Soleil Rouge — Justice, Tabralt... [Raid Scorpion]

Soleil Rouge | Raid Scorpion

Joaquín rôdait.

Pas au gré du vent, laissant le destin et ses pattes le porter vers de nouvelles aventures comme il l'avait tant fait ces derniers mois, non : cette fois-ci il avait un but. Un but très précis. Mais pas de destination en tête. Juste une cible.
S'il n'avait pas eu la possibilité d'officier comme petite main au sein gang qu'il avait rejoint à l'époque au pays — gang à cause duquel il était au final coincé ici, exilé bien loin des terres auxquelles il appartenait –, les quelques semaines qu'il avait pu passer avec les mécréants locaux qui lui faisaient à l'époque office de collègues lui avaient permis de se découvrir un certain talent pour le pistage. Selon ses camarades, c'était dû à ses origines principalement autochtones, et à son sang relativement préservé de la marque des colons qui avaient eu la bonne idée d'envahir ce qui allait par la suite devenir le Mexique bien des générations plus tôt : apparemment, ses gènes dits primitifs l'auraient rendu bien plus apte à survivre par ses propres moyens dans ce terrain hostile qu'était leur Canyon, et lui auraient permis d'être notamment plus attentifs aux détails. Il n'avait à l'époque pas trop su quoi en penser, jugeant qu'il était alors plus probable qu'il soit simplement moins con que les gens qu'il côtoyait, ce qui n'était, à en croire son avis, vraiment pas très difficile. Quoiqu'il en soit, c'était sur lui que comptait la fine équipe lorsqu'il était question de traquer quelqu'un ou quelque chose. Il avait donc eu la possibilité de se faire la main. Et constaté qu'il n'était effectivement pas mauvais à ça.
Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait rien pisté d'autre que des proies, généralement passées peu de temps avant lui : rien qui n'ait demandé de réel effort, rien qui n'ait été à la portée de n'importe quel loup.

Lorsqu'il s'était attelé à la tâche, au petit matin alors que le soleil pointait tout juste à l'horizon et embrasait peu à peu le ciel, il avait craint d'être un peu rouillé. L'animal qu'il traquait là était passé bien des jours plus tôt et n'avait pas laissé beaucoup de traces, tout au plus s'était-il contenté de laisser un putain d'oeuf dans son terrier avant de se faire la malle. Mais fait était qu'après une bonne heure à fureter un peu partout autour de sa demeure, le nez à ras de terre, ses yeux balayant le sol de droite à gauche, de gauche à droite, Joaquín avait finalement réussi à accrocher une piste. Et il ne l'avait plus lâchée depuis.
Là, perdue sous une fine couche de sable et de poussière, sommeillait la trace du passage d'une créature sans nulle doute hostile qui connaissait son oasis, savait où trouver son terrier, et pouvait revenir à tout moment. Qui plus est la nuit.
Joaquín n'avait pas envie de déménager.
Certes, il avait considéré l'éventualité d'emballer ses clics et ses clacs et d'aller s'établir à la Passe Ventue, à présent que celle-ci était vierge de toute meute, et surtout accessible. Vivre là-bas était une idée qui lui plaisait beaucoup.
Mais Joaquín était quelqu'un qui pouvait s'avérer assez rancunier, parfois. C'était le cas aujourd'hui.

A présent qu'il avait recouvré ses forces et sa lucidité après s'être battu avec un putain de bébé scorpion croisé cactus qui avait eu la bonne idée de sortir de son oeuf chez lui, il était sacrément remonté et fermement décidé à se débarrasser de la menace potentielle. Il en avait marre de jouer les gentils : ça n'amenait décidément rien de bon. Il était temps pour lui de se secouer un peu, faute de quoi au rythme où ça allait, à trop s'adoucir, il serait mort d'ici quelques mois.
La piste se perdait, parfois, mais il la retrouvait toujours. Et à chaque heure qui s'écoulait il sentait qu'il était un peu plus proche du but.
Certes, il avait envisagé qu'y aller seul n'était pas une bonne idée. Mais qui aurait-il pu aller chercher ? Les vagues connaissances qu'il avait étaient pour la plupart des solitaires dont il ne savait même pas où il pouvait les trouver. Cela excluait bien entendu Misiek, qu'il ne voulait en aucun cas mêler à toute cette histoire. Et puis, il avait son honneur. Sa petite fierté mâle de mec quand même un peu macho, sans doute. Il voulait surtout régler cette histoire rapidement, et aller chercher d'autres gens pour l'aider aurait pu le conduire à perdre toute chance de retrouver ce scorpion avant... eh bien, avant que le scorpion ne le trouve le premier. Ca l'aurait aussi fait passer pour un mec qui ne savait pas gérer sa vie tout seul, et ça, ça la foutait mal.
Même si pour le coup, quand bien même il se refusait à se l'avouer, de l'aide n'aurait pas été de refus.

