, tout de même déterminé à garder sa nouvelle grosse proie avec elle.
Elle sentait qu'elle commençait à être traînée, et redoubla de vigueur. Comment ça il était plus fort ?! C'était faux ! C'était qu'un mâle ! Et en plus, un mâle moche, qui sentait mauvais, et sa pilosité avait mauvais goût.

Une idée tout à fait lumineuse d’insulte lui fit surface, qu'elle s'empressa de lui crier, sans pour autant lâcher prise sur lui.

« EN PLUSCH T'ES MOCHE ! ARRETE DE TIRER CHINON CHE T'ARRACHE LA QUEUE ! »

Elle lui lança un de ces regards, à la fois haineux et surpris en se relevant de la poussière pour le regarder. Alors qu'elle était fermement accrochée à lui, il avait donné un coup de queue, qui l'avait envoyé valser, et frapper le sol plus loin. Comment osait-il ?
Mais malgré son envie de lui arracher son organe reproducteur, pour lui apprendre à être gentil avec elle, et le punir de ses actions, elle se rendait compte qu'il était vraiment physiquement supérieur à elle, et qu'il allait falloir être plus intelligente que ça, si elle voulait être en mesure de l'atteindre.

Elle se releva donc, le regardant de son regard clair comme l'eau, entre ses mèches bleues brillantes, puis se secoua un peu.
« Ok. Je veux bien que tu restes. » semblait-elle avouer, en grommelant, alors qu'elle retrouvait son honneur et ses quatre pattes sous son corps de poisson luminescent.

Elle leva la tête vers lui.
Il était à la fois grand et semblait fort avec une crête de cheveux écarlates, et un regard calme bien que légèrement agité, comme si il attendait quelque chose d'elle. Comme si il testait.
Elle prit donc l'air de celle qui devient soudain curieuse, sans toutefois mettre en avant un visage débilement intéressé, restant réservée, bien que ses prunelles luisaient de son intérêt pour le loup.

« Qui es-tu ? » demanda-elle en pointant ses oreilles vers lui.
Ses voiles luisaient doucement dans la nuit, ainsi que ses mèches bleues qui tombaient de chaque côté de son visage. Dit moi comment te retrouver, quand je serais plus fort, pour te faire payer.

De la vue de tout être extérieur, c'était rien de plus qu'une petite louve qui avouait qu'elle voulait en savoir plus sur l'inconnu roux, avec même quelque chose de fascinant, avec ses formes étranges, sa coloration particulière et phosphorescente. Elle était même .. étrangement attirante, comme petite. Le genre de chose à qui on veut montrer le monde, dans l'espoir de voir de l'émerveillement passer sur son visage fermé. Le genre de petite chose qu'on veut surprendre.

La louvette le regarda quelques instants, outrée par son refus, alors qu'elle avait fait l'immense effort de paraître sympa, et ouvrit la gueule, avec l'évidente envie de lui gueuler dessus et …
« TU ME BALANCE DANS LA POUSSIERE MAIS C'EST MOI QUI DOIT M'EXCUSER ? » s'énerva-elle, son regard vert brillant de nouveau de fureur, avant qu'elle ne se laisse tomber sur le postérieur. Elle avait envie de bouder, c'était pas juste. Il réussissait à l'embêter plus qu'elle, ne réussissait.

Alors il s'agissait de pousser l'art jusqu'aux confins de son royaume. Mais bon, il avait quand même raison, et lui au moins s'était déjà excusé.
Le leva son regard de mauvaise humeur vers lui.
« Pardon, mais t'es aussi méchant que moi. » lui indiqua-elle, têtue, ce qui lui servait de sourcils fortement froncé.

« J'accepte tes excuses. » dit-elle, en levant le museau, feignant une certaine fierté, en faisant la moue.

Puis elle baissa le regard vers lui, et se releva agilement pour fouetter les longues herbes de sa toute aussi longue queue brillante. Finalement, elle était vraiment curieuse de savoir qui il était, d'où il venait. Ça lui permettrai de le retrouver, déjà, mais également de fouiner.
Elle pencha légèrement la tête sur le côté.
« On peut discuter maintenant ? J'ai dit pardon. » lui rappela-elle.

Puis, debout sur ses quatre pattes, elle aperçut soudain quelque chose de tout à fait nouveau. C'était un petit truc lumineux qui flottait, ce que d'autres auraient nommé luciole.
Elle grogna en la voyant et fronça ses sourcils.
« C'est quoi ça !? » s'exclama-elle.

Elle pencha la tête, réfléchissant un instant, en écoutant le bruit que faisait la lumière.
Est ce que je peux l'écraser. Ou le tuer. Mieux : l'écraser pour le tuer.

Elle opina alors qu'il avouait que lui non plus n'était pas un ange. C'était drôle ça, il avait remarqué aussi ? Et puis, distraite, elle se tourna alors vers les lucioles, se redressant de sa position de combattante avec curiosité, alors qu'il lui expliquait ce qu'étaient en fait ces petits animaux lumineux. Elle leva même une patte, dans un petit geste, comme pour tenter de toucher les petites choses, qui lui échappèrent virevoltant autour d'elle, illuminant son visage soudain moins agressif, et plus émerveillé.

C'est alors que le Séide lui refit un compliment. Et elle leva ses oreilles vers lui, un regard noir venant se poser sur son petit museau noir illuminé du bleu de ses cheveux si étranges. Elle fit semblant de l'ignorer un instant, en retournant sa tête vers la luciole.

« V'z'avez raison, sire Poulpe, ma beauté n'as d'égale que votre stupidité ! » s'exclama-elle, avant de tourner son museau vers lui, et de tirer la langue, classique exemple d'une petite louve embêtante.

Elle pouffa de rire à sa bêtise, bondit vers le loup et sauta pour essayer de lui asséner un coup de patte sur le museau, vengeance de son compliment mal amené, mais rata le museau du beige, trop lente, et roula par terre. Surprise, elle se retourna pour le regarder, et un grand sourire plein de crocs, amusé, illumina sa contenance.

Elle se releva et un nuage de lucioles s'envola autour d'elle, provoquant l'arrêt de l'étirement de ses babines, pour qu'un air plus émerveillé s'installe, alors qu'elle les regardait s'envoler vers le ciel autour d'elle, dérangés par son déplacement. Elle sauta en avant, faisant s'envoler une nouvelle nuée de petits points d'or, qui tourbillonnèrent autour d'elle un instant. Elle se retourna et regarda Heinrich avec un énorme sourire, et s'élança dans la plaine en courant, les lucioles s'envolant autour de sa petite force bleue, brillant dans la nuit.

Sa voix, portée par la brise parvint au Séide, alors que deux petites oreilles bleues, qui dépassaient de l'herbe se tournaient vers lui.
« Tu viens Poulpe ? »