[RP à potentiellement revoir en fonction de la fin de l'évent mais au pire je l'éditerai ! Ca me permet quand même de faire avancer un peu la choupette]

Eva inspira une longue goulée d'air. Ca n'était pas du tout ainsi qu'elle s'était imaginé sa venue à l'église aux corneilles. Ou en tout cas, pas cette venue là. Déjà, elle était seule, entièrement seule. Elle avait réfléchi longuement à cette décision, mais elle ne pouvait pas le faire autrement. C'était un moment qui lui appartiendrait, à elle et à la déesse.

Pour plusieurs raisons.

Déjà, Eva n'était pas du tout sûre d'obtenir son glowstick. Si elle y était allée quelques semaines plus tôt, elle aurait été beaucoup plus sereine. Elle aurait sorti son discours, elle aurait déclamé son âme, elle aurait ouvert son coeur et montré tout ce qui le composait, en espérant que la déesse y trouve quelque chose d'assez beau pour le valoriser.

Et, il y a quelques semaines, elle étaient beaucoup plus belle que maintenant. Elle ne parlait pas de son apparence, bien sûr, mais de ce qu'elle avait à l'intérieur. Toute cette chaleur incommensurable qui avait pourri au contact de l'Upside Down, des monstres et de la mort violente d'Hanna. Son propre sentiment d'inutilité, face à la chose, à côté d'Horus, de Daez et des petites qu'elle n'avait aucun moyen de protéger.

Son impuissance la navrait.

Elle avait beau avoir les meilleurs intentions du monde - était-ce suffisant ? Elle avait décidé que non. Aujourd'hui, elle avait décidé que ça ne suffisait pas, que sa vie et ses explorations ne lui suffisaient plus : elle avait ici trouvé un clan, une nouvelle famille, et cette nouvelle famille avait besoin d'elle. C'était probablement très présomptueux de sa part, mais lorsqu'elle posait les yeux sur Sobieski, lorsqu'elle les posait sur Crystal, sur Gloria, Daez, sur l'ensemble de la meute, elle ne pouvait songer qu'à une chose.

Qui allait les protéger ?

Volstein commençait à se faire vieux. Cela se voyait, dans ses yeux mais aussi dans son attitude. Et la mort de sa compagne l'avait particulièrement affecté... Ajani était présent, aussi, mais elle le connaissait somme toute assez peu. Il s'était battu contre le monstre, et sa force ne faisait aucun doute. Mais pouvait-il porter seul, sur ses épaules, l'ensemble du clan ? Ils n'avaient pas de frontières à protéger, et personne à menacer. Mais pouvaient-ils se permettre de ployer l'échine à la moindre adversité ?

Si Eva était toujours fermement convaincue que n'importe quel problème pouvait se résoudre à l'aide de tempérance et d'ingéniosité, la sauvagerie ne résonnait ni avec l'un, ni avec l'autre. Et sortir cette donnée du problème pouvait s'avérer...

Fatal.

Pour elle, mais surtout pour ceux qu'elle aimait.

C'était pour ça qu'aujourd'hui elle se rendait, seule, à l'autel de la déesse pourpre. Les pattes sur le perron, elle monta les marches. Il faisait gris, aujourd'hui, et la pluie ne tarderait plus, mais la lumière diffuse était suffisante pour que les vitraux parent le sol de pierre de mille lueurs allant du rose au violet le plus profond, taché de teintes abysses. La statue se dressait fièrement au milieu de l'espace clos, mis en valeur par tout ce qui l'entourait. Des oiseaux noirs paraient l'ensemble d'une multitude paisible et attentive, donnant à la scène cette ambiance éthérée si particulière. Il n'y avait aucun bruit, si ce n'était celui de ses plumes effleurant les bancs de bois et de ses pattes sur le sol froid. Le cliquetis de ses griffes.

Elle s'avança dans le silence le plus total, et s'arrêta juste en face de la statue.

Déesse Yurai...

Déesse. Mais qu'est-ce que ce pays avait-il fait d'elle ! Là où la foi n'existait pas, elle était née, avait poussé, était devenue quelque chose de grand et de beau.

Je viens ici aujourd'hui pour vous proposer Le Pacte, celui qui vous unit à vos fidèles.

