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Jeune loup solitaire. Bilingue, s'exprime avec un accent espagnol.
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Sujet: Sympa la déco [Solitude] Sam 22 Juin 2019 - 18:57
De ce que lui avait décrit Arabella lorsqu'il n'était que louveteau, Joaquín n'avait pour le moment pas vu grand chose.
Il était pourtant sûr d'être arrivé au bon endroit. Et pourtant, il avait beau arpenter ces terres, c'était comme si les souvenirs de la vieille louve avaient été effacés au profit de nouveaux. Il avait bien aperçu un Canyon, au loin, à la frontière avec les terres de meutes, mais pas de trace de désert. Ce qui était assez décourageant, étant donné qu'il était arrivé ici avec l'idée de s'établir dans ledit désert comme elle l'avait jadis fait avec Daniel, quitte peut-être même à retrouver leur petite oasis — qui ressemblait plus à une grosse flaque, selon les dires du vieillard, mais ce dernier n'avait jamais été très porté sur la poésie et ses descriptions étaient souvent assez littérales et utilitaires – qu'ils avaient squatté pendant de nombreuses années. Par devoir de mémoire, peut-être. Dans l'espoir d'y trouver quelque chose, sans doute. Quoi, il n'en savait rien. Loin d'être naïf, il avait bien sûr envisagé que le désert soit inaccessible, et prévu un plan de secours. Lors de ces longues nuits glaciales à camper en haut de la montagne, peu de temps avant d'arriver ici, planifier une vie au chaud avait été d'une grande aide pour tenir bon. Le Canyon était ainsi son second choix. Rocailleux, poussiéreux, brûlant et rouge, rien de mieux pour se sentir à la maison. Mais apparemment le Canyon était désormais clamé par une meute. Il n'avait pas encore eu le temps de s'en assurer. Il irait sans doute le lendemain. C'était assez problématique, mais l'idée de crécher sur un territoire de meute ne l'effrayait pas plus que ça. Les titres de propriété n'avaient jamais été vraiment pris en compte, chez lui. Le Désert n'avait jamais appartenu qu'à lui-même. Joaquín avait du mal avec le concept de s'approprier une terre. Il n'aimait globalement pas qu'on lui fixe des limites. Les règles n'avaient jamais été son fort, sans doute parce qu'elles non plus n'étaient pas franchement prises en compte, là d'où il venait.
Quoi qu'il en soit, il avait quitté son campement actuel en pleine savane assez tôt à l'aube, toujours pleinement investi dans sa tâche de cartographie des lieux. Pour le moment occupé à visiter les terres libres, il se prenait de plus en plus à rôder aux alentours des frontières des clans, allant parfois jusqu'à les trépasser, l'espace de quelques heures. Il n'avait pour le moment jamais été pris. Il n'avait pour le moment pas croisé grand monde, pour être exact. S'établir en plein territoire de meute ne serait peut-être pas si compliqué que ça, en fin de compte. Après avoir attrapé et dévoré un lièvre à la va-vite, il avait décidé de mettre le cap vers le Nord Est. Flirtant une fois de plus avec la frontière d'une autre meute, lorgnant sans vergogne sur ce lopin de terre qu'ils avait proclamé comme étant leur. A mesure que les heures passaient, l'herbe s'était raréfiée, faisant peu à peu place à une étendue ravagée par quelque chose qui semblait le dépasser. Sa curiosité attisée, il avait longé les failles fumantes, marchant souvent trop près du bord, sans pour autant jamais trébucher. Puis au milieu des cratères et des quelques ébauches de plantes avaient commencé à émerger des débris. Roches éclatées, bouts de verre colorés. Il avait même croisé une immense colonne brisée en trois. Quelque chose d'important avait dû se produire ici, et Arabella lui avait à l'époque parlé d'un grand et magnifique palais. Difficile d'être sûr, mais peu à peu naissait en lui la conviction que ce palais, il marchait en plein dedans. Ou en tout cas dans ce qu'il en restait.
