Sight. | Illidan

Qu’est-ce donc ?
Quel est cet étrange endroit ?

C’était la première fois que Descada voyait cette île. Son cœur bondissait dans sa poitrine, l’adrénaline coulait dans ses veines. Assoiffée d’aventures, encore et toujours, Descada, comme dès son plus jeune âge, s’était aventurée un peu loin de son territoire, vers les territoires libres. Seulement, ce qui s’étendait devant son œil violacé dénotait dans le paysage qui lui était habituellement familier. Sa crinière immaculée au vent, la princesse de jais marchait en direction de l’île sombre, d’un pas décidé. Elle voulait comprendre pourquoi elle sentait comme quelque chose d’étrange, et de mal, en ces collines et ses dunes de sable glissantes vers la mer.

La jeune femelle avait décidé de partir. Elle ne savait pas encore où, et elle était à la recherche de son frère. Elle était en quête de réponses, cherchait la voie qui était inscrite dans son destin, et savait bien qu’il en était de même pour Azkaban. Seulement, ils allaient détruire leurs parents s’ils partaient, Descada le savait bien, ou du moins, elle le devinait facilement. Pas besoin de glowstick pour comprendre certaines choses, comme ce qui ferait du mal à un loup ou une famille, ou même une ambiance pesante et négative comme elle était actuellement en ces étranges lieux.

Arrivée près de l’eau, la louve pencha la tête en avant, observant son reflet sur la surface salée. Dans un long soupir, ce reflet l’emporta dans de légers et joyeux souvenirs avec son frère adoré, lorsqu’ils étaient louveteaux et sautillaient joyeusement dans le ruisseau, se regardant dans l’eau et s’éclaboussant de toutes parts, aspirant à s’aventurer vers l’immensité de la mer, avant de foncer droit dans maman Morokei. Un fin sourire s’étira sur les babines de Descada, avant de retrouver une figure neutre instantanément. Vive, les oreilles pointées en avant, elle tourna la tête en direction de bruits de pas qu’elle avait entendu de très loin, grâce à son ouïe plus aiguisée que la moyenne. Tendue et sur ses gardes, elle bougea la tête afin de permettre à son unique œil d’observer les environs.

On n’était jamais assez alerte lorsque l’on était borgne et en terres inconnues.

La fatigue pesant sur ses épaules, Illidan fuyait à nouveau le camp, s’en éloignant d’autant qu’il l’était possible. Difficile d’être quasi constamment au bord de la colère, les émotions vives finissaient par devenir épuisantes si présentes de manière trop prolongées. Surtout la colère ; pourtant, tout se passait correctement au camp malgré un désaccord sur un sujet sensible avec son père, il n’y avait aucun problème supplémentaire par rapport à d’habitude, mais il en fallait peu au loup brun pour que ses nerfs s’emballent rapidement. Il avait l’impression que son existence stagnait, que le monde continuerait de se rire de sa destinée sans que jamais il ne puisse accomplir vengeance, et ça lui déboitait son humeur dès qu’il y pensait. Soit, régulièrement.

Il se retrouvait donc à nouveau à errer au bord des barreaux aqueux de la prison qu’était cette île à ses yeux, les pattes traînant mollement dans l’eau. Du moins, jusqu’à ce qu’une flagrance n’atteigne sa truffe, le faisant relever vivement la tête, ses pensées se dissipant immédiatement. Une chose qu’apprenait une vie de crainte qu’un prédateur sache un jour déjouer sa vision défaillante, était d'être aux aguets de manière infaillible au moindre signal d’alerte. Les Raeders étaient réactifs de base, mais il n’y avait pas autant chez les autres cette peur tapie au fond du cœur d’Illidan, dont il n’avait jamais réellement su se défaire depuis sa jeunesse. Quelqu’un d’inconnu était présent sur cette plage, et cette plage lui appartenait.
Subitement immobile, il essaya par tous les moyens de localiser la personne au bord de l’eau, mais entre le bruit des vagues et le fait que l’intrus était probablement actuellement immobile, il n’avait aucune idée d’où il était exactement, l’odeur ne faisant que confirmer qu’il était quelque part devant lui, pas trop loin.

