Come home - Anianka.

Elle était de retour chez elle. A la maison.
La vue de l'Île et son état avaient fait souffler un vent froid sur son cœur lorsqu'elle avait enfin pu poser les pattes à son bord, rapportant également le souvenir embrumé de ce cauchemar qu'elle avait fait en forêt Etelkru, celui qui l'avait tourmentée et dans lequel telle vision de sa terre natale dévastée avait fait son chemin - mais le choc avait été majoritairement absorbé par tout le reste.
Par le plaisir d'être de retour, enfin. Depuis tout ce temps...
L'herbe qu'elle foulait était sèche sous ses pattes, bien loin du tapis moelleux et humide dont elle entretenait le souvenir ; l'odeur de rose s'était évaporée et les sempiternelles fleurs rouges avaient laissé place à des hordes de chardons tristes et hérissés de l'amertume des terres défaites, valant à leur belle Île son nouveau surnom.

Le temple de Moiro tenait bon, en revanche. Il avait été achevé depuis sa disparition et elle se fit note mentale d'y retourner pour remercier de la Déesse, et pour la saluer dignement autrement que dans ses rêves.
Mais pour le moment il y avait plus urgent. Pour le moment elle était ignorante et n'avait pas revu ses terres et sa famille depuis plus d'un an. Elle avait tant de choses à rattraper et à savoir... Le chemin de retour aurait été propice à en apprendre davantage sur les évènements qui s'étaient écoulés sans elle chez les Lazulis, mais il avait surtout été consacré aux câlins et aux retrouvailles, chacun y allant de son coup de museau et de son mot, Mildred remerciant chacun d'être venu pour elle et s'imprégnant de leurs odeurs tant convoitées, avant que le restant de la route ne se fasse dans le simple plaisir d'absorber la sensation d'être tous réunis, enfin ; comme au bon vieux temps, comme une vraie famille. Unis.
L'entrée sur leurs territoires s'était fait le cœur lourd - leur désolation contrastait tristement avec la riche abondance des terres Etelkrus qu'ils venaient de quitter. Par la suite, quand tout le monde fut de retour sur l'Île, beaucoup s'éclipsèrent et la laissèrent reprendre ses marques - et se diriger vers celle à qui elle devait parler en priorité. Celle qui avait mené cette mission pour la retrouver.

Anianka.
Elle lui avait tellement manqué.
Mildred vint frotter sa tête contre le poil doux de l'encolure de sa mère, s'y camouflant un peu comme lorsqu'elle était enfant. On lui avait volé un an de temps à ses côtés, son premier anniversaire et les changements qu'il avait apporté.
Un sourire flottait pourtant sur ses lèvres car son cœur apaisé battait d'amour au contact de la mère et de l'enfant retrouvés. Tout redeviendrait comme avant.

Ou presque.

— Que s'est-il passé ?

Une question simple mais pourtant si complexe, murmurée alors que ses yeux parcouraient avec mélancolie les broussailles asséchées qui entouraient leur Île. Une question de quelques mots mais pourtant tant de mois à résumer, tant d'évènements dont elle n'avait pu avoir vent.

Jusqu'à aujourd'hui encore, elle n'avait même pas la certitude de pouvoir revoir sa famille vivante.

Prêtresse Anianka

Elle s'était retenue d'être un peu plus provocatrice pour éviter une dispute avec ses enfants, elle aurait bien voulu montrer à cette alpha qu'elle ne s'abaissait devant personne. Elle aurait bien voulu la menacer si elle osait s'approcher de nouveau de ses enfants, ou si l'un de ces foutres crétins s'approchaient trop de leurs terres. Ils n'étaient certes plus des Lazulis, mais ils étaient une grande famille quand même, en tout cas pour ceux qui se ralliaient à sa cause.
Le chemin du retour avait été silencieux pour le prêtresse et son regard froid évitait un quelconque échange avec le reste du groupe. Elle ruminait dans sa tête contre cette bande de prétentieux et une part d'elle regrettait de ne pas avoir pu leur montrer la vraie valeur de leur sang. Elle avait prit sur elle pour eux et pour Mildred, parce que tout ce qui comptait réellement est qu'ils l'avaient récupéré seine et sauve. Anianka était déçue d'avoir raté la croissance de sa fille et bien qu'elle la retrouvait enfin après tous ses efforts, les circonstances trop faciles la faisaient douter de cette réussite. Son enfant avait-elle était corrompue ?

