cold . libre

COLD

Patte en avant, regard dans le vague, flanc écorché, sourire absent, Misiek tu ressens la brise désagréable et froide du matin sur tes joues, tu frémis mais tu continues. Ton abris s’est brisé cette nuit et si tu veux passer l’hiver sans mourir de froid tu dois récupérer des matériaux qui pourront te garder au chaud. Tu es nouvelle ici, tu ne connais que très peu les meutes et encore moins les terres. Les marquages, tu les sens, mais cela ne te vient pas à l’idée. Les rois, les reines, les meneurs les alphas, tout ça c’est bien superficielle pour toi. Ils pensent être grands, ils ne sont que poussières au milieu de centaine d’autre rois. C’est bien risible tout ça, mais tu n’es pas assez mauvaise pour le réaliser, alors tu marches simplement en silence.

Tes mèches blanches s'emmêlent mais tu n’y fais pas vraiment attention. Pour être honnête, tu commences à craindre l’orange qui se prépare, tu te sais fragile et tu sais que tu peux tomber malade rapide. Une boule d’angoisse se forme dans sa gorge, tu as faim, tu n’es au final pas très douée pour vivre seule. C’est une lutte pour la survie, et tu perds ce jeu contre la vie.
Sans réaliser ce que tu viens de faire, tu as franchi une barrière que tu n’étais pas supposé franchir. Te voilà sur les terres de la violence stupide, de la violence inutile et sans but, de la violence qui se veut vengeresse.

Comme un avertissement, un frisson vint hérisser les pelages de ta nuque mais tu essaies de ne pas y faire attention. Et te voilà, la gueule dans les grandes herbes à en arracher pour plus tard, te tisser de quoi faire au moins un petit matelas sur lequel t’allonger.

< Joy ;

Ces derniers jours avaient été plus catastrophiques encore que les mois précédents. Augmenter le nombre de patrouilles, renforcer les entraînements, construire des tours de guet, tout ça n'avait pas suffit. La cohésion de meute s'était enrayée à l'instant où une ultime transgression des frontières leur avait coûté la vie de Dame Lucie, et l'un des petits qu'elle avait porté. A croire que les Etelkrus s'étaient sentis trop puissants, trop vaillants, trop invincibles avec leurs nouvelles mesures et que la fierté les avaient rendus distraits. Pourtant la Bouclier n'avait pas cru un seul instant que sa vigilance avait baissé d'un poil. Elle refusait d'admettre qu'elle n'avait pas fait ce qu'on attendait d'elle, c'est à dire protéger les membres de sa meute. Ce nouveau drame avait fait faiblir la résolution de leur belle Alpha bleue. Son amie vacillait maintenant dans le doute, dans la pénombre de la peur, dans l'obscurité de la paranoïa. Joy avait toute confiance en la seconde Meneuse pour remettre d’aplomb Pepper qui préférait gronder dans son coin et ruminer leur échec à tous, comme s'il était le sien seul. La femelle sable avait de la peine pour elle, et son respect ne saurait en être entaché, aussi avait-elle doublée ses propres patrouilles, opposant une ferme résistance à son corps qui demandait grâce et sommeil. Aujourd'hui accompagnée de Bamboo, contre qui elle avait combattu -jouter ou plutôt danser comme des mauviettes- lors de leur affrontement amical, les deux disciples du Grizzli parcouraient la Rougelande avec rigueur. Dans le coeur et l'esprit de Joy, il n'y avait plus que la haine pour tous ces solitaires meurtriers, voleurs d'enfants ou tueur en série.

