L'honneur coloré [Epreuve Glowstick - Ao]

Le jour se levait, chassant les affres de la nuit et les doux bras de Morphée qui n'avaient cessés d'éteindre le mâle. Il n'avait guère dormi, repoussant sans cesse le songe du sommeil, préférant l'errance au repos. Il marchait depuis des heures, se faufilant parmi les cimes des arbres, traversant de nombreux territoires. Il n'avait pas de but particulier, laissant ses pattes le guider dans cette promenade diurne puis nocturne. Gloriel avait failli à ses devoirs au sein de sa famille et il comptait poursuivre, abandonnant de nombreux membres Ethelkrus pour son unique sœur Lazulis. Il était dans l'ignorance quant au choix d'une de ses sœurs de devenir à son tour Lazulis. Il soupira. Il était désormais tant de guider sa route vers celle de la déesse bleue. Il avait attendu ce moment depuis longtemps, menant son enquête quant à son affinité vis à vis des dieux et si aucun n'avait pu réellement lui convenir, il avait trouvé un lien chez Ao. Certes elle était une dame, représentante de sa plus grande frayeur mais il ne doutait pas. Il était déterminé à lui montrer ce qu'il valait, ce que son coeur lui intimait. Il voulait devenir l'un de ses disciples et il en avait eu la conviction en échangeant quelques mots avec la prêtresse de la Dragonne. Le chevalier gris se mit à sourire à ce souvenir. Neït n'était pas la louve la plus appréciable et surtout respectueuse mais malgré cela, il s'était pris d'affection pour elle, d'autant plus qu'elle était de son avis vis-à-vis des louves : que des folles hystériques aux sourires trompeurs. De vraies harpies.

Il s'arrêta, regardant un instant son ombre démesurée par la lente ascension de l'astre du jour. Gloriel fit demi-tour et il prit enfin la direction du temple. Il avait beau repousser l'échéance, il devait se décider et en cet instant, il se sentait enfin prêt. Il avait dépassé un an, il était donc plus que temps pour lui d'enfin suivre sa voie et non les traces de sa mère. Il n'ignorait pas qu'il risquait de l'attrister, bien qu'il se rendait compte que ses parents commençaient eux-même à choisir leur avenir, l'un suivant sa déesse et l'autre tournant le dos à son dieu. Sa famille était en proie à une sacrée tourmente depuis la séparation des clans en fonction des affinités divines. Les dieux avaient eu une idée qui avait créé bien des larmes. Malgré cela, le jeune mâle respectait leur choix, y voyant comme un possible avenir que les déités leur avaient tracé. Ils devaient avoir des plans qui échappaient encore aux mortels.
Il se posait encore de nombreuses questions quant à ce choix quant il remarqua enfin la cascade sacrée. Le mâle releva la tête et fut subjugué de la beauté de ce lieu. Il était déjà venu plusieurs fois et pourtant, il trouvait en ce décor une magnificence toujours différente à ses souvenirs. Il esquiva un sourire et il prit le chemin du temple. Gloriel trouva rapidement la voie derrière la chute d'eau et il pénétra dans le sanctuaire aux couleurs azurs. L'humidité se ressentait, l'écho de la cascade résonnait faiblement malgré que l'alvéole divine se trouvait juste derrière elle. Un frisson parcourut le canin qui s'avança vers la fontaine. Il fit une belle révérence comme les lui avaient apprises son père puis se relevant, il fut temps pour lui d'annoncer la raison de sa venue.

« Dame Ao, je suis Gloriel, fils du Seigneur Méléagant et de Dame Winnifred. Je viens vous promettre ma loyauté et espérer avoir l'honneur d'arborer votre couleur.