Il contournait une nouvelle dune et arrivait en vue de ce qui avait probablement dû être une petite oasis et n'était maintenant qu'un tas de souches et de pierres poussiéreuses lorsqu'un frisson parcourut son échine. Levant la tête, il regarda autour de lui. Voilà que ça recommençait. Ce noeud dans ses entrailles. Cette raideur dans la nuque.
Il y avait dans les parages un autre réchappé du Monde Rouge. Il huma vaguement l'air, veillant à ne pas perdre l'odeur du scorpion.
Tiens.
Un heureux hasard. Si hasard il y avait ?

La dernière fois qu'il était descendu de ses montagnes suite à l'injonction de ses entrailles pour se diriger vers le désert, il n'avait pas croisé la route de celui qu'il cherchait.
Enfin, concrètement, il ne connaissait pas l'identité de celui qu'il cherchait. Il n'avait que de vagues idées et indices. Le premier étant que la source vague du lien provenait du désert au fin sable argenté, pas si loin des montagnes, et que de tous les loups qu'il avait pu pour l'instant attribuer au Monde Rouge, il n'y en avait qu'un qui puisse selon lui s'établir joyeusement et durablement dans ce genre d'endroits.
Il pouvait également s'agir d'un tout autre individu qu'il n'avait pas encore rencontré, aussi.
Mais la dernière fois il n'avait pas pu en avoir le cœur net. A peine avait-il finalement décidé de suivre cette piste, faute d'avoir une meilleure activité à exécuter pour la journée et cédant ainsi aux injonctions répétées du Lien, que celle-ci, qui avait été stable durant plusieurs jours, s'était finalement évaporée lors de son arrivée. Une sacrée blague.

La journée n'avait pas été totalement perdue cependant puisqu'une fois qu'il avait foulé le sable encore frais du désert, une nouvelle corde avait tiré en son ventre, dans une direction différente, et il avait recroisé la route du jeune Horus.
Mais cela était l'histoire d'un autre rp même pas encore avancé, nous n'allons donc pas nous attarder sur ce point.

Désormais, il était de retour pour suivre l'autre présence qui s'était de nouveau manifestée.
Elle était lointaine, à peine tangible. Elle se déplaçait. Mais cette fois, elle restait cantonnée au désert. La piste ne s'évaporait pas dans l'air chaud et trouble, elle se contentait d'avancer dans une certaine direction.
Et il trottinait derrière, docilement, suivant le sentiment de plus en plus familier qui depuis des mois - plus d'un an déjà ?- se manifestait régulièrement, bien trop régulièrement. D'âme plus ou moins libre qui cherchait à se défaire d'anciennes chaînes, il passait à esprit piégé de nouveau soumis à des impulsions qui n'étaient siennes et qu'il trouvait bien difficile à ignorer.
Même si au fur et à mesure qu'il en domptait la présence, il parvenait également à y voir les avantages sous-jacents qu'il pourrait exploiter.

Il ne mit pas tant de temps que ça à le retrouver.
Il n'avançait pas très vite bien qu'il soit au milieu de nulle-part, et la tâche noire qu'il formait sur le tableau clair des dunes frappées de soleil ne pouvait se manquer. Justice avalait la distance à bon rythme, les yeux rivés sur cette silhouette qui devenait peu à peu familière et à laquelle il n'associait pas plus de bien que de mal. Un savant mélange des deux constituait sa relation avec le solitaire - un compagnon de troubles tout comme une augure de choses potentiellement agréables, comme ce moment partagé avec la petite louve blanche avait pu le montrer.
Il le vit lever la tête pour humer l'air tandis qu'il s'approchait de plus en plus, une oreille pivotant en sa direction comme s'il avait capté sa présence quand bien même sur ce sol si particulier ses griffes étaient pour une fois silencieuses.
Mais lui aussi ressentait ce pincement annonciateur au fin fond de ses tripes, n'est-ce pas ?

