La haine n'est pas destinée à tout le monde [PV Grimm]

Au final, la vie n’était pas aussi nulle que l’on pourrait le croire.

Bon, ce n’était pas parfait non plus fallait pas croire. Il y avait déjà l’arrivée de ces maudits précursors. Ils s’étaient installés comme des fleurs, s’appropriant terres et temples des divinités, mais le pire dans tout ça, n’en restait pas loin les meurtres de plusieurs loups sans aucune raison. C’était de la démence pure. Une démence que Neït avait retrouvé chez ses alphas. C’est vrai quoi ! Des séides se font tués, personne ne réagit et il a fallu qu’un seul marmot -celui de Tatsu pour couronner le tout- se fasse enlever pour que toute la meute des séides se rende sur le «  territoire » de leurs ennemis afin de récupérer Sethek. C’était du grand n’importe quoi, il n’y avait rien de logique là-dedans…

Cependant, ce tableau n’avait plus aucune importance, pas aujourd’hui en tout cas. Une lueur de joie brillait au fond des prunelles vertes d’eaux de la fille de Sekmêt et Both. Qu’est-ce qui pouvait bien justifier ce bonheur ? Eh bien premièrement, la sœurette était rentrée à la maison après un voyage. Retrouver sa sœur avait été un réel plaisir, Vakyrith étant parti, il n’y avait eu plus que Widar et Neït encore présentes… Deuxièmement, elle venait de trouver une vipère venue se prélasser près de l’étang.

Le reptile s’était montré plutôt docile et n’avait pas cherché à mordre la grisette. De toute les façons en cas de morsures, elle avait un antidote quelques part parmi les affaires avec lesquelles elle était venue. Neït avait coincé la tête de l’animal avec un bâton qui aurait sans nul doute était parfait pour faire un lance-pierre. Coinçant le bâton entre ses crocs, la femelle glissa une fiole vide qu’elle avait piqué sous un des crochets du serpent afin de récupérer le venin. Une seule morsure et c’était la mort assurée en moins d’une heure, long à agir mais drôlement efficace si il n’y avait pas de traitement.

La tâche finie, la séide referma la précieuse fiole avant de relâcher le serpent. Ce dernier l’observa quelques instants avant de filer vers l’opposer. Neït fredonnait d’un air joyeux quand elle entendit un glapissement. Intriguée elle releva la tête pour se diriger vers la source et voir la vipère juste en face… d’un séide. Eh merde si c’était pas la poisse ça ! Le serpent ne semblait pas avoir mordu l’individu puis de toute façon, la femelle devait bien avoir le remède quelque part alors que le loup en profite…

« - Si tu ne bouges pas, elle ne te fera rien et passera son chemin. »

Elle espérait au moins que le loup daignerait l’écouter.

Nout avait mis bas la veille, et entre temps, beaucoup de choses s'étaient passées. Un vrai bazar. Heureusement, et surtout par chance, il avait découvert sa mère après avoir suivie sa piste lorsqu'un mauvais pressentiment l'avait taraudé. Quelle n'avait pas été sa surprise de la découvrir entourée de trois boules de poils juste nées. Bien vite l'ébahissement avait laissé place à la tendresse et l'adoration. Il aimait déjà énormément son frère et ses deux sœurs ! Après avoir chasser une proie pour sa mère qui ne pouvait pas encore quitter le Saule, il était parti en quête de son géniteur, le Mercenaire Darius. Il voulait faire vite pour ne pas laisser Nout seule trop longtemps. Enfin, elle n'était pas complètement seule, l'odeur d'une de ses cousines Ânkthi, flottait tout autour de l’Éclat Saule et sa mère l'avait rassuré en disant qu’elle l'avait aidée et soutenue lors de la naissance de sa fratrie. Il restait méfiant parce qu'il se rappelait très bien la haine que les enfants de Sekmêt avaient pour lui et Nout. Mais bon, trouver Darius était capital donc il cherchait son père ! Il fit une petite pause à l’Étang Nacré afin de se désaltérer. Même si le ciel était blanc laiteux et que le soleil ne tapait pas directement sur les têtes, la chaleur était bien là et l'atmosphère était lourde. Lapant quelques goulées d'eau, il ferma les yeux sur son reflet. Grimm était ravi que la famille s'agrandisse, il avait secrètement été jaloux de ses cousins, qui certes avait perdu leur mère à cause de la sienne, mais qui étaient ensemble et soudés. L'archiviste avait toujours rêvé d'avoir des frères et sœurs. Et voilà que son rêve se réalisait ! Evidemment, l'époque était sombre et dangereuse et élever des enfants serait une sacré tâche ! Mais quel bonheur de voir ces petites bouilles ! Dans un sourire, le jeune mâle sablé se redressa et, enthousiaste s'apprêta à repartir. Au petit trot, il s'éloigna du plus d'eau avant de bondir de côté en voyant une vipère lui foncer dessus. Surpris, il aboya comme un louveteau. Voilà pourquoi il préférait de loin rester dans la bibliothèque entouré de ses précieux livres !! Une voix fit dresser les oreilles du Séide qui ne pouvait pourtant détacher ses prunelles d'or du serpent venimeux.

