Louder than Words - Anianka

Les territoires Lazulis, ce n’était clairement pas de la rigolade… un léger sifflement admiratif échappa à Alys qui releva le museau lorsque son capuchon tomba un trop sur son front. Mieux valait éviter de s’attirer les foudres des membres de ce clan tant qu’une rencontre entre les dirigeants n’étaient pas organisée en bonne et dû forme. Aussi, se faisant le plus discret possible, l’alpha Etelkrus traversa la frontière entre les terres libres et celles des Lazulis. Pourvu qu’il ne tombe pas sur un de ces derniers… mis à part celui pour qui il était venu jusque-là.

Cela faisait plusieurs mois maintenant que le disciple de Dairo avait été nommé alpha aux côtés de Cassandre. Si la louve semblait prendre un malin plaisir à l’enmerder, elle avait eu le don de faire surgir de multiples questions dans l’esprit tortueux du loup. Ainsi que des regrets étrangement… Bon bien sûr, Cassandre n’était pas la seule fautive, pour tout dire, l’arrivée de Siam avait beaucoup joué également, poussant Alys à mettre certaines choses au clair. En entendant un bruit sourd, le loup se recroquevilla sur lui-même, ses sens aux aguets - enfin mis-à-part son odorat qui ne valait plus grande chose -… Rien. Le disciple de Dairo pouvait entendre son coeur battre, reprenant tant bien que mal son avancée, afin d’arriver à l’île aux roses. Enfin du moins au chemin permettant de s’y rendre, le fils de Méléagant n’avait nullement l’intention de bafouer un temple de sa présence.

Bien que cela était une décision particulièrement insensée, Alys posa son arrière-train poilu à proximité du chemin de pierre qui conduisait jusqu’au temple de la Tigresse. Son capuchon sur la tête, le mâle se tint droit un long moment avant de sentir cette effluve qu’il attendait. Un air impassible sur le visage, le mâle décida de saluer l’arrivée de la nouvelle venue.

« — T’as pris ton temps, Anianka. »

Mais vas-y, installe-toi maintenant petite princesse, que l’on puisse passer aux choses sérieuses… Alys rabattit son capuchon en arrière, ses plumes se dressant fièrement. Leur dernière rencontre remontait et ne c’était pas particulièrement bien déterminée. Mais depuis, Alys espérait que la morveuse insupportable avait grandi, car après tout, les Etelkrus avaient probablement une part de responsabilité dans tout cela…

Le voile de nuage se dégagea finalement et les rayons du soleil piquèrent comme des flèches sur la grande roseraie de Moiro. Ils passèrent par le toit là où roses et lierres laissaient entrevoir quelques petits trous. Comme un rideau de lumière, les jets dorés vinrent illuminer la majestueuse statue de la tigresse, ravivant les couleurs des roses intemporelles environnantes. La fontaine teintée de rose scintillait là où les rayons la transperçaient, offrant un spectacle de nuances ravissant pour les yeux.
Anie était assise dans un coin de l'arche, penchée sur un petit puis d'eau creusé dans une pierre ronde et lisse aux gravures minutieusement travaillées. Il s'agissait de la source sacrée, eau divine par laquelle Anianka pouvait observer le quotidien des Lazulis, leurs secrets et leurs faiblesses. Le visage tendu et sérieux, elle semblait concentrée sur ce qu'elle voyait. Elle s'arracha à sa contemplation lorsqu'une odeur étrangère et particulièrement surprenante vint troubler son esprit. Elle n'eut pas besoin de consulter la source sacrée pour reconnaître que le visiteur était Alys, elle connaissait son effluve par coeur. Il était là, il était venu jusqu'à elle, lui qui pourtant la haïssait tant.

Flattée, un sourire farouche se peignit sur son visage, elle se leva et sortit calmement de sa démarche presque féline. Même le ventre rond, ses courbes étaient élégantes et ses pas légers, elle n'avait perdu aucun charme ni aucune souplesse dans ses mouvements. Elle s'approcha et tourna autour de l'Alpha en le dévisageant de ses prunelles brûlantes.


Tu es bien loin de ton trône, Alpha Alys. Remarqua-t-elle en haussant une arcade, sur un ton taquin.

Elle s'arrêta de profil en face de lui afin qu'il admire ses formes délicates, sa queue bien haute laissait entrevoir les poils duveteux et clairs de ses cuisses, puis elle tourna son regard vers le sien pour percer ses iris violacées.


Est-ce de la provocation, ou de la stupidité de venir ici ? Je pencherai plutôt pour la deuxième option. Railla-t-elle d'une voix suave, tout en levant fièrement le museau avec un grand sourire. Elle ponctua sa rhétorique par un petit rire aigu qui résonna dans sa gorge à la fois provocateur et sombre.