Décidant de jouer sur l’intimidation naturelle, Illidan feignit de voir et ouvrit les yeux, les posant comme fièrement en direction de la mer, pour ne pas trahir qu’il ne pouvait les poser directement sur la personne, tout en se redressant dans une posture noble, la fourrure de son encolure toutefois hérissée.

« Qui êtes-vous, que faites-vous ici ? »

Sa voix n'était jamais devenu profondément grave avec le temps, mais elle restait teintée d'une trace dominante.

Était-ce un loup égaré ? Un membre de meute ? Possédait-il un glowstick ? Son cœur s’accéléra dangereusement à cette pensée.

Figée, la femelle posa son regard sur une silhouette d’un mâle à la chevelure aussi blanche que la sienne, réunie dans une queue de cheval fièrement tirée sur son crâne, tel un… Pirate. Était-ce dont un des membres de la meute de pirates, que l’on appelait Raeders ? Elle n’en avait jamais croisé, et de par son jeune âge, Descada avait plutôt cru à une légende.
Mais cela ne faisait aucun doute, en ce moment précis. Le mâle au regard troublant bleu-violacé - elle ne saurait décrire cette couleur fascinante - la fixait, sans ciller. Leurs cheveux dans le vent, un court silence s’étendit entre eux, comme en attente d’un signal, comme un combat qui se prépare.Tendue jusqu’au os, Descada fronça les sourcils, mais resta droite.
Il n’y avait aucune raison de démontrer une quelconque peur ou faiblesse. Gardant bien sa longue mèche devant son oeil aveugle, elle soutint son regard, et encaissa les froides paroles du brun fièrement.

« Qui êtes-vous, que faites-vous ici ? »

Cela sonnait comme si elle n’avait aucun droit d’être ici. De se tenir là, face à cet inconnu, en des terres dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. Cela paraissait si sombre pour un paysage marin. Elle fut, pour quelques secondes, légèrement décontenancée, perdant un peu de sa concentration, et lâcha quelques instant le regard de l’inconnu pour détailler le paysage autour d’eux. Elle ne tarda pas à répondre au mâle.

« J’ignore quel est cet endroit. Je me nomme Descada. »

Et vous n’avez pas à en savoir plus. Du moins, pour le moment.
Elle ne bougea pas, ne cherchant pas l’agressivité. Elle voulait juste en savoir plus sur cet endroit. Elle était perdue dans tous les sens du terme, et, il fallait l’avouer, elle était quelque peu troublée par la présence du mâle ailé en face d’elle.

Il n’attendit pas longtemps sa réponse, qui lui donna que peu d’indices par rapport à sa véritable question. Une louve, perdue semblerait-il. Pas venue pour leur faire du mal au moins, si elle ne mentait pas, mais il était un peu frustré de connaître son nom plutôt que sa meute potentielle. Peut-être un réflexe de solitaire ? Illidan ne savait même plus s’il espérait ou non qu’elle possède une preuve de ferveur divine.

Le brun referma les yeux, n’étant plus habitué à les conserver ouverts longtemps. Devait-il plutôt la raccompagner calmement jusqu’à ce qu’elle quitte à nouveau leur île ? Non, si elle était solitaire c’était toujours une cible de pub potentielle. Se forçant à dévoiler à nouveau ses iris, il essaya de placer l’inclinaison de son museau plutôt autour d’eux que directement sur elle, laissant ses paupières à moitié fermées pour voiler son regard et éviter de griller trop vite son handicap. Réajustant ses ailes d’un mouvement sec, il se mit à contourner doucement ladite Descada.

Il n’avait pas la moindre envie de se présenter, mais il devait faire un minimum syndical d’efforts pour espérer en recevoir en retour.

