[CLOS] Construction - Tour du courage ✠ Sly

Les équipes avaient été formées, les travaux de construction entamés.
Le port toujours fier, la tête droite, Pepper s'était doublement alliée aux siens. Plus que jamais, elle était déterminé à améliorer la protection de leurs frontières, à mettre en place tous ces projets initiés dans la meute. Il faudrait en venir à bout, le plus rapidement possible, afin de combattre ces mauvaises âmes et purifier le monde tant des Solitaires que des Raeders. L'ambition l'emportait doucement sur sa raison, les nuits de l'Alpha se faisait de plus en plus courte.
Elle craignait. Tant pour la pérennité de sa meute que pour chacun des membres qui la constituait. Ils n'étaient plus à l'abri, ils venaient à être la cible de solitaire toujours mieux organisés.

Il faudrait que tout cela cesse, bientôt.
Leur sécurité ne reposait que sur quelques têtes à abattre.

Mais aujourd'hui, elle ne devait se laisser déconcentrer par ces envies de vengeance. Elle devait se focaliser sur ces tours de guets qui fleuriraient bientôt sur tous le territoire Etelkru, innovation qui viendrait augmenter leur rapidité d'action et assurerait leur protection. Il n'y aurait plus aucune faille dans leur système de patrouille, le jour où toutes ces tours nargueraient le ciel...
Elle l'avait rejointe de bon matin celui qui serait son bînome, alors que le soleil venait à peine de se hisser dans le ciel. C'était une notion qui échappait à l'aveugle qu'elle était : seule la fraicheur du fond de l'air et la respiration endormi des autres loups lui indiquait que l'heure était fort matinale.

« Sir Sly, je compte sur vous pour me guider jusqu'à l'Ile Abysse. C'est là-bas, que nous érigerons notre tour de guet : cette terre est giboyeuse mais isolée de par la mer qui l'entoure. Nous nous devons de la défendre au même titre que les territoires bordant les frontières des terres libres. »

Elle ne connaissait que peu ce membre de sa meute, comptait aujourd'hui s'en rapprocher un peu. Il était important, pour elle, d'être proche de son peuple.
C'est ainsi qu'on entretenait la cohésion du groupe, l'intégrité de chacun.
Ils n'étaient pas qu'un peuple.
Ils étaient un ensemble d'individus qu'elle respectait.

Elle ne savait, à quoi pouvait ressembler Sly.
Depuis qu'elle avait pris position d'Alpha, Pepper avait cessé de toucher ses congénères comme elle le faisait auparavant. De leur flanquer une patte dessus, sans vouloir qu'on la touche en retour, sous prétexte qu'elle avait besoin de palper pour comprendre à qui elle avait à faire. Droit de l'aveugle, prétexté à chaque fois : ce souvenir la fit sourire, très légèrement.
Ainsi n'était-elle plus capable de visualiser la morphologie de ses congénères, si ce n'est ceux ayant marqué le début de sa vie, lorsqu'elle osait encore bien des choses. Sir Athelstan et Dame Lucie n'avait plus de secrets pour elle, à avoir supporter sur leur dos l'énergétique louvette qu'elle avait pu l'être...

« Bien, vous avez toute ma confiance. »

Elle le définissait actuellement comme un membre loyal de leur meute. Il était discret, mais plus serviable qu'on ne pourrait le croire : il s'était après tout proposé pour vous aider à ériger ces tours, lorsque nombreux étaient ceux ne l'ayant pas fait. Pour ça, il gagnait un avantage certain : on gagnait toujours, à côtoyer l'une des Alpha plus personnellement.
Les liens ne pouvaient que se faire.
Le petit coup de museau contre son épaule la surprend un peu : elle ne s'attendait pas à ça, mais cela à au moins le mérite de définir sa position exacte, ainsi qu'une taille supposée. Il n'était pas un petit loup, ce Sly... Il lui semblait être solide.
C'était ce dont elle avait besoin : de muscles, pour faire équipe avec elle. Petite, musclée mais non puissante, handicapé par un sens manquant : elle n'était en mesure de porter une charge, sans risque de la faire tomber ou de basculer avec, si elle venait à se cogner contre quelque chose.
Sortant du camp, ils entamèrent leur route vers l'Ile Abysse, leurs pas rythmés par la conversation entamée par le mâle.

