Apprends moi, montre moi ce Savoir qui t'anime [Ft Désastre]

Il s'était retourné une dernière fois, sur Pepper s'éloignant. Puis c'est sur le loup à l'allure sauvage que s'étaient reportés ses yeux, alors que sa bouche restait en ce trait stoïque, comme dans l'unique expression qu'il paraissait souvent avoir.
Désastre le suivit sans un mot, détaillant chaque mouvement que pouvait bien faire le panseur. La façon dont il déplaçait ses pattes pour à chaque fois faire un pas de plus, la façon dont ses longs cheveux bougeaient en rythme sur ses épaules. Comment ses cornes prenaient naissances sur son crâne pour partir si loin derrière lui, lui faisant se demander s'il pouvait les user pour se défendre.
Ou si c'est seulement en décoration, qu'elles existaient sur son corps.

Désastre se pose tant de questions, mais rien ne vient pourtant franchir ses lèvres.
Il est une présence discrète. Il ne veut surtout pas l'incommoder, lui qui acceptait déjà de lui fournir son savoir.
Comme un mentor.
C'est ce qu'il deviendrait, hein ?
Si le rang qu'il lui proposerait aujourd'hui lui plaisait. Voilà qu'il ne serait peut-être pas Épée, finalement, mais pourrait s'inscrire en tant que Panseur.
Son propre choix.
Le premier.

Ils entrèrent tous deux dans une grotte, Tawana un pas avant lui. Désastre découvrit les loups déjà présents. Des anciens. Des femelles, plus jeunes que Pepper. Louves qui se rapprochèrent, de plus en plus...même un peu trop... Sans qu'il ne recule d'un pas, relevant vers elles ses yeux rouges.
Il salue la plus raisonnable.

« Bonjour, dame..? »

Il ne connait pas son nom. Il connait peu les noms des autres, n'y attache pas beaucoup d'importance, les oublie parfois comme il aimerait qu'on oublie le siens.
Des pas rapides frappent le sol, il vient une autre louve. Qui le touche et l'envahie ! C'était inhabituel, un tel comportement.
Et lui, de se senti soudain dépassé, un peu.

Désastre se retrouva dans les pattes d'une louve qui ne cessait de passer son museau sur son ventre, de la même façon qu'Anette pouvait bien le faire. Il affichait des yeux ronds et ne pipaient mots, ne sachant quoi dire ni quoi faire.
Dans l'incapacité d'agir, de préférer la passivité.

Tawana vint pourtant le sortir de là, calmant la dénommée Nashka en l'emportant loin d'elle. La tension disparait, son corps se ramollit quand il le prend en gueule. Plus besoin de se tendre, bientôt il sera loin.
Les marques d'affection était une chose le dépassant. Et puis, il ne parlait pas beaucoup non plus, se contentant de lâcher parfois un petit mmh à l'une des femelles, avant l'intervention du mâle.
Apprendre était plus attendu. Il était là pour ça.

Dans une grotte plus silencieuse, Désaste se vit déposé. Tawana s'excuse, il agite une oreille et répond.

« Anhéa te ressemble le plus... Plus calme. »

Il préférait. Se relevant de sa position, Désastre fit alors le tour de la grotte, ses yeux se promenant avec une curiosité non dissimulée sur tout ce qui s'y trouvait. Les nombreuses plantes. Ce qui servait à faire du thé, aussi, du moins le pensait-il.
Puis de se tourner vers lui, les oreilles écartées sur son crâne et braquées vers lui. Attendant les renseignements, attendant les directives.
Il avait besoin de ça, Désastre.
D'écouter, ou savoir ce qu'il devait faire.

Désastre obtempère.
Il obéit bien, on l'a éduqué pour que jamais il ne contredise un ordre. Ses oreilles sont dressées en avant, une plus que l'autre. Il est sourde d'une, par une otite mal soignée lors de sa petite-enfance : il ne s'en souvient pas, ne sachant qu'avoir été frappé par le mal de l'hiver. Il se dit qu'il aimerait savoir vite, comment on bat une otite.
Au cas où elle lui prendrait l'autre oreille. Il aimait le silence mais ne voulait devenir sourd, il voulait encore entendre les voix des siens et apprendre d'eux.