Cette idée l'attristait. Le paradis que lui avait décrit sa grand-mère avait bien changé, depuis qu'elle l'avait quitté. S'était peu à peu affaissé, puis avait dépéri, comme elle. Parcourir la même terre et la voir telle qu'elle l'avait vue, dans sa tête, aurait été un peu comme l'avoir toujours à ses côtés. Mais de ce havre de paix aux mille couleurs ne restaient que quelques vieux souvenirs éparpillés dans la poussière. Condamnés à être effacés par le temps de la mémoire de tous. Comme son enfance et ces moments partagés au coin du feu avec elle, seule personne qui l'avait jamais vu comme quelqu'un, et nom quelque chose. Et avec chaque jour qui passait, emportant avec lui le souvenir d'une odeur, d'un rire, d'une émotion, il se trouvait un peu plus seul.
On devait être au beau milieu de l'après-midi lorsque Joaquín cessa de marcher. Désormais au beau milieu des ruines, avec ses pans de mur fêlés, ses bouts de charpente éclatés et ses débris de verre colorés semés de tous côtés, il avisa une plateforme — une vieille table qui tenait toujours debout – et y grimpa d'un bond agile, avant de s'allonger là, haletant. Il laissa son regard doré balayer l'horizon face à lui, et se demanda ce qu'il pourrait bien faire, demain. Et le jour d'après.
Innuendo » Gluant
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Sujet: Re: Sympa la déco [Solitude] Mar 10 Sep 2019 - 13:12
[Deux mois et demie de retard, à peine :v Je devrais être plus régulière à partir de maintenant !]
Contre toute attente, Solitude s'y était fait. Il s'était fait à ce climat trop chaud, toujours trop chaud. IL s'était fait à cet air trop sec, cette neige inexistante, ces rochers anguleux. Il s'était même fait aux arbres, à l'herbe, aux fougères, aux fleurs, aux fruits. Il s'était fait aux insectes, aux mammifères, aux oiseaux même. Il s'était fait à chercher un abri le soir plutôt que de le creuser, il s'était fait aux cailloux roulants sous ses pas, à ces quelques inconnus colorés et parés d'étranges accessoires qu'il croisait ici et là. Il s'était même fait à ces clans territoriaux qui revendiquaient la possession de lieux plutôt que de se disputer sempiternellement le même plateau enneigé, aux nuages, au ciel bleu, au moindre papillon, au pollen, à la poussière, aux forêts qui sentent l'humus. Il s'était même fait à la solitude.
Le grand loup clair y avait même pris goût, à cette existence étrange où l'on ne luttait pas vraiment pour survivre. Il commençait à apprécier ce sentiment de découverte constant, frisant un émerveillement quasi-enfantin, à chaque découverte nouvelle qu'il faisait. Bien qu'il commençât à en voir le bout (ça faisait un an et demie tout de même), il se sentait comme un poussin sorti de l'oeuf quatre ans trop tard. Comme s'il avait vécu jusque là dans une bulle préservée du monde et que, une fois crevée, il prenait enfin conscience de l'étendue du monde qui l'entourait. Comme s'il avait été, enfant, le roi de la cour de récré et qu'il entrait au lycée.
Mais ici, c'était une autre paire de manche. Bien qu'ayant sillonné ces terres nouvelles en long, en large et en travers, bien qu'il ait suivi des canyons escarpés, traversé des forêts denses et des prairies d'herbes rases, rien n'égalait l'étrange spectacle qui s'offrait à lui. Des pierres étrangement ouvragées par des mains certainement divines - pour ce qu'il avait capté du concept - gisaient autour de lui, comme si un mammouth de la taille d'une montagne s'était amusé à shooter dedans. Il avançait dans ce paysage désolé, ces ruines d'un truc qui avait dû être sacrément gros à l'époque où chaque caillou était à sa place, mais qui teintaient d'une austérité certaine la lande présente.
Et au milieu, il y avait un gars.
Cela faisait plusieurs jours que Sol n'avait croisé personne. Et même s'il n'était pas spécialement sociable, il se réjouissait, en tant qu'animal grégaire, de croiser à nouveau du monde. Il se dirigea donc à sa rencontre, tâchant de ne montrer aucun signe d'agressivité Il avait remarqué assez vite que, bien souvent, les gens d'ici étaient relativement sociables et assez ouverts à la conversation Ca avait pu poser certains soucis au début, car le loup pâle n'était habitué qu'à l'attaque et l'embuscade : quelques démêlées avec des loups seuls qu'il avait pris pour des appâts alors qu'ils ne faisaient que se promener - quelle idée étrange - mais il s'y était fait, et était plutôt content d'enfin rencontrer quelqu'un. Même si c'était, une fois de plus, un type à moitié rouge ; Sol n'était plus à ça près, il en avait croisé un paquet avec des motifs multicolores et des bracelets à clous.