Elle ne parlait pas de requérir un pouvoir ou un glowstick, non. Si elle était humble devant le pouvoir que représentait l'entité en face d'elle, sa vie et sa foi étaient tout ce qu'elle avait et elle n'était pas prête à les vendre au rabais. Elle espérait que cette approche ne passerait pas pour de la prétention, mais pour la relation saine qu'elle venait ici forger.

Ou en tout cas l'espérait-elle.

Un scintillement dans l'air. Une pression, qu'elle ressentit dans son oreille interne, dans son corps, dans la moindre de ses plumes alors que l'air semblait s'épaissir autour d'elle. Sur la statue et tout autour, les corneilles s'envolèrent pour se poser plus loin sur la pierre et le bois de l'édifice.

Et la statue commença à changer. Elle se tordit, s'allongea, se réduit et s'assouplit pour former le corps d'un loup, non, d'une louve pourpre dont le regard chaleureux souriait autant que ses babines. Le poil d'Eva se hérissa. Elle avait entendu des histoires, elle avait même vu quelques loups exercer leurs pouvoirs, elle était descendue dans la faille et en était sortie pleine d'une nouvelle connaissance, mais là, elle se trouvait face à un dieu. Que cela faisait-il ?

Quels étaient leurs pouvoirs, à part distribuer des glowsticks, voir intervenir lorsqu'on leur demandait, lorsqu'on leur priait ? Quelle était leur responsabilité, leurs droits, leurs devoirs ? Les glowsticks n'étaient-ils qu'une tentation auxquels eux, simples loups, devaient résister ? Ou au contraire, leur foi devait grandir jusqu'à submerger les frontières pour révéler la vraie nature de ces dieux ?
Elle s'était déjà posé toutes ces questions, et y avait déjà répondu, bien sûr. Elle n'avait pas attendu d'être devant la déesse pour remettre ses choix en cause mais

Elle n'avait jamais pu s'empêcher de penser.

Et s'ils étaient tous fou, qu'il n'y avait pas de dieux, qu'il n'y en avait jamais eu, que ça n'était que des croyances vieilles comme le monde basées sur des histoires, sur l'Histoire avec un grand H, et que les loups s'y accrochaient pour ne pas se sentir sombrer ? Mais Elle était là. Elle se tenait devant elle, droite, fière, mais aussi douce et aimante. Elle était tout ce que les loups racontaient d'elle, et tant d'autres choses encore !

Eva prit une longue inspiration, et calma son corps qui s'était presque mis à trembler devant cette manifestation venue d'une autre dimension. Avait-elle peur ? Etait-ce de l’excitation ? Elle n’arrivait pas à faire le tri de tout ce qu’elle ressentait, et surtout des milliers de questions qu’elle voulait poser.

Littéralement, des milliers.

La déesse savait-elle tout ? Etait-elle un puits de savoir sans fond ? Les questions qui l’habitaient étaient multiples. Ca allait du simple “ses parents allaient-ils bien ?” au “combien de contrées existent réellement, combien de monde, combien d’univers ?”. Mais elle n’était pas là pour ça. Mais aurait-elle de nouveau l’occasion ? Elle se força à se calmer et à ordonner ses pensées, à prioriser, surtout, ce pour quoi elle était là.

Yurai s’assit en face d’elle, l‘enjoignant à faire de même. Eva hésita un instant, et la mima. Sa voix résonna de nouveau dans l’édifice, aussi chaude, résonnante et étrange que son corps, sa démarche, son essence. Eva frissonna derechef, bien que les ondes positives qu’exhalait la déesse l’emplirent d’une certaine paix intérieure.

Raconte moi qui tu es, et pourquoi tu désires ma couleur.

L’épreuve commençait ici, elle le savait, elle en avait assez entendu des anciens et des plus jeunes. Elle avait largement dépassé l’âge classique de demande d’allégeance aux dieux, mais chez les Nakhus c’était loin d’être inhabituel. Entre tout ceux qui étaient récupérés dans d’autres meutes, de solitaires, ou à pepet’ les oies… Eva inspira profondément et ferma les yeux un instant, avant de fixer de nouveau la déesse.