Gloriel avait sagement attendu l'apparition de la déesse bleue mais en vain. Ne désirait-elle pas de lui et le faisait savoir de son absence ? Il manqua de soupirer quant il le ravala de travers, s'arrachant une quinte de toux en découvrant une demoiselle de toute beauté. Elle lui parlait. A lui. Il resta bouche bée. Non admiratif de ce que dégageait la demoiselle mais de peur. Il devait parler, la saluer comme il l'avait appris. Mais s'il se plantait ? Il risquait de la vexer et elle s'en prendrait à lui en l'invectivant de milles et un mots cruels. Il la détailla sans la moindre courtoisie. Puis le mâle tiqua sur quelques mots de la louve.

« Nous avons un invité imprévu, les filles !

Il se figea davantage. Elle n'avait donc pas la solitude pour compagne. Elle s'avançait vers lui. Trop près. Il ne pouvait reprendre une bonne distance qu'il vit deux autres belles créatures surgirent de derrière la statue confirmant qu'elle n'était guère seule. Elles firent la même chose que la première, lui tournant autour tel un prédateur autour de sa proie jouant avant de l'abattre. Le mâle avait la gorge sèche. Il désirait parler, leur dire qu'elles ne devaient pas approcher davantage qu'aux risques que s'ils sont surpris, qu'elles puissent se retrouver catégorisées de biens sombres surnoms et lui de maudit coureur de jupons. Il ne désirait pas être vu comme tel. Les Chevaliers ne s'entouraient pas de nombreuses concubines. Ils ne se liaient qu'à une seule et quelle femelle ferait confiance à un loup surpris en compagnie de plusieurs ? Aucune et il le craignait. Certes il avait une peur bleue des louves mais ce n'était pas pour autant qu'il ne se voyait pas vivre heureux avec une belle demoiselle qui l'accepterait et surtout qui ne serait pas une harpie cachée sous des sourires ravissants.

L'Ethelkrus écouta à peine les paroles de la première dame. D'autres gloussements lui vinrent et il réprima avec peine un frisson d'horreur. La louve crème mentionna un mot de passe mais de quoi parlait-elle ? Il l'ignorait mais ce qui l'intriguait et l'effrayait le plus, c'est que la prêtresse ne l'avait nullement avertie d'un possible code secret pour renter et qu'il y aurait toute une secte harpiesque cachée dans le temple de la Dragonne. Etait-ce là son épreuve ? Ou était-ce un coup fourbe de la part de Neït ? Cela ne l'aurait pas étonné. La louve égyptienne aimait bien se moquer de lui et il l'appréciait pour cela. Serait-elle donc aussi cruelle de l'avoir tenu dans l'ignorance qu'une telle armée sommeillait dans les veines caverneuses du lieu divin ? Il aurait pu débattre de cette question pendant des heures avec son esprit si la Peur ne le tambourinait pas pour le rappeler à l'ordre.
Gloriel se reconcentra sur la situation et il regarda les prédatrices aux tailles divergentes se rapprocher. Tu pourrais te battre … lui murmurait lascivement sa peur. Elle avait raison. Il pourrait les chasser. Après tout elles ne lui semblèrent pas bien musclées et fortes. Un simple coup de pattes accompagné d'un grognement et cela devrait suffire à retenir les autres vipères tapies dans l'ombre, à l'écart et peut-être simples spectatrices. Il espérait qu'elles le restent d'ailleurs. S'il lançait les hostilités en se montrant peu courtois, il risquait de créer une bagarre et ce dans le temple de la belle Ao. Il ne pouvait pas profaner ainsi un endroit uniquement par peur. Il lâcha un soupire et il se redressa de toute sa stature, fier comme un paon malgré un coeur qui battait la chamade.

« Bonjour mes dames.

Il accompagna ses mots d'une révérence impressionnante pour sa stature. Il se redressa et il regarda tour à tour les jeunes louves. Il aurait tellement voulu partir mais il ne pouvait pas leur manquer ainsi de respect. Elles s'approchaient certes trop près mais ce n'était pas une raison de se montrer rustre et il fit taire la peur au savoir vivre de goujat. Son éducation le rappelait à l'ordre et il ne désirait pas recevoir une nouvelle fois des sermons de la part de son père pour avoir manqué à ses devoirs de chevalier.

