A la recherche des nôtres [libre]

Après Siam, ce fut Cendrillon qui disparut un beau jour sans laisser la moindre trace. A force de ne pas le voir revenir, Limule avait fini par s'inquiéter jusqu'à tenter de le retrouver. Aucune piste, aucune odeur, aucun signe de passage du mâle, ça faisait trop longtemps sans doute, c'était exactement comme la dernière fois. Le pire, c'était que Limule savait que Cendrillon, même s'il avait un côté un peu couard, était suffisamment une tête de bois pour avoir eu envie de tenter d'embêter un peu les Etelkru.
Parfois la petite louve blanche se demandait un peu pourquoi le destin s'acharnait autant et elle se demandait aussi si au final, il n'était de son rôle de se retrouver seule, si ce n'était pas un but à atteindre pour quelque chose de plus grand, pour quelque chose que l'Océan prévoyait pour elle, mais c'était difficile, on ne s'en remettait jamais véritablement.

Limule longea la plage jusqu'à remonter quelques falaises, là où c'était les pieds de la montagne qui baignaient dans l'eau. Un vent fort de rivage soufflait dans ses mèches noires, menaçant de lui voler une plume mais la louve blanche s'arrêta quelques instant pour en profiter, fermant les yeux, tendant le museau vers l'horizon. L'herbe lui chatouillait les pattes, le sel de la mer et le cri des mouettes titillaient ses sens puis, dans ces odeurs familières, celle des Etelkrus, celle qui gâchait le plaisir par les sensations négatives qu'elle apportait, de la rancoeur, pas de colère mais de la crainte, elle approchait de leur territoire.
Elle avança, prudente, guettant les odeurs, pour ne pas passer la frontière, juste en trouver la limite. C'était difficile, Limule était habitués aux odeurs fortes et évidentes, le Continent avait une subtilité fade, leurs poissons n'avaient aucun goût. Elle finit par la trouver, la frontière et elle la longea jusqu'à avoir dans son champ de vision une des fameuses tours que les Etelkrus avaient construit un peu partout. Limule en ignorait la réelle utilité, c'était sans doute juste une démonstration de force sans doute mais elle aimait croire qu'il puisse y avoir des loups qui grimperaient en haut, ça rendait l'effort moins futile. Alors elle se plaça bien dans l'axe de la tour, au milieu des champs dégager de dessus de falaise là où elle serait vu à coup sûre, s'asseyant à cette frontière qui n'intéressait que les loup, à cette limite flou où elle ne brisait pas les règles mais où elle titillerait forcément l'orgueil.

Et elle attendit.

Venir jusqu'ici seule, sans doute que ce n'était pas la meilleur des idées qu'elle ait eu. Elle était la Capitaine, quand bien même ça ne devait pas forcément se savoir au delà de leur île, ou pour de rare continentaux, il y avait des risques qu'elle ne devait plus prendre. Les Raeders avaient besoin d'un Capitaine, elle n'était pas forcément le choix plus évident mais à défaut, elle était celle qui avait été choisi. Mais un Capitaine ne devait-il pas tout faire pour les siens ? Retrouver Cendrillon était important, pour elle en temps qu'amie évidemment mais pour la meute aussi, parce qu'il était Raeders comme eux tous.
Mais Limule voulait des réponses surtout, elle ne se faisait pas hostile ou insultante, ni même brusque. Elle était bien en vue pour montrer qu'elle attendait qu'on vienne à sa rencontre, gentiment, sagement, pacifiquement. Elle avait cependant pris une certaine sécurité, la lune était ronde déjà dans le ciel de jour, cette nuit ne lui appartiendrait pas. Ça lui faisait une excuse pour ne pas être escortée à l'intérieur du territoire et que l'échange demeure ici, ça lui faisait une défense si jamais les choses tournaient mal et qu'on l'emmenait. De plus le démon hurlait suffisamment fort pour que les siens sachent où la retrouver.