Il ralentit le rythme quand il ne fut plus qu'à quelques foulées du noir et rouge, le détaillant brièvement du regard. Son poil était couvert de poussière, comme s'il marchait ici depuis un bon moment déjà, mais il n'y avait pourtant rien d'intéressant à la ronde d'après ce qu'il avait pu noter des brefs coups d’œil jetés à l'immensité qui les englobait.
Mais après tout, Justice n'était ni devin ni un médium capable de lire les pensées et les désirs des autres, aussi passait-il probablement à côté de quelque chose d'important pour le mâle noir qui l'avait mené à s'enfoncer jusqu'ici.

— Qu'est-ce que tu cherches ?

Sa tête s'inclina légèrement sur le côté et il battit une fois des cils, réellement curieux de savoir dans quel genre d'objectif le solitaire avait bien pu s'engager en plein cœur d'une zone désolée et quelles occupations pouvaient finalement avoir les autres sans-clans comme lui, très loin de l'éventuelle tanière qu'il s'y était creusé s'il avait décidé de poser bagages ici.

Comme il s'y était attendu, Joaquín aperçut la silhouette svelte de ce solitaire dont je ne savais toujours pas s'il connaissait le nom qui se détachait sur l'azur du ciel, là, en haut d'une dune. Ce dernier le rejoignit rapidement.
Il songea que c'était la troisième fois qu'il trouvait d'une certaine manière l'autre en train de le suivre. Non ok il ne le remarqua pas mais moi je trouve que Justice a un petit côté creepy stalker quand même. Le genre de mec que tu serais pas surpris de voir jaillir hors d'un buisson lorsque tu prends ta douche dans le courant d'une onde pure, typiquement. Ce qui ne risquait pas d'arriver à un mec comme Joaquín, qui entretenait avec l'eau sous toutes ses formes une relation assez conflictuelle.
Anyway, l'autre lui demanda, sa curiosité visiblement attisée, ce qu'il pouvait bien être en train de chercher. Mais Joaquín n'eut pas le temps de répondre, car voilà que le vent lui apportait une autre odeur, familière également. Il tourna la tête et vit l'autre solitaire des neiges, Tabralt, qui descendait prudemment une dune voisine, et venait droit dans leur direction. A croire que ce mec aimait se rendre dans des milieux pour lesquels il n'était clairement pas fait. Il le suivit lentement du regard tandis qu'il finissait d'avaler la distance qui le séparait d'eux, et une vague moue amusée vint étirer le coin de ses babines lorsque l'armoire à glace au pelage définitivement trop épais pour ces températures prit la parole.

— Toi tu aimes bien les endroits chauds aussi, on dirait railla-t-il avant de tourner la tête vers Poil Ras : Je cherche... mh... alacrán. J'ai comptes à régler avec.

Bien sûr, tout ceci aurait été bien mystérieux s'il avait utilisé le mot escorpión qui veut aussi dire scorpion, mais où aurait été le suspense ?
Il huma rapidement l'air, avant de désigner d'un signe du museau l'oasis dévastée, à quelques dizaines de mètres d'eux. Avec ses plantes mortes et ses vieilles pierres, il n'aurait pas été surpris d'y trouver l'arachnide. Enfin, encore fallait-il le débusquer. Il avait cru comprendre que l'animal n'était pas forcément friand de soleil, au vu de la réticence qu'avait eu la version miniature de rester dans son terrier au lieu d'en sortir pour l'attaquer lorsque l'aube avait commencé à pointer, quelques jours plus tôt. Il restait encore quelques heures avant que le crépuscule n'arrive : si le scorpion mère ne sortait effectivement que la nuit, il avait encore un peu de temps pour quadriller le secteur, et espérer le trainer hors de sa cachette avant que le soleil n'ait définitivement disparu. Ca pourrait lui faciliter la tâche.

