› Saqqarah › Mâle › 1 an› Etelkrus
L’esprit embrumé, Saqqarah avait quitté les terres foisonnantes de vies depuis quelques heures. Le pas lent et tranquille du reptilien l’emmenait vers les terres Lazulis. Il s’y était déjà dirigé une fois. Il s’en souvient il s’était perdu en cherchant quelques plantes que ça soit. C’était avant que Tawana devienne son mentor et ne dirige correctement ses recherches. Le loup à cornes étaient à ses yeux un excellent mentor, qui respectait autant la vie que lui, ce qui lui plaisait énormément, car Saqqarah mettait la vie des créatures de ce monde sur un piédestal. Saqqarah aimait le vivant, c’était quelque chose de si important pour lui.
Son pas fluide et calme le guidait dans les ombres du matin. Il avait quitté le territoire Etelkru pendant la nuit, sous la voute céleste qui brillait tendrement accroché à un ciel d’encre. Le mâle adorait la brise nocturne, y entendre les pas des proies qui n’osaient sortir le jour. Le vol silencieux de quelques oiseaux qu’il voyait passer au dessus de sa tête avec surprise. Mais ici, ni rapace, ni renard aux pas feutrés, ni biche qui broute paisiblement avant l’arrivée des chasseurs du jour. Ici, juste une terre craquelé et froide. Une terre morde, où la vie a disparue. Ou presque. Ici et là quelques insectes qui survivent comme ils peuvent. Civilisations miniatures, organisés comme des pros pour survivre face à l’adversité.
Saqqarah s’arrêta, le souffle calme, la queue s’agitant dans un rythme lent. Ses oreilles se mirent vers l’arrière alors que sa queue de crocodile descendait lentement. Les arbres morts, asséchés par l’absence de pluie et d’eau dans la terre. Cette terre, qui avait une teinte grisâtre dans les ombres. Ça lui serrait le cœur. Lui provoquait une immense peine. Comment les terres Lazulis en étaient-elles arrivées là ? Comment la terre elle-même avait-elle pu mourir avec sa population ? Pourquoi la mort d’ailleurs ?
La mort était une chose vaste, un sujet floue dans l’esprit du mâle. Il ne saisissait pas cette chose fugace, qui en réalité ne dure qu’un instant d’éternité… La mort, c’était un arrêt du cœur et du cerveau. Médicalement du moins. Pour autrui, c’était la perte d’un proche… L’absence qui se forme… L’absence seule n’était cependant pas la mort. Ptah était absence, mais n’était pas mort. Pourtant Saqqarah souffrait de la même absence. La mort elle avait bien des visages, pour ceux qui restent, les visages de ceux qui se sont en allés, pour ceux qui les ont quittés, les visages ou l’apparence de ce qui les aura tués. Il serra les crocs, s’imaginant soudain devoir embaumer le corps de son père Reaper. La douleur grimpa dans sa gorge et lui donna la nausée.
A quoi bon vivre si on connaissait déjà la fatalité de cet existence qui n’a pas de sens ? Que reste-t-il après notre passage ? Quelques souvenirs ? Ou juste rien, comme l’atteste la terre désolé et mourante des Lazulis ? Et Tawana… Il lui laissera quoi, quand il partira ? Une absence de plus. Une douleur dans l’âme qui ne partira jamais… Un savoir et des connaissances vastes, mais qui ne lui auront pas suffit à le garder vivant… Saqqarah se mit à espérer mourir avant son mentor… Il détestait la souffrance, il subissait déjà celle des autres, soit de manière fugace et passagère. Mais tout de même. Il faisait attention à avoir peu de liens et à être insupportable pour ne pas peiner autrui… Et il songea alors que si la mort de son mentor le ferait souffrir, Tawana risquait d’éprouver de la peine à le voir mourir avant lui. Lui aussi pouvait se dire qu’il n’avait pas pu le sauver… Le mieux était de ne pas avoir de lien entre eux, mais c’était trop tard, Saqqarah avait déjà de l’affection pour son mentor. Il était piégé, un jour il le blesserait, ou il subirait la perte de son aîné.
Il secoua vivement la tête, serrant les crocs, il ne devait pas y penser. Il se remit en marche, foulant le sol de cette terre éteinte. Des loups avaient-ils vraiment perdu la vie ici ? Il ne voyait aucune trace de cadavre aucun vestige de vie lupine… Les Lazulis avaient pourtant vraiment existés ! On le lui avait dit, et il l’avait lu. Mais ils avaient tous disparus, sans laissé de traces de leur passage. Juste cette zone morte. Cet endroit sans vie et sans âmes. Ou quelques craquements d’arbres morts essayaient de combler le silence et l’absence des loups. Les dieux avaient tous rasés… Ils avaient rayés une population de la carte. Annihilé des coutumes et une façon de vivre.
C’est ce que pensé Saqqarah. S’il n’y avait de survivant, personne ne pourrait transmettre les connaissances des Lazulis. Aucun ne serait en mesure de raconteur leurs rites, d’expliquer leur façon de penser, de mettre en avant leurs dieux, ou même de les priés. Ces dieux là, que les Etelkrus n’adoraient pas, et que les Nakhus n’écoutaient pas plus… Les Readers ? Ils n’oseraient pas s’emparer de ce bout de territoire. D’abord ils n’auraient rien à y faire, de plus, leurs dieux marins n’auraient aucun intérêt à aller conquérir un territoire enclavé. A moins que l’océan ne s’abatte ici, mais il n’y croyait pas beaucoup. Quoi que, ça prouverait la supériorité des dieux.