« Disons que j'ai fais au mieux. Les préoccupations et les responsabilités de mon rang ont toujours raison de quelques heures de sommeil. »

Enfant, elle dormait beaucoup. Dès qu'elle ne s'entrainait, c'était ce qu'elle faisait. Peu de passions en dehors de son apprentissage et quelques entrainements avec Anette, avant qu'elles ne montent ensemble au pouvoir, longues avaient été ses siestes et ses nuits de sommeil, pour retrouver toujours un peu plus en forme son mentor.
Mais maintenant, les choses étaient différentes.

« Et vous, Sir Sly ? Je pense que nous avons tous nos raisons, pour mal dormir. »

Il y a un sourire un peu malicieux, sur ces babines. Elle ne voulait pas que son rang la place à une autre marche que lui : ils discutaient d'égal à égal, deux compagnons de meute avançant vers une même destination.
Cette destination que vous atteindriez, bientôt.
Il faudrait ensuite qu'il étudie le terrain, pour elle, qu'il lui décrive l'île pour qu'ils jugent ensemble de la place la plus adéquate. Que mentalement elle pense à ce qu'ils allaient y faire. Les fondations, le matériel...
Ils s'en sortiraient : leur équipe serait de choc.

Elle ne s'interrogea sur vos préoccupations, jugeant qu'il aurait été indiscret de sa part de vous questionner à ce propos. Si l'envie de décharger votre esprit en partageant ce qui vous tracassez vous aurez traversé l'esprit, elle vous aurait écouté sans broncher, comme elle aurait écouté tout membre de sa meute.
Elle était présente pour chacun, accordant du temps et une oreille attentive à qui en éprouverait le besoin.
De la moindre inquiétude à une cause plus grave, Pepper était là. Mais sans doute aurait-elle été déçu, en apprenant ce qui vous tourmentez : c'est une chose qu'il vous serait plus simple d'aborder la construction achevée, lorsqu'elle aurait appris à mieux vous connaître.
Et, sans doute, vous pardonnerait-elle d'aimer une louve d'un autre clan, si elle venait un jour à l'apprendre.

Nous n'en étions là, pour le moment.

Pour traverser le bras de mer qui séparait le continent de l'île, il fallut ruser. L'aveugle ne pouvait nager sans risquer de se perdre dans un courant : c'est pourquoi elle vous ferait tenir une corde, dont elle prendrait l'autre extrémité, afin de garder un lien et suivre votre direction exacte.
Ainsi, dans une nage maladroite, elle parvint à l'autre côté, s'ébrouant à quelques pas de vous avant de hocher la tête lorsque vous reprire la parole.
Oui. Vous y étiez.

Avec grande attention, elle écouta votre description exacte de ces lieux. En son esprit se dessinait la carte de l'île, qu'elle couplait avec ce qu'elle savait déjà, ce qu'elle avait déjà parcouru aux côtés de Sir Athelstan. Replacer chaque éléments. Se souvenir du nombre de pas nécessaire pour joindre un morceau à un autre.
Faire attention aux changements qu'il y aurait pu avoir...
D'un claquement de langue, Pepper a terminé d'assimiler tout ce qui vient d'être dit, donnant sa réponse.

« Si au nord-est, la végétation reste dense, alors cela me va. Ainsi, nous pourrions fondre la tour dans la végétation, cachant le sommet par un feuillage épais digne d'un grand arbre. Cela vous semble possible ? Et ainsi, de la partie en retrait, on ne pourrait soupçonner une tour cachée, qui servirait tant de refuge que d'une possibilité immédiate de donner l'alerte en cas d'intrusion. Seul notre peuple en serait au courant, ainsi, nous jouirons d'un avantage certain. »

Construire à même la végétation permettrait, de plus, de n'avoir à s'en faire pour le rapatriement des ressources, puisqu'elles se trouveraient toutes à disposition.
Elle renifle, capte les odeurs. Puis tourne une oreille vers vous, alors que jamais ses yeux ne se posèrent sur vous ni ne fixaient le point où se rendre.

« Rendons-nous là-bas. Je vous laisserais juger de la fiabilité des matériaux s'y trouvant. »

De l'épaisseur des troncs, qu'elle ne pourrait estimer convenablement. De forme de ceux-ci. Elle réfléchissait déjà au moyen de couper les arbres, se demandant si votre pouvoir pourrait vous aider à remplir votre tâche.

