A la recherche de ressources insoupçonnées. • Libre

« A la recherche de ressources insoupçonnées.
« Heever & libre !



La vieille louve grise était penchée au dessus de l'eau, à quelques longueurs de queue de la surface de l'océan. Ici la falaise était bien moins haute et offrait un point de saut idéal pour les plongeurs confirmés. Le soleil, déjà haut et ardent, rendait l'atmosphère lourde, comme chaque jour depuis plusieurs semaine. Heever sentait chaque inspiration tracer son chemin cuisant jusqu'à ses poumons. Respirer devenait désagréable. Peut-être que sa mutation n'améliorait pas la chose non plus... Après tout, depuis qu'elle portait cette longue et lourde queue poiscailleuse et que ses crocs s'étaient allongés pour devenirs aussi tranchants que translucides, elle avait dû s'adapter. Elle savait que désormais elle devait avoir la capacité de respirer sous l'eau, le Roi des océans, Pontos, leur avait distribué ce don en même temps que la malédiction. Un mal pour un bien, se rassurait-on. La femelle fronça le museau et par réflexe, aspira une grande gorgée d'air chaud, avant de bondir soudainement dans le vide. La veille elle avait proposé au clan d'aller fouiller les profondeurs sous-marinent dans l'espoir d'y trouver quelque chose : des poissons plus vaillants n'ayant pas délocalisés, des grottes à l'entrée immergée qui pourrait accueillir le clan le temps que le climat soit plus doux et pourquoi pas, une source d'eau douce dans l'une de ses potentielles grottes ? Ça c'était déjà vu, si on en croyait les histoires du monde trouvables à la Grande Bibliothèques. Après, il faudrait évidemment trouver un moyen d'amener tout le clans là dessous, dans l'optique où ses hypothèses étaient fondées bien sûr ! Parce que les jeunes n'ayant pas encore la capacité de nager indéfiniment sous l'eau ne pourrait pas venir de leur propres pattes. A moins qu'elle ai énormément de chance... Mais il fallait pas rêver non plus. Espérer oui, devenir utopique, non. Une aiguille transperça le coeur de la vieille louve cendrée lorsqu’elle pensa à son enfant, loin d'elle.

Elle n'avait plus de nouvelles de Spleen depuis presque deux années maintenant, et il lui était impossible de retourner sur le continent désormais... Et puis depuis l'apparition des conséquences physiques de sa damnation, il était clair qu'aucun loup sain d'esprit ne souhaiterait commercialiser avec elle. Heever soupira. Et se surprit elle-même à ne pas être gêner par l'eau salée emplissant ses narines. Quelques bulles s'échappèrent de sa gueule pour fuir vers le ciel et crever la surface. Un vague sourire étira les babines de la Raeder, c'était fascinant... Après quelques secondes à observer les ondulations du soleil derrière l'écran de l'océan, Heever se retourna pour plonger plus en profondeur. En quelques battements puissants de sa nouvelle queue, qui se révélaient être fort utile une fois la terre quittée, la louve maudite s'enfonça vers la pénombre du grand bleu. A mesure qu’elle descendait, sa vision devenait plus nette, s'adaptant aux remous du liquide environnant et à la lumière tombante. Puis peu à peu, la taux de lueur se stabilisa alors qu'Heever passait à une pression plus importante. Elle le sentit aussi sur son estomac. Ses oreilles bourdonnèrent un peu avant que son organisme n'accepte le changement. Puis tout devint limpide et la vieille femelle claire se sentit à sa place. Une sorte d'harmonie l'enlaça tandis qu'elle continuait de nager. Il y avait tellement d'année qu'elle n'avait pas été aussi... En paix. Flottant entre l'abîme et le monde d'en haut, entre l'inconnu et le monde des vivants... Elle se sentait sereine. La quiétude qui l'enveloppait s'évapora doucement alors qu'elle se rappelait son objectif premier. Visiter, explorer, découvrir. Retrouvant acuité et lucidité, elle réalisa soudain pourquoi elle discernait si bien la construction qui prenait racine dans le sable sombre : la luminosité provenait de son propre corps !

Les toiles d'araignées turquoises sur ses épaules brillaient en réponse aux ténèbres de l'océan, ainsi que celle sur la base de sa queue, suivait également de petits points turquoises qu'elle n'avait pas remarqué encore sur sa queue de murène. En voilà une découverte ! Il s'avérait que le bleu de son pelage s'éclairait comme un poisson bioluminescent. Elle se demanda si cela continuerait désormais hors de l'eau où s'il fallait une certaine pression pour scintiller comme une luciole marine. Elle se questionna aussi si ses mutations lui réservaient d'autres surprise encore... Elle était curieuse, fascinée et en même temps, une petite crainte de l'inconnu brûla dans un coin de son esprit. Elle avait hâte de pouvoir raconter ça à Volstein et à Spleen... Comme à chaque fois, son coeur se serra et Heever se sentit plus isolée que jamais. Comme à chaque fois qu'elle avait envie de partager quelque chose elle pensait à eux deux. Eux qui avait été sa famille. Eux qui avait disparus de sa vie depuis bientôt deux ans pourtant... Un brin de colère la toucha aussi, parce que tout était de sa faute. Et puis de celle de Pontos, qui l'avait bloquée sur cette île maudite. Rongé par ses idées noires, la pirate damnée se laissa flotter prêt des murs de pierres blanches. Un grand bâtiment immergé trônait fièrement dans ce monde sous-marin perdu et secret. Heever avait l'impression de pénétrer dans un sanctuaire. Une énième fois, la Maître des Rituels Raeders partitionna ses émotions pour les ranger soigneusement dans un coin de son cerveau, pour plus tard. Elle avait un travail à fini ici, on attendait d'elle qu'elle remonte pas trop tardivement et qu'elle fasse un rapport de ses découvertes. Heever se demanda si quelqu'un allait la rejoindre, certains membres avaient eu l'air peu ravi de son initiative, d'autre l'avait encouragé.

