Shallow — Anette

Ce n’était pas à elle qui venait à toi cette fois.

Les enfants avaient été laissés aux bons soins des nourrices, afin de leur permettre de se socialiser avec les autres de leurs âges. Cela ferait du bien et permettrait à Sheina de faire une petit pause de ces enfants bien dynamiques quoique adorables. Les griffes de l’hybride crissèrent contre la roche qui menait jusqu’à la tanière d’Anette, venant se blottir contre le corps musclé de l’alpha, quelque peu fatiguée. Alexandrine, Anita, Floyd et Narcisse avaient cet effet sur elle, de la fatiguer après tout, lorsqu’ils n’étaient plus autour d’elle. La prêtresse observa avec douceur, Anette, battant de ses longs cils alors qu’elle prenait la parole avec une certaine tristesse.

« — Ils grandissent bien trop vite… »

Tu avais encore l’impression qu’ils étaient dans ton ventre Sheina, protégés, à l’abri de tout, donnant des coups de pattes pour manifester de leur présence. Mais c’était fini cette période, ce temps où il suffisait que tu te protèges pour les protéger eux, maintenant ils étaient en dehors de ton corps et bien décidés à vadrouiller…

La prêtresse observa la louve beige, venant lui donner un petit coup de museau affectif.

« — Cela faisait combien de temps que nous n’avions pas eu un moment à deux ? »

Bien trop longtemps au goût de l’hybride…

La tanière était un peu vide, un peu froide.
Elle était un tout petit peu désœuvrée. Un temps mort à la fois apprécié, loin des demandes, des projets et des stratégies...  Mais aussi loin de ses enfants, enveloppé dans un silence chaotique qui annonçait bêtises, quand ils galopaient par ici. Mais rien pour cette fois. C'était absolument étrange maintenant qu'elle c'était ajustée à la cacophonie qu'ils produisaient, ici ou dans la tanière aux marais. Elle observait donc avec curiosité, la tête posée au sol, les places laissées vacantes après avoir confiés ses trésors aux nourrices. Cet ennui était perturbant, une sensation qui ne lui était pas arrivé depuis extrêmement longtemps. Logique peut-être, avec une vie si remplie. Mais elle avait l'impression que sitôt arrivé, cet état de bouillonnement heureux repartait déjà.

Elle eu un petit frisson, sentant sa grotte un peu vide.
Mais une douce chaleur s'invita dans la pierre.

Anette redressa la tête et se tourna juste à temps, car déjà venait se poser contre elle un autre pelage ras, une truffe pointue et deux ailes qui formaient un cocon. Elle trouva immanquablement les yeux violacés entourés de longs cils auxquels elle s'attendait. Ils portaient un peu de fatigue, loin de l'ennui. Pourtant, elle y retrouvait comme elle cette légère nostalgie, sous forme d'une tristesse languissante. Les quelques mots qui lui furent adressés en premier lui confirmèrent que Sheina elle aussi, avait cette sensation qui la taquinait. Anette en rit doucement, et entoura sa compagne d'une patte rassurante.

Le petit coup de museau et la suite lui tailla le visage en une statue d'espièglerie et d'adoration.
Plus d'ennui pour l'Alpha alors, maintenant qu'elle avait cette âme auprès d'elle pour la réchauffer. Ces mois d’ébullition de vie avaient été certes fantastiques, mais il était vrai qu'elle n'avaient pu se retrouvées comme par le passé. Sheina était sa confidente, la mère de ses enfants, mais avant tout son amante. Ce dernier point de leur lien n'était pas à négliger. Surtout pas.
Elle la rapprocha d'elle un peu plus encore.

"Organisons-nous en un de façon régulière, à partir de maintenant."

Elle joua pour essayer de voir si elle pourrait relâcher les cheveux de sa compagne, la plupart du temps ramassés depuis la naissance des petits.

"Pour mieux leurs revenir et profiter de leur douceur, avant qu'ils ne trop grands."

Elle partageait son avis, ils grandissaient bien trop vite.

Les longs cheveux de Sheina sont détachés, tombant comme une cascade sur les deux louves. Parce qu’ils avaient bien poussé depuis le commencement et que la louve ne s’était encore décidé à les couper, mis à part sa frange. Ils restaient aussi soyeux qu’auparavant de cette texture étrange, presque semblable à de l’eau. À l’idée d’organiser un rendez-vous régulier, Sheina était loin d’être contre…

« — Accordé. »

Pourtant…

Pourtant une ombre venait obscurcir ce tableau.