— La pista va par là.

Il amorça de se diriger en direction des grosses pierres, et ralentit un instant, leur jetant un regard par dessus son épaule :

— Vous pouvez venir si vous voulez mais ça risque d'être... mhhh... désagréable.

Il se souvenait parfaitement de la douleur lancinante causée par la piqûre de cette saloperie, et était juste heureux qu'elle ait depuis totalement disparu et qu'il n'y ait pas eu le moindre effet secondaire. Il espérait juste que ces créatures étaient solitaires. Pas envie d'avoir à passer sur toute une armée de ces bestioles. Enfin, jusque là il n'y avait bien qu'une seule piste : c'était plutôt bon signe.
Il ne le dirait jamais, par fierté là encore, mais il était plutôt heureux que sa route ait croisé celle des deux autres solitaires.
Sous ses dehors taciturnes, Joaquín était comme tous les loups un animal social. Ce n'était pas pour rien qu'il avait choisi de rejoindre un gang, à l'époque.
Il aimait se battre, certes. Mais se battre en équipe, eh bien, c'était quelque chose de différent, ça avait un côté grisant, et ça lui manquait beaucoup, pour être franc.

Ses yeux plongés dans le regard électrique du mâle noir, il s'attendait à recevoir une réponse imminente sur laquelle il devrait se concentrer intensément pour en démêler les syllabes mais celle-ci fut distraite par quelque chose. Le solitaire venait de tourner vivement la tête, attiré par quelque chose.
Tout naturellement, Justice en fit de même, se mettant instinctivement sur ses pattes et contractant ses muscles avant même de voir ce qui venait de se pointer.

Ou plutôt, qui venait de se pointer.
Car ce n'était pas quelque chose mais quelqu'un qui descendait maladroitement l'une des hautes dunes en leur direction. Ou plutôt dans la direction du mâle à plumes, puisque le nouveau venu fixait principalement son attention sur lui, ne jetant que de brefs coups d'oeil à l'autre présence qu'il représentait. Pas du tout à l'aise sur le sable qui se dérobait sous ses pattes, il lui laissa le temps d'en observer la carrure -haute et assez épaisse avec ce poil fourni- et l'allure, ses yeux parcourant méticuleusement la fourrure grise et la crête blanche, les muscles de ses membres et les modestes bandes de cuir les enveloppant. Sa première supposition fut de dire que celui-ci n'était pas non plus du coin.
Il aurait pu, avec ce pelage bicolore aux teintes rosées, mais quelque chose chez lui ne paraissait pas ancré dans l'étrangeté de ce morceau de continent.
Et maintenant qu'il était proche, il lui suffit de tendre le cou vers lui et de humer l'air chaud et sec pour confirmer en partie ses dires. L'odeur qu'il portait flottait par-delà les montagnes et n'avait pas encore eu le temps de se fondre avec le fumet des endroits d'ici.

L'inconnu leur adressa un signe de tête, puis s'adressa directement à l'autre.

— Ah. Je me disais justement que ça ne m'aurait pas étonné de te croiser ici, Joaquín.

Alors ces deux-là s'étaient déjà croisés.
Justice glissa un coup d’œil vers son congénère, puis à nouveau vers le nouveau venu au poil gris qui cette fois-ci le regardait lui. Ses oreilles se redressèrent un peu plus et il releva un peu le menton sans se détourner de son regard vert, dans l'expectative d'une question qui ne vint pas. Au lieu de ça, Roakine lui répondit finalement.

— Je cherche... mh... alacrán. J'ai comptes à régler avec.

