Le chevalier, la princesse et le chateau de livres | Athelstan

Brienna

La louve violette aux cheveux de soleil et de rose était revenue là où elle se sentait réellement appartenir. Aka sa bibliothèque. Sa figure féminine et élancée, avec son poil court malgré l’hiver et sa longue queue de dragonne se glissait entre les rayons, ses bonnes vieilles lunettes rondes posées sur son fin museau aux teintes de violette. Depuis qu’elle était allée voir Morrow avec Astaroth, elle avait passé beaucoup de temps aux côtés du loup noir et or, et elle s’était liée à lui d’une manière affective et amicale. Il était vrai qu’ils avaient pas beaucoup de choses en commun, mais ils s’entendaient bien. Elle prenait les initiatives, et il la cadrait dans ses idées parfois trop enthousiastes. Elle n’était pas sortie aussi longtemps depuis sa jeunesse, lorsqu’elle jouait avec Athelstan et Elaine dans les terres Brethens.

Ces temps lui manquaient, mais elle ne pouvait pas se permettre d’aller se balader sur les terres Etelkrus sans en avoir explicitement le droit, et sans être accompagnée d’un garde. Elle était allée près des contours du territoire, cherchant quelqu’un qui voudrait bien l’accompagner voir Elaine et Athelstan, ainsi que son père adoptif, Méléagant, et son oncle adoptif Agravain. De plus, elle désirait vivement revoir Korra et Alys, les plus jeunes de sa fraterie. Elle aurait cru qu’elle croiserait Winnifred et Mayuri ici, mais il semblait qu’elles ne venaient jamais au lieu du savoir et des livres, et Brienna n’avait pas osé essayer de s’aventurer au cœur du territoire Nakhu. Elle considérait qu’ils avaient quand même le droit à une vie privée, mais sa famille lui manquait. Il était vrai que à présent, elle avait Anstasia, Gloriel, toute la meute des Lazuli, sans compter Astaroth, sur qui elle pouvait discrètement s’appuyer, mais malgré cela, ses pensées revenaient toujours à cette tendre jeunesse, dont elle avait du choisir de se séparer pour braver ce qu’elle pensait être son destin.

Son regard d’or glissa sur les couvertures anciennes, pour tomber sur un vieux volume intitulé ‘avant toi’ qu’elle regarda avec intérêt, pour l’ôter de sa place, dans le but de l’éplucher un peu plus, puisque c’était un de ses rares livres qu’elle n’avait pas encore lu.
Par un espèce de miracle, quelqu’un avait enlevé le livre de l’autre côté de celui-ci, et on pouvait voir dans l’allée voisine, à travers la fente crée dans d’énorme bibliothèque de bois massif. De l’autre côté, une chevelure sombre se démasquait, ainsi de des épaules musclées d’une couleur brune-beige. C’était une coupe de cheveux que Brienna aurait reconnu n’importe où, et une idée bien bête lui vint, alors que, avec un sourire, et prenant une voix grave, elle souffla dans la fente entre les livres, comme l’aurait fait un fantôme si il y en avait dans la bibliothèque :
« Athelstaaaaaaaan …. Je te voiiiiis … »

Elle se mordit la babine pour ne pas rigoler, épiant à travers sa meurtrière littéraire son frère adoptif, ses yeux brillants d’amusement.

Cela faisait quelques temps déjà qu'il n'était pas venu dans les parages. Les événements qui avaient secoué les terres et notamment les intrusions un peu trop fréquentes avaient donné bien du travail aux Gardes, et il avait eu peu de temps à consacrer à autre chose qu'à ses patrouilles. Il fallait dire qu'il les avait également prolongée dans sa quête pour revoir Anastasia. Cela lui avait au moins donné un objectif, quelque-chose à suivre. Il commençait doucement à se remettre de la peine que lui avait provoquée l'annonce que ses parents ne le rejoindraient jamais. Maintenant qu'il était face à la réalité, il avait conscience de s'être bercé d'illusion encore plus qu'un louveteau, mais il avait réellement eu espoir que leur famille pourrait de nouveau être rassemblée telle qu'elle l'avait été autrefois. Un espoir vide de sens, de toute évidence. Ce matin-là, il n'avait pas été affecté à une patrouille de garde ou de chasse, aussi avait-il décidé de diriger de nouveau ses pattes vers un lieu qui l'avait largement hébergé durant son enfance. Avant de devenir un combattant émérite, Athelstan avait été un lecteur passionné. C'était l'un des rares lieux où il pouvait aller sans risques étant petit, sous la surveillance discrète des Archivistes d'alors, et il avait largement profité de cette possibilité tandis que ses soeurs restaient à batailler au camp. La vision du grand bâtiment, calé entre les brumes de l'Île, lui arracha un sourire nostalgique. Il avait l'impression de faire un pas dans le passé lorsqu'il franchit les hautes portes.