La disciple de Kiro se redresse, sa truffe pointue à quelques centimètres de celle d’Anette.

« — Malheureusement, avant cela il me faudra m’absenter, Anette. » La prêtresse marqua une pause, son regard plus grave. « Kiro m’a fait part d’étranges visions. »

Des visions biens sombres, d’un avenir loin d’être aussi radieux que des mères pourraient espérer pour leurs enfants. Car, s’était eux que tu voyais dans ton esprit, n’est-ce pas Sheina ? Ces deux enfants à l’odeur de sel qui étaient sous l’emprise d’un étrange créature aux yeux tournoyants. De même que cette silhouette émergeant des glaces, accompagnés de soldats.

« — Quelque chose de sombre va émerger de la glace, accompagné de sa cavalerie. Il me faut savoir ce que cela signifie, avant que ça ne nous tombes dessus. Avant que ça ne s’en prenne à nos enfants. »

C’était pour leur survie qu’il fallait entreprendre ce voyage, commencer les recherches. Savoir ce qui se passait réellement en laissant le cas Raeders aux autres.

Un nouveau froid s'installa dans la grotte, aux paroles de sa compagne.
Anette se sentait avec tout le bonheur qu'elle pouvait ressentir, forte de la chaleur partagée avec sa compagne. Elle ne s'en sentir alors pas atteinte ; ou pas trop. Elle reconnaissait la menace qui plainait avec cette vision apportée par le dieu jaune, mais également la détermination qui brillait en Sheina. Elle ne doutait absolument pas quelle ferait toute la lumière alors sur ce qui se passait. Évidemment cependant, qui disait menace disait quelque chose pouvant s'en prendre à leurs enfants, ce que la violette appuya. Ce fut sourcils froncés qu'elle eu alors, son esprit commençant déjà à tourner à plein régime. Elle évaluait déjà les possibilités.

Anne ne savait pas encore qu'elle aussi verrait de ses yeux les manifestations de ces images, par Léo et Saqqarah qui lui rapporteraient la vision d'un insecte gigantesque. Mais le futur ignoré, elle ne pouvait que laisser son esprit commencer à évoquer des hypothèses.

"Un leader avec son armée ? La glace promet la grève gelée, mais il n'y a que les Nakhus par cette direction, disculpés automatiquement par leurs mœurs."

Elle observait le sol, continuant malgré tout de tenir Sheina près d'elle.

"Un groupe de solitaire adapté au froid ? Il y a beaucoup d'autres peuples, pourquoi pas un venant du Nord et cherchant à conquérir des terres, mais dans ce cas les disciples de Yurai seraient en première ligne. Plus imposants de pelage et de carrure, cela correspondrait-il à la taille et à la forme de ce que tu as vu jaillir ? Avaient-ils l'air de décimer ou de vouloir quelque chose de précis ?"

C'était beaucoup de questions, elle en avait conscience, mais elle prenait ces choses telles qu'elles étaient : de nouveaux dangers à gérer. De nouvelles crises potentielles. L'application Anette-alpha tournait à plein régime, elle ne pouvait l'empêcher. Même si elle préférait d'habitude être avec sa femme, un peu plus éloignée de sa position.
On ne la referait pas.
.

Si seulement, il s’agissait de loup, d’une morphologie qu’ils pouvaient connaîtront sans peine, abattre sans grandes difficultés. Mais ce n’était rien de cela. Pas même les pirates venus une énième fois commettre une énième erreur, quand bien même la disciple de Kiro ne pouvait oublier les mots de Limule. Elle qui, n’hésiterait pas à verser le sang si cela était encore une fois nécessaire. Une fois de plus. Car les sacrifices n’avaient guère suffit. Peut-être que d’autres seraient nécessaires cette fois pour affronter cette menace qui se profilait ?

« — Ça n’avait rien à voir avec ce que nous connaissons. »

Le museau de la prêtresse vint frôler celui d’Anette. Alpha avant tout. Protectrice des siens avant le reste. Mais c’était une chose que Sheina avait accepté, parce que cela faisait partie de ses nombreuses qualités.

« — Ce n’était pas des loups, Anette. Ou alors des loups biens plus grands que nous. Ce qui arrive, va nous dépasser d’une manière ou d’une autre… »

C’était inévitable…

Cela, Sheina l’avait déjà accepté, c’est pour cela qu’elle avait pris la décision de partir sous peu, voir ce qu’il en était directement sur les terres froides. Afin de trouver pour les autres, les réponses à ses questions. Afin d’apaiser ses inquiétudes, savoir que ce qui arrivait, ne détruirait pas tout sur son passage, et plus important encore, ne menacerait pas la vie de ses enfants. C’était cela le plus important pour la chauve-souris, la sécurité de ceux qui partageaient son sang, avant tous les autres.