Ah, très bien.
Plusieurs pensées défilèrent en son esprit. La première était qu'il était quelque peu hasardeux de s'engager vers un objectif qu'il n'avait strictement pas compris puisque, comme prévu, il avait été énoncé d'un mot étranger. La deuxième découlait directement de la première puisqu'il se disait que tout cela pouvait être potentiellement dangereux, surtout quand un loup tel que... Lui disait avoir des comptes à régler avec l'alakrane. Tout cela n'était décidément pas la voie de la prudence et il y avait de bonnes chances pour qu'il ne parcourt pas le désert à la recherche de ciboulettes.
En revanche, il y avait le souvenir flottant de la dernière fois qu'il n'avait pas compris un mot, avec son histoire de parasites, qui l'avait bien fait flipper pour pas grand-chose -question d'écart de culture, probablement. A ce compte-là, un alakrane pouvait tout aussi bien être un mille-pattes qui était passé trop près de lui et l'avait profondément vexé, voire un virevoltant du désert pour un tas d'autres raisons. Il pouvait également avoir mal formulé cette histoire de comptes à régler.
En bref, avec un peu de chance, il était peut être juste à la recherche de quelque chose pour décorer sa tanière et rien de potentiellement mortel ne les attendrait au bout du chemin.

Roakine se dirigea vers un amoncellement de déchets naturels desséchés par le soleil et la chaleur -un parfait abris pour de vilaines bestioles, aurait pensé Justice s'il avait su que ce genre de choses pouvait se terrer ici- et Justice lui emboîta le pas, balayant ses doutes et ses hésitations d'un haussement d'épaules.
Après tout, ça l'occuperait au lieu de refaire directement la route vers les montagnes en l'abandonnant à sa quête. Et puis ils étaient trois, avec l'autre solitaire gris et mauve. A trois mâles visiblement en forme, rien de mal ne pouvait leur arriver au beau milieu d'un vaste désert, n'est-ce pas ?
Le solitaire noir lâcha une nouvelle phrase qui remua vaguement ses interrogations, mais il qualifiait déjà de désagréable le soleil se reflétant sur le désert brillant qui aveuglait ses yeux et les grains qui se coinçaient dans ses griffes et ses narines.
Alors on n'était pas à une balade près dans un désert brûlant.

•••

Ils avaient fouillé sur les traces de Roakine sans parvenir à savoir réellement, et une bonne fois pour toutes, ce qu'il cherchait. Tous les trois étaient visiblement peu bavards par nature, et avoir une tâche sur laquelle se concentrer -une piste qui était censée aboutir- n'améliorait pas leurs envies de discussion.

Désormais, le crépuscule tombait sur les dunes d'argent, apportant avec lui une brise fraîche et accueillie par Justice avec un soupir de soulagement.
Ils ne trouvaient pour le moment rien de satisfaisant aux yeux du mâle noir au poil dru.

Leur lançant un dernier regard, il s'éloigna de quelques pas tranquilles pour aller prendre une pause à l'écart, s'allongeant sur le tapis de sable qui regagnait en cette fin de journée une agréable température, fermant les yeux quelques instants au moment où le soleil disparaissait derrière un sommet, profitant du silence.

Vous l'avez longtemps cherché. Ta piste, Joaquin, t'as mené vers une large zone de sable, plane. De ci de là, quelques cactus. Rien de bien intéressant en somme. Le soleil couchant donne même une ambiance relaxante au désert.

Pourtant, quand les derniers rayons du soleil se meurent dans le ciel, et que la pénombre commence à peine à vous lover, le sable tremble. De manière beaucoup trop localisée pour un séisme.

FOR: ••○  |  AGI: ○○○ |  END: ••• (30pvs) | ING: ○○○
De la hauteur d'un dromadaire

Le scorpion aussi t'as cherché Joaquin. Le poison de son petit coule dans ses veines. Tels les frelons, cela les attire, venin bourré de phéromones pour mieux pondre dans ta carcasse. Et elle est très, très énervée de voir que tu n'es pas un nid pour sa lignée.

Ses pinces sifflent vers toi, cherchant à t'attraper, pour mieux te piquer.

Joaquín 10PV

En dépit des apparences, la piste avait continué par delà l'oasis. Lui qui avait cru finalement toucher au but avait renquillé pour plusieurs heures.
Mais la chaleur ne l'affectait pas, car il avait un but.
Lorsque Joaquín avait un objectif, ce qui était par ailleurs assez rare depuis qu'il s'était établi sur ces terres où la vie était globalement assez tranquille — à quelques apparitions monstrueuses près –, son esprit donnait le rythme, et son corps devenait machine. Il ne ressentait plus ni les tiraillements éventuels de ses muscles après une longue journée de traque, ni la brûlure du soleil sur son dos, ni même la soif, lorsque cette dernière finissait par s'emparer de sa gorge. En clair, il passait en mode festival.

