« Rencontre en territoire inconnu » [Thalion - Libre]

Le sort avait décidé que cette journée ne serait pas calme et sans accrocs comme elle avait tendance à l'être en terres Nakhus. D'aucun diraient qu'étaient privilégiés les jeunes loups élevés dans ce territoire, à l'abris des conflits et des tensions que les rumeurs prêtaient naissantes aux autres meutes. Nul problème de la sorte ici. Et si pour certains, c'était un grand avantage, pour les jeunes loups un peu aventuriers dans le genre d'Azkaban, cela demeurait relativement limité. Âgé d'une année révolue désormais, le corps encore gringalet de son adolescence, le jeune loup était entré dans la période de doute qui allait avec le choix qui devait être le sien : vers quel dieu faire aller son allégeance. La logique voulait qu'il devienne disciple de Yurai, prophète de la sagesse à travers ce monde comme l'étaient ses parents avant lui. Mais quelque-chose le dérangeait dans cette pensée, une sorte de malaise lorsqu'il y songeait, comme si ce n'était pas là que devait se trouver sa place.
Mais alors pas du tout.
Il s'était déjà rendu à de nombreuses reprises dans l'église qui était le temple de la Corneille, sans jamais vraiment y ressentir l'émerveillement qu'il voyait lui dans les prunelles des véritables disciples de Yurai. Certes, le lieu était impressionnant de majesté, mais il avait le sentiment que ce n'était pas là sa place. Seulement, la perspective d'annoncer cela à ses parents était des plus intimidantes. Il n'avait aucune idée de la manière dont ils réagiraient, et puis au fond, qu'avait-il à leur dire ? Il n'avait aucune idée de quelle autre divinité pourrait l'appeler plus que la Corneille, puisqu'il n'était jamais vraiment allé à leur rencontre ou n'avait vu leur temple. D'ailleurs, le jeune loup n'avait jamais mis les pieds ailleurs qu'en territoire Nakhu, même si l'envie le chatouillait un peu plus chaque jour. Il méditait sur ces différentes questions lorsqu'un cris le tira de ses pensées.

Il revenait sans se presser vers le Sanctuaire, et visiblement n'était pas aussi seul qu'il le songeait. Le cri était empli de terreur, aussi fila-t-il en direction de l'entrée du Dédale, pour tomber sur la silhouette d'un jeune loup sable qui regardait l'entrée du labyrinthe avec curiosité - du moins le supposa-t-il, puisqu'il ne le voyait que de dos. Azkaan ralentit l'allure et s'approcha d'un pas mesuré, sans chercher à cacher sa présence. Inutile de créer une surprise inutile, d'autant qu'à l'odeur du petit loup s'en superposait une autre, familière mais sur laquelle il ne put poser de nom, portant en tout cas l'odeur de sa meute.

"C'est toi qui a crié ?" Demanda-t-il tout de go en s'immobilisant à quelques pas du jeunot.

Elle avait tant grandi, dirait son père.

Eh oui, Descada avait bien fleuri, aujourd’hui âgée d’une année révolue. Elle s’était bien calmée, elle qui courrait un peu partout, s’enfuyait à la moindre occasion pour découvrir les terres, s’amusait en gloussant bruyamment en compagnie de son frère adoré Azkaban.

Elle était changée physiquement et mentalement, et, malheureusement, Descada avait ancré ses pattes sur terre, cette fois ci. La réalité s’affichait doucement sous son oeil violet, l’affolant peu à peu, et la dérangeant intérieurement. Elle sentait la peur s’installer en elle de façon inéluctable, et avec elle, les doutes. Maintenant qu’elle prenait conscience de la vie réelle, qu’elle écoutait ses camarades de meute, elle se sentait de plus en plus mal à l’aise. Qu’adviendra t-il d’elle, à cette borgne, si elle devait être amenée à combattre, à chasser, à se défendre, si elle ne peut voir que d’un côté ?
Elle qui n’était pas si sage que les autres Nakhus, la corneille l’accepterait-elle en son temple ?

Elle ne ressemblait pas à sa maman, Morokei. Elle ne ressemblait pas non plus à son papa, Aurélion. Quant à Azkaban, elle pressentait qu’il était dans le même délire qu’elle quant à la sélection du dieu qui leur donnera leur protection.
Elle ne faisait pas vraiment attention où elle allait, et ne regardait pas vraiment devant elle, perdue dans l’acheminement de ses pensées.

Mais un cri la sortit de sa torpeur.

Rapidement, elle regarda en la direction du bruit. De son oeil unique, elle s’aperçut que le temps qu’elle connecte ses neurones pour comprendre ce qu’il se passait, trois loups étaient réunis un peu plus loin, sans les reconnaître tout de suite.

En s’avançant paresseusement, elle se mit cependant à trottiner à un rythme plus soutenu quand elle reconnut l’odeur de son frère. Et d’un autre membre Nakhu.
Elle rejoignit les trois adolescents, sans trop comprendre la tension présente, venant compléter le groupe.

« Hey, ça va pas la tête, tu m’as vraiment fait peur ! » avait-elle dit à l’autre qu’elle ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam.

Elle salua la femelle Nakhu, et se tourna vers son frère.
Son sourire se dessina instantanément à la vue de ses yeux similaires au sien, visible, qui pétillait de joie enfantine encore cachée en elle. C’est ce genre d’effet qu’avait Azkaban sur Descada.

« Mon frère ! »

Elle se jeta sur lui en le couvrant de coups de langue.

« Tu m’as manqué Az. »

Puis elle le laissa tranquille et s’assit à ses côtés, observant attentivement le loup du cri.
Tout de même, elle ne l’avait pas oublié, lui.