Edrakan » Têtu
» Nombre de messages : 3856 » Age : 29 » PUF : Edrakan » Date d'inscription : 28/04/2011 » Personnages : .
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| Sujet: Echappée l Eredhys Mer 04 Sep 2019, 01:24 | |
| - Spoiler:
Eva se rendra dans la vallée que l'atmosphère pré-orageuse aura rendu plus sombre et plus brumeuse qu'à l'accoutumée, l'esprit perdu dans les volutes de brouillard elle y verra toute sorte de formes ou de silhouettes lui rappelant ses années d'enfance, retrouvant un brin de son âme enfantine, elle partira à la recherche d'une chimère peuplant ses rêves d'enfant dans ce paysage mystérieux et cherchera à découvrir pourquoi elle l'effrayant tant lors des nuits sombres.
https://www.youtube.com/watch?v=iYYRH4apXDo
Depuis plusieurs jours déjà, la chaleur devenait de plus en plus étouffante. Le soleil tapait sur les pauvres rochers, les pauvres arbres, les pauvres loups. Les pauvres ères qui vaquaient à leurs occupations, assommés de tant de haine de la part de cet astre sensé apporter joie et bonheur, félicité. Mais la vie est ainsi faite, et même un temps si peu propice se doit d’être vécu, les plantes, ramassées, les proies, chassées.
Mais malgré cette fatalité, Eva ne pouvait se départir de l’idée que, putain de merde, qu’est-ce qu’il faisait chaud sa race, sa mère la pute. Et Eva n’était pas du genre à jurer. C’est la raison pour laquelle lorsque le ciel commença à se poudrer de moutons noirs, ses yeux se mirent à pétiller et sa queue, à frétiller. Enfin ! Enfin, l’orage approchait. Et plus elle regardait le ciel, plus ce dernier s’assombrissait, plus il menaçait, grondant au loin de sa voix de stentor qui en impose aux plus jeunes comme aux plus âgés. Personne n’ose troubler les humeurs du ciel lorsqu’il se fâche ainsi !
Mais rien ne perce. Et ça menace et ça gronde et ça grogne mais jamais ne s’exclame ! Alors Eva pointe ses oreilles hors du dédale, sort de la frondaison jouxtant la demeure des Nakhus, et étend ses ailes. Et les étend encore, plus loin, tirant sur ses doigts et articulations jusqu’à sentir le vent s’engouffrer entre chaque rémige, chaque tectrice. Et elle s’étire encore, ses rectrices subissant le même sort. Le rond blanc qui les orne ondule sur le même rythme, frémit. Elle fait rouler ses muscles, se délectant de sentir ces derniers courir sous sa peau, ses camails bouffant et laissant passer à leur tour un courant d’air vivifiant.
Elle baille, s’ébroue.
Elle sait qu’il ne faut pas sortir par un temps pareil, que les orages sont dangereux, qu’une âme trop présomptueuse se retrouve en moins de temps qu’il ne faut pour le dire happée dans ces nuages chargés de danger et d’électricité. Mais elle connaît aussi la sensation des courants ascendants qui galopent à vive allure en direction de ce ciel monstrueux, la poussée qu’ils exercent sous son corps, sous ses plumes, et la portent au paradis sans effort. Nul besoin de battre des ailes ! Il suffit de se laisser porter. La difficulté n’est plus de s’élever, mais de toucher terre à nouveau, en un piqué téméraire.
Un sourire étire sa gueule et ses lèvres à ce seul souvenir. Si Eva a toujours été une louve très douce et très sage, elle a aussi toujours été la plus impétueuse en vol, celle qui osait tout. Et aujourd’hui n’allait pas se démarquer des autres. Elle releva légèrement le bout de ses ailes, puis les replia le long de son corps, se ramassa sur elle-même. Son corps se tendit comme un arc, un instant.
Puis elle bondit vers le ciel, s’arrachant au sol. Au fait de son mouvement, elle battit des ailes, une fois, deux fois, provoquant bourrasques et tempêtes au sol, faisant voler mottes de terre et brins d’herbe. Un rire puissant s’échappa de sa gorge, alors qu’elle amplifiait son mouvement et allait gratter le ciel, tournait sur elle-même et battait de ses longues pattes, griffant l’air et le vide. Elle repliait et allongeait les ailes jusqu’à devenir girouette éprise de folie, soumise aux éléments et se coulant entre eux, jouant des doigts meurtriers des bourrasques et flirtant délibérément avec les lèvres malicieuses de la bise. De quelques battements elle se hissait à la frondaison des nuages, avant de se laisser tomber en piqué, d’ouvrir ses larges ailes à quelques mètres du sol avant de se remettre d’aplomb - son estomac protestait mais jamais elle n’aurait pu s’arrêter pour l’écouter.