« Tu es sur l’île des Raeders, chaque grain de sable est sous notre malédiction. »

Chacun ses private jokes.
Il ignorait d’où lui venait sa facilité de parole, mais le sentiment d’agressivité parfaitement contenue était grisant. Ne plus être la proie. Achevant sa parade, il planta avec assurance ses pattes dans le sable, gonflant le poil pour masquer son allure fine et maigre.

« Portes-tu le Glowstick d'une meute ? » souffla-t’il.

Oups, ça lui avait échappé.

Tension.

Elle pouvait la ressentir dans tous ses membres, et son jeune petit coeur frappait dans sa poitrine. Du haut de ses deux ans, Descada n’avait jamais eu a affronter ce genre de situation, quelque peu agressive et, visiblement, d’affaire de territoire.
Il était sur son territoire. Elle aurait bien bête de ne pas le comprendre. Telle une proie, elle se sentait détaillée, encerclée, bien qu’un seul loup soit face à elle. Elle ne voulait pas montrer sa peur. Si elle le faisait, elle serait classée faible d’emblée, et victime potentielle. Elle ne se sentait pas en sécurité. C’était la première fois qu’elle ressentait ce genre de sentiment.

Il était entrain de tourner autour d’elle. Elle détestait que l’on tourne autour d’elle. Elle le perdait des yeux, puisqu’il tournait à sa droite, du mauvais côté. Elle se souvint un jour, lorsqu’elle jouait il y a une année et quelques de cela, et que le loup avec qui elle jouait avait commencé à tourner autour d’elle. À se cacher de sa vision. Elle s’était sentie si mal, qu’elle avait hyper ventilé et était presque tombée dans les pommes. Heureusement, Papa n’était pas bien loin, ce jour là. Mais depuis cette journée, elle n’eut plus jamais affaire à ce genre de défi, et elle soupçonnait son père d’avoir fait passer le message dans le but de protéger sa petite fille - ce qui était naturel, en soi. Mais tout de même. Aujourd’hui, cela ne l’aida pas du tout.

Elle ne voulait pas montrer sa peur, elle se le répétait encore et encore, mais il tournait autour d’elle et elle se retournait vivement, ratant son estime de distance, ne sachant plus où il se trouvait. Elle peinait à respirer, et très vite, elle inspira beaucoup trop bruyamment l’air pour passer inaperçu.

« Non. Arrêtez-ça ! Je vous en supplie ! »

Eh voilà.
Elle avait paniqué.
Les pattes tendues, les oreilles en arrière et l’échine en avant, c’était comme si elle peinait à rester debout sur le sol. Elle luttait avec sa respiration, et ne comprenait plus ce qu’il lui arrivait. Cependant, elle avait entendu le mâle s’inquiéter d’un éventuel glowstick qu’elle possèderait. S’il savait…

« Je ne possède pas de Glowstick, je suis née dans une meute, les Nakhus, mais je n’ai pas de glowstick et ne compte pas en avoir pour l’instant, mais s’il-vous-plaît, cessez, cessez, cessez… »

Cette phrase, elle l'avait prononcé à toute vitesse, de façon saccadée, complètement essouflée.
Et, dans un coup de vent sa mèche vola derrière elle, et son oeil bleuté aveugle fit en pleine lumière, et ce dernier lui piqua. Et elle ne cessa de le cherche du regard, paniquée, en se tournant et retournant…

Une odeur de peur commença à empester au milieu des embruns, et Illidan hésita presque. Il n’avait jamais inspiré de tel sentiment chez une autre personne…était-il possible de faire mentir son odeur ? Cependant il cessa immédiatement de bouger à l’interjection de la louve, presque choqué. La voix de l’inconnue trahissait sa détresse, pouvait-on réellement avoir une telle attitude en arrivant en territoire inhospitalier ? Enfin, techniquement personne n’entendait plus vraiment parler d’eux, depuis qu’ils étaient exilés sur une île. Ça ferait une bonne pub quand elle reviendrait chez elle, tiens, c’était pas mal.