Je suis arrivée il y a un an et demi aux frontières de ces territoires. Je viens d’un peuple uni, pacifique et pacifiste, qui s’il mange de la viande est plus une proie qu’un chasseur de par la fragilité de ses os et la légèreté de son corps. Si nous sommes difficiles à attraper, les grosses proies nous restent inenvisageable, et nous pâtissons toujours beaucoup des joutes avec d’autres peuples.

Des guerres, appelons les comme ce que c’était.

Ma famille en particulier, a toujours évité et fui le conflit, et ça nous allait très bien.

Voilà pour le contexte familial. Elle ferma la gueule un instant. Pourquoi devait-elle raconter tout ça ? Elle trouvait ça très égocentrique, et puis, la déesse pouvait probablement voir ça d’un coup d’oeil en elle. Mais peut-être que l’exprimer permettait de l’ancrer dans le présent, que les loups s’en rendent mieux compte ?

Mais j’ai tout quitté. L’appel de l’aventure et de la découverte étaient beaucoup trop forts, c’était un vent qui me poussait loin, très loin.

Elle s’arrêta une seconde, pour considérer l’église tout autour, pour ensuite replonger ses prunelles dans celles, attentives et patientes, de la déesse.

Qui m’a poussé ici.

Eva gratta le sol de pierre d’une de ses pattes, avant de reprendre.

Je suis tout de suite tombée sur des loups de cette meute, les Nakhus. Et ce fut une aubaine. Ils sont ceux qui correspondent à tout ce que je prône, ce que je recherche. Aider son prochain. La tempérance. La tolérance. La sagesse. La résolution sans conflits, par le dialogue. L’accueil, la générosité, l’ouverture d’esprit quelles que soient les barrières qui semblent exister.

Un sourire léger étira ses lèvres.

J’ai aussi découvert le symbole de la force de leurs convictions en ces valeurs.

Vous.

Elle agita sa longue queue blanche.

D’où je viens, les dieux n’existent pas. J’ai donc longuement été reluctante à l’idée de placer ma foi entre vos pattes. Ou même simplement à considérer votre existence. J’ai vu trop de fois des loups se sacrifier pour des idéaux, des choses qui n’existaient pas, qui n’existent pas, et qui ne sont que des prétextes, des manipulations d’autres loups pour arriver à leurs fins.

Elle s’arrêta de parler un instant. Ce qu’elle voulait dire après, elle devait le dire, mais c’était un peu délicat, surtout avec cette louve… Non, cette déesse en face d’elle. Mais elle le devait.

Je n’ai pas besoin de vous pour répandre ce que je pense être bon. Avec, on sans glowstick, avec ou sans pouvoir, je le ferai. Quelle que soit l’issue de cet entretien. Parce que c’est ce en quoi je crois, depuis que je suis née, de par mon éducation, et de ce que j’ai vu du monde que j’ai visité jusque là.

Mais.

Mais je me rends compte que je suis faible à la menace.

Non, pire. Elle fronça les sourcils.

Je pense, et cela m’attriste, que ce clan est ouvert à la menace, aux menaces que les mots ne peuvent adoucir.

Son regard se perdit entre les bancs de bois, sur ces rangées qu’elle assimilait aux rangées de tombes du cimetière.

Et pas que ce clan.

Elle se mordit les babines.

Sobieski. Crystal. Gloria. Kerguelen. Hanna.

Le clan Nakhu.

Starset. Octavia. Joaquin. Horus. Le loup noir.

Tous les autres.

Je suis incapable de les protéger.

Elle releva la tête, fixa de nouveau la déesse.

Je sais que l’on est tenu qu’à ce que l’on peut faire. Que l’on ne peut sauver tout le monde. Et qu’il n’est pas bon de sacrifier son être au seul but de satisfaire les autres - ça n’est pas non plus ce que je recherche.

Son regard ne vacillait pas.

Mais si je ne fais pas tout ce qui est en mon pouvoir, j’aurais la sensation d’avoir échoué. D’avoir participé à cette grande machinerie. Si jamais avoir un glowstick peut me permettre, un jour, de sauver quelqu’un, alors je me dois d’essayer et d’être prête.

Eva sentit son poil frissonner légèrement sur son corps, les nerfs à fleur de peau.