Elle attendait.

Joy ; 7 ans
F  A E I

Ptn de Raeder. Comment osaient-ils se pointer prêt de chez eux ? Encore ?!

Du haut de sa tour de garde, où les Conseillères et leur patrouille avait marqué une pause pour relever les précédents veilleurs, la fille d'Aka eu tout loisir d'observer la louve blanche en contrebas, bien à découvert et clairement en attente qu'on vienne lui botter le cul. Joy n'était pas très haute sur pattes, plutôt dans la moyenne. De fait, contrairement à certains de ses congénères Etelkru, seul son museau dépassait, et le haut de sa tête avec. C'est donc une truffe froncée, un regard assassin et haineux et des oreilles bien dressées que l'ennemi aurait pu apercevoir une fraction de seconde avant qu'elle ne se retourne d'un bloc pour courir en bas des marches. Dans la précipitation, elle en rata quelques unes, bondissant en avant pour se rattraper et laissant ses griffes crisser sur la pierre. Si atterrissage était lourd dû à sa condition de très future maman, il restait plutôt bien contrôlé. Le Grizzli veillait sur elle et ses louveteaux à naître bientôt, alors elle n'avait aucune inquiétude quand au risque de se faire mal. Sans doute, du coup, prenait-elle trop la confiance... sans doute. Voilà que la beige déboula, queue dressée et presque rebondissante tellement elle était ronde et qu'elle allait vite, comme une guêpe dont on viendrait embêter le nid.

« Tu viens chercher ta raclée de l'autre fois ? »

Ronchonna la louve, à peine calmée de voir qu’elle avait en face d’elle du menu fretin. Pft, ces saligaud envoyaient leurs jeunes faire le sale boulot, quel qu'il soit. Déplorable. Elle se rappelait d'elle, la maigrichonne femelle portant sur sa tête un crâne de bestiole morte. Joy haussa un sourcil, tout son corps tendu comme un arc -où un ballon prêt à exploser-, dans une attitude complètement dominante, en attendant qu'Hollyock descende à son tour, ainsi que Cookie et Dasha, qui venaient prendre la relève des veilleurs actuels, Thid et Rafale. Il en resterait forcément un dans la tour pour sonner l'alerte si jamais il s'agissait d'une embuscade, donc il serait une belle équipe d'au moins cinq contre cette petite friture.

C'était en compagnie de Joy, sa collègue Conseillère, qu'Hollyhock veillait dans la tour, ce soir là.
Tout était si calme jusqu'à ce qu'une silhouette étrangère ne s'arrête juste en face de la tour. Il ne fallut pas longtemps à la femelle bleue pour comprendre d'à quel genre d'énergumène elles auraient à faire, ce soir. Son poil se hérissa sur son dos et il ne lui fallut pas longtemps pour se lancer à la suite de Joy.
Il ne fallu que peu de temps pour rattraper sa collègue.

Elle fronça les sourcils et dévoila ses crocs immaculés, lors que son regard de glace se posa sur la petite louve blanche qui patientait à la frontière. Un pas de plus, et elle n'hésiterait pas à l'attaquer. Mais puisque Joy et la relève étaient là, et que la pirate ne semblait pas forcément vouloir se rendre chez eux, elle était bonne pour se contenir.

- Qu'est ce que tu veux, vermine ?

Holly était toujours très aimable et avenante avec les Raeders. Toujours.
En attendant une réponse de l'intéressée, elle resta debout, les muscles tendus sous sa peau, n'attendant qu'un geste ou un mot hostile pour attaquer.