Mais lui, il avait des plumes. C'était quand même super chelou, les plumes. — Elles te servent à quoi, les plumes ?
On avait fait mieux, en terme d'entrée en matière.
Cassius » Historique
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Sujet: Re: Sympa la déco [Solitude] Sam 14 Sep 2019 - 22:22
[ T'inquiète :) J'ai repris les cours cette semaine donc je suis pas pressée ]
Joaquín était donc là, à contempler l'ineffable abîme de son existence, lorsqu'une silhouette pâle s'extirpa d'entre les ruines.
Levant vers le nouveau venu ses yeux dorés, Joaquín se tendit instantanément, ramenant ses pattes sous lui, prêt à bondir. C'était là un sacré mâle, une belle armoire à glace qui n'était pas sans lui rappeler les fils de Daniel. Ce qui constituait en soi une bonne raison de se méfier de lui. Si la musculature et la taille étaient plus que conséquentes, le parallèle s'arrêtait globalement là. Les couleurs sables avaient laissé place à une — très, trop ? Il devait crever de chaud, peut-être encore plus que lui – épaisse fourrure vaguement crème, ornée de nombreux tatouages bien différents de ceux qu'on faisait chez lui, et arborait de surcroit une grosse barbe assortie à une longue chevelure ramenée en chignon derrière son crâne. Peu d'accessoires. Dégaine super manly. Mieux valait rester sur ses gardes. Il sentait son poil qui commençait à gonfler et ses babines qui frémissaient lorsque l'autre prit la parole, le prenant de court.
— Elles te servent à quoi, les plumes ?
Toute montée d'hostilité chez Joaquín fut stoppée net, et il pencha légèrement la tête sur le côté, interloqué. Il ne s'attendait clairement pas à ça, mais ça avait le mérite d'être clair. La question était plutôt pertinente. Il n'avait pas la moindre idée de quoi lui répondre, puisqu'en termes pratiques elles ne lui servaient strictement à rien. Elles avaient une valeur sentimentale. Et les ornements à base de plumes étaient traditionnels, là d'où il venait, en tout cas pour les autochtones — les colons n'en avaient rien à foutre et trouvaient même ça assez ridicule. Mais il était d'origine autochtone. Sans être particulièrement émotif, il y était donc attaché, sur un plan culturel. Avait-il réellement envie de s'étaler sur le sujet, qui plus est devant un inconnu, de surcroît dans une langue qu'il ne maîtrisait que de manière très rudimentaire ? Non. Il opta donc pour l'esquive.
— Elles te servent à quoi, les cicatrices ? demanda-t-il calmement.
Il n'y avait pas d'agressivité dans sa voix, mais il décida d'agrémenter sa question d'un petit haussement d'épaules, visant à manifester qu'il ne savait absolument pas quoi lui répondre. Il désigna les nombreuses cicatrices que l'autre arborait à ses pattes. Elles n'avaient de toute évidence pas été acquises en combat, et il n'était d'ailleurs pas impossible qu'il se les soit infligées lui-même. Joaquín s'interrogeait sur ce qui pouvait pousser quelqu'un, qui plus est quelqu'un qui avait globalement l'air mentalement sain, à prendre de tels risques. L'individu avait sans conteste l'allure d'un mec qui venait d'un endroit où la vie n'était pas facile. Risquer une infection ou juste perdre du sang inutilement pouvait vite devenir dangereux dans un tel contexte. Il avait bien vu quelques personnes faire des choses similaires, chez lui. Principalement des truands un peu dérangés qui s'amusaient à recenser le nombre de gens qu'ils avaient tué en se faisant une encoche sur la patte à chaque nouveau cadavre. On se retrouvait dans certains cas avec des mecs dont les cicatrices allaient jusqu'au cou. Au moins, on savait direct qu'il valait mieux les éviter. Le problème était que lorsqu'on les croisait, il était souvent déjà trop tard.