L'atmosphère y était silencieuse, fraîche sans avoir la froideur presque hostile de l'extérieur. Comme il était étrange qu'une telle perle se trouve dans un endroit qui inspirait si peu le calme et la connaissance. Le brun s'avança dans les allées, savourant simplement les odeurs familières de papier et de poussière, la sensation de la pierre régulière sous ses coussinets, la lumière dansante des flammes éternelles qui éclairaient l'endroit. Maintenant que le rang d'Archiviste avait disparu, la Bibliothèque était bien moins peuplée. Elle lui sembla déserte, au premier abord, et une légère tristesse s'alluma dans son regard vairon. Les ombres des souvenirs hantaient les longues allées. Il continua son avancée et finit par obliquer, un peu au hasard de ses inspirations, dans une rangée plus étroite. Quelques parchemins étaient encore étalés sur les tables de travail, ainsi que des plumes et de l'encre. Il s'arrêta face à l'une d'elle et contempla les graffitis dessinés dessus. Ils semblaient représenter, de manière très stylisée, la bataille qui avait eu lieu contre Cronos au Palais. Un tourbillon d'arabesques figuraient le dieu des dieu, des silhouettes colorées celles de ses enfants, et des dizaines de petites choses griffonnées les loups qui avaient combattu alors. Il était absorbée par cette vision lorsqu'une voix le tira de ses pensées. Il redressa la tête soudainement et dressa les oreilles. Le son de cette voix lui rappelait quelque chose, mais le murmure était trop bas pour qu'il ne puisse l'identifier. Elle semblait venir des allées de derrière... mais impossible d'en être certain.

Il prit un air dubitatif et s'immobilisa complètement, au cas où un son trahirait la présence de quelqu'un. Puis soudain, il s'en fut en courant vers le fond de l'allée, échappant sans aucun doute pour quelques instants au champ de vision du congénère qui devait se trouver là. Arrivée dans une zone d'ombre, il jeta un regard rapide autour de lui. Un battement de coeur plus tard, il n'y avait plus trace du grand loup au milieu des étagères, livres en vrac et chandelles. Son pouvoir lui permettant de se cloner en n'importe quel objet de son champ de vision lui assurait un camouflage parfait. Il prit alors le temps de détailler ce qui se déroulait dans les allées, en misant sur la surprise qu'aurait pu provoquer son attitude.

Brienna

Elle se retenait de pouffer de rire, son frère adoptif s’immobilisant au son de sa voix. Elle se demandait ce qu’il faisait ici, de base, et également ce qu’il regardait, pour avoir été aussi absorbé. En tout cas, elle ne s’attendait pas à ce qu’il fuit entre les étagères, et qu’elle le perde de vue. Tout de même, elle savait par où il était allé, alors elle prit la direction, de son côté de la colonne de livres en courant avec légèreté.
Ses journées à chasser avec Astaroth l’avaient rendue plus élancée et fine, et elle courrait plus vite qu’elle n’avait réussit à le faire auparavant, dans sa jeunesse. Ainsi, elle courut le long de la rangée, autour du bord, et freina avant d’entrer dans le champ probable de vision de son frère. Il avait du s’arrêter, elle ne l’entendait plus respirer. Elle glissa le bout de son museau autour du coin de l’allée et….
Hein ?