Évidemment ce fut une hostilité flagrante qui l'accueillit, une provocation ainsi qu'une insulte. Limule ne s'attendait pas à grand chose d'autre de la part des membres de cette meute cependant, alors elle ne fut pas surprise et resta calme, impassible et tranquillement assise sans ciller d'un poil, regardant tour à tour les deux louves de ses yeux bleus. Elle prenait beaucoup sur elle même en réalité, oh pas que les paroles l'aient vraiment piqué non, mais Limule restait une louve d'instinct et celui-ci appréciait fort de rester aussi calme face à la menace flagrante, elle ne pouvait pas flancher cependant. Si difficile était le rôle de Capitaine.
Avant de répondre, la louve blanche considéra les deux louves. La première, jaune aux marquages verts semblait avoir l'âge de Creek, Kéran et Tatch, et visiblement, attendait des petits. Oh, Limule savait les Etelkrus durs mais elle n'imaginait pas qu'ils forçaient les femelles si proche  d'avoir leurs petits à garder les frontières plutôt que de se reposer. La seconde louve elle, avait une apparence plus douce avec son pelage d'un blanc et d'un bleu clair ainsi que les fleurs qu'elle portait en couronne mais était aussi visiblement le parfait exemple de l'habit qui ne faisait pas le moine, elle était aussi agressive que sa compagne le tout dans la perpétuation de l'image Etelkru.
Limule finit par ouvrir la gueule afin de parler.

« Bonjour Etelkrus. » Elle fit une micro pause, le temps de regarder à nouveau l'une et l'autre louve. « Je ne suis ici pour vous portez tort mais parce que l'un des notre a disparu. C'est un loup brun avec des tâches vertes et des cheveux colorés. Je suis venu savoir si comme ça l'a déjà été auparavant avec d'autre, il n'était pas retenu chez vous et si c'est le cas, négocier sa libération. »

Elle parlait d'une voix neutre, presque froide, son visage l'était d'ailleurs et si elle gardait les oreilles droites, ne hérissait en aucun cas son pelage, ne faisait aucun mouvement, ne montrait aucun croc, ses yeux bleus brillant dans l'ombre que formait le crane qu'elle portait sur sa tête lui donnait un petit côté prédateur, ça ou alors c'était le monstre au fond d'elle qui se faisait de plus en plus présent à l'approche de son heure. Elle s'assombrit cependant en reprenant la suite de ses paroles.

« … ou s'il est déjà trop tard, récupérer ce qu'il reste de lui. »

Son médaillon au moins, seule chose qui n'aurait sans doute pas brûler d'un Raeders subissant sa malédiction. Plus que toute les autres éventualités, dans une pensée pessimiste, c'était à celle-ci que Limule croyait le plus.

Joy ; 7 ans
F  A E I

Ton existence est un tort pirate. Joy se retint de gronder, se contentant d'un grand soupir d'exaspération. Qu'avait-ils a faire d'un Raeder en moins ? C'était même plutôt une excellente nouvelle pour la meute. La blanche fît une rapide description du loup manquant qui correspondait en grande partie aux membres de la famille de Geb. Les pelages aux diverses variations de marron à beige dans le cas d'Horus ; strié, piqueté, rayé ou moucheté de vert. Seuls les cheveux colorés rendaient le lien plus douteux. Thalion les avaient plus colorés que les autres, en les ayant brun méché de vert mais... De là à dire coloré. Cela sonnait plus comme du coloré flash ou de plusieurs couleurs... La Conseillère se rappela alors de Grimm, ami de son géniteur et frère aîné de Geb, parti vivre avec une solitaire, et de sa fille, seule survivante du massacre perpétré par la sanguinaire solitaire Oxomo. La morveuse avait la tignasse de mère, multicolore. Le feu fils d'Aka avait prit soin de la gamine quelques temps avant qu'elle ne décide de vivre seule dans le lieu de prédilection qu'elle avait partagé avec son défunt père. Enfin, c'est ainsi que Geb avait présenté sa fuite. De toute façon, à sa connaissance, elle ne voyait vraiment pas de loup correspondant à cette description sinon.

