Apprendre à suivre son chemin [PV Crystal]

Mon regard se porta sur les loups qui passait devant moi. Je me sentais comme un fantôme, n’étant plus que l’ombre de moi-même depuis que j’avais découvert la vérité sur mes origines. Je m’en voulais, moi qui était si vivante et si curieuse, je ne ressemblais plus à grand-chose. Mais j’en avais besoin. J’avais besoin de m’arrêter et de regarder tout ce qui se passait autour de moi. Je voulais voir et comprendre la réaction des autres. À force d’observer, je me rendais compte que personne ne me détestait. Au contraire, on me saluait chaleureusement. Alors, pourquoi ai-je tant de difficultés à me reprendre en main?

Je pose mon regard sur un loup en particulier que j’avais rencontré il y a peu, la curiosité dansant dans mon regard qui était inanimé depuis quelques jours. Ce loup était… étrange? Je le trouvais calme et sage aussi. Il devait s’être passés beaucoup de choses dans sa vie pour qu’il réagisse ainsi. Ça paraissait qu’il avait de l’expérience.

Je détournai mon regard rapidement et fermai mes paupières, ressassant les événements des derniers jours. Les mots de cette louve dansaient encore dans mon esprit et mon cœur, les empoisonnant doucement. Le choc avait été grand et les conséquences encore plus. J’avais perdu confiance en moi, j’avais perdu ma joie de vivre. J’avais perdu en si peu de temps tout ce qui me caractérisait. Je me trouvais si… triste. J’avais du mal à croire ce que j’étais devenu en si peu de temps. Pourtant, papa et Horus m’avais consolé. Je m’étais sentis mieux. Après tout, ils avaient raison tout les deux. J’étais une louve aidant, gentille, douce, courageuse, pleine d’apporte. Papa avait même dit que j’apportais la joie, l’amour et de magnifique souvenir.

À cette pensée, les larmes me brulèrent les yeux, me provoquant un faible gémissement. Par réflexe, je posai une patte sur mon museau, cachant mes larmes, baissant le regard pour éviter les leurs. J’attendis que mes larmes se tarissent et enlevai ma patte, regardant timidement autour de moi. J’étais seule. Du moins, dans cette pièce. Une angoisse sourde me fit frissonner et je me levai, écoutant les sons. Au loin, j’entendis le cliquetis familier des griffes de mon père sur le dédale.

Je restai planté la un moment, écoutant ce son si caractéristique qui me rassurais, un début de sourire flottant sur mes babines. Puis, je sursautai, glissa au sol et tombai sur le coté. Hébétée, je ne pus m’empêcher de lâcher un rire nerveux qui finit par un rire franc. Je me trouvais débile de m’être fait surprendre ainsi! J’étais maladroite parfois, mais je me relevais. Toujours! C’est sans doute ce que papa voulait me dire. Même quand j’étais petite et qu’elle me blessait, je me relevais et essayais de m’approcher de nouveau. Encore et encore. J’étais têtue. Très têtue. Non. J’étais déterminée. C’était ça le mot. Peut-être que je pourrais refaire la même chose? Après tout, même si j’avais perdue le sourire, une part de moi criait d’apprendre de nouvelle chose, d’aller vers les autres. Je ne m’étais pas écouter. J’avais ignoré tout ou presque.

D’ailleurs, je me souvenais que papa voulait me parler. Il avait quelque chose à annoncer. Je me devais d’y aller. En plus, je me demandais bien ce qu’il voulait dire. Toutefois, j’angoissais un peu. J’avais peur. Qu’est-ce qui allait se passer? J’étais mitigé entre papa qui m’annonçais un truc vraiment chouette ou alors quelque chose de plus sombre et plus triste. Mais non, c’était impossible que ce soit le deuxième. Ce n’était pas son genre. Surtout que Yurai lui avait prêter deux de ses corneilles. Non, décidément ce n’était pas la bonne raison.

J’entrai donc dans la pièce, la tête basse, le regard perdue dans le vague, mes pensées bouillonnants dans mon cerveau. Je pouvais presque sentir la vapeur sortir de mes oreilles tellement il fonctionnait. Il avait toujours été ainsi. Mon encéphale n’arrêtait jamais de poser des questions. Il se questionnait encore et encore, émettant des hypothèses parfois étranges. D’autre fois, il se mettait à tourbillonner tellement vite que j’avais la tête qui tournait. Ce qui était le cas en ce moment. Je me questionnais trop.

-Papa. Est-ce qu’il y a un moyen pour que mon cerveau arrête de fonctionner pendant deux minutes? Tentais-je de blaguer avec un faible sourire. J’ai toujours trop de question.