« — C’est pour cela que je dois y aller. »

Une décision sans appel, que la louve annonça en observant droit dans les yeux Anette.

Elle aurait presque commencer à émettre de la vapeur à force, Anette.
Le contact fort heureusement brisa le fil de sa pensée, ainsi que le rappel à la réalité proféré par sa compagne. Elle abandonna alors de grâce ce qui avait traversé sa tête, laissant à la place les frissons de la caresse dégouliner sur elle. Une menace encore jamais vue, alors. Aussi rageante pouvait être l'idée que ce serait quelque chose qui les dépasseraient, encore, s'ils n'avaient jamais vu quelque chose de cette envergure alors...

Elle accrocha la résolution améthyste.
Y opposa une compréhension anthracite.

"Bien."

Aucune doute n'avait point non, que Sheina aiderait à trouver des informations, à en découvrir plus. Anette acceptait simplement de relâcher sa propension à faire des plans directement. Avant même de tout savoir. Il n'y avait pas d'autre choix que d'attendre et de rassembler plus de savoir. Anne pensait aussi voir une implication qu'elle pensait être celle de la prêtresse avec cette déclaration : y aller seule. Ceci serait cependant le terrain où elle demanderait un compromis. C'était une loi tacite presque pour les Etelkrus de se déplacer à deux au moins.

"Prends Rafale avec toi, vous pourrez voler tous deux."

Elle ne serait pas ralentie, ainsi.
Cette phrase représenta l'ordre de l'alpha, mais parce qu'elle était sentimentale, et qu'elle aimait celle qui se tenait en face d'elle, elle n'ignora pas les autres parts d'elle-même. Elle frotta son front contre le sien, un autre toucher essentiel.

"Et prends soin de toi."

Elle lui faisait confiance, mais évidemment, qu'elle aurait quand même un peu peur.

La prêtresse laissa échapper un rire, à la demande de la louve. Elle qui mélangeait devoirs et sentiments. Quand bien même, Sheina n’aurait été contre un peu de compagnie, certes, mais cette mission, elle devait l’effectuer seule, pour ne pas laisser les autres voir à quel point cela la terrifiait cette vision.


« — Ne t’en fais, je sais me débrouiller toute seule comme une grande… »

La louve sourit, effleurant la joue d’Anette pour la rassurer. Parce qu’elle n’avait rien à craindre, la disciple de Kiro était suffisamment agile pour échapper aux adversaires potentielles et ses ailes lui permettraient de quitter les lieux rapidement.

Le museau de la mauve vint se coller contre celui de l’alpha. Fermant les paupières pour profiter de ce contact, maintenant le silence un moment. Parce que si parlait lui était agréable, le silence l'était tout autant. Aux côtés d'Anette, elle oubliait la peur.

« — Tu seras la première au courant de mon retour. »

Bon peut-être pas forcément la première avec les enfants… mais au moins une des premières ! Ça comptait quand même, hein ?

Anette émit presque un grognement, comprenant qu'elle n'arriverait pas à persuader Sheina d'avoir quelqu'un pour son voyage. Si on pouvait la targuer elle de ne pas décrocher de ses idées, la chauve-souris n'était pas mieux. Elle se laissa finalement aller à pousser le son qu'elle avait retenu ; sans colère. Voir même un peu joueur.

"Quelle têtue."

Ainsi allaient les choses. Une de ses oreilles s'agita et elle continua d'emprunter son attitude boudeuse, appréciant ce chemin entre manifester honnêtement son ressenti et signifier qu'elle acceptait malgré tout.

"J'espère bien. Si je n'ai pas ça, tu n'auras plus de mes visites à la moere."

Un minimum !
Ayant ainsi exprimé son inquiétude constante mais aussi la confiance qu'elle plaçait en sa prêtresse et compagne, Anette décida de clore le sujet d’exécuter immédiatement ce qui avait été entendu avant. Quitte à ce qu'elle parte, alors l'Alpha allait bel et bien profiter de la belle et brillante louve. Elle l’entraîna avec elle pour aller se coucher dans un coin confortable. Puis la câlina éhontément.

"D'abord, ce moment privilégié que tu m'as promis."

Et peut-être ensuite, une sieste ensemble.