« - Si tu ne bouges pas, elle ne te fera rien et passera son chemin. »

Mais la voix, il la connaissait bien trop pour ne pas se sentir encore plus menacé : Neït était la soeur la plus proche de Widar, celle de ses cousines qui l'avait tant harceler moralement alors qu'il n'était qu'un louveteau. Il ne douta pas qu'elle en connaisse autant sur le comportement des vipères, puisque ses sœurs et elle en étaient de parfaits exemplaires ! Queue et oreilles dressés, Grimm avait depuis longtemps décidé de ne plus se laisser faire par cette branche malhonnête de sa famille. Histoire de vengeance ou pas, lui n'avait rien demandé à personne Nout lui avait bien fait comprendre que les histoires entre elle et sa tante ne l'avait jamais concerné. Une vipère venimeuse face à lui, une autre fielleuse à peine plus loin... L'Archiviste disciple de l'Anaconda inspira un grand coup et jeta un très rapide coup d'oeil vers Neït.

« Bin tiens ! Ce n'est pas comme ça que vous fonctionnez que je sache ! »

Gronda t-il en fronçant le museau. Si Grimm était loin d'être un adepte des phrases piquantes et des coups bas, il devait se forcer à se mettre à la hauteur de ses cousines pour espérer s'en sortir la tête haute, et pas dans la boue, comme lorsqu'il était plus jeune. Pourtant l'autre Séide avait raison, et le temps de se petit échange courtois, le serpent avait fuit en sifflant sans demander son reste, avertissant probablement que si on le suivait il se défendrait. Grimm pu inspirer et se tourner vers sa cousine. Comme lui, elle avait bien grandie et ses cheveux avaient poussés. La masse capillaire de cette famille était impressionnante pensa-t-il en esquissant un sourire. Tout en plantant ses prunelles de miel dans les yeux vert de la louve chocolat, il baissa légèrement le museau en signe de salut. Grimm restait quand même poli, lui.

« Mais bien le bonjour Neït. »

Il ne lui donnerait pas le plaisir de le prendre de vitesse donc il restait sur le qui-vive. Il savait que son corps fin d'Archiviste n'égalait peut-être pas celui de la femelle en cas de joute même s'il n'était pas trop mauvais non plus. Il restait toutefois plus malin que fort...

Cette silhouette n’était pas inconnue de Neït. D’un air neutre elle observa son cousin, Grimm. Il abordait principalement les teintes de son père bien que certaines nuances de sa mères apparaissaient par-ci et par-là sur son corps. La plus grande ressemblance avec Nout venait sûrement de sa chevelure blanche semblable à la neige. Il s’adressa à elle d’une manière qu’elle n’appréciait guère, mais comme elle l’avait dit plus tôt, c’était une bonne journée et même la présence du fils de sa tante qu’elle détestait ne la gâcherait pas. Aussi, elle prit la parole d’une voix plutôt joyeuse.

« — Si j’avais vraiment cherché à m’en prendre à toi cousin soit sûr que je n’aurais pas fait appel au venin de vipère, trop long à agir. »

Le reptile avait fuit le temps que les deux loups s’échangent ces paroles plus ou moins aimables. Un sourire étira les babines de la séide en entendant Grimm la saluer. Cette situation était plutôt amusante à voir, au moins faisait-il des efforts pour se montrer courtois. Peu désireuse de passer pour une impolie, elle fit de même.

« — Bonjour à toi Grimm. » Elle marqua une légère pause avant de reprendre. « — Les derniers arrivants de ta fratrie se portent bien ? Ânkthi m’a raconté qu’elle avait… aidé pour la mise bas. »

Surtout qu’il ne pense pas qu’elle s’intéressait à Nout ! Les informations la concernant ne lui était d’aucun intérêt, plus maintenant du moins. Peut-être autrefois savoir qu’elle était d’un état aussi faible après avoir mis bas l’aurait sûrement convaincue d’agir, mais elle avait fait en sorte d’oublier ses projets de vengeances, se concentrant sur la seule chose qui lui permettait de maintenir le cap, la haine.