Elle n'était plus qu'une boule de haine, parcourue d'un courant presque continue qui la rendait plus irritable encore. Alors que son esprit était focalisé sur les odeurs fourmillant aux abords de leurs marquages frontaliers, en quête bien évidemment de la piste d'Oxomo, la cruelle emplumée qui avait déjà sévi bien trop souvent contre leur meute, ou encore par le plus grand des hasards, en recherche de celle de son demi-frère parricide, elle en découvrit une nouvelle, qui traversait de manière très linéaire la barrière fictive de leur territoire. Un grondement rauque échappa à ses crocs serrés. La beige au regard de miel aboya pour avertir sa compagne de route et bifurqua immédiatement à la poursuite de cette fragrance non Nakhu, non Lazuli, donc affreux solitaire à mettre hors d'état de nuire. Enfin... Anette avait explicitement demandé des prisonniers. Donc elle ne chercherait pas à tuer l'intrus. Elle pourrait toujours prétendre que le solitaire, enfin la, s'était défendue, histoire de l'amocher un peu et lui faire passer l'envie de jouer avec les lois des Etelkrus. C'est finalement à l'oreille qu'elles découvrir l'emplacement exacte de la clandestine. Ni une, ni deux, la disciple d'Aka bondit en avant, crocs découverts, échine gonflée et le regard assassin.

« Où tu crois aller comme ça ?! »

Boule de nerf désagréable voulait vengeance. Pour Cassandre, pour son père, pour Gran'Pa, pour Morokei, pour Grimm et sa compagne, pour Cendrillon, pour Pepper, pour Athelstan, poour ce bébé perdu, pour toute sa meute et elle-même. Plus aucun paria ne méritait de clémence.

L’océan l’avait emporté.

La raison de Pepper semblait s’être envolé depuis la mort de Lucie, sans même parler de l’enlèvement d’un des petits. Depuis l’alpha bleu avait changé. Sheina n’avait voulu y croire, refusant de se rendre compte de l’évidence. Celle qui fut alpha, n’existait plus, sa raison avait été emporté, noyée par les flots de la folie. La disciple de Kiro se contentait d’observer, ne sachant comme apporter aide à sa supérieure, se contentant d’obéir aux ordres d’Anette. Cette dernière qui temporairement — du moins tous l’espéraient — se trouvaient à la tête du pouvoir. Les ordres étaient clairs, arrêter tout solitaire qui pénétrerait sur les terres. Du moment qu’ils ne tuaient personne, la tâche ne dérangeait pas la prêtresse qui survolait les terres. La faible luminosité du matin lui permet encore de voir, moins clair qu’en pleine nuit, certes, mais suffisamment pour distinguer les formes.

Voler lui procurait une certaine douleur, mais c’était cette dernière qui lui permettait d’oublier ses tourments, oublier qu’une de ses alphas sombrait, que les solitaires semaient un peu plus la discorde. La douleur, devenait son échappatoire. Pour un temps du moins, car l’odeur des siens lui parvint, de même qu’une odeur étrangère. Une solitaire. Combien étaient-ils bon sang ? Apercevant les efforts de ses camarades, Sheina eut alors une idée pour soumettre la solitaire sans forcément passer par la violence… Restait à espérer que ses ailes ne feraient pas des siennes.

(lancé de dé)

Atterrissant directement sur le dos de la louve plus ou moins bien, l’hybride pinça suffisamment son pelage de ses longues griffes — pas assez pour lui faire trop mal non plus — pour maintenir son appuie sur le corps. La luminosité devenant trop forte pour la louve contraignait cette dernière à utiliser ses autres sens.

« — En vertu des ordres de l’alpha Anette, nous vous arrêtons pour violations des frontières Etelkrus. »

Ne restait plus qu’à emmener la prisonnière auprès de leur alpha.

COLD

Un chien qui jappe, un énorme tas qui roule devant elle en s’écroulant plus loin et une immonde chauve souris qui parle. En voilà un beau trio.
Oh Misiek, si tu avais eu la malice d’autres tu leur aurais ris au nez, “ il vous faut trois imbéciles pour mettre fin à une louve comme moi ? Il faut vous ridiculiser pour mettre à terre une louve qui n’a montré aucun signes d'agressivité ? Il faut autant de violence pour abattre de l’écume ? “ et ô combien tu aurais éclaté de rire, devant ces êtres médiocres.