Lorsque tous se séparèrent Anianka se dirigea vers l'Île et les remercia d'un geste de la tête et d'un rapide sourire, elle avait beaucoup de questions à poser à sa fille et elle s'isola avec elle sur ce morceau de terre devenu aride.
Elle ne savoura qu'à moitié son contact lorsqu'elle approcha sa truffe de son cou car son odeur empestait encore l'Etelkru et elle ignorait si il s'agissait toujours de la même fille qui avait disparu du dôme un an auparavant. A sa question, son regard parcourut l'île avec une froideur amère.

Le dôme, le manque d'eau.. Cela a duré trop longtemps et nous en avons payé le prix.

Ses prunelles ambrés revinrent sur sa fille devenue une jeune louve raffinée et charmante et elle l'admira un moment avant de reprendre la parole.

Les Lazulis ne sont plus.

Elle garda la tête haute malgré cette triste nouvelle, sa queue battit doucement l'air derrière elle à la manière d'un chat. Elle était déçue mais c'était inévitable sans un réel meneur, il n'y avait plus de missions, plus d'ordres et plus d'autorité. Il n'y avait plus aucune justice et sans elle la meute était vouée à l'anarchie.
Elle les avait bien prévenu pourtant.. Elle leur avait proposé son aide.. Et voilà ce qui en résulte quand on la refuse.

Raconte moi un peu ce périple que tu as vécu cette dernière année. Tu t'en es admirablement bien sortie, je suis heureuse de te voir aussi belle et aussi fière malgré la distance qui te séparait de nous.

Elle sourit avec douceur et attendit avec impatience d'entendre le récit de sa fille. Elle avait grandi sans eux et cela avait demandé beaucoup de courage et aujourd'hui elle se montrait forte et indomptable au grand plaisir de la prêtresse.

Les Lazulis ne sont plus.
Les mots jetèrent sur son cœur un froid qu'elle n'aurait pas soupçonné.
Certes, sa famille en tant que telle ne s'étaient jamais réellement sentie proche des Lazulis, du clan qu'ils formaient. Dans une grande fratrie comme celle qu'elle avait eu avec pour parents deux êtres prestigieux, elle avait eu tout ce qu'elle désirait en restant à leurs côtés, tout ce qu'elle désirait était à portée de pattes - il n'était pas nécessaire de se lier aux autres.
Et le peu qu'elle avait vu des autres avait été majoritairement détestable. Les parjures, Queen... Autant d'éléments qui avaient menacé à la déliquescence de la meute, autant de raisons qui faisaient que celle-ci était déjà morte avant sa naissance. Alors oui, elle n'aurait réellement pas du se sentir affectée de leur dissolution - peut-être même plutôt soulagée, de ne plus avoir à feindre la camaraderie avec des loups qu'elles n'appréciait guère.
Et pourtant. Et pourtant elle était la seule structure qu'elle avait toujours connu, avant sa disparition hors du dôme. Ils avaient tous ensemble été enfermés sous ce dôme, et le rang de meute leur avait néanmoins permis de tenir. Le nom de Lazulis lui fournissait une identité, une appartenance - un rôle, quelque part. Avec un part Alpha et une mère Prêtresse, ils auraient pu réussir de grandes choses au sein du clan. Et sans celui-ci elle n'avait plus de titre, même si elle avait encore sa mère et l'Île.
Sans les Lazulis, ils n'étaient plus qu'une autre forme de solitaires.
Et ce statut la débectait.

Elle lâcha un soupir et s'enfonça un peu plus encore dans la fourrure de sa mère en fermant les yeux, pour mieux entendre résonner les vibrations de sa voix et les laisser se répandre en elle comme un chant apaisant.

— Raconte moi un peu ce périple que tu as vécu cette dernière année. Tu t'en es admirablement bien sortie, je suis heureuse de te voir aussi belle et aussi fière malgré la distance qui te séparait de nous.

Une chaleur monta dans sa poitrine, sa queue se mit légèrement à onduler et elle laissa une bouffée de plaisir l'envahir aux paroles qu'elle buvait. Là, paupières closes et ainsi blottie contre celle qui avait habité ses pensées tant de nuits et tant de jours, elle pouvait presque se ramener aux temps anciens, aux temps de son enfance. Quand elle n'était qu'une enfant sans soucis qui trouvait son bonheur uniquement dans ces chaudes étreintes.
Elle n'était pas si différente, finalement - là encore elle oubliait le monde qui les entourait pour se laisser simplement bercer par le contact de leurs deux corps.

