fate .pv yersine

CORBEAU

Ces derniers temps tu laisse ton corps se faire porter par les eaux de l'ennuie. Elles son profondes, elles ne se laissent pas berner par un peu d'animosité. Cela fait trop longtemps que tu coules. Si dans ton temps, guerre et trahison occupaient tes pensées le jour, maintenant il n'y avait plus rien. Ces vivants sont bien ennuyeux, tu penses, en écoutant les dires des mégères. Elles parlent d'amour, d'écume et de miel, elles se trompent. L'amour c'est un incendie, c'est un brasier, on y brûle. Mais laissons les rêver, elles ne font de mal à personne. Laissons les chanter car leur chant t'a mené ici, sur les côtes de nacre.
C'est, à ce qu'on dit, un des lieux les plus beau.

Et cela fait bien dix minutes que Lieutenant est assit là, les yeux plongés dans cette étendu d'eau. Il veut voir ce qu'il y a là-bas, loin, là où le soleil se couche. Il veut partir, voyager, expérimenter un air nouveau. Ici c'est morne, plus rien de pur ne s'y passe. Les malédictions s'enchaînent, comme si les Dieux eux même désiraient la fuite de ces lupins.
Dix minutes qu'il fixe lentement l'astre brûlant chuter, imitant Icarus, vers les profondeurs de l'océan.

Comme il veut te rejoindre, lui aussi, plonger et se laisser bercer par les murmures des baleines.

Il prenait son temps à disparaître aujourd'hui le soleil, comme s'il voulait observer quelque chose avant de s'en aller. Ceci dit il n'y avait rien à voir de bien fascinant, un vieux corps qui se traîne et qui s'arrête sur les rives, un regard absent qui observe des fantômes et des pensées tout à fait neutres. Lassant.

Et cette atmosphère changea radicalement, prenant un virage bien absurde. Un peu plus loin sur la plage, des bruits de pas alertèrent le combattant, qui lentement, tourna la gueule vers l'origine du trouble fête. La première image qu'il prit en compte fut l'éclat des coquillages qui l'aveuglait complètement, puis ensuite ce fut la chute.
Son souffle en fut coupé brutalement, comme un violent coup de poing dans la gorge.

— ... Nephalem ..? .. nEPHALEM ?

Et il accourt, il se lance dans une course maladroite, les larmes aux yeux, le coeur battant bien trop vite. Tout va trop vite. Le sable est projeté en arrière, il brise les coquillages, il s'avance vers la silhouette qu'il pense connaître. Qu'il pense connaître par coeur. L'imbécile.

La panse pleine. L'esprit vide. Le soleil chauffant son pelage. Le sable dans les griffes. Ses cheveux brillant parmi les vagues. Yersine avait, comme qui dirait, reprit du poil de la bête. Toujours aussi petit, jeune, idiot et borgne, il avait passé quelques jours en compagnie des Etelkrus, sous les conseils de Boitaclou, pour s'y refaire une santé, notamment après l'attaque de la folle aux cheveux d'épis qui ne l'avait pas laissé sans cicatrices, physiques comme mentales.
La compagnie des autres le stressait. Il avait envie d'être seul. Et pourtant. Une fois seul, le silence rôdait comme sa silhouette mesquine, et il s'attendait à chaque instant à la voir débouler, à l'entendre ricaner. Il se réfugiait alors vers les autres. Qu'il finissait par agacer. Alors quoi, gamin. Te voila bipolaire, à ne plus savoir ce que tu veux ?

Pas vraiment non.
Ne serait-ce que de sa vie, de son clan, il ne savait que faire. Des dieux, il ne savait que choisir. Comme un étau se resserrant sur lui, la pression qui s'abattait inutilement sur ses épaules le rendait nerveux, âpre. Un gamin sombre, silencieux, qui se contentait de regarder les autres enfants jouer. Pourtant, il était loin d'être un darkemo sasuke. Il avait seulement besoin de temps.
De temps pour s'en remettre. Pour accepter. Pour surmonter.

Et pourtant, la sensation que ce temps lui était compté tournait dans sa tête comme une menace.
Elle avait promis qu'elle reviendrait.
Elle avait promis.

D'un geste nonchalant, il shoota dans un crabe, rip mon minion, le regardant détaler comme si, pour une fois, c'était lui, la terrible menace. Ironique. Car au beau milieu d'une plage, entouré de coquillages étincelants qu'il avait amassé pour, tout simplement, ne penser à rien d'autre, Yersine avait tout d'un chiot perdu. Les oreilles sur le côté, les cheveux en vrac par le vent et le sable, l’œil mêlant tristesse et curiosité, comme s'il ne comprenait pas le monde qui l'entourait, il s'était assis sur son petit cul, ne sachant pas vraiment quoi faire d'autre.
Peut être devrait il rentrer au clan.
Amener ses coquillages aux adultes.
C'était bien les coquillages.
C'était joli.
Inutile mais joli.