« Pensez-vous que votre pouvoir pourrait-être utile à notre tâche ? Je ne connais pas votre don des dieux. »

C'est avec une fierté non dissimulée que vous lui parliez de votre pouvoir. Avec une attention particulière, Pepper écouta. Elle éprouvait une certaine satisfaction, à connaître le pouvoir des membres de son peuple. Plus encore lorsque ceux-ci reflétait leur puissance.
C'était le cas, pour vous.
Le feu.
Elle ne sait pas à quel point c'est beau, un feu. Elle, elle s'imagine la chaleur qui brûle, comme un soleil un après-midi d'été. Elle pense au crépitement des branches qui cèdent, au souffle des braises, à la respiration du brasier. C'est reposant, un feu.
Comme c'est dangereux.
De par votre âge et votre expérience, elle n'avait cependant de crainte à se faire : elle ne doutait de vos capacité à maîtriser le don que vous avait laissé votre dieu. A chaque chose que vous pouviez faire avec, pour avancer votre outrage, elle hochait la tête.

Tout lui semblait pouvoir aller plus rapidement, dit comme ça.
C'est avec un sourire qu'elle vous répond.

« Formidable. En plus de tout ce que vous avez évoqués, votre feu servira aussi à faire sécher plus rapidement le ciment que nous pourrions fabriquer pour maintenir la base de notre ouvrage, afin que celui-ci ne penche pas selon les volontés du terrain. Plus que jamais, vous aurez l'occasion de vous servir de votre glowstick, Sir Sly. Je dois vous l'avouez, je suis curieuse de vous entendre à l’œuvre. »

Vous aviez suscité un grand intérêt, chez elle.
Arrivé sur l'espace où vous construirez votre tour, la louve leva le museau. Humant l'air. Pas d'ennemi. Juste l'odeur des pins et le sel de la mer.
Elle se fit aux sensations de ses pattes, marche, parcours l'espace, frôlant parfois de bien près les arbres. Elle écoute : d'où pourrait-on le mieux capter les sons ? Elle croise le vents, laisse ses oreilles repérer.
Ici.
D'une patte, elle marque une croix le sol, repoussant les épines jonchant le sol.

« Nous pourrions nous mettre à creuser ici, et faire tomber les premiers arbres, pour établir les fondements du mirador. De deux loups de large sur deux loups, pour permettre à deux patrouilles de s'y abriter sans soucis, tout en préservant la discrétion de notre construction. Qu'en pensez-vous, Sir Sly ? Êtes-vous prêt à mettre patte à l'ouvrage ? Sentez-vous libre de me guider, pour vous aider à la construction. »

Elle ne pouvait savoir où se placer, sans connaissance de son environnement. C'était là une autorisation tacite de lui donner quelques ordres : qu'il ne s'en prive pas, sous raison qu'elle était de plus haut-grade.
Pepper n'avait cet orgueil.
Tout ce qu'elle désirait, c'était de voir ce projet mis au monde, patte dans la patte.

A vos paroles, elle hoche la tête.

« Bien, Sir Sly, cela me convient. »

Elle vous laisse délimiter pour elle le périmètre, celui que vous marquez de branche et de cailloux. Elle le sent, marche le long des lignes pour mieux s'en imprégner. Bien. Puis, alors que vous partiez brûler quelques arbres, faisant monter à son nez l'odeur délicieuse du bois brûlé, la louve fit rouler ses épaules en arrière avant de s'appliquer à la tâche.
Creuser.
Elle est en forme, elle s'est physiquement préparée. Sir Athelstan l'a rendue vive, Anette lui a permit d'entretenir une musculature sèche. Ses pattes trouvent le sol, ces griffes raclant la surface. Elle est penchée sur sa tache. Le dos rond, envoyant en arrière des gerbes de cailloux et de terre. Elle avance. Efficace, concentrée sur cette mission.
La terre cède, de plus en plus.
Le trou se fait.
Elle se dit que c'est le père d'Anette, Boite à Clou, qu'elle aurait dû convier pour cette tâche : il devait en creuser, des tombes.

Bien que là, ce n'en était une : juste l'avenir de leur meute.

