Par le cœur {Jagh & Heinrich}

Par le cœur

Cro Jagh
Vekah Heinrich

L'hiver était en approche et son installation définitive ne tarderais pas. L’automne quand à lui avait déjà fait sa place. Les arbres arboraient de belles couleurs rougeoyantes et certains même était quasiment nus. Sauf que dans les Plaines Savanes, l'hiver n'avait pas vraiment d’impact. Certes, il y avait des variations entre chaque saisons, mais ici la neige n'avait pas sa place. Au grand bonheur d'Heinrich qui avait élu domicile ici depuis la disparition des Précursors. La vie n'avait pas été facile avec eux, mais c'était toujours moins pire que de vivre, ou plutôt survivre, par ses propres moyens. Le jeune lupin avait déjà fait les frais de ce mode de vie en solitaire. Son corps s'était affiné, devant plus robuste et athlétique que rondouillard et puissant. De nombreuses cicatrices ornaient à présent son corps, preuve que pour subsister dans ce monde il fallait parfois se battre pour rester vivant.

Comme à son habitude, le créteux était allongé de tout son long sur un large rocher qui lui offrait une grande vu de la zone. D'ici proies et prédateurs avaient peu de chance de lui échapper. Un endroit idéal pour guetter, mais aussi pour se dorer la pilule. Bien que l'on soit en pleins après-midi, le mâle crème était en plein repos. Dès que le soleil commencera à disparaître, il sera temps pour lui de se mettre en chasse. Le crépuscule par sa lueur descendantes offrait des opportunités. Le gibier se faisant plus distrait avaient tendance à être moins vigilant, offrant parfois des opportunités aux plus malins.

Somnolent, l'esprit du lupin vagabondait sur les derniers événement de sa vie. Les Précursors qui avaient disparue comme ils étaient venu, Cronos et puis ses retrouvailles avec l'ancienne Brethen. Ce dernier événement ne lui avait pas déplus. Cette louve était toujours aussi percher, mais c'est ce qui faisait son charme. Soudain, le vent apporta une effluve, un loup n'était pas loin. Heinrich s'assit sur son perchoir et observa l'horizon.

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« Jagh & Heinrich.

Le jour touchait à sa fin et lentement, le soleil continuait sa course inexorable vers l'horizon. Il ne restait pas beaucoup d'heure avant la nuit et Jagh avait décidé de rentrer les pattes pleines. Dans l'idéal un petit herbivore qu'il déposerait dans la salle du trône du Grand Castel avant d'aller se coucher dans un coin tranquille. Il devait ruminer sa journée. Recroiser Morokei avait été... Intéressant. Alors qu'il avait perdu tout espoir et semblait se noyer dans une partie bien plus sombre et non docile de lui-même, elle lui avait tendu une perche. Une étincelle dans un océan d'obscurité. Il se raccrochait à ça pour ne pas devenir totalement un misanthrope désagréable et grincheux. Toutefois il était bien trop loin pour redevenir le loup effacé et trop gentil qu'on oubliait dans un coin. Il ne serait plus un simple faire valoir. Il avait une place à conquérir. Trottinant à pas mesuré dans la brousse, à la recherche d'un troupeau de gazelle ou de buffles pas trop vifs, le loup blanc fouillait le paysage des yeux. La savane gagnait en couleurs chaudes : les herbes sèches jaunissaient, parfois rougissaient même. Dans les grands arbres, les feuilles se paraient d'orange et de bordeaux. Un assez beau spectacle en somme. Mais Jagh ne sentait désormais hermétiques à tout ça. Peu lui importait la terre où il posait les coussinets, tant qu'elle lui apportait à manger, à boire, ou un endroit de repos. Museau pincé et sourcils froncé, le Garde surveillait les alentours. Ses prunelles de miel finirent par tomber sur une silhouette assise sur un rocher. En s'approchant il en discerna mieux les contours et les couleurs du pelage. Jagh s'arrêta. Il s'agissait d'Heinrich. Le fils biologique de Carmen. Son petit-frère adoptif avec qui il n'avait eu que trop peu l'occasion de se lier. Peut-être était-ce parce qu'il était la cause de la mort de cette louve si aimante qui l'avait élevée ? Non. C'était mesquin comme pensée. Et pourtant, le deuil... N'était-ce pas la raison principale qui avait fait qu'il s'était peu approché de ce frère de coeur ? Jagh se demanda s'il valait mieux se détourner et passer son chemin... Mais l'espoir que Morokei avait fait rejaillir en lui, demandait à ce qu'il se donne une autre chance, qu'il en donne une aussi à ce loup qu'il aurait dû aimé et élevé comme un frère...

« Heinrich. »

Bon, il était rouillé concernant les conventions sociales.

Il ne le remarqua pas tout de suite malgré son pelage blanc et sa crête verdoyante. Entre les herbes hautes jaunies par le soleil et la sécheresse avançait, visiblement encore par hasard, un lupin qui lui était familier. Les prunelles azures du solitaire mirent certes un peu de temps à le trouver, mais d'entres les deux mâles se fût le premier à dégoter l'autre. Heinrich l’observa sans rien dire, statique. Aux fils des pas de l'autre, les détails du loup furent plus net. Ce ne fut que quand ce dernier leva le museau vers lui et l’aperçue que le doute de son identité tomba. L'espace d'un instant le temps se figea pour les deux lupins. La solitaire reconnu son grand-frère adoptif, Jagh et le blanc reconnu son petit-frère adoptif, Heinrich.