Puis te voilà écrasé sur le sol, tu n’as pas eu le temps de comprendre, pas eu le temps de parler, pas eu le temps de rien faire. Pas le temps non plus de dire quoi que ce soit car ta voix est trop fragile sous la peur et l’angoisse. Les larmes te montent aux yeux, tu veur leur dire, que tu voulais juste de quoi te couvrir, que tu ne connais pas le nom de cette meute ni les frontières, que tu ne veux pas faire de mal à qui que ce soit mais tu n’y parviens pas. Face aux crocs, aux poids, à la violence tu n’y arrives pas. Tu veux que Joaquin soit là, tu veux que son regard d’or te protège encore, qu’il gronde pour les faire partir.

Tu lèves faiblement les yeux vers les inconnues. Au fond tu as vécu pire, l’immense cicatrice qui ôte ton cou et ton flanc en est la preuve. Au fond tu as déjà vu l’enfer. Mais c’était un enfer accessible, tu parvenais à t’expliquer, ici cela semble être différent. Qui sont ces loups empli de colère, qui sont ces croyants aussi violents. Où es-tu tombé Misiek.

< Joy ;

Finalement, et de manière plutôt surprenante, Joy se retrouvait à être la moins violente. Elle même la première étonnée de se voir ainsi soufflée le premier acte par la seconde Bouclier d'Aka qui, sans doute trop empressée, s'empêtra avec son élan et échoua lamentablement à maîtriser l'intruse. Comme un écho de leur joute amicale où s'était enchaînés les coups pitoyables et les actions loupées. Bamboo manquait donc à ce point d'entraînement ? Si Joy ne portait pas dans son coeur la louve aux divers harnachements de bois, elle la reconnaissait volontiers comme volontaire et fière fille du Grizzli. Elle n'appréciait cependant pas l'échec constant dont elle semblait faire preuve, surtout, sous le regard ébahis d'un ennemi. L'espace d'un instant, elle se demanda si elle ne devait pas proposer à sa jeune comparse quelques séances de mise à niveau. La Bouclier avait du potentiel, elle avait la force brute, les épaules larges, la carrure d'une guerrière. Il lui fallait encore apprendre à se servir de ces prédispositions. D'un autre côté, la louve beige, bien que plus fine et de taille moyenne, prônait également la force physique avant toute supercherie ou stratégie réfléchie. Elle avait juste appris à se servir du poids de l'adversaire a son avantage, à défaut de pouvoir utiliser le sien. Alors qu'elle comptait s'élancer à son tour avant que ne fuit l'inconnue, une masse violine s'écrasa sur elle et la plaqua au sol avec une fermeté dépourvue de brutalité. Dommage. Joy aurait bien garder une touffe de poil en souvenir. Bien que l'intervention de la Prêtresse de Kiro était réussie et faisant de la paria leur prisonnière sans trop d'effort, la Bouclier se sentie dépitée. Sheina les pensait-elle trop inefficaces pour leur rafler ainsi la fierté de la capture ? Comment la femelle allait bien pouvoir apporter preuve de son travail acharnée et de son soutien à Pepper si les autres venaient s'interposer ?

Dans un grommellement grincheux, Joy alla donner une tape légère sur l'épaule de Bamboo.

« Debout. On va escorter notre " invitée " jusqu'à Dame Anette. On enverra un autre groupe reprendre la patrouille et on fera le tour du soir. »

Elle laissa donc la louve chauve-souris faire le premier pas puisque elle tenait celle qui aurait dû être sa prisonnière. Ainsi elle mènerait le groupe pour le chemin retour et la femelle sablée fermerait la marche. Elle n'avait aucune compassion pour l'air apeuré de la solitaire, au contraire, sa mine déconfite lui apporta fierté et réconfort. Enfin un sourire étira ses babines. Un rictus narquois, mais c'était le premier depuis très longtemps.