— J'ai beaucoup pensé à vous. C'était très dur, au début, je ne savais pas comment j'y arriverai. Mais j'ai suivi tes enseignements, maman, ils m'ont permis de prendre confiance.

Elle rouvrit les yeux un court instant, simplement pour aller chercher le regard de miel de la Prêtresse des roses.

— Certains Etelkrus étaient tels que tu les avais décrit. Vils, jaloux, brutaux.

Sa voix se fit plus dure - elle pensa à ce vieux loup qui était en réalité le père de Queen, puis un peu à son cousin, Salazar.
Avant que ses pensées ne dérivent à nouveau vers d'autres souvenirs parmi ceux qui peuplaient ce long moment passé au sein d'un autre clan.
Elle hésita quelques secondes, tournant le bout de sa langue contre la barrière de ses crocs, ne sachant pas réellement si les mots qui suivaient devaient franchir les limites de son esprit.

Mais Anianka était sa mère chérie, après tout - elle avait le droit de tout savoir. Elle avait le droit de lui confier le meilleur également, même si cela pouvait peut-être aller à l’encontre de ce qu'elle voulait entendre.

— Mais... Je crois qu'il y a eu beaucoup de changements, aussi. J'ai croisé beaucoup de loups... Bons. La famille de papa, aussi. Ils ont été accueillants, pour la plupart.

A mesure que la phrase progressait sa voix se faisait de plus en plus fluette jusqu'à mourir doucement sur les derniers mots.
Comme si elle bravait l'interdit.
Le regard qu'elle remonta vers Anianka était plus timoré, mais toujours aussi aimant ; tout comme le sourire qui illuminait encore son visage.

Prêtresse Anianka

Elle sentit la déception de sa fille dans son silence, dans son soupire et de cette longue étreinte qui lui avait manqué à elle aussi. C'était une scène qu'elle s'était imaginée des centaines de fois et elle n'avait jamais perdu espoir, lorsqu'Anianka avait quelque chose en tête elle ne renonçait jamais. Elle l'écouta avec attention et posa son doux regard dans le sien pour mieux analyser son ressenti. Comme cela devait être difficile oui.. Mais elle avait un sang puissant et elle était forte de caractère alors il ne restait plus qu'à ce qu'elle en prenne conscience pour faire face à ses inquiétudes, et c'est ce qu'elle avait fait en reprenant confiance en elle. Anianka sourit fièrement en entendant cela et l'énonciation des Etelkrus lui fit dresser un peu plus la queue avec irritation derrière elle.

Tu as su leur faire face avec dignité ma fille, ils sauront désormais qui tu es et ils apprendront à te respecter.

Ses arcades se froncèrent légèrement d'un air intransigeant et sérieux alors qu'elle repensa à Nachos et à ses enfants au sang contaminé.

N'oublie pas que tu es issue d'un sang royal et que tu es entourée, nous sommes certes peu nombreux mais nous sommes puissants, ne doute jamais de tes capacités et de ta famille.

Son glowstick brilla plus fort sur sa poitrine aux teintes clairs et elle remonta un peu plus la tête de sa fille d'un geste délicat de la patte. Ses sourcils fins se froncèrent davantage en entendant ce qui suivi et sa patte rejoignit l'autre sur la terre sèche. Son corps s'abaissa avec lenteur et elle s'allongea calmement sur le flanc.

Il y aura toujours des bonnes et des mauvaises personnes dans une meute, le tout est de constater si le dirigeant sait garder l'harmonie ou non. Il faut du respect et de l'ordre, même les mauvaises personnes doivent se soumettre si ils veulent rester au sein de la meute, c'est là qu'on reconnaît un bon meneur et une meute solide.

Elle laissa ses prunelles choir sur les chardons avec neutralité. Oh.. Morrow devait être si déçue de voir ce que la meute était devenue. Anianka avait très peu connu sa grand mère mais ce qu'on racontait sur elle était plus qu'admirable.

L'Alpha Anette est peut-être différente d'Ezhekiel et d'Alys j'en ai conscience, mais il faut toujours rester prudent et garder une part de doute. Tu dois te faire ton propre jugement Mildred et ne dépendre de personne.

Car à faire confiance aveuglément on finit par être déçu tôt ou tard..