Mon regard se porta alors sur la pièce de travail. Tout était beau, tout était en ordre. Silencieuse, je m’approchai du lieu de travail comme si c’était un endroit sacré. Un endroit que je n’avais jamais eu la chance de visiter. J’étais beaucoup trop joueuse et beaucoup trop dynamique lorsque j’étais enfant. J’avais déjà fais tomber certaines capes au sol en voulant regarder de près et je m’y étais emmêler les pattes, riant aux éclats de ma maladresse.

-Tu voulais me voir pour quel raison? Tu as quelque chose d’important à m’annoncer papa?

Des larmes apparurent sur le coin de mes yeux alors que j’entendais la réponse de mon père. C’était donc mon cœur qui parlait si souvent et qui se questionnait sur tant de chose? Ça expliquerait pourquoi les réponses apparaissent parfois si facilement. En plus, même si je ne le montrais pas, j’appréciais de me questionner sur une multitude de chose, de chercher et de trouver les réponses. Ensuite, je pouvais le dire aux autres et les aider. Est-ce que je les aidais réellement? Est-ce que j’apportais un changement dans leur vie? Puis, un véritable sourire apparut sur mes babines, ainsi qu’une lueur joueuse dans le regard, le premier depuis longtemps.

-Mais papa! Si je te posais toutes les questions qui se cachent dans mon cerveau tu serais vieux que tu n’aurais même pas répondue à toute mes questions! Faut bien que je te ménage un peu, rigolais-je doucement. Pis, tu as dû entendre touuuuuuuteeeeee mes questions quand j’étais plus jeune. Je vais devoir trouver une nouvelle victime.

Je redressai légèrement la tête, détournai la tête vers le matériel de couture et y toucher du bout de la patte, mais mon mouvement s’arrêta en plein milieu lorsque Raison me parla de son projet de faire de moi son apprentie. Je me retournai très lentement vers lui, les yeux écarquillés. Était-il sérieux? Voulait-il vraiment de moi comme apprentie? Vraiment, vraiment? Que devrais-je répondre? Étais-je parfaite pour ce rôle? Allais-je tout rater?

-C’est vrai? Le questionnais-je, incertaine. Tu pense vraiment que ce rôle pourrait m’aller?

Je fermai les yeux un instant, réfléchissant, me questionnant. Était-ce une bonne idée? Allais-je réussir mon travail? Est-ce que je peux vraiment aider les autres comme papa? C’est vrai que je suis gentille et que j’ai toujours été curieuse, mais est-ce que ça va m’aider? Aussi, devenir importante? Avais-je envie de devenir importante?

Un fourmillement enfla en moi, me faisant plonger mon regard violacé dans ceux des oiseaux, puis sur mon père. Je le ressentais, il vibrait en moi, provoquant une chaleur que je n’avais pas ressentis depuis quelques temps. Il me donnait envie. Je voulais sauter dedans, m’y baigner, y vivre. Puis, je me rendis compte que l’idée d’être couturière m’avais toujours plu. Jeune, je harcelais papa et aujourd’hui, la vue du matériel me faisait frémir d’impatience. J’en avais envie, réellement, mais je doutais. Je doutais de moi et de mes capacités. Serais-je à la hauteur? C’était ma plus grande peur, même si la réponse se trouvait devant moi, juste sous mon museau.

Je me dandinai sur place, indécise, mon regard fixant le sol alors que je peinais à me décider. J’étais entre les deux, penchant autant pour l’un que pour l’autre. Je fis un tour sur moi-même, lentement et un deuxième avant de me décider.

-J’aimerais être ton apprentie papa. J’ai toujours rêver d’être couturière.

Des larmes brillèrent sur le coin de mes yeux lorsque papa me dit que je pouvais lui poser toutes les questions que je voulais et que cela me ferait du bien de me rafraichir la mémoire. C’est vrai? Je pouvais? Je ne le dérangerais pas? Vraiment, vraiment? Mais c’est vrai que papa à toujours pris le temps de répondre et j’en avais beaucoup des questions! Énormément même. Je ne sais même pas comment je faisais pour en poser autant. Ma vie était-elle rythmée de question incessante? Ne faisais-je que ça? Est-ce que je remettais réellement le monde en doute? Est-ce que c’était ma façon de découvrir le monde? Comment savoir?

Un rire éclata d’entre mes babines alors que je me rendis compte que je n’avais pas changer sur ce point. Je me posais toujours autant de question, voir plus. À moins qu’elles soient différentes puisque je suis plus vieille? Ceci dit, je m’étais toujours posés des questions, même si celles-ci ne ressemblaient pas aux autres. D’ailleurs, est-ce que j’avais des questions qui se ressemblaient?

-Je le ferai, finis-je par dire en tournant lentement mes yeux violacés vers lui. Je ne peux m’empêcher de me questionner sur absolument tout alors autant le faire. J’aime bien quand me répond. Je me sens… plus intelligente… J’ai l’impression d’avoir plus de…savoir?