Le crème resta immobile tant physiquement que mentalement, ne sachant pas quoi penser de se regard croiser. D'une par il aurait aimé que cela n'arrive pas et que l'autre continu son chemin et de l'autre que le créteux blanc vienne à lui. Un sentiment complexe que seul Heinrich pouvait comprendre. Il l'appréciait, mais pas comme un frère qui fût présent pour lui et vise versa. Principalement, ils étaient liés par une personne qu'ils aimaient, même si lui ne l'avait pas connu, et par un lien familial plutôt abstrait. C'est alors, qu'enfin, Jagh se mouva en sa direction. Le solitaire le laissa approcher, placide. Leurs regards se croisa à nouveau, cette fois d'un peu plus près. Heinrich put voir que son aîné avait bien changé durant toutes ses années. Le blanc avait à présent un corps noueux et musclé, les heures d’entraînements ne devait plus se compter pour lui. Une odeur bien distincte lui coller au pelage, celle des Etelkrus. Ainsi donc, il avait rejoint cette meute là. Elle ou une autre, cela lui importait peu. La situation était un peu ironique, ce qui ne lui manqua pas de lui arracher un sourire que lui seul pourrait comprendre. Enfin de compte, celui qui était destiné à être un solitaire était devenu un loup de meute et celui qui était destiné à être un loup de meute était devenu un solitaire.

Jagh se contenta de dire son prénom en guise de salutation un peu foireuse. Les oreilles du crème frémir légèrement:

"Bonjour, Jagh."

Se contenta il de dire, ne sachant lui non plus comment gérer la situation. Heinrich se décala légèrement pour bien faire face à son interlocuteur laissant ainsi apparaître ses deux longues pattes avant fine et athlétique. Heinrich était taillé comme Carmen, maigre et haut sur patte. En plus de cela, on pouvait facilement remarquer la belle collection de cicatrices du solitaire. Vivre seul n'était pas toujours facile.

“Comment te porte-tu depuis tout ce temps?”

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Le Solitaire face à lui bougea lentement pour lui faire parfaitement face. Il détailla alors le corps fin et mutilé de son frère d'adoption. La vie avait laissé de profondes et anciennes traces dans les muscles du fils biologique de Carmen, Jagh esquissa un faible sourire : il semblait que le destin ai voulu les faire souffrir tout deux avec une espèce d'ironie moqueuse. Les cicatrices du blanc étaient internes mais tout aussi nombreuses et larges que les balafres d'Heinrich. L'avantage du loup crème ici était que ses blessures semblaient fermées et cicatrisées alors que le mâle aux yeux de miel venait d'élargir la plaie de son coeur meurtri. Tout le courage et la patience du monde ne l'aidait pas à surmonter cela. Pourtant, plus il observait le Solitaire, plus il voyait sa mère à travers lui, et cela lui apportait un peu de baume au coeur. Leur relation était distante, étrange et loin d'être fraternelle comme elle aurait pu l'être. Pourtant L'Etelkrus trouva du réconfort dans la silhouette de ce petit frère adoptif aujourd'hui inconnu.

« Pas aussi bien que toi, je le crains. »

A vrai dire, Jagh n'en savait rien. Mais il voyait l'allure d'Heinrich, sa façon d'être assis avec une certaine fierté, son regard clair et frondeur. Aux yeux du blanc, le plus jeune des deux avait bien mieux réussit son existence en ne côtoyant que peu ses semblables au profit d'une vie plus isolée et simple. Bien sûr, il était marqué par les difficultés de la vie de Solitaire bien plus que Jagh ne le serait jamais physiquement, mais il semblait, d'un point de vue purement extérieur, bien plus épanoui et apaisé que lui. Peut-être aurait-il mieux fait de choisir le chemin des parias que de s'évertuer à vouloir être entouré ? Peut-être son angoisse de l'abandon et de la solitude étaient des avertissements aux maux de la société ? Le sourire de Jagh s'élargit un peu alors que ses épaules se relâchèrent. Était-il trop tard pour fuir définitivement de tout ce qui lui causait du soucis ? Après tout, il avait toujours été lâche, cela ne serait qu'un point final pour mieux recommencer ailleurs. Vivre en meute ne lui avait rapporté que des ennuis, alors qu'Heinrich semblait au mieux de sa forme après des années de vie au grand air et à ne s'embêter que de lui même. D'un autre côté, peut-être qu'il avait tout faux. Peut-être son " frère " adoptif avait compagne et enfants, peut-être ne vivait-il pas si seul... Ou peut-être aussi qu'il n'était pas aussi fier et heureux qu'il semblait l'être lorsqu'on le voyait assis là haut, sur son piédestal de fortune.

« Tu as l'air en forme. Tu lui ressemble beaucoup. »

A Carmen. A Maman. Mais il semblait inutile de la préciser, pas vrai ?
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