La chaleur revint peu à peu pigmenter ses prunelles aux paroles de sa mère, à sa tonalité rassurante et au contact de sa patte contre sa joue. Elle laissa un instant ses muscles se relâcher, le poids de sa tête s’ancra et se lova dans le creux des doigts.
Les mots qu’elle buvait coulaient agréablement jusqu’à ses tympans, réchauffaient sa poitrine et relevèrent sa queue sur une fière ondulation. Oui, elle était de sang royal. Elle ne l’avait pas oublié, ne l’oublierait jamais.
Même lorsqu’elle doutait d’elle-même et de ses choix, au moins avait-elle pour se rassurer la certitude d’être issue des plus grands ayant un jour foulé cette terre - légitime tant chez les Lazulis que chez les Etelkrus, là où sa famille avait à son tour prospéré.

Anianka s’allongea souplement sur l’herbe devenue sèche et cassante et Mildred ne tarda pas à s’étendre à sa suite, oreilles toujours pointées dans sa direction pour écouter le son de sa voix.
Fréquemment ses paupières s’autorisaient de se clore, trouvant en l’obscurité le confort rassurant d’un monde où disparaissait la vision des chardons et de la désolation pour qu’elle puisse seulement se concentrer sur le ton apaisant de sa mère.
Ses paroles lui rappelèrent un moment celles de Rhaegar, similaires à la conversation qu’elle et lui avaient tenu en un temps qui paraissait si lointain quand au sein du dôme ses pensées s’échappaient déjà vers d’autres horizons et vers la figure vaporeuse des Etelkrus, meute alors inconnue, image seulement fantasmée par les récits de ses parents.
A la mention d’Anette elle ne put que se rappeler de sa haute stature, de sa sévérité associée à une étonnante douceur.
De l’étrange sensation qu’elle avait répandu en elle.
Celle de se sentir attirée et animée d’une envie de loyauté de son égard alors même que son esprit luttait sauvagement contre toute possibilité de se lier à des Etelkrus.

Un souffle s’échappa de son nez et elle rouvrit les yeux pour se concentrer sur le regard ambré qui lui faisait face, tâchant de chasser ce souvenir qui avait presque un goût amer de trahison.


— Une chose cependant est certaine, je te suis loyale. Je n’ai eu de cesse de penser à mon retour sur l’Île. Et... Je pense que j’ai gagné la confiance de certains d’entre eux. Cela peut toujours être utile.

Un sourire un peu plus incertain mais qu’elle fit en sorte de maintenir assuré releva ses babines.

Prêtresse Anianka

Comme elle lui ressemblait... et la prêtresse n'en était pas aveugle. Au fond de son regard brillant, elle était fière de voir que sa fille avait écouté ses conseils et suivie ses enseignements. Elle était devenue suffisamment forte pour faire face à n'importe quel obstacle désormais car elle avait compris, elle avait accepté ce qu'elle était et ce que représentait leur famille.
Si seulement Méridor et Maxim en avait fait de même..

Quoi qu'il arrive, Anianka sera toujours là pour garder les arrières de ses enfants et s'il le faut, pour faire le sale boulot. C'était son rôle, elle était le bouclier et le lien qui les protégeait tous, quitte à devenir leur martyre tant qu'ils survivaient à ce monde injuste. Ils sont ce qu'elle a de plus précieux, ils sont à la fois sa force et son unique faiblesse. Elle offrit un sourire rempli de douceur à son enfant et à ce moment précis, toute la peine et l'inquiétude qui contractaient son cœur s’effacèrent sous un masque de sérénité.

La loyauté était la première valeur qu'elle leur avait inculqué, une qui faisait partie des rares en commun avec leur père, Gloriel. Les doutes qu'elle avait eu précédemment s'envolèrent comme une traînée de poussière et elle plaça une foi inébranlable sur la jeune louve.

Tu as toute ma confiance ma fille.

Son regard s'éloigna vers ce paysage dévasté par les ravages du passé et elle y vit un avenir nouveau, plus optimiste.

Peut-être bien oui, qui sait ce que demain nous réserve.

Qui sait quelle meute prochaine verra le jour en ce territoire.

Elle laissa planer un silence apaisant avant de faire entendre de nouveau sa douce voix maternelle.

Que vas-tu faire maintenant ? Tu sais que tu as l'âge et l'expérience pour te présenter à un dieu, Elely va bientôt prétendre à la couleur de Moiro et Isrâ porte déjà fièrement celle de Mido.