Je ne veux rien pour moi. Mais les temps sont sombres, et je ne peux regarder tout ce qu’il se passe sans agir. Un dôme isole les Lazulis. Les Raeders méritent qu’on leur accorde une discussion. Les Etelkrus, s’ils ont des valeurs, ont tout de même des réponses violentes aux conflits. Et même les solitaires méritent attention. J’aimerais pouvoir les aider, tous. Ces terres sont riches, pleines de pouvoir, et chacun devrait pouvoir y résider en paix.

La louve bicolore s’était légèrement enflammée, et son ton redescendit un peu.

Les loups de ce clan ne prêchent que par vous, et de toutes les histoires que j’ai entendu, vous êtes source de leur inspiration. Je suis prête à leur faire confiance.

Si vous estimez que nous avons la même définition des valeurs que vous portez et que je suis digne de vous représenter, alors j’aimerais à travers vous, comme je le fais aujourd’hui, continuer à partager ces valeurs à ceux que je croise.

Et surtout, si je le peux, être mieux équipée pour protéger ceux qui me sont chers.

Elle laissa une pause s’installer.

Dans sa tête, d’autres questions d’ordre plus pratique se bousculaient. Comment rendait-on hommage à un dieu ? Devait-on lui apporter des… Cadeaux ? Quel en était l’effet ? Disparaissaient-ils ? Est-ce qu’il y avait des cadeaux à préférer ? Elle avait déjà vu Raison ou Crystal ou même d’autres avoir cette attitude, mais elle l’avait toujours trouvée un peu absurde. Qu’est-ce que la déesse pouvait bien en faire ? Devait-elle prier ? Devait-elle parler de Yurai à tout ceux qu’elle croisait ? Répandre ses valeurs suffisait-il ?

Pourquoi il n’y avait pas un livre sur ”Comment être un bon disciple” ? avoir un glowstick l’obligeait-elle à observer une certaine attitude ? A aborder certains sujets ?

Mille questions

Des millions

Elle en aurait presque oublié son laïus et la présence de la déesse en face d’elle.

Elle accueillit les paroles de la déesse avec un certain soulagement. Une grande joie, aussi. En entendre parler était une chose, la voir en était une autre et à cet instant, véritablement, elle comprenait qu'elle embrassait et embrasserait toute sa vie le choix qu'elle venait de faire. Elle le sentait, dans les paroles de Yurai, que cette dernière lui correspondait parfaitement. Et c'était... Une bouffée d'air frais.

Lorsque la lumière violette se trouva devant son nez, puis sur son poitrail, et entra en elle, Eva en sentit la chaleur l'inonder et la parcourir toute entière par vagues successives, l'écume thermique se glissant dans ses ailes, au bout de chacune de ses plumes. Elle se sentit - quel était ce sentiment ? Bénie, peut être. Elle ferma les yeux un instant, le temps de se reprendre, celui aussi d'apprécier cette sensation nouvelle et loin d'être désagréable. Elle sentit la vague se retirer comme l'eau se retire de la grève, pour investir l'un des industriel de son oreille, et pulser régulièrement.

Son corps entier était électrisé par l'expérience, son poil ébouriffé.

Elle rouvrit les yeux, et fixa Yurai avant qu'elle ne s'enfuit.

Je prendrai le temps, alors, de prier et d'apporter des offrandes, pour honorer ce pacte.

La déesse se désagrégea, disparaissant dans le vent comme si elle n'avait jamais existé, les contours de sa silhouette se fondant avec l'ombre de l'église jusqu'à ce qui ne reste plus d'elle que cette radiance dans l'oreille de la louve ailée. Cette dernière s'avança de quelques pas vers la statue dressée fièrement.

Merci, Yurai.

Elle resta un instant au pied de la statue. Elle était plus apaisée qu'à son arrivée. Elle inspira et laissa son pouvoir se glisser hors d'elle, la réchauffer en une réminiscence de la vague thermique provoquée par Yurai précédemment, et s'étirer dans l'église. Il n'y eut rien, pas un remous, pas une onde, rien qu'une sensation de calme et de chaleur qu'elle sentait se propager tout autour. Elle soupira, apaisée. Elle se sentait...

Bien.