Cela faisait maintenant un bon moment qu'ils étaient arrivés dans cette grande étendue étonnamment plane, et il se savait tout proche. Il tournait en rond, les odeurs s'entremêlaient, et il lui était difficile de savoir quelle partie de la piste était celle qu'il était en train de remonter lorsque celle-ci, épousant une courbe, repassait par un endroit qu'elle avait précédemment emprunté. Il tournait littéralement en rond, et les cercles qu'il décrivait se faisaient de plus en plus étroits.
Une brise fraîche lui hérissa le poil et il leva le nez vers le ciel : voilà que la nuit tombait et il le remarquait à peine. Un bref coup d'oeil alentour lui indiqua que les deux autres étaient toujours là : Poil Ras s'était installé dans un coin et Tabralt semblait sur le point d'en faire de même. Si cette chose était comme son rejeton, elle risquait fortement d'attendre le coucher du soleil pour se pointer : ce n'était plus qu'une question de minutes.
Pas de point d'eau en vue, constata-t-il en observant le paysage.
Regrettable, mais il avait avec lui la force de deux alliés pour venir à bout de la bête. Il devait reconnaître que se savoir en bonne compagnie avait un côté rassurant. Il n'avait pas vraiment idée de ce à quoi il allait se heurter, mais ils avaient l'avantage du nombre. Et puis ça faisait un bail qu'il n'avait pas fait ce genre de chose.
Attaquer. Avec d'autres. En groupe.
Ca lui manquait.
Distrait par cette perspective, sans doute plus fatigué par la traque qu'il ne l'aurait voulu, il mit un peu plus de temps qu'il ne l'aurait dû avant de remarquer que le sol s'était soudain mis à trembler.
C'est l'expression surprise de Tabralt, face à quelque chose qui se trouvait non loin de lui, qui déclencha le coup de jus qui permit à son esprit de se remettre en marche. Faisant volte-face, Joaquín put voir exactement la même chose que cette petite merde qui était venu lui pourrir sa nuit quelques jours plus tôt, mais en beaucoup plus grand, qui s'extirpait du sol, toutes mandibules dehors.
C'était beaucoup plus balèze que son gosse. Il était bien heureux d'avoir défoncé sa progéniture rapidement, laisser ça se balader librement dans le coin n'aurait clairement pas été un bon bail.

— Me cago en su puta madre... marmonna Joaquín avec un mouvement de recul, son poil triplant de volume en quelques instants à peine.

Presque immédiatement l'énorme scorpion se rua dans sa direction, balançant ses énormes pinces dans sa direction. Joaquín ne chercha pas vraiment à esquiver. Tout au plus bondit-il en arrière pour ne pas se faire attraper, encaissant le coup avec un grognement. Il vit Tabralt qui se jetait sur le scorpion, et en fit de même. Tous crocs dehors, il tenta de s'approcher du ventre de son adversaire, et mordit... eh bien, il mordit là où il pouvait, en fait.

A peine avait-il eu le temps de fermer les yeux quelques secondes, profitant du souffle agréable de la brise venue caresser son visage, que quelque chose dans l'air avait changé.
Au début ça ne suffit pas à l'alarmer. Il resta paisiblement allongé, paupières closes, inspirant plus profondément l'air qui s'était adouci après les chaleurs étouffantes de la journée -et ils n'étaient qu'en fin d'hiver, qu'est-ce que cela donnerait d'ici l'été ?

Mais quand le sable sous ses pattes s'était mis à s'agiter, une myriade de grains de sable dansant alors de part et d'autres de ses griffes, il n'avait eu d'autre choix que de sortir de son apaisement.
Pour voir un putain de monstre. Encore un.
Ses yeux s'agrandirent soudainement sous la surprise et, il fallait bien l'avouer, l'agacement. Il semblait bien qu'il ne pourrait pas y avoir, pour une fois, une journée normale en compagnie de Roakine.
Le seul avantage qu'il pouvait voir à la situation étant que malgré l'apparence hideuse et franchement hostile de cette créature carapacée de vert, il semblait cette fois-ci s'agir d'une faune à peu près native à l'endroit et qui n'avait l'air de rien porter de surnaturel en elle. C'était déjà un progrès.