Assis sur le pouf fait de feuilles et d'herbes sèches qui bruissent lorsqu'il s'y assoit, ses yeux sont rivés sur ce que Tawana posait sur la table. Il détaillait en silence le moindre objet, retenant quelques dixième de seconde son souffle à chaque fois que quelque chose de nouveau était montré.
Désastre avait soif de savoir, cela se lisait dans ses yeux.
Et s'il n'avait encore demandé explicitement à Tawana de faire de lui son apprenti, parce qu'il s'agissait d'une demande qu'il lui offrirait à la fin de cette journée si l'activité lui plaisait plus que le combat... Tawana fit comme s'il l'était déjà.
Dans sa manière de procéder.
Dans ses paroles et dans ses gestes précis qui lui laissaient tout loisir de les retenir. Tout devant lui, rien dans son dos.

L'odeur du basilic frais envahie ses narines, comme le fumet du lièvre.
Il n'a plus faim, mais c'est agréable.

Dans le mortier la chair est pressé, avec les herbes. Du sel, qu'il sait trouver dans la mer, se joint au mélange. Tawana forme des boules qu'il laisse ensuite de côté, quand petit à petit se dépiaute le lapin. Celui-ci perd os, organes et consistance, se transformant petit à petit en ces médicaments prêts à être pris.
C'est fascinant.
L'enfant hoche la tête aux explications, ferme à peine les yeux. Il ne veut rien louper, il veut tout capter. Tout voir, tout comprendre...

« Mmh. »

Il hoche la tête, à chacune des explications. Qu'il ne croit pas que l'onomatopée, brève, soit un manque d'intérêt. Au contraire. Il était trop captivé, à ancrer à sa mémoire les gestes du loup à l'allure sauvage, pour seulement parler plus. Il voulait encore entendre sa voix, plutôt que de faire entendre sa sienne.
Et puis, Désastre n'était pas un grand bavard.

Il retint ce qui concernait le Basilic, et il est hasard de savoir que ce même nom composerait son pouvoir.

Enfin, il parle un peu plus.

« C'est bien pour soigner les maladies de l'hiver, le basilic. »

Maintenant, il lui en faut plus. Ça délit sa langue, comme avec le thé.

« Pour les otites aussi ? »

Je peux essayer de faire une boulette ?

Il ne se vexe pas, Désastre, lorsqu'il le reprend sur son erreur. Ce sont des choses qu'il accepte et comprend, dans un orgueil que n'a pas l'enfant. Ce n'est pas grave : il était là pour se tromper, pour qu'on le corrige. Pour apprendre et évoluer. Il doit faire toutes les erreurs possibles maintenant, pour les éliminer et ne plus jamais les refaire.
Il n'a besoin que d'une fois, pour comprendre. Assez attentif pour ne pas reproduire ce qu'on lui avait corrigé, par respect pour son enseignant. Qu'on ne pense qu'il n'écoutait pas, on ne pouvait se méprendre à ce sujet là. Ses oreilles sont tendues vers Tawana, un peu plus en avant que d'ordinaire. Les yeux sont rivés sur les pattes du guérisseurs, alors immobile alors qu'il lui explique

L'huile d'amande douce, l'huile de ricin... Du jus d'ail, aux propriétés antiseptiques, quand le basilic...avait des propriétés antioxydantes...

« Comment on fait de l'huile ? »

Il en parle, donc il doit savoir. Le détail n'a pas échappé à Désastre. Peut-être serait-il en mesure d'en faire, lui aussi ? Ça devait prendre du temps, à faire. S'il mettait des fleurs de ricins dans un bocal et qu'il le laissait au soleil, pouvait-il en obtenir ?
Son regard fixe l'établi, en attente d'une réponse.

À ton tour d'essayer.
« Oh. »

Ses commissures pivotent vers le haut. C'est l'ombre d'un sourire, un trait sur la feuille qui permettrait son esquisse.
Il se redresse, se saisit de la viande. Dans son esprit passe les étapes, décomposé en regardant Tawana.