Le jeune reptilien croyait en leurs existences, et il avait ici une marque de leur toute puissance. Ils avaient ravagés un très vaste territoire. Leur colère avait plongé leurs adorateurs dans la tourmentent, probablement aussi dans la famine, puis dans la mort. Si certains ne croyaient pas, ceux là étaient à ses yeux biens étranges. Peut être mêmes fous de ne pas croire. Certains lui diront sans doutes qu’ils croient en ce qu’ils voient. Alors ils devraient venir ici, voir ce que la colère des divins peut avoir comme effet sur les terres mortelles.
Il se demanda un instant si les loups de Punk Wolfs étaient entièrement soumis aux dieux. Ou s’ils avaient encore un peu de liberté. Après tout, si l’un d’eux désirait détruire toute une meute, cela semblait parfaitement possible. Il mit les oreilles à l’horizontal. A l’évidence, ils avaient le pouvoir de vie ou de mort sur eux. Ce qui fit mal au jeune loup… Si les dieux les aimaient, pourquoi les tuaient-ils ? Pourquoi les laissaient-ils mourir ? L’Etelkru décida de faire demi tour. Son périple ne menait à rien… A rien d’autre que sa propre douleur et ses propres cauchemars.
Au fond il s’imaginait les loups désespérés qui cherchaient un peu de nourriture ou d’eau. Ceux là même qui avaient mis un dieu en colère, mais n’avaient semble-t-il pas pu trouver son pardon. Ainsi donc, les dieux, comme la vie, ne pardonnent pas ? Il s’arrêta devant la massive carcasse d’un cervidé. Elle était déjà encrée dans le sol, il ne restait rien à ronger dessus. C’était un squelette poussiéreux et inerte dont les bois plantés dans le sol avaient sans doute étaient superbe du vivant de la bête. Il fixa un moment les trous inertes qui se trouvaient à la place des yeux de l’herbivore décédé.
Il ne craignait pas de voir un mort… Une fois que le loup était mort, il ne souffrait plus du tout. C’était les vivants, qui pleuraient, et se trouvaient souvent être inconsolables. C’est ce que lui avait dit Reaper. Il n’avait pas de mal à y croire… Saqqarah voulait sauver. Il voulait éloigner la mort. Lui dire de revenir plus tard, que le loup a encore des choses à vivre. Il se voulait sauveur, capable de guérir… Mais il savait qu’il aurait aussi des échecs, il était loin d’être idiot. Il avait conscience qu’un jour ou l’autre il verrait quelqu’un mourir alors qu’il cherchait à le sauver. Est-ce qu’il serait même amener à donner la mort pour soulager de la douleur ? Il secoua la tête à cette pensée, mordant sa langue et l’intérieur de sa joue, cherchant à oublier cette idée noire qui lui donnait le vertige.
Il savait que voir mourir serait une épreuve. Qu’il garderait ces poids toute sa vie durant et ne serait jamais capable de s’en débarrasser. Que pour ceux qu’il n’aura pas pu sauver, la moindre des choses sera de se souvenir d’eux… Encore et encore… Ne jamais les oublier, pour que leur mémoire subsiste. La mémoire ne meurt pas … Elle reste, elle traverse les générations comme le vent qui n’a jamais de limite, quand il n’est pas sur une terre, c’est qu’il souffle sur une autre. Il prit une longue inspiration. Il vivrait, lui, il se battrait, pour que ceux qu’il peut sauver vive le plus longtemps possible. Il deviendrait un excellent Panseur, et combattrait la mort chaque jour. Son ennemi n’est pas un loup, et ce ne sont pas les dieux. Si les dieux choisissent l’instant de la mort, il doutait fortement que Mido, Dairo, Aka, Yurai, et tous les autres, n’ordonnent ou n’obligent les loups à s’entre tuer.
Il devait parvenir à étouffer les conflits, a éviter le maximum de blesser et de morts dans l’avenir. Si les loups ne s’entre tuent plus les uns les autres. Il éliminera déjà un facteur de la mort… Ensuite, il faudra qu’il se souvienne toujours de ceux qu’il n’aura pas pu sauver, et qu’il soutienne toute sa vie ceux qui sont encore là à penser tristement à leurs défunts… Il remua vivement la queue, s’inclinant devant le cervidé, même dans sa mort, celui-ci l’avait aidé. Non pas à vivre jusqu’au jour suivant en le nourrissant. Mais en lui montrant qui était celui qu’il devrait combattre jusqu’à ce qu’il soit seul face à cet ennemi intrépide et puisant ; La Mort. Car Saqqarah savait très bien que si durant toute son existence il cherchait à éloigner l’ennemi de la vie, un jour, cet ennemi viendrait devant sa truffe pour lui donner le coup de grâce et lui rappeler que malgré cette bataille, ce sera toujours lui qui la gagnera. Car la vie est une bataille, mais le seul vainqueur au final, c’est la vanité…
Saqqarah s’éloigna au petit trot, un sourire effleura ses babines. Il avait décidé d’être un obstacle à tous les plans de la mort. Et il ne faillerait pas, il se battrait chaque jour pour survivre et faire vivre les siens jusqu’au lendemain au moins. Et chaque jour qui passe, sera un jour de plus de gagner contre la faucheuse.