Renaissance de la grâce — [Finition du temple] LIBRE

« Renaissance de la grâce »
Anianka & Libre

Plus que quelques détails, c'est tout ce qu'il restait pour terminer la nouvelle demeure sacrée de la Tigresse. Anianka avait travaillé dur pour terminer les escaliers, pour creuser cette roche épaisse en un trou assez profond et grand pour y siéger la grande fontaine. Heureusement, ses filles avaient été présentes pour l'aider car personne n'était venu. Elle espérait aujourd'hui voir Teddy ainsi que ce solitaire béni de Moiro, et pourquoi pas même Méluciole, cette enfant désespérée. Anianka s'efforçait de rester patiente, et surtout compréhensive envers son ami aux cornes.
L'avertissement de sa déesse était resté tristement gravé dans ses pensées et une profonde déception avait marqué son visage et son regard depuis son apparition. En réalité, Anianka était perdue. Elle ne savait plus quoi penser de sa meute et surtout de Moiro. Mais elle devait terminer ce qu'elle avait commencé, elle devait en finir une bonne fois pour toutes avec ces travaux.

Elle déposa une petite sculpture de tigre à l'entrée de la grotte qui, lors de la prochaine prière, grandira comme celui sculpté par le solitaire et à eux deux, ils protégeront le temple comme pour l'ancien. D'une démarche un peu lassée, elle traîna derrière elle plusieurs lianes recouvertes de ronces et de roses. Elle les accrocha aux parois, puis avec les quelques fleurs qu'elle avait ramassée dans la matinée elle forma tout un chemin de pétales immortelles d'un rose doucereux jusqu'au fond de la grotte.

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Renaissance de la grâce

Tout son corps se fit visible, ses ailes semblaient presque solide. Il s’était toiletté pour l’occasion, son poil semblable à des vagues poussé par le vent qui s’y engouffrait. Dans sa gueule, une fourrure douce et délicate, un vison du plus bel effet. Et dans cette fourrure, quelques unes des fleurs les plus rares et les plus complexes à cueillir. Il en avait fourni des efforts, soulevé des montagnes d’énergie pour trouver les accessoires les plus pertinents. Bref, Judas avait donné de son temps à des recherches complexes et il en était plus que fier en arrivant face à l’entrée de la grotte. Atterrissant le plus gracieusement possible, il dévisagea les deux sculptures. Elles étaient quelque peu perturbantes par leur différence de taille mais le mâle secoua le museau, tentant de ne pas se poser de question. Il comptait bien épater sa déesse et faire en sorte que Jésus soit jaloux de tout ces efforts pour elle.

Lorsqu’il entra, suivant le chemin de pétales, il put observer la prêtresse de Moiro. Il ne la portait pas réellement dans son coeur mais il la salua d’un mouvement de la tête et continua aussi sec. Il s’en fichait de sa réponse, il avait un cadeau pour la déesse de la beauté. Ses cheveux étaient attachés vers l’arrière, laissant son visage le plus visible possible. Quand la fontaine en devenir s’afficha à lui, il déposa délicatement le paquet, déroula la fourrure, et posa les fleurs élégamment. Puis il se laissa aller à une petite prière silencieuse.

Anianka

Elle peaufina le chemin de pétales d'un léger coup de patte, déplaçant ces dernières avec un certain perfectionnisme. Une ombre aux allures canines s'allongea devant elle et elle leva les yeux vers un étranger aux longs cheveux roses attachés. Il portait en lui l'odeur d'un Lazuli et pourtant elle ne l'avait encore jamais aperçu. Un nouveau membre ? Ou peut-être avait-elle été trop recluse sur l'île pour ne l'avoir jamais croisé ? Après tout, il n'aurait jamais pu être arrivé récemment avec le dôme.
Elle l'observa s'avancer jusqu'à la fontaine sans un mot, clignant simplement des paupières en gage de réponse à sa salutation. Il lui parut plutôt proche de la déesse, quand bien même ce temple était cruellement vide. Aurait-elle raté le passage d'un nouveau disciple ?

Je crois que nous n'avons jamais été présenté. Je suis Anianka, la prêtresse de ces lieux. Es-tu ici depuis longtemps ?

Interrogea-t-elle calmement tout en se déplaçant de l'autre côté de la grotte pour y déplacer des cailloux inutiles.