Je secouai légèrement ma tête, incertaine du mot, bien que c’était ce qui lui ressemblait le plus. Puis, j’écoutai de nouveau Raison qui mentionna Yurai. À ce moment-là, je me figeai, les yeux brillant d’une lueur incertaine. Vraiment? C’est vrai que je cherchais à comprendre et aider tout le monde, mais même Yurai serait d’accord avec papa?

La réflexion qui s’était suivi m’avais perdu de comprendre que ce travail m’intéressait depuis le jour que j’avais vu mon père travailler. J’avais trouvé son travail fascinant. Je pouvais le regarder pendant des yeux, mes pupilles suivant les mouvements répétitifs de ses pattes. Ses mouvements me calmaient, ils apaisaient mon âme. Autant je le bombardais de question afin de savoir comment il faisait, que je finissais assoupi dans un coin, couché en boule après avoir admiré son travail. Et surtout les capes. Les sublimes cape que j’avais hâte de porter. Les sublimes cape que je désirais toucher à chaque fois, m’assurer de sa douceur, m’assurer que le loup serait bien. Je me souviens que j’avais déjà voler la cape de papa une fois et je l’avais cacher dans un coin, me couchant dessus la nuit, me roulant en boule dedans. Il ne l’avait trouver que quelques jours plus tard alors qu’un matin j’étais toute emmêler dedans et le Nakhus avait du me sortir de la. Depuis ce temps-là, je ne l’avais plus refait, même si j’aimais bien dormir avec un morceau de cape que j’avais secrètement garder dans mes affaires.
C’est sur cette pensée que j’avais accepté, les souvenirs des 6 derniers mois me rappelant à quel point je voulais être couturière. Alors quand le mauve approcha une partie de l’atelier et qu’il commença à me présenter un morceau de tissus en me donnant des explications, je m’appliquai à l’écouter. Pendant que le couturier me parlait, j’avais l’impression que le morceau de tissu me représentait et que je devais le réparer, le soigner avec tout mon cœur. J’avais l’impression que je devais lui offrir ce que je m’étais empêcher d’avoir pendant quelques semaines. La blessure était présente, elle se faisait sentir dans mon cœur, mais aussi sur ce tissu. Nous étions pareil. Nous avions une blessure. Blessure qui avait besoin d’aide afin de guérir. Une aide qui ne s’apportait que lorsque nous le voulions, que nous étions prêts. L’étais-je?

J’hochai la tête lorsque le couturier posa un regard bienveillant sur moi, lui offrant un timide sourire. Ce n’est qu’une fois qu’il eu finit l’explication que je pris l’aiguille avec le fil et que je le regardai. Je le fixai un bon moment, admirant le fil qui pendant. C’était donc cela la cicatrisation? La marque qu’il resterait sur le tissu ou le cœur? C’était mieux que d’avoir un trou béant et douloureux. Beaucoup mieux.

Maladroite et un peu tremblante, je commençai à déplacer l’aiguille vers le morceau déchiré. Je l’enfonçai doucement, un peu trop loin de la plaie avant de tirer dessus et de me piquer. Je reculai rapidement ma patte et la secouai, les yeux légèrement agrandis par la surprise. L’aiguille avait fait mal, mais ce n’était qu’une douleur passagère. Une douleur qui disparaitrait rapidement de notre cerveau à moins que l’on décide d’y repenser des centaines et des centaines de fois au point de se souvenir de l’effet que ça fait.

*Comme les paroles, pensais-je les larmes aux yeux en repensant à la lettre. J’y ai tellement pensé qu’elle est restée gravée dans mon cœur. J’aurais dû passer à autre chose, mais elle m’a blessé. Comme beaucoup de chose blesse les autres…*

Je repris l’aiguille et me remis au travail, rapprochant le premier bord en m’approchant beaucoup trop près du trou. Je tirai, comme j’avais vu Raison le faire des centaines de fois, mais je le fis trop fort, brisant un peu plus le morceau. Je serrai les crocs, jetant un regard désemparer à Raison.

-Je l’ai brisé plus. L’aiguille est vraiment redoutable. Tu ne dois pas trop tiré sinon ça brise et pas trop proche du trou? Il faut faire attention aux plaies, c’est ça papa? Il y a une limite où on peut aller. Si tu va trop loin, tu soigne une partie qui n’en a pas besoin et si tu es trop proche, tu risque de grossir un peu plus la blessure.

Je le fixai un moment, tenant toujours l’aiguille entre les pattes, le regardant d’un air désolé.

-Est-ce que l’on peut vraiment guérir toutes les blessures comme ça? Demandais-je, l’inquiétude se lisant dans mon regard. L’aiguille est comme un soigneur non? C’est aussi celui qui permet de coller les morceaux ensemble et de faire les grandes pièces que tu fais?