Bon, la morveuse n’avait pas changé d’un poil. Rien que de la voir tourner autour de lui, cela agaça Alys qui se retint toutefois d’un commentaire désagréable. Respires mon gars, tu vas quand même pas t’en prendre à elle sur son territoire ? C’était pas l’envie qui lui en manquait en tout cas… Intrigué, l’Etelkrus observa le ventre rond de la louve brune. Tiens donc… Le « alpha Alys » sonna bizarrement à ses oreilles. Ainsi, même elle avait eu vent de sa nomination ?


« — Je vois que tu n’as rien perdu à ton arrogance.»

Les prunelles mauves du mâle brillaient froidement, se posant de temps à autre sur le ventre arrondi de la femelle. Un rire s’échappa de sa gueule lorsqu’il l’entendit reprendre ses paroles mots pour mots, qu’il avait prononcé quelques années auparavant lorsqu’elle était venue sur le territoire Etelkrus. Visiblement, Anianka avait une bonne mémoire pour retenir les choses qui lui plaisaient… Penchant légèrement la tête sur le côté, Alys reprit la parole.

« — Toutefois, je ne suis pas venu jusqu’ici pour me chamailler avec toi, Anianka.»

Non, ce n’était pas le but de la manoeuvre, même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait… Il finit par pointer du bout des griffes son ventre, les sourcils levés.

« — Mes félicitations. J’en conclus que ton intégration chez les Lazulis s’est bien passée.»

Mieux que chez les Etelkrus visiblement, même si Anianka n’était pas fautive à l’époque. C’est vrai, la gamine était le fruit de la faute, pas la faute elle-même. Alys se demandai si Morrow avait bien accueilli la venue de sa fille et si oui, quelle fut sa réaction en apprenant le jugement qu’avaient porté les Etelkrus à leur égard ?

Vague de sourcil, Anie prit sa réflexion comme un compliment et passa sa langue sur ses babines avec nervosité. Il venait de se prendre un sacré coup sur la fierté, l'ancien bêta. Cette petite entrevue était une surprise des plus agréables pour la Prêtresse Lazuli, elle prenait un malin plaisir à remettre ce macho à sa juste place. Elle finit par tourner sa poitrine face à lui, sa queue serpentant derrière elle comme cella d'un chat, puis s'assit toujours avec délicatesse.

Elle plissa les paupières, sa mèche ondulée couleur sang tombant sur son museau.

Mhmm. Et que me vaut le si grand honneur de recevoir le tout nouveau Alpha Etelkru en ces terres si corrompues et éloignées ? Interrogea-t-elle en insistant bien sur les deux derniers adjectifs.

Son visage d'habitude rayonnant de son sourire ravissant était devenu plus sombre, plus réprobateur.
Alys avait clairement fait comprendre à Anianka que les Lazulis étaient les ennemis des Etelkrus, des étrangers, des fouteurs de trouble. « La bâtarde » avait une excellente mémoire concernant le jugement qu'elles avaient subit, elle et sa famille. Elle avait été traité comme une étrangère au sang impur toute son enfance, alors son changement de camp avait été une bénédiction. Aujourd'hui, elle avait beaucoup plus de pouvoirs que lors de leur dernière rencontre.

Elle jeta un bref regard sur son glowstick étincelant de sa teinture rosée, puis sur son ventre arrondi, et finit par relever ses prunelles vers le mâle.

Il semblerait en effet que ceux que tu juges comme des ennemis impurs sont plus ouverts d'esprit. Rétorqua-t-elle sèchement.

Anie n'avait aucune envie de se confier sur sa grossesse non désirée avec un violeur étranger. D'ailleurs.. Leur alpha n'avait-elle pas elle aussi eu des soucis avec un mâle sombre ? Anie dissimula un sourire, elle n'en avait pas été l'auteur mais aurait bien aimé. Oh Anie était toujours au courant de tout, elle avait des oreilles un peu partout, et puis elle passait beaucoup de temps hors du territoire. Ce qu'il se passait chez les Etelkrus l'intéressait particulièrement. Elle avait une dent contre cette meute si égoïste et renfermée, ils avaient exclu sa mère et depuis, elle ne l'avait plus jamais revu. Qu'était-elle devenue ? Personne n'avait l'air de s'en soucier. Les plus indigènes dans l'histoire, ce sont eux en fin de compte.

L’adulte que Anianka était devenu n’avait pas changé de la gamine de jadis. Toutefois, de bonne grâce, Alys multiplia d’efforts pour tenter de contenir les remarques cinglantes qui menaçaient de jaillir de sa gueule si il baissait sa vigilance. Ce n’était pas le moment pour chercher les embrouilles d’une prêtresse non loin du temple de sa déesse, qui plus est alors que cela allait contre les intentions initiales d’Alys. Ce dernier serra les crocs, se contenant d’observer la louve. L’expression de cette dernière semblait avoir abandonné cette arrogance pour laisser place à une mine plus soucieuse. Dans un premier temps, l’alpha ne répondit pas à la question de la Lazulis, réfléchissant à la manière dont-il se devait de formuler les choses. Anianka l’y aida, d’une certaine manière, en prenant de nouveau la parole.