Il n’y avait personne. Elle fronça ses sourcils, restant dans l’ombre du coin, hors de vue de l’allée dans laquelle elle avait aperçu son frère, et fit la moue. Comment diable avait-il fait pour lui échapper ? Pourtant elle était sure qu’il avait couru de ce côté-ci. Elle agita ses oreilles, puis pénétra dans l’allée, marchant lentement. Il n’était pas sorti de l’allée, alors il s’était sans doute caché quelque part. Mais où est ce qu’un loup adulte avec des cheveux plus longs encore que les siens avait pu se cacher dans une allée aussi… déserte ?

La lumière du milieu de journée rentrait par les vitraux qui parsemaient le haut des imposants murs de la bibliothèque, et illuminaient la figure violette pâle aux reflet grisés, avec sa longue queue tenue à l’horizontale marchait entre les collines de livres et les étagères de bouquins, éclairée par en haut, en regardant de part et d’autre, confuse. Elle huma l’air, et l’odeur de son frère demeurait, mais elle était incapable de dire d’où elle venait.
Elle tourna sur elle-même, dans un coin particulièrement sombre des allées, où quelqu’un avait rajouté une pile de livre sur les étagères, cachant la lumière qui tomait du plafond, et plongeant une portion de l’allée dans l’ombre. L’odeur était présente plus fortement ici que dans le reste de l’allée, comme si Athelstan avait subitement disparu ici.

La violette sourit soudain, ses oreilles s’étant baissées d’incompréhension. Ca devait être le pouvoir de son frère, de se cacher comme ça, ou de se téléporter, qui savait ? Elle balaya doucement l’air de sa queue en regardant autour d’elle, un sourire toujours dans le coin de son museau.

« Va plus falloir jouer à cache-cache avec toi … » souffla-elle à personne en particulier, réfléchissant à l’oral. Ce coin de la bibliothèque la perturbait, pour une raison qu’elle ne comprenait pas. Quelque chose n’était pas tout à fait juste, autre que l’odeur de son frère qui persistait.
Quelque chose sur quoi elle n’arrivait pas à mettre la patte.

Elle tourna encore une fois sur elle-même, puis souffla, agacée de ne pas comprendre, et s’assit au milieu de l’allée. Non, elle ne voyait vraiment pas.

Elle regarda avec distraction les livres d’un côté, pour savoir où elle était exactement dans la bibliothèque, après tout, elle les avait presque tous lus, et c’était comme ça qu’elle se repérait. Pfffffff l’histoire du médicament, c’était ennuyant mais utile, puis l’histoire des médecins, histoire des midi-chloriens …. Aucune idée de ce que c’était ce dernier bouquin, elle le nota dans un coin de sa cervelle. Bon, elle était dans le rayon historien alors. Elle se tourna de l’autre côté, s’attendant tout à fait à trouver une pile de trucs sur l’histoire des satanistes et des sciences… Et ses yeux s’agrandirent.
L’histoire des médicaments. L’histoire des médecins. L’histoire de Midi-chloriens.
Mais what ?

La louve violette se redressa un peu, pour se mettre debout. C’était quoi ça, depuis quand ils avaient des livres en double ? Surtout ceux-là. Elle agita sa longue queue en se relevant. Peut être qu’ils avaient eu un nouveau stock, où qu’elle ne les avait pas remarqués avant, c’était possible, improbable mais possible. Elle décida de vérifier des livres.
L’histoire de la magie d’un côté. L’histoire de la magie de l’autre.

4, elle n’allait pas juger ça sur 4 livres.

Elle retourna la tête vers la pile de gauche. Les lapins et la copulation.
Elle rougit un peu et pencha la tête. Quelqu’un avait mis ça au mauvais endroit ohlala. Quelqu’un lisait ça. Bref, bref, bref, elle se secoua, en essayant de ne pas penser au contenu de ce livre, puis se retourna de l’autre côté… Et retrouva le même livre. C’était vraiment trop bizarre. Elle se rassit sur les fesses.

