Détestons-les ♥ Mésange/Azzinoth

Des années, des générations entières marquées par des abus de ces entités nommées ‘’dieux’’. Des familles écartelées, des meutes remodelées, des règles réinventées selon leur bon vouloir. Tels des pantins, les habitants canins de ces contrées couraient après quelques symboles oubliés par leurs tout-puissants bienfaiteurs, leurs esprits obtus par la recherche éternelle de ces petits joyaux brillants appelés glowsticks. Des pies, nuées de pies avides, comme les décrivait leur père, prêts à ramper devant des monstres de pierre afin d’en lécher les couleurs superficielles.

Illidan n’avait jamais pu leur porter la moindre égratignure, le destin en ayant décidé ainsi, mais aujourd’hui, les deux rejetons du maudit et de celle ayant su l’aimer dans sa folie étaient là, si jeunes mais si fières, inexpérimentées mais décidées.

Décidées à mordre, à détruire pour l’amour et pour la haine, pour des notions qu’elles effleuraient à peine. Dangereuses, redoutables, malgré leur âge. Oh, non pas qu’elles étaient aujourd’hui capables de retourner le pays, d’autres s’en chargeraient bien vite à leur place de toute manière. Mais détruire quelques statues pour la pure satisfaction ? Voilà qui était dans leurs cordes.

Au fond du terrier du Raptor, deux colonnes gardaient révérencieusement l’imposante statue de cet animal disparu. Était-ce un signe qu’elle devait désormais disparaître à son tour ?

Mésange avait suivi sa sœur jusqu’ici sans questions, mais elle attendait la confirmation de la raison de leur présence en ces lieux.

« Ils l'ont refusés. Ils l'ont oubliés. Ils n'ont plus le droit d'exister. »

Mésange releva la tête, ses yeux bleus fixant durement le liquide luminescent de la fontaine. L’image de leur merveilleux père était gravée dans sa mémoire ; son souffle erratique, son odeur purulente, son allure de mort, ses gestes agonisants. Il leur avait raconté plusieurs fois les histoires d’un Roi démon déchu : elle était persuadée en être la fille.

Ton père était un cas ça, mais un roi…il était plus déchu qu’autre chose.

Mésange tourne son museau vers sa sœur, espérant y lire une idée de marche à suivre. Elle savait que Méluciole était parfaitement capable de détruire ce qu’elle souhaitait par ses crocs, mais elle, n’en avait pas la force. Pas encore.
Ses épaules plus larges que la moyenne et ses cornes plantée sur sa tête étaient résistantes, mais elle n’était pas sûre qu’elles le soient autant que les quelques ornements du temple.

Curieuse, elle s’approcha du bassin de la fontaine. Elle rêverait d’en déverser le liquide partout en abîmant la vasque.

Avec une attention religieuse, la grande aux traits inégaux observa la plus fine lancer sa mâchoire dévastatrice sur la vasque dont elle s’était approchée. Fascinée, émerveillée par la pureté du liquide vert qui s’accumule dans la faille créée par sa sœur. Alors, elle s’écarte d’un pas et d’un geste puissant, elle écrase brutalement son crâne cornu contre la surface marbrée du bassin, n’obtenant d’abord qu’un remous agité de l’eau lumineuse de la fontaine. Elle s’y reprend, une, deux fois, ignorant les plaintes douloureuses que lui envoient les jointures liant ses cornes à sa tête. Quand, enfin, profitant de la réussite de Méluciole, la jeune mais grande louve décroche un épais morceau de la vasque, se faisant recouvrir la tête et la crinière du liquide divin, hérétiquement bénie par l’eau sacrée.

Mésange gronda sauvagement de satisfaction, s’éloignant de la fontaine en bonds déments, littéralement habitée par le démon. Azzinoth en elle hurlait de rire, crachant grassement son hilarité. Au moins avait-il été enfermé avec quelqu’un qui savait lui offrir occasionnellement un spectacle sympathique ! Deux jeunes enfants complètement allumées, en train de détruire avec leur simples crocs et cornes le sacro-saint temple du misérable dieu qu’avait un jour honteusement prié leur père ! Sa jubilation contamina rapidement Mésange, qui se mit à rire sans retenue, fièrement dressée dans le temple, dégoulinante du liquide vert de Mido. Forte de sa réussite, elle s’élança contre la vasque y donner un grand coup d’épaule, décrochant un autre morceau de roche, aidant le fluide à s’échapper bruyamment du bassin. Elle se mit à dessiner de ses pattes des formes folles sur le sol, sur les murs, s’approcha de sa sœur lui coller une énorme pattoune dégoulinante sur la truffe. Elle était radieuse, à luire elle aussi !

Alors emportée dans son élan dévastateur, Mésange avisa une statue du Raptor, et prise dans sa folie elle se lança violemment dessus.

[ Lancé de dé Force ]

Mais il ne suffisait pas d'être plus grande et forte que les autres jeunes louves pour pouvoir décrocher une des énormes statues du temple d'un seul élan. La louve teintée de vert s'explosa un peu salement contre le marbre imposant, roulant dans la poussière en s'étouffant de douleur. Au creux de son esprit, son démon rit de plus belle.

Belle chute, jeune fille. J'espère que tu t'es au moins brisé un os.

Mésange avait mal, mais pas assez pour ne pouvoir se relever quand la douleur cessa de résonner dans son corps.

« T'inquiète pas va, je me casse pas comme ça, » murmura-t'elle sarcastiquement à son parasite démoniaque.

Du coin de l’œil, Mésange surveille sa soeur luciolesque par son pelage souillé s’approcher, le pas tranquille, puis la laisse docilement pratiquer son étrange et douloureux massage. Une confiance totale, un naturel fraternel presque surnaturel. Rien n’était commun chez elles, et probablement rien ne le serait jamais.

La grande observe la plus petite tenter de renverser la statue à son tour, et gronde en sentant la satisfaction d’Azzinoth à la vue de son échec.

« Il a peur qu'on l'éparpille. »

Cela crée une faille en Mésange, une faille dans laquelle le démon s’engouffre. Éparpiller. Détruire.

« Il comprendra ce que ça fait de voir tout ce que l’on possède éparpillé sans son consentement. »

Des loups, des meutes, des croyances, des familles disloquées.
Deux enfants nées des restes morcelés de l’inconsidération divine.

Azzinoth sourit ; il était toujours satisfaisant de voir un rival se faire déshonorer.

Réduis-moi ça en miettes.

[ Lancer de dé Force ]

Alors Mésange ne devient plus que force, se laisse aller au plaisir brutal de la destruction, l'adrénaline engourdissant ses membres malmenés. Elle vise les extrémités, brise les pattes du Raptor, fissure sa queue, le bouscule de toutes ses forces. Quand enfin, les efforts réunis des deux jeunes louves payent, et dans un craquement sinistre, la grande statue de marbre se déséquilibre et tombe. Lentement, puis de plus en plus vite avant de s'effondrer dans un grondement de pierre sur le sol du temple, se dispersant en blocs épais indéfinissables, comme démembré.

Le Raptor n'était plus.

Essoufflée, Mésange n'a plus le regard d'un enfant ; dans le fond de ses prunelles, c'est le Fel d'Azzinoth qui luit.