Se saisir d'un peu de viande, que l'on arrache à la carcasse. On la jette dans le mortier.
On y ajoute des feuilles de basilic. La quantité semble importante ; il en met beaucoup.
Il appui sur le pilon. Y met sa force ! C'est un louveteau il n'en a pas encore beaucoup, pourtant déjà plus que les petits de son âge. De naissance est sa force, c'est son héritage.
C'est grossièrement que la viande et les feuilles vertes se retrouve mêlé, en une bouillie digne de celles que recrachait un parent pour son enfant.
La salive en moins.
Il en prend un peu, de ce mélange, le tourne entre ses pattes. Elles sont bien plus petites que celles du panseur, la boulette l'est donc aussi.

Puis il la dépose, celle là.
La contemple.

Sa première création.

Si elle avait été un dessin, il l'aurait accroché sur le frigo. Là, il aurait aimé l'offrir à Pepper. Pour lui montrer, ce qu'il avait fait.
Elle est un peu plus aplatie que celle de Tawana, elle n'est pas de sphères parfaite. Il a trop appuyé, en la plaçant sur le plan de travail, dans une maladresse enfantine.
Il la fixe et semble content, va même jusqu'à demander :

« Je pourrais l'emporter ? »

Ce n'est pas grave, s'il ne veut pas.

Il retient, Désastre. Il veut faire de l'huile et le lui offrir, en témoignage tant de son application que de son implication. Lui montrer qu'il avait retenu ce qu'il lui avait enseigné, qu'il retenait.
Qu'il pratiquait.
Il voulait lui offrir ce qu'il offrait à Pepper, en s'appliquant dans leurs défis quotidien. Alors il retient, oui, mais il ne comprend toujours pas. Car pour faire de l'huile d'amandes, il fallait de l'huile d'olive.
Une autre huile, pour faire une huile. Il lui manquait encore des renseignements.

« Et l'huile d'olive ? Comment on l'a, elle ? »

S'il savait comment faire l'huile d'olive, alors... Alors il aura la base de tout, oui. Il faudrait juste qu'il le voit faire, et ensuite... Tout serait bon. Est-ce qu'il lui montrerait ?
Il reviendrait le voir, pour ça. Et il lui demanderait.
Et il reviendrait encore, pour autre chose. Il voulait... Il voulait tout savoir.

Il avait besoin d'apprendre, pour soulager son corps à qui on en demandait trop.

Faire était tout aussi plaisait. C'était des mouvements doux, il fallait être délicat. La force, ici, servait un peu mais n'était pas un atout essentiel. L'ingéniosité l'était davantage... Il espérait développer cet aspect là, celui qu'il effleurait à peine aujourd'hui. Mais il était prêt à faire des efforts, pour rattraper son potentiel retard.
Désastre était en éveil.
Une éponge, à qui inculquer des tas de choses.

Un compliment vient, et ça fait se coucher ses oreilles en arrière. La gueule entrouverte, les yeux qui brillent, il prend un instant l'expression d'un chaton.
Il restait un enfant, content de satisfaire un adulte qui deviendrait l'un de ses exemples, bientôt.

« Merci. »

Il a l'air un peu plus détendu, maintenant. C'est comme s'il était enfin plus à l'aise.
Ou qu'il se souvenait n'être qu'un enfant.
Puis cette fois-ci, ça y est. C'est le sourire franc qui vient, quand il dit que Pepper serait contente, de voir telle chose apportée.
Il espérait que oui.
En voyant l'air plus épanoui que jamais, sur le minois de cet enfant d'ordinaire si éteint, elle ne pourrait que le laisser poursuivre dans cet voie.

Le louveteau quitte son tabouret, tourne la tête vers Tawana en ayant avant regardé une feuille. Je peux ? S'il acceptait, il en couvrirait sa boulette, l'emballant soigneusement pour ne pas l'abimer lorsqu'il la transporterait.
Puis...

« ...Je veux en savoir plus. »

Silence.

« S'il vous plait. »

Respiration en suspens, regard accroché à la bouche du loup-lycaon.
Il est si rare qu'il demande.