Un peu comme lui.

Il baissa la tête.

— ... Nephalem ..? .. nEPHALEM ?

Il releva la tête.
Une silhouette, haute et sombre, courait dans sa direction en hurlant quelque chose.
Il se dressa aussitôt sur ses petites pattes, la queue hérissée de terreur.
Et si c'était ... ? Non. Non. Il s'agissait d'un mâle. Un grand mâle. Avec un crâne sur la tête. Et des cornes. Et... Ok cours.

Tel le chat sauvage face au terrible concombre, Yersine couina, usant de ses pattes pour, certes, faire d'abord du surplace et un demi cercle, mais surtout pour fuir l'inconnu. Adieux, coquillages et crustacés, sur la plage abandonnée, bonjour marée et rochers salvateurs. Ou pas. Car si Yersine devait nager pour atteindre un coin "sûr", un adulte lui, n'avait qu'a patauger.

Enfin ça, c'était dans l'optique où il arrive à grimper sur les rochers glissants.
Parce que là, c'est plutot lamentable. On dirait presque qu'il se noie.

...

Oh le con.

CORBEAU

Sa course fut alors interrompue, dérapant dans le sable alors qu'il ralentissait, il se mit à comprendre petit à petit. Nephalem et fuir dans la même phrase ? Impossible. Quel était donc cette âme si proche de son bourreau ? En attendant, l'imposteur semblait peiner à s'extirper de l'eau pour se mettre en sécurité. Immobile, Lieutenant avait son regard braqué sur lui. Ce n'était pas lui et en même temps tout lui hurlait un lien. Un lien.
Tout aussi lentement que les battements de son cœur présentement, le borgne entra à son tour dans l'eau, qui ne lui arrivait même pas jusqu'au ventre. Il se pencha en avant, et attrapa dans sa gueule le col du jeune mâle, le soulevant hors d'une mort bien trop pittoresque.

Après l'avoir reposé sur le sable, le borgne ôta son casque pour mieux parler ( et aussi parce que l'air marin trop humide rendait la chose désagréable ).

— Tu n'es pas Nephalem n'est ce pas. Ce n'était pas une question, mais une remarque, comme si le vieux fou se parlait à lui-même. As tu un lien de parenté avec lui ?

Il craignait la réponse, étrangement, il en était mort de peur. Avec qui. C'était ce qu'il voulait entendre, et ce qu'il voulait fuir. Et il pleure. Des grosses larmes roulent sur ses joues, il fut assez idiot l'espace d'un instant pour s'imaginer qu'on avait ramené à la vie son ami. Ami ? Ne te mens pas Lieutenant, tu étais fou amoureux.

— Je suis navré de t’avoir fait peur.

C’est avec un peu de retard - et avec beaucoup de courage, car pour se décrocher de ce regard si familier, il lui en fallait - que le borgne remarqua son absence de glowstick ? Un solitaire ? Pourtant il portait sur lui l’odeur de l’ennemie. Qui es-tu bon sang. Un mélange de beaucoup trop de souvenirs, passés comme présents.

C'était pathétique oui.
Toute cette histoire. Toute cette haine. Cette colère. Qui lentement s'est transformée en curiosité. En malveillance acharnée. En passion.

La passion.
Du grec pathos, la souffrance.

Et la souffrance pulsait en Lieutenant comme elle avait pulsé dans ses chairs, dans son cœur. Dans leurs cœurs.

Cela faisait longtemps vieux frère.

L'enfant éclaboussa la roche. L'agrippa. Glissa. Râpa. Couina. S'étouffa. Et dans un dernier râle, il fut soudainement soulevé par une mâchoire aussi puissante que douce, laissant enfin à ses poumons l'air tant clamé. Toussant, crachant, il fut déposé, non sans ménage, sur le sol sablonneux, qu'il contempla, la tête basse, conscient de son idiotie. Il n'osait pas lever l’œil sur son allié, son sauveur, honteux de sa propre candeur. Comment pouvez t'il espérer échapper à un adulte, visiblement entraîné, alors qu'il avait à peine pied à marée basse ?

- Tu n'es pas Nephalem n'est ce pas.

Il releva le nez à mi hauteur, scrutant l'ombre qui avait finalement ôté son immonde casque, dévoilant un loup au visage militaire, au port altier, et au regard dévoré par la tristesse. Le désespoir. Quelque chose lui scandait de répondre.
Nephalem.
Ce nom lui disait quelque chose.
Nephalem.
Le dernier des Nécromants.