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Jamais présenté, oui, jamais il ne lui avait adressé la parole. Et pourtant la raison même en était simple, il ne l’appréciait juste pas. Et ce n’était pas la seule bien sûr, l’amour et l’amitié n’avait jamais tenté le jeune mâle bleu. A part Jésus bien sûr, il se fichait bien de la meute. Quelque part son sang de solitaire bouillait encore quelque part, note sourde à ses oreilles mais si présente. Il n’avait jamais été plus qu’un imposteur qui se fait passer pour un meutard, Moiro devait bien le savoir mais elle l’avait accepté. Sans conditions elle l’avait baigné dans sa lumière. Alors que la prêtresse, cette louve cherchait autre chose, un pouvoir au-delà des cadeaux divins. Comment pouvait-il l’apprécier ainsi ? Cela ne se pouvait bien entendu. Judas releva le museau et ses pupilles en forme de croix se posèrent sur le pelage épais de la dame. Un petit rire à peine audible s’échappa de ses babines et il lui dit sur un ton mielleux :

« Judas, pour vous servir prêtresse ! »

Il accompagna la suavité de ses mots par une révérence et plaça son aile droite sur son poitrail pour montrer une sorte de respect. Faux cela va s’en dire. Puis il releva le museau et continua avec un grand sourire :

« Nous n’avons jamais été présenté je le crains. Cependant je suis ici depuis que je suis enfant, il me paraît étonnant qu’en tant que porteur de la grâce, nous n’ayons jamais fais connaissance. Ce serait un immense honneur que de vous compter parmi mes humbles connaissances ! »

Il allait s’en dire que Judas ne voulait que se faire bien voir pour être tranquille derrière.

Anianka

Elle s'interrompit dans sa tâche lorsqu'il gloussa et la salua en toutes bonnes grâces. Un peu surprise mais satisfaite, elle peignit un sourire qui se voulait complice.
Son regard inquisiteur ne mit que quelques minutes à jauger ce personnage étrange. Il avait l'art du bien parler, de la superficialité et de la finesse, tout ce qui faisait un parfait disciple de la tigresse.

La queue de la prêtresse remua doucement derrière elle à la manière d'un félin.

Un honneur partagé, je n'en doute pas, Judas.

Répondit-elle tout aussi mielleusement, ses paupières s'abaissant légèrement sur ses grandes prunelles ambrés.

Étonnant, oui.. C'est effectivement très étonnant que tu ne te sois pas présenté à moi avant ce jour.

Ou peut-être pas tant que cela, à y réfléchir. Peu de monde l'adorait, elle était réputée pour être soit crainte, soit trop superficielle. Mais quoi qu'il en soit, elle était la prêtresse de Moiro et elle était celle qui conseillait et accompagnait ses disciples, ou ceux en devenir. Et en tant que tel, aucun porteur de sa couleur ne pouvait espérer lui échapper.

Mais peut importe, tu n'avais de toute évidence pas besoin de mon aide pour réussir l'épreuve de notre chère déesse.

Poursuivit-elle toujours souriante. Elle s'approcha de quelques pas tout en le fixant avec une insistance presque intimidante.

Et je t'en félicite. Parle moi un peu de toi, Judas. Je suis curieuse de faire ta connaissance.

Libre

Renaissance de la grâce

La vieille vicelarde que voilà, il fallait vraiment que ce soit à lui de se présenter ? Elle ne manquait pas d’air, Judas maintint pourtant son masque sans même tressaillir. Le mâle se releva, quittant ces instants de courbettes pour redevenir le disciple du rose. Puis il prit un air faussement étonné et répondit avec un naturel travaillé.

« Oh mince, je pensais que ma basse extraction ne méritait pas toute votre attention. Je m’excuse de mon manque de réflexion ! »

Le cueilleur posa une patte sur sa bouche en cœur. Il se donnait à fond pour ne pas paraître too much mais parfois c’était limite plus naturelle pour lui d’exagérer plus encore. Il fit mine d’être à nouveau interloqué par la prêtresse.

« Oh je doute que ma vie vous intéresse tant, il n’y a rien d’exceptionnel dans ma vie. Je fus recueilli très jeune dans la meute, depuis il n’y a rien de réellement sensationnel là-dedans. Mais vous ? Votre vie semble si remplie, vous avez même des enfants jeunes malgré les soucis qui sont les vôtres. »

Il marqua une pause, jetant un regard de haut en bas sur la louve brune. Puis il reprit comme s’il avait fait une bourde (qui était volontaire bien sûr mais chut) :

« Oh ne le prenez point mal, je parlais du dôme. Le dôme n’est pas propice à la venue d’être tout neuf et tout innocents. »

Battant des cils comme une pétasse, il s’attendait à une rival de qualité dans la puputerie.

Anianka

Le sourire qui sculptait son visage enjôleur ne fit que de s'agrandir davantage lorsque le disciple rose s'excusa avec un sarcasme qui se voulait subtil. Tout ceci n'était que courtoisie servile, des flatteries hypocrites qu'ils s'amusaient à échanger. Cela pouvait être agaçant, mais pas pour Anianka qui prenait plaisir à jouer ce petit jeu.

Judas resta sur la défensive et n'en dévoila pas plus que ça à la prêtresse qui mima un air déçu.