Elle resta dans les environs quelques temps - combien ? Impossible à dire - avant de franchir les portes de l'église dans l'autre sens. Elle devait... Elle devait en parler, en parler avec quelqu'un, et qui de mieux que-

Elle agita ses ailes deux, trois fois, électrisée, avant de prendre son envol le sourire aux lèvres, vers le dédale Nakhu.

Sobieski !

Avant même d'atterrir, son cri perça les environs :

Sobieskiiii je l'ai euuuuuuuuuuu !

Et ce hurlement ne s'arrêta que lorsqu'elle percuta le corps chaud de son meilleur ami. Elle lécha les larmes qui glissaient le long des joues du loup pastel, et secoua la tête.

Ahah merci Bibiiii ! C'est grâce à toi ! Grâce à vous tous !

Elle se redressa et fit quelques pas dansants autour de lui, toute excitée et complètement gagnée par cette joie dont il débordait. Eva frissonna, et s'obligea à se calmer et arrêter de marcher partout avant de reprendre la parole. Elle sentait un sourire sur son visage qu'elle ne pouvait supprimer, bien plus fort qu'elle, et qui menaçait de manger ses oreilles s'il continuait.

Grâce à Yurai, je vais encore mieux pouvoir vous protéger. Je te le promets.

Plus jamais. Plus jamais, elle ne laisserait quelqu'un avoir mal sous ses yeux. Elle ne serait plus passive devant l'adversité, mais trouverait toujours une façon d'apporter son soutien, quel qu'il soit.

Mais ça ne suffit pas à Eva, quand Sobieski lui offrit tout ces compliments qui lui amenèrent les larmes aux yeux. Elle grogna et attrapa le loup de ses deux pattes avant pour l'attirer contre elle en une étreinte étouffante, frottant son museau dans le pelage doux, si doux du jeune plus si jeune que ça. Elle ne le libéra pas avant un long moment, profitant de cet instant de paix et de calme.

Elle s'était faite happer par les Nakhus comme une nasse choppe un poisson ; arrivée presque par hasard la voilà qui se trouvait incapable de partir. Sa famille d'origine lui manquait, oui, mais elle avait trouvé de quoi combler en partie le gouffre qu'ils avaient laissé dans son coeur. Et elle ne s'imaginait pas ré-ouvrir cette fissure pour tout l'amour de l'exploration du monde, non. Elle avec des racines trop épaisses, trop enfoncées sur ces terres pour songer à les en enlever. Partir, même loin, pour quelques temps, pourquoi pas. Ca pouvait encore s'envisager. Mais reprendre son rythme de migration auquel elle était habitué...

C'était tellement étrange. Jusque là elle avait observé les espèces sédentaires avec une certaine pitié. Pauvres loups qui ne découvraient pas le monde et observaient toujours les mêmes paysages ! Mais maintenant, elle comprenait enfin ce qu'ils pouvaient ressentir. Elle entendait toujours les paysages inconnus l'appeler et pulser dans son sang... Mais ils n'étaient plus seuls.

Eva finit par relâcher Sobieski, mais sans lui laisser l'opportunité d'aller bien loin.

Tu es si précieux, Sobieski. Ce monde a tellement de chance de t'avoir. Et je suis tellement heureuse de pouvoir compter parmi tes amis.

Son sourire s'élargit.

Ca va être ton tour, maintenant, d'aller dire bonjour à la Corneille pour récupérer ton glowstick. Tu le mérites autant que moi.

Loin d'avoir l'impression d'avoir mentoré Sobieski en cette relation unique qu'avaient mentor et apprenti, elle avait eu l'impression de grandir en même temps que lui, en se nourrissant de ce qu'il lui apportait.

Elle sourit, et chassa les larmes au coin de ses yeux du bout de ses patte, les cueillant délicatement sur ses coussinets.

Ça comme tout, je veux bien le partager avec toi Sobi.

Elle recula d'un pas et poussa du museau ce dernier.

Mais c'était plus une suggestion pour quand tu te sentiras prêt. On ne l'a pas beaucoup évoqué, mais pour moi, tu es entièrement prêt à aller voir la Corneille si tu en as l'envie. Ou tu peux rester membre du clan sans glowstick, si tu n'en as ni l'envie ni le besoin. Avoir ou non l'aval de la corneille ne changera jamais qui tu es et ce que tu vaux, et tu es parfait comme tu es, Sobieski.