— Je suis navré de t’avoir fait peur.

Quelque chose tomba sur son museau.
Quelque chose de salée. De limpide. Comme si la mer avait noyé les yeux du grand mâle, emportant avec elle les émotions si longtemps oubliées.
Quelque chose. De fort.
Quelque chose. Qui ne ressemblait pas à Lieutenant.

L'enfant leva complétement son visage, si semblable, vers l'être d'ébène, curieux, surpris, d'une telle réaction. C'est ironique, n'est-ce pas ? Le corps des deux Êtres, si semblables, et pourtant si brisés, ne répondant même plus à leur prénom, à leurs principes. Il avala sa salive, ne sachant que dire, pourtant convaincu qu'un mot, un simple mot, pouvait, peut-être, aider.

-... je... Je connais un Nephalem oui. Mais ce n'est plus qu'un nom...

Il coucha l'une de ses oreilles, conscients de la tragédie qu'il affirmait, un petit sourire qui se voulait réconfortant, mais hésitant, vain, sur le visage.
Yersine avait perdu son œil, et continuait pourtant de vivre.
Lieutenant, lui, avait perdu son cœur. Et il était mort.
Mort depuis bien longtemps.
Mort en même temps que lui.

Et il ne restait plus que l'ombre de son Sang pour lui faire face.
Un inconnu.
Qui faisait battre son souvenir.

CORBEAU

Le souffle court, chaque pulsion de son corps, que ce soit un muscle qui se contracte, un tendon qui s’étire, une veine qui gonfle, tout ça lui procurait une immense douleur. Une douleur à laquelle, étrangement, il s’accrochait. Car sans ça, sans ça il n’est plus. Sans ça il ne lui reste que le manque, et le manque c’est bien pire. Le manque ça rend jaloux, ça rend fou, ça traverse l’esprit, s’y accroche et ne lâche plus.
Et il brisa le silence avec un rire. Un faible rire, plus un soupir qu’autre chose, mêlé aux sanglots.

Tu n’as plus rien Lieutenant et tu t’en rends compte, tu as tout perdu cette fois et tu n’es pas sûr d’avoir la force de reconstruire. Tu aimerais être heureux au final, tu n’aimes pas cette situation de chagrin, la vérité est là, éblouissante devant tes yeux, tu ne peux pas l’éviter :


— Je n’arrive pas à faire mon deuil.

Lentement, l’ancien bêta pencha sa tête en avant pour poser son front contre l’épaule du plus jeune, il lui faut du temps, du répit. Il s’excusera plus tard de son attitude déplacé envers son ancêtre. Pour lui, il a perdu toute notion du temps et ce petit bout de corbeau lui semble être le fils de Nephalem. Quelle bêtise.


— Tu lui ressembles beaucoup.

Il parle tout doucement, le borgne, il murmure. Il peine à faire clamer sa voix, elle est rauque et tremble un peu. Il est faible, le borgne. Il est misérable.


— Je me nomme Er-.... Lieutenant.

Le loup d’ébène allait se présenter sous ce pseudonyme qu’on lui partage maintenant, mais il voulait que l’héritier de son amour l’appel par le nom qu’il chantait autrefois. Il lui devait cette réalité.
Puis il se recule - enfin - pour fixer le plus jeune, une mine désolé sur le visage. Au fond, il avait honte.


— Tu as perdu un oeil. Qui t’as fait cela ?

Tu essaies de détourner un peu la discussion vers un autre paysage, car tu ne parviens plus à te souvenir de son visage sans te déchirer sous son regard. Mais tu sais très bien que ça va revenir, Faucon, tu sais très bien que vous allez prononcer son nom une nouvelle fois.  

Le sombre animal sanglota. Aussi surprenant cela puisse être, la carcasse de feu Lieutenant pleurait, dévastée par l'annonce pourtant si prévisible. Cela fait des années. Et bien plus encore dans ce monde. Je ne pouvais même pas jouer les petits-enfants de ton aimé, c'est dire. Le temps est une pute. Une sale pute aveugle, pour ne pas voir ta sale gueule ravagée par le chagrin

— Je n’arrive pas à faire mon deuil.

Yersine ne savait que dire. Lui-même n'avait pas connu ce Nephalem. En fait. Il ne comptait que quelques dires de ses parents, quand il tétait encore. Son père, un pauvre bougre handicapé et dont la tête faisait vaguement penser au croisement entre un pitbull nain et un camion, était le fils d'une sauvage louve, tout aussi tarée, elle-même fille du dit Nephalem, qui l'avait abandonné. Une belle lignée que voila. Le con, la brute et le truand. Et lui, dans tout ça, semblait devoir tout remettre en place.
Alors sa place dans ce monde était elle-même contredite.