« Séchat ? »

Non, c'était idiot. De toute façon, à part Horus le Croquemort, Sokaris et Noé les deux traîtres, qui avaient grandis avec leur cousine il ne devait y avoir personne à qui importait le sort de cette louve. Geb était mort, Ptah probablement aussi. Et puis la Raeder avait parlé de leur disparu au masculin, alors ce n'était probablement pas elle. Ça aurait été le comble que la petite traumatisée par une solitaire assoiffée de sang termine chez des pirates meurtriers. La curiosité passée ne laissa la place qu'à plus d'impatience et de mépris.

« Grand bien nous fasse que vous soyez moins nombreux. Ça nous fera moins de travail. »

Cracha la future mère, le poil gonflé et un petit courant crépitant entre ses épaules et son cou. Le menace était claire, et Joy n'avait pas la moindre honte à exposer ainsi sa haine brûlante à l'égard des assassins capables de rapt d'enfant ou d'autres atrocités au nom d'un dieu païen les ayant maudits en prime. Bien fait pour vous, cafards.

Holly ne connaissait pas Séchat. En fait, Holly s'en foutait bien, du fait qu'ils soient à la recherche de quelqu'un.
La seule personne qu'ils pourraient éventuellement libérer, c'était cette solitaire au pelage vert, gagnée par la folie. Étrangement, la louve bleue n'avait guère envie de la savoir en train de vadrouiller quelque part dans les terres. Qui savait, de quoi elle était capable ?
Holly montra les crocs.

- Nous ne négocions pas avec la vermine.

Car Pepper n'aimait pas les Raeders.
Les récits d'enfance, ceux qui contaient les méfaits accomplis par ce peuple de sauvage, avaient donné un avis bien tranché à la jeune Conseillère. Puis, pour couronner le tout, il y avait cette mentor Alpha, à qui elle vouait le plus grand respect et qui la confortait, sans avoir à en parler, dans cette idée.
Si Pepper, si censée et droite n'aimait pas les Raeders, alors il y avait une bonne raison.

La vermine, elle se devait de la chasser loin de leur frontière et lui donner l'envie de ne jamais revenir les provoquer.

Anita était déjà sur la route du Castel, prête à regagner ses nombreux boyaux rocheux pour y passer au moins une partie de la nuit quand elle avait entendu des éclats de voix provenant de derrière elle – des tours à la frontière, à une centaine de mètres de sa position.
Ses oreilles se dressèrent à l’animosité qu’elle capta dans les timbres plutôt familiers et elle fit volteface dans l’instant, courant à foulées légères mais rapides en direction de la frontière.
Elle se rappela de la solitaire terrassée par Holly, de celui qu’elle n’avait pas vu mais dont lui avait parlé sa sœur – étaient-ils encore tombés nez à nez avec l’un d’entre eux ?
Aurait-elle l’occasion d’en voir un avant que cette fois il ne soit inconscient et terrassé ?

Elle accéléra et avala la distance en une dizaine de secondes, slalomant entre des rochers hérissés depuis le bord de la falaise et les éboulements qui avaient constitué pierriers et petites montagnes de cailloux sur toute sa périphérie. La silhouette de la tour de garde, imposante tâche sur le ciel dégagé, se dressait au beau milieu de l’espace plus plat et vaste qui se profilait derrière un dernier tas de cailloux. Mais au lieu de filer droit vers la frontière c’est près de ce monticule qu’elle s’arrêta, posant les pattes sur quelques pierres pour hisser son encolure au-dessus de la barricade naturelle et mieux voir la scène.
C’était donc Holly et Joy qui étaient de garde ce soir-là, en plus des autres loups qu’elle pouvait distinguer toujours postés dans la tour ; et quant à la silhouette qui leur faisait face, de l’autre côté de la frontière si bien gardée…
C’était une louve, droite et calme malgré la situation. Pas une once d’hostilité ne semblait justifier sa présence en ces lieux et Anita pencha la tête sur le côté, curieuse, se demandant quelle raison aurait pu pousser cette louve visiblement solitaire à venir les voir de si près, seule – malgré les risques que cela pouvait impliquer.
La blanche répondit rapidement à sa question silencieuse en annonçant qu’elle cherchait l’un des siens, et dont la description ne parla pas à Anita.