Elle lui sourit.

Mais sache que si un jour tu veux aller la voir, tu as tout mes encouragements pour ça, et je n'ai aucun doute que Yurai t'assistera dans tes quêtes personnelles.

Après tout, il était déjà tellement ! Et répandait autour de lui tout ce qui lui semblait correspondre aux Nakhus. Gentillesse, douceur, joie de vivre...

A l'évocation des anniversaires de glowstick, elle éclata de rire. Il avait de la suite dans les idées, Sobi ! Les notes cristallines moururent doucement, remplacées par des a-coups amusés. Elle releva le museau et mordilla l'oreille de son ami, en l'écoutant attentivement. Trouver sa place...

Si je peux t'y aider, n'hésite surtout pas. Que ce soit en discutant, ou même juste en t'écoutant, ou si je peux t'aider de quelconque façon tu sais où tu peux me trouver. C'est aussi mon rôle, en tant que mentor, et je me sentirais bien mal que de m'y dérober.

A l'idée du festin, elle en avait l'eau à la bouche. Mais si l'idée ne lui inspirait pas une motivation démesurée, les derniers mots de Sobieski la touchèrent droit au coeur. C'était un appel, auquel elle ne pouvait que répondre. Son sourire s'adoucit, et elle agite les oreilles.

Pour moi je ne sais pas, mais célébrer Yurai avec une grande fête est une idée vraiment formidable. Je suis sûre que Raison et Crystal seraient fous de plaisir à l'idée de la réaliser, et qu'ils aideraient avec les légumes qu'ils cultivent depuis maintenant des mois. Et Volstein serait probablement heureux de présider si joyeuse assemblée. Oui, vraiment, je pense qu'il faudrait mettre ça en place ! Tu as raison, ce sont des moments importants qu'il faut provoquer et chérir.

A la question sur son pouvoir, elle se couche sur le sol et glisse son museau plus profondément dans son collier de poil.

Mmh je ne pense pas, non. Mais regarde...

Le choix de mot était mauvais, il n'y avait rien à voir. Eva ferma les yeux et laissa la douceur de Yurai l'envahir. Le rythme de son coeur ralentit peu à peu, ses plumes frémirent, son glowstick s'illumina un peu plus fort, sollicité. Et la vague chaleureuse qui l'entourait encore de sa visite à la corneille s'amplifia peu à peu, calmant les âmes et les coeurs, comblant les micro-coupures et les maux, et apaisant les craintes.

Elle hocha la tête.

C'était presque douloureux de ne pas pouvoir l'aider, mais d'un autre côté elle était ravie de le voir s'émanciper et chercher son propre chemin de son chef. Elle le trouvait, un peu malgré elle, dépendant de son environnement. Et si elle aimait la façon dont il se reposait parfois sur elle, le voir prendre du recul était plaisant aussi.

Elle ferma les yeux et inspira. Elle aimait cette proximité physique qu'entretenait Sobieski avec ses proches. Parce qu'elle en faisait partie. Et que ces contacts, malgré le manque d'habitude de la plupart des loups, ressourçaient tellement. Sentir une fourrure sous ses pattes, chatouiller son museau. Humer une odeur, une présence. Ressentir la chaleur exhaler d'un corps en garde à ses côtés. Toutes ces petites marques qui nous faisaient nous sentir vivants, mais surtout aimés.

Le sourire qui s'étend sur le visage de Sobieski vaut tout. Absolument tout. Elle se damnerait pour ce sourire, et éliminerait la terre entière si c'était pouvoir le faire revenir. Elle copia ce sourire sur son propre museau. C'était amusant comment les images qui venaient en tête du loup pastel étaient toutes... Radieuses. Chaleureuses. Douces, et agréables. Comment pouvait-il en être autrement ?

Alors elle laisse son pouvoir flotter comme un nuage autour d'eux, sans le raviver mais sans le chasser non plus, chape de bien-être qui les étreint comme un cocon et dans laquelle ils se prélassent. Eva est ravie.

Tellement heureuse.

Comment le monde pourrait-il tourner autrement ?