Comme à chaque instant où le danger devenait imminent, son esprit se mit à tourner en accéléré, ses muscles se durcirent, et la multitude de petits chocs électriques qui parcouraient son corps le dressèrent sur ses pattes avant même qu'il n'en ait lui-même formulé l'ordre. Son corps et son instinct prenaient le contrôle, et il fut debout en une fraction de seconde, museau froncé sur des longs crocs découverts.
La dualité du temps qui s'enclenchait lorsque démarrait un conflit et que la chaleur se répandait dans tout son organisme ne cessait jamais de le fasciner. La façon dont toutes ses pensées et ses gestes semblaient s'enchaîner rapidement et sans bavure, fluides, bien plus souples qu'en temps normal, alors même que tout allait pourtant si vite et qu'il n'aurait pas du être capable de réfléchir si clairement. Pourtant, dans ce moment où ses muscles relâchaient leur tension pour le lancer en direction du combat, il eut tout le loisir de repenser à ce moment où il s'était dit, un peu plus tôt, qu'il n'était peut-être pas sage de se lancer sur les traces d'un alakrane dont il ne connaissait rien.
Et pourtant, il était là. Ils avaient trouvé l'alakrane et il se retrouvait mêlé de nouveau à une guerre qui n'était pas la sienne.
La dernière fois, il n'avait pas eu le choix.
Là, il courrait vers un gigantesque scorpion orné de charmantes fleurs roses de par sa propre volonté. En quelque sorte.

Car malgré tout, il avait accepté de venir l'aider. Et maintenant qu'il était là il n'allait pas le laisser se faire empaler par un arthropode un peu inhabituel, tout comme le solitaire noir avait, étonnamment, fini par suivre sa trace pour tenter de l'aider hors du Monde Rouge.
Il pouvait bien lui rendre la pareille.
L'autre solitaire s'était également joint au combat, bondissant sans hésitation sur la créature, tous dansant habilement pour éviter les pinces, et après avoir rattrapé la distance qui le séparait des autres en quelques foulées supplémentaires il se jeta à son tour dans le tourbillon de sable et de fumée levé par la lutte.
Tentant de refermer ses crocs au plus proche de ce qui semblait être la tête de la chose, fouillant de ses crocs dans les interstices plus mous entre chaque plaque de cuticule.

Tabralt, ton attaque aurait pu être féroce, si tu n'avais pas attaqué sa carapace. Verte, luisante, un désert de picots et d'aiguilles, aussi solide qu'un rocher. Tu ne l’égratignes même pas. Ce n'est probablement pas ici qu'il faut croquer. Une partie plus molle peut être.
Comme ton comparse Joaquin fait. Le ventre se déchire d'un large lambeau de peau, et le scorpion hurle. Il s'agite. Et Justice en profite. Ses crocs déchire une partie de son crâne, craquant le peu de chitine le recouvrant. C'est douloureux. Tellement douloureux que la femelle géante décide de changer de cible.

Elle fait claquer ses pinces, siffler son dard. Et elle attaque.

Les cris de l'animal sonnaient comme la plus douce des mélodies à ses oreilles.

Ses crocs refermés sur un lambeau de il ne savait même pas quoi, en fait, il secoua énergiquement la tête jusqu'à ce que ça s'arrache. Puis bondit rapidement en arrière pour éviter de se prendre un coup de patte et faire un état des lieux rapide.

A ses côtés, Justice puis Tabralt s'en prenaient successivement à la tête de la créature, qui ployait sous le coup sans obtenir le moindre répit. Un rictus étira les babines de Joaquín, qui passa sa langue sur ses crocs, recouverts d'un liquide poisseux.
En cet instant, il était bien.
Mais pas le temps de savourer la sensation grisante de l'adrénaline qui courrait dans ses veines : il lui fallait agir au plus vite. Et dans la mesure où ils étaient trois, il y avait peut-être moyen d'obtenir rapidement un avantage certain.