Neït remarqua que son cousin semblait légèrement crispée, intriguée elle haussa un sourcil se demandant bien ce que craignait le loup. Remuant sa queue nattée, elle s’affaira pour refermer le flacon contenant le précieux liquide, hors de question d’en perdre une seule goutte, pas après tous ces efforts ! Avec soin, elle le plaça près de ses autres affaires avant de poser son arrière-train sur le sol.

« — Ce n’est qu’une impression ou tu es crispé Grimm ? » demanda-t-elle d’un ton moqueur.

HRP : Désolée c'est un peu parti en noisettes... j'espère que ça ira quand même...

Malgré le sourire que le mâle affichait, Neït remarqua néanmoins qu’il restait tout de même méfiant. Quoi de plus normal après tout ? La descendance de Sekmêt haïssait au plus haut point Nout et n’avaient pas caché leur colère en voyant que la meurtrière de leur mère était restée impunie face à son crime. Enfin maintenant la fille de Both avait dû calmer quelque peu sa rancune suite aux feux d’Ao, cela ne changeait cependant rien au fait qu’elle n’adressait toujours pas la parole à sa tante et ne comptait pas le faire. Si cette dernière voulait du changement, qu’elle fasse le premier pas en servant des excuses sur un plateau d’argent, mais bon les tensions dans la famille ne semblaient pas la déranger plus que cela apparemment. Neït écouta son cousin lui répondre. Tiens donc ? Le fait que la loupiote dont-il parlait soit aussi menue semblait vraiment le troubler. Craignait-il qu’elle s’éteigne au beau milieu d’une nuit ? Difficile pour la grisâtre de ressentir un sentiment semblable, de un, elle n’avait pas de marmots à sa charge – encore heureux d’ailleurs -, et de deux, ses parents n’avaient pas eu le temps de faire une deuxième fournée de louveteau… Il n’empêche que vu que la petite dont-il était question faisait partie de sa famille, la disciple d’Ao avait pour devoir de l’aider.

« — Hum… Fais-lui manger une petite quantité de Ginseng, c’est une longue racine, cela l’aidera sans nul doute à reprendre du poil de la bête et lui permettra de renforcer son système immunitaire, il serait regrettable qu’elle tombe malade. Tu en trouveras sûrement dans les bois de l’oubli, sinon viens me voir, je te donnerais ce que j’ai. ».

Ce qui voulait dire pas grand-chose étant donné qu’elle n’était pas allée en récolter depuis un bon bout de temps… mais bon ce genre de racines étaient fortes utiles lorsqu’elle testait des poisons dont les remèdes ne suffisaient pas toujours pour lui permettre de retrouver des forces. Neït observa le mâle mi-intriguée, mi-inquiète compte tenue du fait de ce qu’elle venait d’entendre.

Ainsi, Widar continuait ses sombres projets ? Bien qu’il n’ait précisé de quelle sœur il s’agissait exactement, il ne faisait aucun doute pour la nattée qu’il parlait d’elle. Elle remua une oreille trahissant néanmoins son inquiétude vis-à-vis de cette révélation. Cela faisait quelques temps que les contacts avec sa sœur s’étaient faits difficiles. Neït n’était pas sans ignorer les intentions de sa sister qui s’était mise en tête de tourmenter leur cousin. Une tactique plutôt étrange que Neït avait du mal à comprendre. Quitte à se venger de la mort de leur mère, autant sauter directement à la gorge de Sekmêt, le marmot qu’elle avait engendré n’y était pour rien après tout. Enfin bon, inutile de lui dire en face car Widar risquait de la prendre au mot et avoir un nouveau drame familial sur les pattes n’enchantait pas vraiment Neït.

« — « Étiez » comme tu le soulignes si bien, les temps changent. Cependant, Widar… Widar est et restera la plus… dévouée à sa tâche. Il va falloir que tu montres les crocs si tu veux vraiment qu’elle te laisse tranquille, auquel cas, je devrais faire moi-même faire passer le message… », soupira-t-elle.