Elle finit par ouvrir largement les ailes pour arrêter sa course et planer en ronds paresseux, prenant une ascendance qui de nouveau allait lui faire gratter les nuages. Après ce sport intensif, ce moment de calme était un vrai régal. Et encore, Eva gloussait, seule dans l’immensité du ciel d’orage, exprimant de sa voix fluette sa joie de vivre et sa satisfaction.
Elle se laissa porter.
L’orage, décidément, ne semblait pas vouloir éclater, alors que les couloirs d’obsidienne ne laissaient filtrer que quelques éclats dorés peignant des rais presque matériels sur la toile des vallées qu’elle contemplait. Long soupir, alors que ces traits se posent en spots de chaleur sur ses ailes étendues. Sa silhouette bicolore se découpe en formes immaculées sur le ciel bleuté, et ses bijoux d’or scintillent, accrochant le regard des curieux.
Ses oreilles pivotent.
Un bruit. Elle a capté un bruit. Un son, délicat, presque imperceptible, un murmure peut être, rien de plus. L’écho du vent dans les montagnes, ce flux se lovant entre deux monstres de pierre et ronronnant des mots doux aux ouïes attentives. Eva tourna la tête vers l’appel ésotérique qu’elle voulait apprendre et comprendre. Remontant le flot jusqu’à la source, le paysage se fit de plus en plus vallonné, et le cri de plus en plus insistant, pour devenir une complainte. Autour d’elle, les nuages baissaient, s’épaississaient, et au ciel sombre et impénétrable venait s’ajouter un brouillard que sa vue perçante ne pénétrait qu’à grand peine. Elle ralentit. Les éléments embrouillaient ses sens et rendaient difficile de se repérer dans cette purée de poix. Néanmoins, un détail attira son attention, lui fit plisser les yeux.
Etait-ce ? Ce museau, là ! Cette ombre, ce reflet, cet infime mouvement de nuage sur fond de nuage, elle aurait pu, juré craché !, dire que c’était Manu, la petite rousse dernière de la famille, celle qui glissait sur les plaques de verglas et avait fini la langue collée contre une stalactite ! Mais, déjà, avant même qu’Eva n’ait le temps de s’approcher, s’enrouler autour de cette forme si familière, elle s’évaporait, se tordait pour ne redevenir ce qu’elle avait toujours été : une nuage, une forme de brume agrémentée d’une épice de nostalgie et de souvenirs. Sur une pointe douce-amère, Eva recula d’un coup d’aile. Ses oreilles pivotèrent de nouveau, la source du bruit avait changé - autre montagne, autre plainte. Son museau suivit, elle se laissa glisser sur quelques mètres, franchissant de nouvelles chapes de brouillard. Et là !
Nouvelle forme, non, nouveau souvenir ! Elle plisse le museau. Qu’elle soit damnée si ça n’est pas la silhouette grandiose de son père, tout en ombres et en lumières, qui se dresse devant elle. Elle tente un sourire, mais son coeur se serre dans sa poitrine. Depuis combien de temps est-elle partie ? Des mois. Elle se mord la lèvre. Le tableau lui pince la poitrine et sa respiration s’emballe - quelques larges finissent par perler au coin de ses yeux. Elle les chasse d’un mouvement vif. Non ! Elle ne cédera pas. Son choix, sa vie, ses découvertes. Elle se focalise sur tout ce qu’elle a gagné en se rendant sur cette terre promise. Des lieux comme celui-là emplis de magie et de mystères. Des loups curieux, avec des pouvoirs formidables, avec des souvenirs et des secrets pour remplir plusieurs vies.
Mais rien ne chasse le voile qui couvre désormais son être d’un châle imperméable. Si les larmes ne coulent plus, la plaie est béante dans son esprit. Les souvenirs affluent, plus vite que l’air ne grimpe se perdre dans les nuages chargés d’orage. La digue s’est brisée, Eva halète désormais, envahie, écrasée, essoufflée, petit paquet balloté par les vents et ses sentiments, plus sûrement qu’une brindille en pleine tempête. Un fugace trait de peur scarifie son regard. De nouveau, le corps en face d’elle se délite, à la merci sauvage de son environnement, mais le mal est fait, il est là. L’ouragan dévaste Eva, infime présence au milieu du vide, du rien, au dessus, la brume, en dessous, la brume, partout cette brume, rideau opaque qui la cache aux yeux du monde et l’aveugle.
Son regard fou dans ses orbites accroche un reflet, désespérément. Et ce reflet s’enfuit, s’échappe, lui échappe. Sans réfléchir, elle replie ses ailes et tel un faucon à la poursuite de sa proie se jette à sa poursuite. Qu’est-il ? Un éclat de soleil qui se balade de nuages en nuages ? Une trouée lui indiquant le chemin ? Ou simplement une vision de son esprit torturé et affaibli ? Mais qu’importe.