Elle n'avait pas eu le sentiment qu'on veuille l'accompagner, mais la compagnie ne lui déplairait pas, à ce moment là. Fait exceptionnel. Heever était devenue la vieillarde acariâtre du clan, qu'il ne fallait pas emmerder. Pourtant là, elle aurait apprécier un regard complice avec l'un de ses pairs. Dans un haussement d'épaules, la forbante s'élança d'un coup de nageoire caudale vers l'intérieur du fort aux milles mystères. Sous ses prunelles de givre s'ouvrit une grande entrée d'où s'enfuirent de multiples éclats de couleurs plus chatoyants les uns que les autres. Seraient-ce des poissons qui déguerpissaient aussi vite dans les couleurs ténébreux de la bâtisse ? Un espoir tenailla le ventre de la louve qui, malgré les doutes et la peur de pénétrer ainsi dans cet endroit incroyable et étranger, continua d'avancer lentement à l'intérieur du fort. Peut-être pourrait-elle trouver une colonie de poisson chez qui elle pourrait prélever un petit impôt à ramener à sa famille ? D'un autre côté, si elle chassait tout de suite, elle ne pourrait plus fouiller l'endroit ou les alentours, hors elle avait cru voir le pied de la falaise derrière le fort inondé. Et s'il y avait des grottes c'était bien par là ! Attrapant son courage entre quatre patte, Heever s'élança dans un des couloirs obscurs, prête à découvrir les secrets noyés depuis longtemps... Et un détail répondit à son appel silencieux. Enfin... Tout ici était muet, et c'était terriblement appréciable. Cette absence totale de bruit parasite, ce calme envoûtant... Heever se laissait bercer par l'espace temps des profondeurs de l'océan, et cela lui faisait du bien. Comme si on mettait du coton autour de son coeur meurtri. Et ce détail apaisa plus encore les maux de la vieille louve : un petit coffre de bois pourri et rouillé attisa sa curiosité.

Grâce à sa mère, Heever était devenue, tardivement certes, une vraie Pirate. Aussi l'appel du trésor fût fort et c'est avec avidité qu'elle alla ouvrir cette petite boîte pleine de surprise. Un collier de perle, des pièces de bronze ou de laiton probablement, à l'effigie d'un animal bipède vraiment étrange et un carnet relié de cuir dont le parchemin gorgé d'eau avait du redevenir vierge avec le temps. Sous le petit livre, un coquillage en spirale dont la nacre reflétait la bioluminescence de la Raeder. Elle referma le coffre, un peu déçue. Avec le mouvement d'eau, la boîte se déplaça comme si elle était aussi légère que du sable, probablement a cause de sa porosité actuelle. L'idée qu'elle aurait l'occasion d'en apprendre énormément sur la mécanique des objets sous l'eau rehaussa sa bonne humeur. Elle reviendrait passer des heures à observer, étudier et apprendre ici... Dans cette quiétude sépulcrale. Cela promettait d'être un régal. Mais pour le moment, son regard se ficha sur un autre objet enterré à demi dans le sable et les algues : un morceau d'existence qu'elle ne pouvait que trop bien reconnaître... Heever attrapa délicatement le bout de tissu a carreaux entre ses longs crocs difformes. Un pan de la vie de sa mère qu'elle retrouvait ici. Décidant de voir ce vieux chiffon flottant comme un signe positif, la femelle cendrée enfila l'imprimé écossais abîmé pour ne pas le perdre. La voix de Paprika résonna dans sa tête, et elle se remémora les bons souvenirs, ceux d'après leur retrouvailles, mais aussi quelques-uns de son enfance, sept ou huit ans auparavant. Malgré tout ce qui avait pu se passer, paprika avait été la meilleure des mamans, et mieux encore, la plus formidable des grand-mère pour Spleen. Heever adressa une prière au Dieu des océans, parce que désormais, c'est à lui qu'elle vouerait le reste de son existence, comme avait pu le faire l'ex Alpha des Séide en devenant une fière et superbe Capitaine Pirate Raeder.

Forte de cette conviction, la damnée reprit son exploration avec plus d'entrain encore. Décidée à apporter quelque chose de concret aux Forbans de sa famille. Ils allaient survivre, mieux, ils allaient vivre, elle en faisait la promesse !