Solitude n'avait jamais vu un endroit pareil.
En même temps, il venait d'un monde froid, où la simple notion de relief était un concept abstrait. Sur son plateau balayé par un blizzard continuel, le moindre rocher s'érodait si vite qu'il était vain de s'en servir comme point de repère : bien souvent, avant qu'une année ne se soit écoulée, il avait disparu. C'était d'ailleurs une véritable prouesse qu'accomplissaient les loups du Peuple du Froid, de parvenir à se repérer dans la tempête quasi perpétuelle que subissait le plateau. Ils parvenaient à se guider en saisissant les infime fragrances,en repérant les collines ensevelies et le lit des cours d'eau gelés, ne se s'orientant que très peu à l'aide de leur vue, paupières quasi-closes pour lutter contre la neige.
Alors qu'ici, fermer les yeux aurait été du suicide.
C'était bien la première fois qu'il se trouvait face à un si grand trou, et il fallait dire que, pour une fois, il n'était pas complètement rassuré. Ses pas étaient hésitants, incertains, indéniablement emplis de cette certitude que la moindre fausse manœuvre le précipiterait à coup sûr dans le précipice. là, tout de suite, présentement, il maudissait cette idée débile qu'il avait eue de s'aventurer dans le coin, poussé par cette curiosité étrange, presque enfantine, celle qui pousse les petits à manger de la terre où à poursuivre les papillons.
Sauf que, rendu où il en était de sa descente, il ne pouvait guère faire demi-tour.
Quelques mètres sous lui, il y avait cette petite plate-forme qui semblait stable, et qui paraissait s'ouvrir sur un creux dans la roche, comme une petite caverne, où le grand mâle pensait trouver un peu de répit avant de poursuivre sa descente. En quelques mouvements plus en force qu'en habileté, il parvint à s'y glisser, non sans faire céder une petite corniche sous son poids. Ici, il se laissa choir quelques instants, reprenant son souffle.
Un bruit, léger, atteignit son oreille.
Il n'était pas seul.