Le reflet file et s’enfuit, à une mesure à chaque instant de ses pattes. Et si elle accélère ? Il accélère de même. Si elle ralentit, fatiguée de ce petit jeu ? Il ralentit à son tour et la nargue, danse sous son nez, une valse viennoise, tango ou musette, une valse qui se danse à deux et dont elle est partenaire attendue. Alors son corps se gonfle, ses muscles se serrent, et la voilà repartie, tendue à bloc, les ailes tremblantes et le poil hérissé.
Peu à peu, elle le reconnaît. Lui aussi s’est emprunt de ses souvenirs, a volé formes et volutes à son passé. Le reflet se fait parfois crinière dorée, parfois pattes galopant à travers les cieux et parfois queue de serpent lui chatouillant le nez. Un instant le reflet est dragon, celui d’après lion, après encore chèvre ou bouquetin. Forme mouvante, chimère oubliée, créature des temps anciens mais surtout de son enfance. Aujourd’hui, elle est chasseresse impétueuse se jouant des obstacles et de l’adversité. Elle court et court filant au train l’objet de ses désirs, dans un sentiment de malaise.
Depuis quand ?
Dans ses souvenirs, elle était proie, dans la nuit noire et impénétrable, proie à la merci de sa chimère, pensées oppressantes. Les griffes d’une nuit sans lune, griffes de chimère qui la prenaient à la gorge et cherchaient à l’étouffer, à la couper en morceaux. Crocs de lune et crocs de chimère qui lui déchiraient les yeux et troublaient son sommeil. Tentacules lianes dégoutantes qui l’enserraient, tentacules de chimère qui l’étouffaient.
Cette chimère, consécration de ses peurs quand elle était encore jeune louve, jeune oiseau à peine sorti du nid, pour ses premières nuits en solitaire, ses premières nuits loin de sa famille aimante.
Mais elle n’était plus cette personne. Elle n’avait plus peur du noir depuis longtemps, la lune était son amie, elle vivant avec la faune et la flore l’apaisait. Comment avait-elle pu un jour avoir peur de ce qui constituait son îlot de paix maintenant ? Elle rit, et les murmures de la vallée en écho lui répondirent de leur rire si particulier. Le reflet, la chimère riait avec elle.
Elle ne la chassait plus. Elle dansait avec elle. Elle tournait, virevoltait, esquivait et rattrapait ce petit reflet, cette imposante chimère comme on se querelle avec un ami, un ennemi, sans trop savoir où tracer la ligne, où poser les limites. La tête lui tournait de tant de virages et de tant de mouvements brusques, à vouloir prendre au dépourvu ce petit jeu de lumière qui l’attirait tant. Elle ne pleurait plus - ses souvenirs étaient apaisés. Et la chimère aussi.
Eva laissa échapper un rire. Nerveux. Libérateur. Eclatant. Elle ne s’était pas rendue compte de tout ce qu’elle emmagasinait en elle, de tout ces souvenirs qui l’oppressaient et ce manque qui s’accumulait peu à peu, jusqu’à la submerger. Une fois encore, la nature avait vu en elle ce manque, ce trop plein, cette mal-fonction - et l’avait guérie.
Et en écho à son rire, l’orage éclata.
Comme si une vanne venait de s’ouvrir, toute la tristesse et la colère du ciel se déversa sur elle, la trempant jusqu’aux os, la faisant soupe. Sans attendre, vidée, fatiguée de sa course-poursuite avec ses rêves, de cette introspection passagère si rafraîchissante, elle piqua vers le sol avant de perdre la portance la tenant hors de danger. L’eau alourdissait ses ailes et rendait son vol erratique, mais ce sentiment de liberté et de complétude qui l’envahissait chassait ces problèmes d’une chiquenaude. Eva finit par frôler le branches les plus hautes du bout de ses pattes, et se laissa glisser au sol.
Frissonna.
Si elle aimait la pluie, plus que tout, son pelage n’était pas fait pour l’accueillir. Rayonnante de l’intérieur mais pitoyable à voir, elle se réfugia à la base d’un énorme chêne bienveillant. Elle tourna plusieurs fois sur elle même dans ce petit coin sec où une flaque se formait déjà à ses pieds, et s’ébroua. Les ramures étaient si épaisses qu’une grotte ne lui aurait pas mieux servi. Elle s’allongea à même le sol, et pencha la tête sur le côté. Le bruit de la pluie tonnant sur les feuilles et le sol n’était brisé que par les hurlements tonitruants des éclairs se déversant sur la terre. Une odeur de terre mouillée emplissait son museau.
Tout était si parfait.
Elle ferma les yeux.
[Voilàààà désolée Dhys j’espère que ça sera sympa à lire quand même <3]
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