Ses pensées furent soudainement stoppées par le geste du grand mâle, déposant sa tête sur son épaule comme s'il ne tenait plus debout, et nécessitait plus que du soutien. Un vieux qui revit ses moments de gloires, et les regrette. Comme on regrette le temps passé, sans savoir, au moment présent, qu'il est si précieux.

— Tu lui ressembles beaucoup.
- C'était un con...

La phrase lui avait échappé.
Mais pourtant, il ne regrettait en rien ces mots. Il ne connaissait pas l'individu. Et ne connaissait que du mal sur son ancêtre. Un abruti disais-je donc, qui avait abandonné son propre enfant, incapable, lui aussi, de faire son deuil. Un con qui aimait se battre et stigmatiser le peuple, se pensant si intelligent, si meilleur que le reste de la peuplade. Nephalem était un con. Un con que j'ai aimé comme tu l'as aimé.

— Je me nomme Er-.... Lieutenant.

Il s'en foutait.
Pour une fois, Yersine s'en foutait.
Il ne voulait pas lui ressembler. Il ne voulait pas être le cumul de toutes ces tares. De toutes ces divergences. Il voulait ne pas être son arrière-petit-fils. Il voulait être Yersine. Yersine.

Lieutenant recula, comme désolé de ses gestes, pendant que l'enfant continuait de fixer le sable entre ses coussinets, ne sachant que faire, que dire, tant la motivation s'était soudainement envolé.

— Tu as perdu un oeil. Qui t’as fait cela ?

Il passe sa patte sur le trou béant à peine caché par ses mèches revêches. Ça aussi, il ne voulait pas l'accepter.

- Un monstre de fleurs...

Il reposa sa patte et se leva, bougon, visiblement tenté entre les pleurs et la colère.

- Vous m'voulez quoi ?

L'adolescence qui semblait soudainement s'éveiller en lui.

CORBEAU

Lieutenant mets trop de temps à réaliser l'erreur car il se retrouve en face d'une toile qu'il apprécie trop. Il n'y voit pas la supercherie, il aime trop ce doux mirage, il est égoïste au point de se voiler la face. Il met trop de temps à réaliser l'erreur, mais éventuellement, il voit la fissure entre les deux coups de peinture. " Ce n'est pas toi. " C'était qu'un con. Le borgne resta un long moment silencieux, s'étant assit, le dos bien droit. " C'était qu'un con. "
Un rire faible s'échappe de sa gorge, étrangement léger. C'était qu'un con, oui, un énorme connard. On pourrait même le considérer comme un monstre, mais bon sang, ce qu'il était charmant comme enfoiré.

— Un monstre de fleurs tu dis ...?

Il peut voir l'impatience de la jeunesse brûler dans les veines de ce loup, il peut avoir tant de choses et si peu à la fois. C'est comme si un père maladroit parlait à son fils en pleine rébellion. Marcher sur des œufs. Lieutenant leva alors la gueule vers le ciel à cette question. Ce qu'il lui veut ? Aucune idée, c'était impulsif, quand il a vu cette ressemblance il s'est affolé et maintenant il ressent le besoin compulsif de ne pas le laisser partir.

— Je l'ignore.

Maintenant que tu y penses cela te semble assez comique; Nephalem vient d'une famille de nécromant, et te voilà, ressuscité de chez les morts. Était-ce un coup de ces corbeaux ou une plaisanterie entre dieux ? Pendant l'espace d'une seconde tu te demandes si ce n'est pas ce jeune loup qui t'a ramené ici, mais cela s'évapore bien vite. Pourquoi avoir fait ça, il n'y gagne rien.

— Je n'ai plus envie que les fleurs te blessent.

Il avait dit ça d'une voix basse, comme à lui même, sans trop réaliser que c'était sortit de ses pensées. Surpris par lui-même, Lieutenant passa sa patte sur son visage, fatigué. Bon sang qu'est ce qui lui arrive ... depuis quand il ressent le besoin de protéger qui que ce soit, pour qui tu te prends Lieutenant.

— Tu dois me prendre pour un vieux fou ... ne sois pas en colère s'il te plaît ..

Oh boy Lieut t'es vraiment pas très doué pour parler sentiments comme ça. C'est assez risible, lui qui pourrait sortir un long discours sur le courage et la bravoure pour encourager une armée prêt au combat, le voilà à balbutier trois misérables mots pour se trouver des excuses; personne n'a jamais vu un visage aussi faible chez le borgne.