Innuendo » Gluant
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Sujet: Re: Sympa la déco [Solitude] Jeu 3 Oct 2019 - 17:37
— Elles te servent à quoi, les cicatrices ? Un des premiers trucs qui avaient sidérés Sol à ces débuts ici, c'est que les gens n'avaient pas peur de lui. Et ça, c'était clairement quelque chose auquel il ne s'habituait pas. Lui qui venait de contrées hostiles, avec sa musculature roulante, son port droit, ses sourcils éternellement froncés, il s'était habitué à inspirer, sinon la crainte, au moins le respects à ceux qu'il croisait. Le loup clair figurait parmi les individus les plus impressionnants de sa meute, dépassant d'une tête la moyenne, et ses compétences guerrières lui avaient valu une petite réputation sur le plateau battu aux quatre vents qui avait été son univers pendant les premières années de son existence. Mais en arrivant ici, il s'était aperçu que le vase clos qu'était ce plateau n'était absolument pas une norme et que, dans un monde où il y avait des loups multicolores à tentacules d'une taille qui allait du chihuahua au demi-ours, Solitude et son physique paraissaient d'un banal consommé. C'était certainement pour cela que les loups qu'il croisaient étaient si enclins à lui poser des questions, à discuter avec lui comme pour faire ami-ami alors que rien dans sa posture ne laissait présager qu'il était spécialement amical.
Et cet énergumène-ci ne faisait pas exception : alors qu'il était, en comparaison avec le grand blond, plutôt gringalet, qu'il se faisait clairement manger la soupe sur la tête et qu'il faisait à peu près la moitié de son poids, le loup sombre se permettait de moucher Sol comme s'il ne risquait rien, comme si ce dernier n'était pas une machine à tuer. Ne nous méprenons pas, Solitude ne vivait absolument pas cette remarque comme un affront quelconque - même s'il était parfaitement capable de réduire son interlocuteur en charpie, il était plutôt d'un naturel pacifique - mais plutôt, il ne comprenait définitivement pas l'absence quasi-totale de mécanismes de survie chez son homologue. Sur ses terres sans merci, pareille tirade aurait clairement pu être comparable à un pur et simple arrêt de mort. Clairement, le bougre avait du cran.
Mais pour le coup, Solitude se retrouvait comme un con, d'une part sans réponse à sa question qui témoignait d'une réelle et sincère curiosité, et qu'en plus il se demandait bien dans quel monde on pouvait ne pas comprendre que les glorieuses scarifications qui ornaient ses membres antérieurs étaient le témoignage durement gagné de sa valeur, et qu'il les portait avec fierté. Seuls les Chasseurs émérites avaient le droit de se faire griffer jusqu'au sang ces motifs sur les pattes, par les guerriers du clan qui les portaient déjà. Quand il y réfléchissait bien, c'était peut-être parce que cet étranger n'était absolument pas au courant de ce qu'impliquaient ses cicatrices qu'il ne la craignait pas.
— Je les ai gagnées au combat, en vainquant une meute ennemie.
En faisant cette déclaration, Solitude se dit non sans un léger sourire narquois que, si les plumes de son congénère étaient aussi des trophées de combat, il devait quand même venir d'un sacré peuple de fiottes. Mais il s'abstint de tout commentaire, et son sourire disparu bientôt.
Le solitaire s'approcha de l'autre mâle, tentant de témoigner qu'il venait en paix.
— Tu sais où on est, ici ?
Puisqu'il ne comprenait pas grand chose à ce monde, autant faire un peu de tourisme.
Cassius » Historique
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Sujet: Re: Sympa la déco [Solitude] Sam 19 Oct 2019 - 20:37
L'air pantois qu'afficha le grand blond lorsqu'il lui retourna sa question ne manqua pas de faire s'esquisser sur ses babines un sourire satisfait.