Elle n’avait pas l’air méchante, cette louve. Et malgré l’animosité non masquée sur le visage des deux Etelkrus qui étaient venues l’accueillir elle leur parlait avec une forme de respect. De loup à loup. Simplement une louve inquiète pour un proche et qui souhaitait s’enquérir de sa situation.
Qu’y avait-il de mal à cela ?

La réaction de Joy en premier lieu la peina quelque peu – mais encore pouvait-elle la comprendre et l’expliquer. La louve s’apprêtait à être mère à nouveau, sa génération avait vécu les innombrables drames s’étant abattus sur eux et leurs enfants. Elle était blessée par le passé et sur la défensive.
Mais quand Holly prit la parole à son tour, de cette voix chargée de haine, quand elle montra les crocs, quand elle…
Bondit de l’avant ?

Le sang d’Anita ne fit qu’un tour.
Sortant de son couvert, la jeune louve se propulsa sur ses postérieurs pour bondir par-dessus les roches et en direction de son amie, franchissant les mètres qui les séparait en l’espace d’un instant. Si elle était suffisamment vive, elle aurait le temps de l’intercepter avant qu’elle ne s’en prenne à l’étrangère.
Un cri surgit de sa poitrine, espérant retarder l’Épée – juste la seconde d’hésitation dont elle aurait besoin.  

— Holly ! Attends !

Et elle s’élança de toutes ses forces pour sauter vers la louve bleue, s’apprêtant à la faucher par le côté avant que ses crocs ne se referment, avant qu’une irréparable injustice ne soit commise.
Son poitrail s’entrechoqua contre les épaules de son amie et toutes deux roulèrent plus loin dans l’herbe, entremêlées dans un sac de pattes, de cheveux et de queues.
Quand elle se furent immobilisées Anita secoua vigoureusement la tête, sonnée et soufflée par le choc – mais elle en avait vu d’autres. Elle se remit sur ses longues pattes et vint se placer près de la bleue, dégageant une mèche de sa chevelure en bataille du bout du museau.

— Ça va ? Je suis désolée. Mais je pouvais pas… On peut pas l’attaquer comme ça, elle a rien fait.

Un petit sourire penaud étira ses lèvres.

— J’ai pas eu d’autre idée.

Elle n’en avait pas eu le temps – il fallait agir vite.
Son regard violet repassa rapidement sur l’étrangère épargnée, sur Joy – puis revint encore sur Holly et elle reprit la parole à voix basse.

— Je suis sûre que même Tante Pepper n’aurait pas voulu que cela se passe ainsi.

Elle savait l’estime profonde et dévouée que portait Holly pour la louve bleue, aussi espérait-elle que ses mots auraient l’effet escompté.

Joy ; 7 ans
F  A E I

C'était... dingue. Il fallait, à chaque tentative de sa part de faire son putain de boulot correctement, qu'un des gosses de l'Alpha et de la Prêtresse de l'Anaconda vienne s'en mêler. Peut-être était dû à son état hormonal surchargé, mais l'apparition soudaine d'Anita mit en pelotte les nerfs déjà soumis à rude épreuve, de la Conseillère. Voir en plus la jeune louve couper l'herbe sous la patte de sa congénère en la fauchant sans avertissement l'agaça au plus haut point. Avait-elle pensé, cette jeune imbécile, qu'Holly et elle aurait pu se faire mal ? D'autant plus que la bleue n'était peut-être pas complètement remise de ses exploits précédents. Un long soupir désapprobateur et désespéré permis à Joy de ravaler sa frustration et sa colère. Quelle génération de boulets ! Heureusement elle avait élevé ses enfants avec un peu plus de bienséance et de discipline. Il en serait de même pour les louveteaux à naître prochainement, mais qui profitaient encore du calme et de la douceur -au moins un peu !- du ventre maternel.