Ce qui ne se terminerait peut-être pas forcément bien, mais Neït s’inquiétait pour sa sœur et aussi un peu pour la petite frimousse de son cousin. C’est d’ailleurs ce qui la poussa à retirer une fine tige de métal au bout pointu dont le bout était orné de plumes, de ses cheveux. Bah oui, avoir une longue tignasse avait beaucoup d’avantages. Elle poussa l’objet vers son cousin.

« — C’est ce qu’on appelle une fléchette tranquillisante, j’ai découvert comment en faire dans un des livres des archives. Celle-ci est un peu grossière mais efficace, j’ai pu la tester sur un repas du soir… Bref, si jamais l’on vient à t’attaquer où que tu es dans une situation plutôt délicate, plante ça dans ton adversaire, cela le tiendra immobile le temps que tu t’enfuis ou que tu ailles chercher de l’aide. » Elle marqua une pause en fronçant les sourcils. « Si je te donne ça c’est parce que je ne veux pas que ma sœur commette un acte que nous pourrions tous regretter, je refuse de vivre une deuxième fois la mort d’un membre de ma famille. Conserve-là et garde-là toujours sur toi cousin.»

Neït hocha la tête. Elle connaissait fort bien les bienfaits de cette racine et espérait de tout cœur que cela aiderait sa jeune cousine à reprendre du poil de la bête, auquel cas il faudrait l’aide d’un savant qui s’y connaît mieux dans ce domaine. Au moins le reste de la fratrie se portait bien, c’était une bonne nouvelle et puis avec le temps, la loupiote dont-il était question surpasserait peut-être ses frères et sœurs dans bien des domaines. Peut-être qu’un jour lorsque leur mère serait de sortie, elle irait leur rendre visite, histoire de voir si ils avaient hérité du joli minois familial.

La séide secoua sa longue chevelure, elle sentait comme un vide maintenant que son arme de défense la plus précieuse venait de changer de propriétaire. La fille de Sekmêt s’était montré très prévenante en créant et en conservant cette fléchette et elle espérait de tout cœur que son cousin en fasse autant. Ce dernier l’observait de ses prunelles dorées qui trahissait une certaine joie. Ses paroles eurent néanmoins pour effet d’intriguer Neït qui leva un sourcil.

« — Bon sang à t’entendre dire cousin, nous sommes ennemis jurés… si je t’aide c’est parce que tu es de ma famille et que même si c’était involontaire, tu daignes enfin venir vers moi. ».

Un frisson parcourut l’échine de la séide tandis que Grimm continuait sur sa lancée se voulant sûrement généreux. Les babines de la louve s’étirèrent en une grimace. Elle ferma quelques secondes ses paupières avant de les rouvrir offrant un regard plutôt attristé à l’archiviste.

« — Grimm… J’admire ta bonne volonté dans tes paroles, mais ce qui a été fait, est fait. J’ai haïe ta mère pour son acte et au fond de moi, une part plus sombre de mon être la haïra toujours. Cependant je ne t’ai jamais détesté pour cela. Les enfants ne sont pas responsables des méfaits de leurs parents, toi tu étais juste là au mauvais endroit et au mauvais moment, ce n’est pas toi qui a infligé des blessures mortelles à ma mère. » Elle marqua une pause avant de reprendre la gorge serrée. « Ce n’est donc pas à toi de réparer les tensions entre ma famille et Nout, bien que ta proposition est des plus admirable.»

Neït n’en voulait pas à son cousin d’avoir amené ce sujet délicat sur la tapis bien que cela restait toujours douloureux d’en parler. Contrairement à Widar, elle ne lui avait jamais reproché la mort du Lardon Royal même s’il était présent durant le combat. C’était d’ailleurs une raison qui ne l’avait pas poussé à faire comme sa sœur et à harceler leur pauvre cousin même si ça avait été la manière pour sa sœur aux cheveux bleus d’expulser sa rage et sa peine. La perte d’une mère est sûrement l’une des choses les plus dures à encaisser surtout lorsque nous sommes témoins de cette scène. Le séide ignorait de quoi il s’agissait, ses deux parents étant encore vivants et prospérant dans ce qui semblait être le meilleur du monde, mais pour Neït et les membres de sa fratrie, la mort de Sekmêt n’avait été qu’en enchaînement de lourdes péripéties. Entre la mort de leur père, le départ de sa sœur – même si cette dernière était revenue il y a peu -, la vie n’avait pas été des plus généreuse avec eux...

La savante posa une patte sur l’épaule du jeune Viking en soupirant, se contentant d’adresser un maigre sourire.

« — Tu as un bon fond Grimm, mais fait attention que tes ennemis n’utilisent pas cela contre toi. »