Hypoxie Elle était devenue si invisible, impossible à voir, à entendre, dans son fort souterrain, tant et si bien que lorsque cela commença, elle n’avait personne à qui aller. Elle avait nagé jusqu’à la surface. Il ne fallait pas qu’il/elle naisse sous l’eau, ou il/elle s’étoufferait.
Elle arriva sur un rocher au milieu de la mer, et ce fut là qu’elle accoucha. C’était la troisième fois, elle n’était pas stressée, et effectivement, cela ne dura pas très longtemps. Il n’y en avait qu’un de petit. Elle en avait eu trois, puis deux, puis un. Hm, logique, mais étrange. La bleue lécha affectueusement la tête du seul gamin. Il était tout petit, tout bleu, comme elle. D’habitude, elle aurait été fière de lui avoir passé ses plus jolis gènes, mais là, c’était un problème. Il lui ressemblait, et chez les Raeders, c’était un synonyme de grand danger pour sa vie. Puisqu’elle était recherchée. Il serait en danger, tout comme elle. Elle devait s’assurer qu’il serait hors de leur portée.
Elle resta un instant allongé là, sur le rocher, pendant que le petit machin tétait entre ses pattes. Son regard d’or passait sur la mer autour d’elle, vérifiant en continu qu’ils étaient à l’abri de ses ennemis. C’était stressant, à présent, de vivre, et elle ne désirait plus continuer comme ça, elle ne voulait pas que son nouveau, tout petit fils, sache qu’il avait une mère pirate. Ça devait être un peu la honte pour lui, lorsqu’il rejoindrait son père chez les Etelkrus.
Ahh, son père.
Elle eut un petit sourire amusé, ses yeux pétillants, malgré sa surveillance.
Il était venu la voir, ici. Ils avaient nagé ensemble, elle avait flirté avec lui, en se frottant contre lui. Ils avaient exploré les fonds sous-marins. Elle l’aimait bien. L’amour lui échappait, mais leur jeu lui plaisait, et il lui plaisait tout autant. Elle lui avait fait le cadeau de sa dernière gestation. Elle lui avait dit de revenir, dans quelques mois et elle avait bien eu raison, elle était tombée enceinte. Elle avait attendu, au fond de l’océan, en sécurité, que le temps passe. Au début, ça avait été tellement sympa d’être tranquille, seule dans l’eau… Mais maintenant, c’était pesant, et son gamin ne méritait pas cela.
Elle frotta son nez tout doucement contre la petite boule, puis redressa le museau. Elle le sentait, au loin.
Alors elle attrapa le petit par le cou, et se glissa doucement dans l’eau, nageant vers la rive des terres. Elle avait du mal, avec la tête redressée comme ça, le cou quasiment tordu pour empêcher le petit d’être mouillé par les vagues, faisant de temps en temps des bruits de ronronnement au fond de sa gorge pour le rassurer. Et comme cela, elle arriva sur la rive.
Debout, sur le sable, avec les pattes encore dans l’eau, l’enfant entre les crocs, elle regardait le père. Il arrivait, il devait être inquiet, qu’elle soit aussi près du bord de l’eau, mais elle savait ce qu’elle faisait. Elle s’approcha, aussi près qu’elle pouvait, pendant que ses pattes étaient encore en contact avec l’écume.
Elle le regarda, pas tout à fait tendrement, mais pas seulement malicieusement, avant de lui tendre la petite boule de poils. Il la prit, et elle sourit, heureuse. Il était sauvé. Il ne serait jamais pourchassé, comme elle. Il n’aurait jamais à vivre avec le fardeau d’une mère exilée parmi les exilés. Il serait heureux. Elle toucha délicatement de la truffe le petit truc. Elle ne l’avouerait jamais, mais elle l’aimait fort. Elle était attachée à lui.
Ses premiers enfants, elle ne s’y était pas attachés. Les deux filles un peu plus. Mais les deux étaient parties très vite. L’une chez les Etlekrus, l’autre avec le reste des Raeders, la reniant peu à peu. Mais celui/elle-là allait avoir une autre vie. Il/elle allait pouvoir vivre avec l’un de ses parents.
Elle redressa la tête.
Mais soudain, l’eau se retira, et la louve, qui avait déjà tenté cette expérience une fois, commença à bruler, des pattes vers le haut. C’était douloureux, c’était horrible, mais elle n’avait plus nulle part où aller. Plus qui que ce soit qui serait heureux qu’elle vive. Ni elle, ni Ptah, puisque la revoir serait dangereux pour lui et leur petit.
Elle allait partir tant qu’elle pouvait. Alors elle ferma les yeux, et essaya de ne pas y penser. Elle savait que c'était la fin, et elle ne fit aucun effort pour s'en sortir, pour retrouver l'eau ou elle serait en sécurité. Tout le monde avait une fin, et elle voulait que la sienne soit ainsi, son dernier moment un moment heureux, pas une séance de torture chez les Raeders pour sa traitrise. Elle eut une pensée pour toutes ses conquêtes, pour sa famille. Pour son frère, Illidan, son grand frère adoré. Il allait lui manquer. Elle l'avait tant aimé mais il avait tant changé. Ses parents.
Désolé.
Ses poils se carbonisaient, sa peau noircissait, pendant qu’elle noircirait, tombant directement en cendres, qui s’envolaient dans le vent, mais soudain elle ouvrit les yeux.
Il/elle avait un nom.
« Il s’appelle Gali- » Et elle s’envola pour toujours.