Désastre écoute tout ce que lui délivre le loup. C'est un savoir immense, un savoir qu'il n'a pas encore. Il a l'impression que quoi qu'il lui demande, Tawana saurait lui apporter une réponse. Il était comme une encyclopédie, dont on avait besoin de tourner les pages pour obtenir définition et protocole. Désastre enregistra, du mieux possible.
D'informations, il y eut cette fois-ci trop.
Il lui manquerait sans doute certaines choses, lorsqu'il essayerait de lui-même d'appliquer tout ce qu'il venait de lui dire. Alors il essaye de synthétiser, si son esprit le lui permet.

Cueillir des olives, les rincer, les sécher. Les dénoyautés, faire chauffer de l'eau, la verser sur la pâte.
Oh.
Faire une pâte, avec les olives. En les écrasant dans le mortier, il suppose.
Puis on écrase tout ça.

Il hoche la tête. C'est bon.

On mélange le tout, jusqu'à séparer l'huile du reste. Puis on recouvre, on laisse poser. On prépare un tamis. On filtre le tout.

Hochement de la tête. Il suit, c'est bon.

Puis d'un objet lourd, on presse la patte et on obtient l'huile, après avoir pipeter celle-ci, formant une autre phase avec l'eau il supposerait plus tard. Il n'avait encore ce savoir, de la densité des liquides.
Un jour. Sans doute bientôt.
Il remercie Tawana, d'un mot simple car il n'y a pas besoin de plus, et qu'il ne possède l'engouement de certains pour les longues phrases et les remerciements.

Et ensuite ?
La boulette est emballée, tout est peut être finie.

Penses-tu seulement, Désastre ?
Si tu veux en apprendre d'avantage, tu es le bienvenu ici. Je ferais de toi, ce que tu veux devenir.

« Je veux devenir votre apprenti. »

Il n'hésite pas, il confronte les yeux rouges dans ceux oranges, et le feu se crée entre eux.

Il s'était activé à la proposition, sans un mot ni même une onomatopée, emballant tant bien que mal la boulette dans un petit paquet de feuille, la liant d'un brin d'herbe, dans cette même maladresse qu'un enfant à qui on viendrait d'apprendre à faire un nœud. Puis il la suspendu entre ses canines, la laissant pendre un peu.
De l'oreille valide, il entendit la voix d'une sœur dont le nom, déjà, lui échappait.

Ainsi, Pepper était d'elle-même venue le cherchant, achevant ses tâches d'alpha pour lui consacrer son temps.
Ou peut-être se doutait-elle de cette demande, au fond, et ne venait-elle que constater d'elle même ce qu'il en était.

Sur son visage neutre, on ne pouvait pas vraiment le savoir. Elle était sérieuse, Pepper, pour autant pas hostile. Et oui. Oui, au fond, elle se doutait, de cette demande qui pendait devant son museau. De la déviance du droit chemin qu'empruntait son fils. Elle n'était en droit d'intervenir, pourtant.
Cela aurait été malvenu.
Et rien n'empêcherait qu'elle poursuive ses ambitions, que d'en faire un soldat. Elle ne suspendrait aucun de ses entrainements, car il saurait associer ces deux apprentissages pour en tirer le meilleur. Il serait aussi bon sur le champ de bataille qu'entre les cataplasmes et les infusions. Il deviendrait un panseur d'élite.
Qui soigne et qui défendra blessés et mourants, sans risquer de périr.
L'idée esquisse un léger sourire, sur ses babines, alors que Tawana lui annonçait la prise de son fils en tant que disciple.
Elle s'affichait satisfaite.

«Très bien, j'en prends note. Il suivra vos enseignements avec ferveur, je le sais et lui fait confiance comme je vous fait confiance. »

Et sans doute viendrait-il le trouver à une même horaire chaque jour, dans la routine sur laquelle Désastre construisait sa vie. Rejoignant Pepper, il y avait en lui l'ombre de cette même satisfaction, ce sourire en moins.
Il avait choisi quoi devenir, aujourd'hui.
C’était la première fois, qu'une idée ne lui était pas imposé par Pepper.

Ainsi quittèrent-ils le panseur avec quelques dernières politesses, à lui et à ses sœurs, mère et fils rejoignant leur lieu de vie et leur silence coutumier.