« Ahtelstan, qu’est ce que t’as fait avec mes livres ? » demanda-elle en regardant autour d’elle.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit, au bout d'un très court instant, se dessiner dans l'allé la silhouette de Brienna. Même si elle semblait un peu plus grandie, elle n'avait pas changé et était la même que dans ses souvenirs. Un sourire étira ses invisibles babines. Puisqu'elle avait pris le parti de jouer, il la laissa chercher quelques instants, ce qui lui permit également de constater combien pouvait être efficace son pouvoir, surtout dans un coin aussi peu éclairé et chargé de choses immobiles. Il avait déjà tenté la chose en se transformant en image d'animal ou d'arbre au-dehors, mais les choses étaient bien plus complexes et lui demandaient bien plus d'énergie. Pouvoir le faire de manière correcte avec des objets était déjà une chose qui le satisfaisait grandement. Il avait été légèrement étonné par la teneur de cette particularité lorsqu'il en avait compris le fonctionnement. Contrairement à ce à quoi il s'attendait - quelque-chose qui décuple sa force, son endurance, ou bien encore qui lui permettre d'utiliser de manière optimale son arme comme l'avait été le glowstick de Méléagant - cette capacité lui permettait plutôt de compléter sa force par quelque-chose de plus subtil. Pour la chasse, c'était un atout considérable. Pour le cache-cache aussi, de toute évidence.

Il finit par faire cesser l'espèce de suspense qui planait et se matérialisa de nouveau, un grand sourire sur le museau et ses prunelles vairon allumées d'une lueur chaleureuse. Il fit un pas de côté pour se retrouver face à la louve - elle était légèrement tournée, cherchant visiblement une explication du côté du tas de livres originel qu'il avait joyeusement copié.

"Voici donc la mystérieuse Dame Fantôme de la Bibliothèque." Lança-t-il d'un ton faussement sérieux. "Je suis très honoré que vous ayez daigné vous montrer à moi."

Il ponctua même sa phrase d'une sorte de demi-révérence parodique. Au-delà de la plaisanterie, il était réellement heureux de la revoir. C'était sans doute la jeune avec laquelle il avait eu le plus d'affinité lorsqu'ils étaient enfants, parmi sa fratrie. Ou plutôt, il n'avait pas eu la même relation avec elle qu'avec ses deux autres soeurs, Elaines étant plus téméraire et hardie que lui tandis que Brienna partageait son amour des livres et des calmes étagères. Il constata d'ailleurs avec joie qu'elle portait désormais l'emblème des disciples de Moiro, ce qui le ravi pour elle et le toucha également. En effet, lors de leur dernière rencontre qui remontait à bien trop longtemps, elle s'était confiée à lui sur les doutes qu'elle avait à choisir un dieu auquel prêter allégeance. Et il lui avait répondu avec sincérité en lui suggérant la déesse rose. Aussi ne pouvait-il qu'être touché par le fait qu'elle ait entendu ses mots et, mieux encore, trouvé sa voie là-bas.

Brienna

Alors qu’elle contemplait, toujours avec autant d’incompréhension le tas de livres, elle entendit un bruissement derrière elle, et se retourna, se relevant dans la même foulée pour se retrouver face à face avec un museau brun et blanc, orné de cheveux couleur jais, et ponctué de deux yeux de saphir qui brillaient d’amusement et de ruse. Athelstan.
Le visage de Brienna s’illumina d’un grand sourire, puis elle rigola, aux paroles de son frère adoptif, en balayant l’air de sa queue alors qu’elle répondait :

« J’ai longtemps hésité, huhu, votre coupe de cheveux étant tellement ringarde, sire chevalier … » dit elle en faisant la moue, joueuse, avant de rigoler.

« Athelstan ! » s’exclama-elle, avant de venir lui donner un petit coup de museau sous le menton, ravie, balayant l’air de sa queue. Elle était tellement ravie de le revoir, et puis il avait encore grandi, bons dieux, il la dépassait largement maintenant, pfiou, elle allait se sentir naine à force, et puis il était devenu tellement beau, il devait attirer tous les regards des louves qui le côtoyaient chez les Etelkrus. Mille question apparaissaient dans son esprit, milles interrogations sur la vie de son frère, … et sa queue, qui balayait l’air depuis tout à l’heure, tellement elle était ravie, percuta la pile de livres qui s’effondra par terre.