— Il faudrait essayer de le mettre sur son dos ! aboya-t-il aux autres.

Exposer ainsi les parties les plus sensibles tout en bridant ses mouvements et notamment ses possibilités de les piquer avec son dard de mort qui était nettement plus imposant que celui de sa défunte progéniture. Ca se tentait.
Curieux d'éprouver sa théorie, il sauta de nouveau vers le scorpion, plus exactement vers l'espace qui se trouvait entre lui et le sol, puis se ramassa sur lui-même avant de bondir de nouveau de toutes ses forces, vers le haut cette fois-ci. Son épaule en avant, dans l'espoir de faire bélier et de mettre à mal l'équilibre de sa cible.

Ses crocs pénétrèrent la peau solide de la créature une seconde à peine après qu'elle eût commencé à hurler.
Il sentit son sang envahir sa gueule, un sang dégueulasse et piquant qui ne donnait même pas envie de se repaître de sa chair mais l'électrisa tout de même de la satisfaction d'avoir touché au but et d'avoir fait des dégâts -au son des morceaux de crâne qu'il sentait céder et craqueler dans sa mâchoire, le cri de douleur était justifié.

Il s'accrocha autant qu'il put malgré les mouvements de recul violents. Seul le coup de pince qui érafla son épaule et le déséquilibra le força à relâcher sa prise en un bruit de succion désagréable.
Il s'éloigna temporairement de la chose de deux bonds vifs en arrière, empêchant ses pinces et son dard qui s'agitaient en sa direction de l'atteindre à nouveau. Un bref coup d’œil à la balafre déchirant sa peau lui indiqua que la plaie était minime et qu'elle soignerait rapidement -tant mieux. Il passa sa langue sur ses crocs pour en retirer la substance gélatineuse et s'attarda quelques instants sur ses deux camarades, revenus à l'assaut de l'insecte géant pour continuer d'en déchirer la chair et d'en répandre les entrailles flasques sur le sol du désert. C'était plutôt bien parti et aucun d'entre eux ne s'était pour le moment retrouvé incapacité par les appendices menaçants de la bestiole qui face à trois assaillants avait bien du mal à établir une quelconque stratégie.
Il dressa les oreilles à la phrase de Roakine, suivant du regard le mâle noir se jeter sur le monstre vert pour tenter d'exécuter sa stratégie. Queue haute et tête basse, ressortant ses épaules dont il fit rouler les muscles, Justice se laissa de nouveau parcourir par un frisson d'adrénaline et fit claquer sa mâchoire dans le vide avant de se lancer à sa suite dans le tourbillon de sable argenté dégagé par leur formidable énergie.
Ses yeux bicolores cherchèrent ceux de la créature, ronds et sans âme, et bien que la chose ne puisse certainement pas lire ou comprendre son expression c'était pourtant bien pour elle qu'il arbora un rictus lui révélant tous les crocs qui s'apprêtaient de nouveau à s'enfoncer dans sa chair.

Le solitaire à plumes avait bondi sous son ventre et donna une poussée vers le haut d'un bond puissant ; Justice lui sauterait sur un de ses côtés pour la poussée latérale qui aiderait à retourner la bête. Tout en gardant pour cible cette chair plus clair et plus juteuse qui répandait déjà son sang sur le sable.

Ça fait mal. Ouh, oui, très mal. Elle souffre tant que l'ichor suintant de ses plaies vous éclabousse quand elle se cabre, qu'elle se tortille. Elle agite sa queue, ses pinces. Et puis.

Et puis elle fait quelque chose que vous n'attendiez pas. Elle tourne sur elle même, balayant de sa queue la zone. Et vous rase tous au passage. Elle vous éjecte de sa gueule, de son ventre ; et même de plusieurs mètres tant le coup est violent. Le fouet épineux claque, vous embroche un peu de ses aiguillons, déversant son venin dans vos corps.

Et elle en profite pour s'enterrer dans le sable.

Si doux, si protecteur ; ne laissant dépasser que sa carapace de picots. Il va falloir la déterrer ou ruser via les dès réussites loups, car elle est, pour ce tour, intouchable.