« Je ne désirais guère vous déranger. Je l'avoue, j'ignore la nature de ce mot de passe …

Elles devenaient de plus en plus proche de lui. Trop proche. Son esprit commençait à se troubler de nouveau surtout quand l'une d'elles osa le toucher au niveau de son flanc droit. Il fit un bond en arrière, percutant de plein fouet la demoiselle rousse. Il écarquilla les yeux et se retourna vers elle. Il chassa toute peur de son esprit et il l'aida à se relever.

« Pardon … Vous ai-je fais mal ?

Il espérait que non et il la détailla, ne voyant aucune plaie visible. Il priait qu'elle ne se soit guère foulée une patte ou qu'un autre problème invisible l'assiège. Il resta près d'elle, attendant sa réponse. Il regarda les autres demoiselles, se demandant si elles seraient capable d'aider la plus petite du groupe s'il l'avait blessée accidentellement. Gloriel n'avait aucune connaissance médicale et il le regretta amèrement dans l'hypothèse d'avoir causer une souffrance à l'inconnu à la chevelure de feu. La demoiselle rousse répondit par la négation et il ne cacha pas son soulagement, souriant.

« Je suis vraiment navré.

Il se retourna de nouveau vers la louve crème, la première qu'il avait vu. Il inclina légèrement la tête, petite révérence courtoise. Il ne craignait plus le trio infernal mais il savait qu'il était désormais capable de faire face aux autres demoiselles de ce monde. Il devrait davantage dompter cette peur mais il ne désespérait pas. Bien au contraire, il était plus déterminé que jamais à la combattre et de paraître devant la déesse bleue lavée de cette frayeur.

« Je ne vais pas rester plus longtemps. Je reviendrai quand les mots pour être le bienvenu me seront connus. En attendant, je vous prie de saluer Dame Ao ainsi que la prêtresse Neït. Bien à vous mesdames.

Il esquiva un sourire et il s'apprêta à s'en aller.

Il était prêt. Prêt à partir dans l'espoir de revenir passer l'épreuve une autre fois quant il assista à la dispersion des louves. Elles disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues, en beauté et en magie. Gloriel écarquilla les yeux quant il découvrit une nouvelle silhouette. Ao se dressait devant lui, belle, intrépide, puissante. Il sentait l'air vibré sous l'aura de la déesse et il fut incapable de bouger. Il aurait voulu s'incliner, la saluer comme il se devait de le faire mais tous ses membres refusaient d'obéir à son esprit, préférant savourer l'instant présent de cette intimité divine que de se laisser aller aux révérences ennuyeuses et rébarbatives. Il resta bouche bée, l'écoutant attentivement, s'étonnant du petit sourire discret de la dragonne.
Elle déposa devant lui le symbole de son appartenance à ses disciples. Il se mit à sourire, comblé de ce présent divin et il inclina la tête, remerciant en silence la déesse qui se dématérialisait déjà, disparaissant pour ne laisser qu'un souvenir de cette épreuve comme une étape de la vie et surtout, une grande frayeur. Il ramassa le tube lumineux qui changea de forme pour venir s'incruster dans une de ses canines mourantes. Il sentit la puissance divine transformer cette dent malade en un beau réceptacle qu'il ne pourrait admirer que bien plus tard.

« Merci beaucoup, Dame Ao.

Il leva son regard vers la statue. Il se demandait de qui la déesse parlait. Etait-ce une vision future où Anastasia se réjouissait de voir l'un de ses cadets la rejoindre ? Ou était-ce tout bonnement une petite mention à sa prêtresse qui avait boosté l'âme perdu qu'il était ? Quoiqu'il en soit, Gloriel devait aller retrouver Neït et lui annoncer une bonne nouvelle : elle devra le supporter pour un boooooon moment. Il souriait déjà à imaginer sa tête de renfrognée grognon du dimanche. Le chevalier n'était pas prêt d'arrêter de la charrier ... Devait-il d'ailleurs lui ramener quelques abeilles pour fêter ça ?