Retour au bercail [Morrow/Zollmiro]

C'était une belle et calme soirée qui s'annonçait sur les criques, le soleil s'apprêtant à rejoindre la mer à l'horizon. Il ne faisait ni trop humide ni trop sec, la température baissait au fur et à mesure que la nuit s'approchait et cela rendant la balade des plus agréable. Une légère brise venait caresser le doux pelage de la belle solitaire, sa longue chevelure mouvant au rythme du vent. Morrow trottinait sur le chemin du retour, il était temps. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle était partie, ou peut-être même un mois.. Les jours défilent tellement vite qu'elle ne les compte plus, et le retour ne l'enviait pas tant que ça à vrai dire. Mais elle savait que sa mère adoptive s'inquiéterait. Morrow n'était plus une enfant et commençait à revenir de plus en plus tardivement de ses excursions. La solitude ne la gênait pas tant que ça, mais c'est qu'elle lui était tout de même redevable à cette louve.

Le goût de la liberté était exquis, pas de supérieurs ou de parents pour lui interdire d'aller quelque part, pas de normes, rien qui ne puisse l'empêcher de faire ce qu'elle voulait. Mais.. être aussi seule est-ce vraiment une bonne chose, n'y a-t-il pas d'inconvénients ? Cette question n'effleurait pas l'esprit de la jeune solitaire qui s'entêtait dans ses idées noires.
Elle s'approcha de l'eau qui faisait des vas-et-viens vers elle, s'amusant à regarder les traces de pas qu'elle pouvait laisser derrière sa course sur le sable fraichement arrosé par la mer. Elle était comparable à une gamine qui découvrait pour la première fois le sable mouillé, pourtant, ce n'était pas une découverte pour elle. Elle avait rarement l'occasion de le faire car la plage était souvent habitée d'autres canidés, des couples surtout. Ark.. qu'ils sont pitoyables ! Des faibles, pensait-elle toujours en les regardant au loin, cachée derrière les grands rochers et les feuillages. Elle les toisait avec dégoût et passait son chemin, la mine toujours glaciale collée sur sa gueule morne.

Alors qu'elle allait regagner le sable sec et frai, la brise apporta l'effluve d'une odeur totalement inconnue jusqu'à ses narines, qu'elle inhala d'une grande traite, fermant les paupières.
Elle fronça les arcades sourcilières et rouvrit les yeux d'un battement sec des paupières, fouettant l'air d'un geste vif de sa queue.

Qui va la ? Lança-t-elle d'une voix suffisamment forte pour se faire entendre et quelque peu revêche.

La rouge scruta les environs d'un regard perçant, plissant légèrement les paupières de manière à affiner sa vision. C'est ainsi qu'elle fit un tiers de tour et que l'autre canidé était enfin dans sa ligne de mire. Au loin, elle ne voyait qu'une tache noire et rouge qui s'avançait, prenant forme peu à peu en un loup assez musclé. Pendant un instant, elle crut qu'il s'agissait de son frère, Arleston, mais c'était sans oublier qu'il avait du blanc dans son pelage tout comme elle. Elle balaya la pensée de son frangin avec une légère déception, maintenant sa concentration sur l'inconnu qui s'approchait.
Ces derniers temps, elle rencontrait décidément plus de monde, comme si cette fois-ci la décision d'esquiver les gens échappait à son contrôle. Sûrement cela était-ce dû aux chaleurs, son odeur était plus fruitée, plus attirante, plus forte. Heureusement, cela allait bientôt prendre fin, d'ici quelques semaines. Elle soupira à l'idée de devoir taper la discute avec quelqu'un d'autre, sachant qu'elle allait déjà bientôt revoir sa mère adoptive.
Morrow n'aimait pas tellement la discussion, elle n'adorait pas non plus les rencontres car qui dit rencontre, dit attachement non ? Parler d'elle était une chose qu'elle avait banni de son quotidien, et écouter les autres l'ennuyait beaucoup, car elle se désintéressait de tout. Il s'avère que cela soit le résultat d'un choix, car la solitaire n'a pas toujours été aussi glaciale. Ce choix, elle l'a fait assez jeune, lorsqu'elle a compris que s'attacher, c'était s'affaiblir, donner la possibilité à l'autre de nous achever de l'intérieur. Cette sensation de déchirement, de tiraillement, de martèlement.. l'a suffisamment atteinte pour l'empoisonner et lui assécher le coeur. C'est ainsi qu'elle a grandit à l'écart de toutes émotions, les contrôlant à la perfection. Certaines sont bloquées et elle ne les ressent plus, tandis que d'autres sont simplement mises de côté, stabilisées.

Elle resta alors debout, le corps immobile tout en observant le canidé arriver jusqu'à elle. L'envie de partir en courant lui traversa l'esprit, mais c'était trop tard, il était déjà là. Elle le dévisagea de haut en bas, la gueule sèche et inexpressive.
Il se présenta avec respect et courtoisie et Morrow ne manqua pas d'esquisser un petit rictus moqueur sur le coin droit de ses babines. Elle n'était pas vraiment habituée à ce genre de comportement. Pour elle, c'était une marque indéniable d'hypocrisie, ou alors de soumission, ou.. de petite bourgeoisie. Elle retint même un semblant de rire dans le fond de sa gorge. A la place, elle haussa une de ses arcades sourcilières, affichant une expression quelque peu provocatrice avec son rictus.
Par simple envie de se moquer un peu — car cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps — elle répondit, d'une voix excessivement douce et satirique :

Bonsoir, cher Zollmiro, tout en accentuant le ton sur la prononciation de son prénom..
je crains que mon doux et délicieux nom ne soit à la hauteur de votre gentil plaisir.

Son petit sourire dédaigneux resta scotché à son visage pendant quelques longues secondes après avoir sortie sa connerie. Tiens donc, voilà qu'elle avait de l'humour maintenant ! C'était sûrement ses hormones méningées qui jouaient sur son comportement. Évidemment, cela ne la rendait pas pour autant très agréable. Elle reprit une mine froide et inébranlable aussitôt après avoir prit conscience de sa petite scène. Elle était gênée intérieurement de son comportement puérile et en même temps, elle s'en voulait d'avoir sympathisé avec un autre canidé, qui plus est, un porteur de glowstick ! Elle ne l'avait pas tout de suite vu car il était placé sur la queue du mâle, mais cela confirmait une chose : il était bel et bien soumis. Et sa méfiance s'accentua également, car étant porteur d'un pouvoir, il était également bien plus imprévisible.