Des tours, qui leur permettrait de voir bien plus loin qu'une portée standard. Ils surveilleraient les frontières, prendraient par surprise ceux qui auraient voulu les attaquer en traître. Ils renforçaient leur sécurité : c'est ainsi que leur meute resterait pérenne.
Elle ne s'arrête plus, Pepper. Presque s'épuiserait-elle en cette tâche : c'est essoufflée qu'elle cesse de creuser, lorsque ses griffes ne butent plus que sur d'épaisses roches et l’empêchent d'aller plus loin. Mais se serait suffisant : il lui faut un bond, pour sortir du périmètre où elle aura creusé.
Et lorsqu'elle en ressort, ce n'est pas pour se reposer.

C'est pour creuser un autre trou, qu'elle tapisse de feuilles. Un trou où, alors, elle mélange l'eau acheminée par Sly, ainsi que du gravier et du sable. Elle use d'une longue branche, qu'elle tient dans sa gueule, préparant la décoction.
Le mélange est collant, lorsqu'elle finit d'y ajouter un peu plus d'eau. Elle n'aurait plus qu'à en préparer tout du loup, alors que le loup fort monterait les arbres, ceux où elle viendrait lui apporter l'aide nécessaire pour lier ensemble la structure.

Ainsi, la base serait cimentée par son mélange, que Sly ferait durcir d'un souffle brûlant autour des troncs qu'ils y planteraient. Ceux qui, eux-même, gagneraient en rigidité par la présence des lianes venues entourées chacun d'eux, entre eux. Il n'y aurait plus qu'à réaliser une échelle, de quoi les emmener plus haut, pour y préparer une plateforme de rondins plus fins que ceux qui les portaient. Toujours avec les lianes, en guise d'attache.
Ensuite...
Ensuite, serait-ce la fin ?

Volonté du travail bien fait.
Efforts intenses.
Quelques brides de paroles, qui s'échangeaient parfois entre eux, pour ne perdre de cette énergie investie dans cette tâche.

C'est ainsi que s'érigeait cette tour, sous la torpeur et l'équipe des deux loups. Les rondins que l'on dresse, en s'aidant de lianes glissés en poulies sur les plus grosses branches des arbres environnants. Ceux que l'on attache, de ces mêmes cordes naturelles. Elle prend de la hauteur : Pepper ne peut plus s'y rendre. Elle demanderait à ce qu'on lui apprenne comment monter, un jour. Aujourd'hui, elle était trop fatiguée pour se le permettre. En attendant, elle se contenta de rassembler les derniers détails : de grandes branches, à placer au sommet, pour confondre la tour avec un arbre lorsqu'on regarderait de loin la forêt. Elle ne ferait qu'un avec elle, ainsi.
Le ciment fut coulé dans les fondations, déplacé seau par seau par Sir Sly, ainsi qu'acheminé vers les hauteurs pour consolider la structure.

Et c'est ainsi que s'acheva votre tour, mes deux loups.
Celle du courage. Celui qu'ils leur avaient fallu, pour venir à bout de cette construction. Celui qui symbolisait leur meute toute entière.

Épuisée, Pepper s'assit un instant. Les muscles de ses épaules étaient endoloris, tendues sous son pelage bleu. Mais ils l'avaient fait ! Elle entendit Sir Sly revenir vers elle, ses coussinets se posant dans des bruits sourds sur les restes de matériaux éparpillé autour de la tour.
Elle demanderait à un autre binôme de venir nettoyer la zone : eux avaient déjà assez donné pour aujourd'hui. Il n'était même plus le jour ! Elle le sentait à l'humidité de l'air, à la fraicheur en l'absence du soleil qui tapait sur le poil.

« Enfin, oui, cette tour est achevée. Je suis fière de nous, Sir Sly. Ce fut un travail éreintant, mais gratifiant : je vous remercie pour votre très appréciable collaboration et votre implication pour la meute, et espère que nous aurons à l'avenir l'occasion de refaire équipe. Ne serait-ce que pour chasser. »

Par envie de cotoyer davantage les membres de sa meute, celle qui formait sa famille. Un sourire né, sur les babines de Pepper, elle agite ses oreilles.

« Nous n'avons plus rien à faire ici, aussi pouvons nous en effet rentrer chez nous. J'exigerais qu'on vous porte une proie fraiche ainsi que des plantes pour vous prévenir des courbatures et de la fatigue. Allons-y, Sir Sly, je vous suis. »

Reprendre la route, en laissant derrière-eux la fière construction. Cette tour, confondue parmi les arbres de la forêt.
C'est le cœur emplit d'une satisfaction immense que Pepper s'endormirait cette nuit, au fond de sa tanière...