« Vous avez fini de flirter ou vous avez encore prévu une démo de salade de museaux ? »

Cracha la louve au poil couleur sable avec une bonne dose de dédain. Ses yeux de miel coulèrent vers la Pirate, brillant de méfiance et de hargne. Joy était une rustre, certes, mais au moins elle valait mieux que ces loups miteux coincés sur leur île-prison. Le museau plissé, elle sourit finalement à la Raeder au poil blanc, narquoise.

« Garde tes malédictions de sorcière pour d'autres. Aucun d'entre vous n'a eu la chance de dormir dans notre hôtel de luxe depuis Siam le parricide. Mais tu pourrais bien être la suivante si tu reste là trop longtemps. »

Toute l’éloquence d'une brute. Brave Joy.

Holly s'était propulsée en avant, la gueule ouverte, prête à pincer ou à mordre pour convaincre la Raeder de ne pas rester ici.
Pourtant, Anita en avait décidé autrement, hurlant son nom puis la repoussant avec violence. Elles roulèrent ensemble sur le sol, sans qu'Holly ne puisse rien y faire. Elle resta un instant hébétée, comprenant à peine ce qu'il venait de se passer.

- Anita ?!

Holly remit en place sa couronne de fleurs, malheureusement bien amochée. Elle fit la moue, un peu dépitée... Mais compréhensive.

- Je suis peut-être partie un peu vite, effectivement. Désolée.

Un sourire un peu nerveux vont étirer ses babines.
Elle n'était pas certaine que Pepper soit contre ce genre d'agissement, puisqu'elle même ne portait pas les Raeders dans son cœur mais... Mais ça n'avait pas d'importance.

- Ne t'inquiètes pas. Si toi, tu ne veux pas que cela se passe ainsi, alors je serai sage.

Elle était importante, aussi, Anita et Holly ne souhaitait pas du tout se la mettre à dos. Alors, elle ferait des efforts et ne serait pas trop hostile avec la verm... La Raeder.
En parlant d'elle, voilà qu'elle s'exprimait encore. Qu'elle s'exprimait beaucoup. La louve bleue coucha les oreilles sur l'arrière de son crâne, face à ce qui sonnait un peu comme une menace. Que pouvait-il bien se passer dans leur tête, à ces Raeders ?

Holly se redressa pour lui faire face, l'expression neutre, ignorant la remarque acerbe de sa collègue.

- Nous n'avons qu'une femelle verte aux cheveux blancs dans nos geôles. Elle ne portait pas votre odeur, lorsqu'elle est venue sur nos terres.

Vu son état, infestée de vers et de puces, de ce qu'elle avait vu, elle doutait qu'il veuille de ce genre de personnage dans leurs rangs... Ni qu'elle soit le loup recherché.

Aux yeux bleu de Holly qui se posèrent sur elle, compréhensifs et clairs, Anita ne put que ressentir une vague de soulagement. Son rythme cardiaque descendit à mesure que la tension de l’action soudaine retombait. L’adolescente apposa une patte complice par-dessus l’une de celles de son ami, appuyant son sourire d’une mimique similaire et d’un hochement de tête avant de commencer à se redresser pour passer en position assise, ses yeux se tournant vers la scène qui confrontait toujours l’étrangère à Joy.
Elle attrapa d’ailleurs le regard de celle-ci et put en lire le profond agacement qui ne tarda pas non plus à éclater dans sa remarque suivante.
Les oreilles d’Anita s’agitèrent sur un bref aller-retour. Elle pouvait comprendre la réaction de Joy, quelque part, mais Anita ne se sentait pas honteuse d’être intervenue – simplement désolée que la Conseillère beige ait tant les nerfs à vif et porte sur elle un regard si désapprobateur.
Mais après tout elle allait bientôt être mère de nouveau – et il ne fallait jamais sous-estimer ce dont pouvait être capable une génitrice pour protéger sa progéniture. Elle douta que même sa propre MaSheina, pourtant si ouverte au monde et allergique à la violence latente des Etelkrus, ne puisse un jour prendre une décision risquant de les mettre en danger.
Et puis… Elle avait eu quelques échos de la dernière rencontre de Joy avec certains éléments de sa fratrie.