Joaquín avait littéralement côtoyé des gens comme lui toute sa vie, et malheureusement pour lui, ces mêmes gens étaient les exactes personnes qui, non contentes de ne jamais l'avoir apprécié à cause de sa ressemblance physique avec un ancêtre qu'il n'avait jamais pu connaître, l'avaient forcé à quitter son pays pour aller voir ailleurs si l'accueil y était plus amical. Si ces derniers n'avaient jamais pu véritablement le malmener de peur de recevoir des représailles de la part du reste de la famille, ils n'avaient jamais dissimulé leur hostilité à son égard, et ne manquaient jamais une occasion de le provoquer, dans l'espoir de pouvoir lui en coller une par la suite, de manière justifiée cette fois. Malheureusement pour eux, s'il ne pouvait prétendre au statut de montagne de muscles — quand bien même il jouissait d'une carrure plus que respectable pour un loup commun –, Joaquín avait la chance de bénéficier d'une intelligence sensiblement plus élevée que ses détracteurs, et n'avait jamais manqué de s'en servir pour se jouer d'eux. Avec le temps, les mettre en déroute était presque devenu un jeu pour lui. Et voir leur air désarmé lorsqu'ils se retrouvaient mis en déroute lui avait toujours procuré un immense plaisir. Etait-ce une chance, que d'être plus futé que les autres, d'ailleurs ? Il n'en était même pas sûr. Certes, cela lui avait toujours permis de se sortir des pires situations avec relativement peu d'embarras, mais être moins con que les autres dans un monde croulant sous les gens démesurément cons n'avait rien d'une sinécure. C'était plus un fléau qu'autre chose. Pas étonnant que Miguel soit devenu fou, s'était-il surpris à songer, parfois, lorsqu'il se prenait à repenser à sa vie dans sur les bords du Canyon.
— Je les ai gagnées au combat, en vainquant une meute ennemie, répondit-il comme si c'était là la chose la plus naturelle du monde.
Joaquín arqua un sourcil interrogateur, ses deux yeux jaunes ne quittant pas le mâle. Une meute, carrément. Eh ben dis donc. Il s'apprêtait à dégainer une remarque se voulant acerbe — si seulement l'échange avait pu se passer dans sa langue maternelle, tout aurait été bien plus facile – mais n'en eut pas le temps, puisque l'autre se rapprocha de lui. Si le premier réflexe de Joaquín eut été de se crisper, son poil se gonflant lentement, il remarqua bien vite que l'autre n'était pas hostile et tâcha de se déraidir. De toute manière, il avait beau être sûr de lui en ce qui concernait le combat, il ne préférait pas se risquer à affronter bêtement un mec avec cette carrure. Il avait beau aimer flirter avec le danger, il n'était en aucun cas suicidaire.
— Tu sas où on est, ici ?
La question était vaste. Difficile de répondre très clairement, non seulement parce que sa connaissance du territoire n'égalait en rien celle des locaux, mais également parce qu'il ne savait pas quel était le point de repère de l'autre. D'où venait-il, exactement ? D'un endroit froid, de toute évidence. Du Nord, peut-être. Et encore. Avec tous ces micro-climats qui s'enchainaient sans la moindre cohérence dans le coin, il ne savait même plus quoi croire, en termes de climat.
— Al oeste des terres libres de ce pays, répondit-il sans trop savoir si cela aidait l'autre ou répondait réellement à sa question.
Mais son attention ne se détournait pas des cicatrices de l'autre. Si sa première question avait surtout été posée sous le signe de la taquinerie, à présent qu'il s'y était intéressé, il les trouvait tout de même intrigantes.
— Et la gens de ta meute n'a pas peur des infections ?
Question tout à fait légitime selon lui. C'était bien beau de se décorer les pattes après avoir ratatiné une famille toute entière, mais si c'était pour choper la gangrène dans la foulée et y passer deux jours juste pour avoir tenté d'exhiber sa force aux yeux de tous — #KhalDrogo –, autant garder des pattes saines. Surtout que ça avait dû l'incapaciter par un bon moment, et que se diminuer volontairement dans un contexte de potentielle hostilité permanente n'était jamais un choix très judicieux. Même si c'était pour impressionner les filles du coin.
Et il savait très bien de quoi il parlait, puisque le tatouage à son épaule lui avait valu d'être banni de chez lui. Censé démontrer à ses soeurs et à sa mère à quel point il était devenu un homme accompli, il l'avait juste condamné à ne plus jamais les voir de sa vie. A ne pas savoir ce qu'il advenait d'elles. Si elles allaient bien. Si elles étaient mortes. Il aurait pu être oncle ou de nouveau frère qu'il ne l'aurait jamais su. Ce qu'il avait pu être con.