La réussite de ton épreuve auprès de Moiro est en soi quelque chose de sensationnel, n'est-ce pas ?

Sa voix monta presque exagérément dans les aigus et son museau se releva un peu plus pour accompagner cette interrogation rhétorique.

Les soucis qui sont miens ? Répéta-t-elle en haussant une arcade d'un air perplexe tout en alignant son visage en face de celui de son interlocuteur.

Elle souffla des narines comme pour étouffer un rire et souria avec amusement.

Tu as l'air d'être plus informé que tu n'en as l'air, Judas. Je ne t'apprendrai donc sûrement rien de nouveau. Mais ce dôme n'est-il pas aussi ton soucis ?

Ah.. si il savait réellement tout. A moins qu'il n'ait un pouvoir de télépathe, il n'y avait aucune chance que cela soit possible.

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Il fallait le dire, c’était bien plus simple de la détester cette vieille biquer que de l’aimer. Comment avait-elle réussi à se trouver un mâle qui veuille bien procréer ? Judas resta avec sa question qui trottait joyeusement dans sa tête. Regardant ce jeu de dupe d’un œil amusé, il appréciait malgré tout de pouvoir jouer à armes égales avec la prêtresse. Un plaisir qu’il ne dissimula qu’à moitié, peut être qu’avec le temps ces deux âmes s’entendraient ? Lui en doutait un peu mais la possibilité ne fut pas écartée pour autant. Bon Anianka ne rentrait pas qu’à moitié dans le lard non plus, ce petit côté mordant avait un certain charme. Quant au cueilleur, il se dandina sur place, mimant une personne flattée :

« Oh ne soyez pas si élogieuse prêtresse, ma réussite est tout au plus banal comparé à la vôtre ! Devenir prêtresse si aisément et reconstruire un temple est bien plus sensationnel, je puis vous l’assurer ! »

Comment était elle devenu prêtresse d’ailleurs ? N’y avait-il pas eu une histoire que certains ont si bien fait de colporter aux quatre vents ? Toujours était-il que le mâle n’en savait pas grand-chose, si cela piquait et bien soit, ce serait sa fierté mais sans quoi il ne s’agit que d’une banalité de plus.

« Oh mais je suis pleinement concerné par le soucis du dôme ma dame, seulement mes moyens sont bien plus limités que l’oreille attentive de notre gracieuse déesse. Mon rôle n’est pas bien important et ma contribution n’est que minime. D’ailleurs n’étions nous pas là pour embellir davantage les lieux ? Je me ferais une joie de vous prêter main forte si besoin. »

Judas tenta de bifurquer pour écourter un peu ces palabres stériles. Après tout, il était venu là pour offrir des présents à Moiro. En serait-elle heureuse ? Peut être, de toute façon, il n’était pas prêtre, il n’était pas au courant de ces choses. La seule fois qu’il l’avait vu, cela n’avait pas durer des heures. Un jour peut être seraient-ils amenés à se parler à nouveau. Le bleu se demanda ce qu’il devait ressentir vis à vis de la déesse, qu’aurait fait Jésus avec Ao ? Tiens, il irait peut être le voir ce cher maître des souffrances et de la sagesse. Sortant de ses idées, il lança bêtement, comme si il parlait de la pluie et du beau temps :

« Mais si vous n’avez besoin de rien, je me rendrai certainement utile au temple d’Ao. Mon ami a besoin d’un grand soutien en ces temps troublés. »

Aider son ami, où le laisser le frapper avec force, il jubila à cette pensée.

Anianka

Je ne vois pas ce qu'il y a de sensationnel à reconstruire un temple, je n'ai fait que mon devoir.

Elle s'avança d'un pas, le visage un peu plus froid, les paupières plissées. Sa voix baissa légèrement dans les tons graves.

Il est regrettable cependant que seuls mes enfants et moi-même ayons contribué à son évolution.

Où étaient-ils ses disciples lorsqu'elle avait besoin d'eux pour reconstruire le temple ? Quelle belle ironie. Puis comme si cette attitude devenue méprisante n'était qu'un coup de vent sur son visage, elle regagna son sourire mielleux et son regard amusé.

Toutes contributions quelles qu'elles soient sont les bienvenues, Judas. Tu as un rôle important dans le cœur de notre déesse, c'est quelque chose qu'il ne faut pas négliger.

Elle se détourna et alla rejoindre une branche qui lui servait de balai.

Bien sûr..

Sa voix coula comme un murmure alors qu'elle lui glissa un dernier regard, un dernier rictus charmeur.

Au plaisir de te revoir, Judas.

Car leur chemin se recroiseraient sûrement, ils n'étaient pas si différents après tout, et Anianka était la seule prêtresse de ces terres.

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