A nouveau une chaleur l’envahit aux mots d’acceptation de sa mère. Aux paroles tant désirées qu’elle lui offrait. Elle avait son confiance.
Quelque chose qu’elle était censée déjà savoir mais que les doutes faisaient toujours vaciller, la rendant dépendante à ce besoin de les entendre à nouveau, régulièrement. Et cela faisait si longtemps, qu’elle n’avait pu les entendre.
Mildred eut envie de s’avancer pour venir à nouveau enfoncer sa tête dans la fourrure crème de sa mère mais réprima son élan. Que penserait sa mère d’elle si elle cédait à la moindre de ses envies dignes d’un louveteau qu’elle n’était plus, si elle passait son temps à aller chercher le contact à chaque parole favorable ?
Alors elle se contenta de simplement acquiescer du museau en un geste plus humble, souriant discrètement.

Puis Anianka reprit la parole et son cœur sombra sans crier gare, s’échappant entre ses griffes, tombant loin, loin hors de son contrôle.
L’adolescente ne put empêcher son nez de s’incliner un peu vers le sol, accablé par le poids écrasant d’une honte qui vint s’abattre sans pitié sur elle.
Encore une fois, elle se montrait en retard et dans l’échec. Sa sœur et même Isrâ avaient pris de l’avance et s'élevaient dans les rangs des Dieux, et elle se retrouvait comparée à eux ; mise face à l’évidence de son manque d’appartenance.
Son regard tomba sur ses pattes et elle essaya de ne pas laisser les mots s’étrangler dans sa gorge.

— J-J’ai prévu de me présenter bientôt oui, à Moiro ! Elle m’a beaucoup aidée quand j’étais chez les Etelkrus, elle a…

Le souvenir du cauchemar qu’elle avait fait revint embuer ses pensées déjà agitées, l’emplissant de gêne. Comment la regarder dans les yeux et sourire quand le songe dont Moiro l’avait délivrée la présentait comme source de ses souffrances ?
Mildred se mordit une lèvre et en rassemblant toutes les miettes de sa volonté, parvint à relever la tête vers le visage inquisiteur de sa mère.

— … Elle a été une lumière dans les ténèbres. Je dois l’en remercier.

Elle coula un regard vers la silhouette imposante du Temple se dressant au milieu de leur Île, accueillant avec un soulagement tâché de culpabilité l’occasion de pouvoir faire fuir ses prunelles dans une autre direction.
Devait-elle avouer qu’elle ne se sentait pas digne de passer immédiatement son épreuve, en revanche ? Pas maintenant, alors qu’elle n’avait rien accomplie à part être maintenue captive loin des siens ?

Prêtresse Anianka

Un sourire satisfaisant égaya le visage de la prêtresse lorsque sa fille lui annonça qu'elle suivra le chemin de sa déesse. La déesse familiale.
Elle n'était pas surprise, cependant. Moiro était bien plus qu'une simple déesse à ses yeux, c'était comme la marraine de ses enfants, celle qui les a vu grandir et qui les protègent encore aujourd'hui. Même si la mort d'Akira avait provoqué beaucoup de doutes, Anianka avait fini par dépasser cette peine et l'accepter.

Je suis certaine que tu y arriveras, ma fille.

Même si cela doit te prendre du temps, un jour tu porteras fièrement ses couleurs. Comme chacune de ses filles, elle détient la grâce, le charme et l'élégance digne de la Tigresse. Il ne lui restait plus qu'à prendre confiance en elle et à s'affirmer, tête haute.

Sache que si tu as besoin je serais là pour te guider vers sa lumière.

En tant que prêtresse, mais aussi en temps que mère. Elle pourrait l'accompagner mais le reste ne dépendant que d'elle et de sa volonté. Elle avait traversé déjà de nombreuses épreuves pour son jeune âge et pas de doute aux yeux d'Anianka que sa fille deviendra puissante. Comme chacun de ses enfants, au delà du sang royal ils ont grandi en forgeant leur esprit dans la pierre et nul ne saurait plier leur volonté et leur détermination.

Elle sourit agréablement et ses billes d'ambre se posèrent avec sérénité sur le paysage dévasté. Qu'importe si la rose se fane, tant qu'il y a quelqu'un pour la replanter quelque part alors elle sera éternelle.