Son attention focalisée sur elle, il écouta avec attention sa réponse suivante, et toute intention possiblement agressive en lui disparut à l’énonciation de la non-possession de Glowstick. Une Nakhu, l’une des nouvelles meutes des dieux, si sa mémoire ne lui mentait pas. Elle aurait certes pu lui raconter n’importe quoi, mais au vu de la panique évidente qui émanait d’elle, si elle jouait assez bien pour simuler avec cette intensité, il savait qu’il ne pourrait de toute façon pas lutter contre des bobards d’une telle qualité. Alors autant croire que c’était la vérité, finalement.

Lâchant un soupir, il sentit une brise plus forte que les autres agiter les longs cheveux de sa queue de cheval qui reposaient jusque-là sur son encolure. Il se sentait comme déçu, de s’être presque emporté pour rien. Que pouvait-il faire, maintenant qu’il avait effrayé une louve qu’il supposait plutôt jeune selon son timbre de voix ? Pas de Glow à briser, pas de possibilité de recrutement, elle était déjà casée. La reconduire calmement en-dehors de l'île, peut-être.

Il s’approcha d’elle pour s’arrêter à une distance raisonnable, apaisant cependant son langage corporel en laissant son poil hérissé retomber doucement et baissant la tête, même si sa queue restait légèrement relevée en signe de dominance passive.

« Allons, calme-toi, » fit-il en laissant ses yeux se refermer, « J’appliquais le protocole. Tu n’auras pas de problème si tu repars gentiment, » grommela-t’il.

Ne voyant pas l’œil différent se faire découvrir par le vent, puisqu’il ne voyait lui-même rien, il n’avait pas réellement compris ce qui l’avait dérangée au point de la pousser si vite à bout, se contentant d’assumer que son agressivité devait en être la responsable.

La louve fragilisée sur le moment ne savait plus trop comment se comporter à présent. Elle observait le mâle à la queue de cheval d’un oeil aiguisé. La peur de la femelle semblait avoir déclenché une certaine pitié chez le loup inconnu. D’évidence, elle devina qu’il était un leader. Sa dominance lui avait même fait peur. Mais elle n’avait jamais eu conscience de l’existence des Raeders, cette meute de solitaires maudits par un crabe-dieu géant. Cette histoire était sacrément perchée pour y croire au premier ragot. Descada essaya de se rappeler pourquoi elle s’était aventurée là. Elle n’en savait rien, en fait. Elle était juste une jeune Nakhu un peu paumée en quête de réponses qu’elle seule pourrait se fournir. Elle ne savait plus où regarder, ni où aller.

Si le mâle semblait s’être détendu en voyant - ou sentant - la position évidente de faiblesse de notre Nakhu, elle ne restait pas moins tendue. L’autre ne semblait pas avoir remarqué le moins du monde l’étrange oeil droit de Descada. Etait-ce possible que lui ne l’ai pas remarqué, alors que tous les autres ne cessent de lui demander ce qui lui était arrivé ? Aussi, elle trouva étrange que ce qui semblait le rassurer le plus, c’était l’inexistence de glowstick sur elle. Elle eut conscience que le mâle lui avait simplement demandé de partir maintenant, mais ces paroles sortirent toutes seules ;

« Vous recrutez ? »

Figée, elle le fixait attentivement. Une sorte d’inexplicable admiration soudaine pour ce total étranger s’empara d’elle et elle se demanda si cette rencontre étrange et stressante devait se passer pour la guider dans ses questionnements et ses choix. Elle n’osait bouger cependant, de peur de montrer quelque attitude offensive envers lui qui était déjà sur la défense de son territoire.
Mais et si ? Elle était effrayé par cette situation, effrayée par son avenir, effrayée par son handicap. Mais en ces pensées, se trouvait un brin d’espoir. Et si elle pouvait les aider à sortir de cette malédiction ?