Les relents de cette histoire remontèrent et manquèrent d’étirer son sourire mais elle le retint, ne le jugeant pas approprié à la situation et portant plutôt son attention sur la suite de l’entrevue.

Une longue tirade de l’étonnante Raeder qui l’intrigua, une réponse de chacune de ses comparses à des degrés différents d’hostilité – malgré son intervention, Anita sentait bien qu’elle ne pourrait pas retenir Joy plus longtemps de relancer une menace plus ou moins physique si la présumée ennemie s’attardait trop longtemps encore.
A son tour Anita fit un pas en avant, plongeant ses yeux améthystes dans le bleu froid de la louve des mers.

— Mes consœurs disent vrai, louve. Aucun des vôtres n’est retenu au sein de nos terres.

J’espère que vous retrouverez celui que vous cherchez.
La pensée la traversa mais la louve ne l’exprima pas, consentant que là n’était pas la place pour telle parole – pourtant même à ceux désignés ennemis elle ne s’imaginait pas souhaiter la mort ou la disparition d’un être cher. Du moins – pas tant que celui-ci ne lui avait pas donné des raisons d’être ainsi détesté.
Et de toutes les histoires que l’on racontait sur les Raeders… La plupart remontaient à bien, bien avant sa naissance. Sur cette louve blanche à l’allure sauvage mais qui s’était présentée à eux avec une forme de respect et sans chercher à violer leurs frontières elle avait bien du mal à coller l’image de brute sanguinaire cherchant à faire couler le sang des siens que l’on dépeignait aux louveteaux pour les convaincre de ne pas s’éloigner trop loin de la tanière.
Mais là encore il ne pouvait peut-être s’agir que d’un masque, tout comme il lui aurait été bien difficile également de se faire un avis défavorable sur la louve verte qui s’en était prise à Holly si elle-même ne l’avait vue que de loin et d’apparence.
C’était… Compliqué.
Anita aurait aimé pouvoir retenir cette inconnue plus longtemps, poursuivre une discussion et creuser un peu plus profondément.
Pour percer ce qu’il se cachait réellement sous ce crâne animal peinturé de rouge.

Mais elle comprenait bien que là n’était ni l’endroit, ni le moment – aussi transféra-t-elle le poids de son corps sur les pattes qui la rapprochait des deux autres Etelkrus, désignant les terres libres d’un vague geste du museau.

— Puisque tu as notre parole que celui que vous recherchez n’est pas ici… Tu peux retourner d’où tu viens.

Et vite, de préférence.
Sa queue se balança doucement dans les airs et elle tint tête à l’inconnue sans rien ajouter, se contentant de l’observer d’un regard intense.

Joy ; 7 ans
F  A E I

Joy était atterrée du comportement d'adolescentes naives des deux femelles. L'une fille d'Alpha et l'autre élève d'Alpha... Dans un soupir, elle les quitta du regard pour vérifier que l'intrus pirate s'en aille réellement. Elle ne quitta son point d'observation au bord de la frontière qu'une fois certaine de ne plus rien voir de la Raeder. Mais cela ne suffisait pas, son odeur d'iode et d'algues restaient dans l'air. La beige jeta un oeil à Anita, puis à Holly avant de reprendre sa surveillance. Il fallu un long moment pour qu'elle ne se dissipe, l'odeur de maudit. Seulement là, la Conseillère quitta sa place pour retourner vers le Castel. Avec les pirates, on n'était sûr de rien.