« … oups » dit-elle, en baissant ses oreilles et sa queue, et en retournant son museau vers ses livres adorés.
Elle se détourna de son frangin, pour prendre les livres et les replacer dans es étagères, là où ils devraient vraiment être, ses yeux passant rapidement sur chaque couverture. Avec l’histoire de la magie entre les crocs, elle se retourna vers Athelstan.

« C’était ton pouvoir ? C’est vraiment trop bien ! Tu peux te dupliquer en livre préexistants ? » demanda-elle, ses yeux d’or brillants d’admiration, avant de se redresser sur ses pattes arrière pour replacer le bouquin entre deux vieux volumes qui semblaient similaires.
Elle sembla réfléchir.

« Qu’est ce qu’il se serait passé si j’avais essayé de lire un des livres-toi ? » demanda-elle elle agitant ses oreilles, l’air très amusée.
Elle était vraiment contente de le revoir, son frère. Il lui avait tellement manqué. Elle enchaina donc sur quelques explications. Il devait être aussi curieux qu’elle de savoir comment se passait sa vie.

« Moi je suis devenue Herboriste chez les Lazuli. Anastasia et Morrow sont très gentilles, même si on a eu des problèmes avec des louves, des filles de Callisto qui voulaient intégrer la meute. Sinon je n’ai pas beaucoup de vie là bas, je travaille, je fais des réserves, je traite les loups malades, il y en a une qui a souvent de la fièvre, une petite blanche qui s’appelle Bree … Elle est vraiment mignonne. Bref, sinon j’ai un ami, il s’appelle Astaroth, et il veut devenir Lazuli, ou en tout cas, il aimerait faire partie d’une meute, il est vraiment sympa, j’espère que un jour tu auras l’occasion de le rencontrer ! De plus Gloriel est devenu disciple d’Ao, c’est un valeureux chevalier, Père serait très fier ! »

Elle se pencha pour attraper l’histoire des maux, et chercha des yeux son emplacement sur les étagères de bois ancien.

« … Il y a toujours quelque chose à faire, et j’ai pas eu beaucoup d’occasions pour revenir ici, à part pour les livres botaniques … »
Elle sentit une petite pointe de tristesse, se redressant sur ses pattes arrière, pour essayer d’atteindre les hautes étagères, où le livre devrait s’insérer, mais elle n’était pas assez grande. Elle se laissa retomber sur ses pattes avant et se retourna vers son frère, le bouquin entre les crocs, en soupirant.
« Vous me manquez beauchoup, toi, Elaine, Papa et Maman, ainsi que Alys et Korra et Mayuri… »

Elle leva son regard d’or, triste vers son frère. Toute la joie et la bonne humeur associée à leur rencontre, à son histoire de sa vie s’était éteinte dans ses yeux dorés, pour laisser place à une nostalgie profonde.
« Tu te rappelles de quand on était tous ensemble, et qu’on jouait dans le camp Brethen ? » demanda-elle, avec un petit sourire, en posant le livre sur la pile, incapable comme elle était, de sa taille, de le ranger au bon endroit.

[Il me semble que ce Rp se passe avant la mort d'Agravain, donc Athelstan évoque plutôt la phase où il vivait seul et déprimé sans donner de nouvelles]

Il fit mine de lui donner un coup de patte réprobateur, puis lui rendit son étreinte lorsqu'elle exprima sa joie de le revoir. Visiblement, leurs ravissements se valaient. Il la regarda replacer les ouvrages avec soin sur les étagères, et eut un petit rire lorsqu'elle lui posa directement une question quant à son pouvoir. Il était vrai que la teneur même du don que lui avaient fait les dieux étaient difficile à saisir lorsqu'on ne l'avait vue qu'une seule fois à l'oeuvre. D'aucuns devaient sans doute penser qu'il avait le pouvoir de se changer en cerf, en rocher ou en arbre. Maintenant, c'était le tour des livres. Cela aurait toutefois été fort original, il fallait bien l'admettre.

"Pas exactement." Répondit-il en s'approchant pour l'aider à remettre les ouvrages étalés au sol sur les étagères. Ce devait être pour certains yeux un bien curieux spectacle de le voir ainsi s'affairer avec délicatesse pour replacer chaque livre à sa place, alors qu'ils ne l'avaient vu que comme Garde et fidèle combattant des Etelkrus. En un sens, seule sa famille pouvait vraiment savoir qui il était. "Les dieux m'ont accordé le pouvoir de me changer en un reflet de ce que je vois. Cela peut-être presque n'importe quoi, si j'en juge par les limites que je ne lui ai pas encore trouvées."

Pour illustrer son propos, il se fondit en une seconde Brienna, dans une posture qui était exactement la même. Comme si la louve se trouvait face à un miroir particulièrement réaliste et non vitré. Il reprit son apparence normale et ajouta :

"Cela ne reste qu'un reflet cependant. Mon corps ne disparaît pas, mon odeur non plus je crois. Cette illusion peut me servir de camouflage assez efficacement toutefois."

Il lui lança un clin d'oeil malicieux.

"Donc si tu avais essayé ne serait-ce que de toucher un de ces livres, tu m'aurais heurté en bonne et due forme." Acheva-t-il avec un petit rire. "Et tout mon effet de surprise se serait effondré."

La curiosité de sa soeur étant assouvie, il la laissa continuer et prit un nouveau volume pour le mettre non loin, sur l'un des bords de l'étagère qui leur faisait face. Il écoutait en même temps avec attention le récit de ce qu'était désormais la vie de Brienna. Il se rendit compte avec un serrement de coeur combien leurs vies différaient désormais, ne se croisaient plus guère. Elle parlait de loups qu'il ne connaissait pas, d'événements qui ne lui rappelaient rien. D'un rôle au sein duquel lui n'avait rien à faire, à part comme spectateur des choses qu'on lui en racontait. Ainsi donc, Callisto avait eu des enfants. Il se souvenait bien la dernière fois qu'il l'avait vue, l'état dans lequel elle se trouvait. Il avait tenté de l'aider, de lui apporter son soutien, mais n'avait pas été à la hauteur sans doute. Rien à l'époque ne pouvait relever la jeune louve brisée par le disparition des Brethens et de son père. Il espérait pour elle qu'elle ait retrouvé le sourire en ayant fondé une famille. Il tiqua toutefois lorsque Brienna évoqua le désir de ses enfants de rejoindre la meute. N'en faisaient-ils pas déjà partie ? Qu'était devenue la fille d'Esterno ?

Il eut un petit hochement de tête lorsqu'elle évoqua Gloriel et ce qu'il était devenu. Il n'était pas si surpris, au fond. Son frère avait fait montre dès son jeune âge d'un sens de l'honneur et du devoir digne d'un futur Chevalier. Oui, nul doute que Méléagant serait fier de lui s'il le voyait.

"Père et Mère me manquent également, ainsi que Mayuri." Répondit-il doucement en s'asseyant. "J'espère les revoir sous peu, pour prendre des nouvelles. En as-tu d'Oncle Agravain ? Il n'est plus venu au camp depuis bien longtemps, peut-être a-t-il trouvé refuge près de vous... ?"

Sa famille n'en finissait plus de s'effilocher.

"Oui, je me souviens." Répondit-il avec un sourire léger. "Je me rappelle les images et les sons, les odeurs que nous avions alors." Il se redressa pour saisir le livre qu'elle avait reposer et, d'une poussée de pattes, se mettre debout sur ses hautes pattes pour le remettre à sa place. "C'était un temps béni."

Il se remit d'aplomb, puis s'assit de nouveau. Le coin paraissait un peu plus grand maintenant qu'ils l'avaient remis en ordre et que seules leurs ombres, dansantes à la lueur des chandelles, venaient encombrer le sol et le mur dans leur dos. Il laissiat filer un instant de silence, l'esprit naviguant dans un océan de nostalgie, puis finit par reposer ses prunelles vairons sur la jeune louve pour demander :

"Es-tu heureuse de la vie que tu mènes auprès de tes amis et de ta meute, aujourd'hui ?"

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