« — Je vois qu’à l’époque mes propos ont été mal interprété… et probablement plus forts que je ne l’aurais cru. »

La vache, quelle grande gueule t’avais à l’époque mon vieux… Assez grande pour marquer l’esprit d’une gamine pour la fin de ses jours visiblement. Bon sang, dire qu’il s’était à l’époque emporté devant cette gamine et sa soeur… C’était bien avant que lui-même n’élève Siam qui attendrissait peu à peu son caractère. Toutefois, l’honneur d’Alys empêchait ce dernier d’avouer directement ses torts à cette morveuse qui n’avait de cesse de l’irriter.

« — Tu n’étais qu’une gamine à l’époque… Je déplore celle que tu es devenue aujourd’hui Anianka, car après tout les Etelkrus ont une grande part de responsabilités dans tout cela, moi y compris. »

C’était par la faute après tout que les deux gamines s’étaient envolés dans la nuit, laissant une Noroi seule, rejetée des siens et de son dieu. D’ailleurs, l’Etelkrus n’avait plus vraiment revu l’ancienne prêtresse… Laissant échapper un soupir, Alys secoua doucement sa large tête, les paupières closes.

« — Au fond, ce n’étais pas toi l’erreur, vous n’en étiez que le fruit, toi et ta soeur. Tes mères ont commis une faute, mais nous en avons commis une autre en vous stigmatisant de la sorte. Ni toi, ni Sorrow ne méritiez cela et pour cela… je m’excuse. »

Un nuage opalin couvrit le soleil et un menteau d'ombre se posa sur la roseraie, obscurcissant légèrement les lieux. Anie était bien assise en face de l'Alpha Etelkru, le dos droit et la tête haute comme pour souligner son intransigeance et la rigidité de son esprit. Elle dardait sur lui un regard mauvais, ses prunelles luisaient d'une colère longtemps dissimulée.
Elle resta un petit moment silencieuse et enroula sa belle queue autour de ces pattes.

Le natté semblait avoir des choses à se reprocher aux grandes nouvelles, si il avait décidé de grandir maintenant, c'était un peu tard. Les actes du passé aussi regrettés puissent-ils être, doivent être assumés. Car rien ni personne ne peut les effacer, ni même les corriger. Noroi ne reviendra pas, et la métamorphose d'Anie était une malédiction inévitable qui n'aurait rien pu changer. Au grand plaisir d'Anianka, Alys n'avait plus qu'à s'en mordre les doigts, car bien que satisfaite de voir les regrets de cet incorrigible macho elle n'était pas prêtre à lui offrir son pardon. Son coeur était bien trop corrompu..

Un sourire hautain s'éleva sur le coin de son visage, plissant légèrement son oeil droit.

Le mal est fait, mon pauvre Alys. Rétorqua la prêtresse d'une voix sombre et amusée.

Tu es condamné à vivre avec ce mal pour la fin de tes jours, quand bien même tu viens t'incliner en ces terres pour solliciter mon pardon.

Elle baissa légèrement son museau, soutenant toujours le mâle sous le feu de son regard. Son coeur s'animait d'un plaisir longtemps convoité, ce moment, elle l'avait attendu depuis son départ des terres Etelkrus. Voilà que le mâle Alpha se soumettait à elle, lui qui autrefois la toisait comme une vulgaire étrangère au sang mêlé. Anie pouvait en faire ce qu'elle voulait, ici, il était sur son territoire, il était à sa merci.. Pourtant, bien qu'ayant préparé ce scénario des années durant dans sa tête, elle était indécise. Devait-elle le corriger sur le champs et lui faire regretter son enfance gâchée ? Le laisser simplement partir, le coeur lourd de déception ? Ou peut-être jouer de son pardon pour lui réclamer un service, un pacte. Ou.. le pardonner ? C'est le coeur serré qu'Anie devait prendre une décision, mais elle n'était pas décidée à mettre fin à cette rencontre, c'était un moment beaucoup trop plaisant à son goût.

Ou alors.. Intervint-elle d'une voix mielleuse, un sourire sournois étirant ses babines.

Tu m'offres un service, et je t'accorderai ce pourquoi tu as fait le trajet.

Il lui devait bien ça, c'était un procès équitable. Mais que pouvait-elle bien avoir derrière la tête ? Anie avait toujours un tour dans son sac, c'était à lui désormais de choisir et d'assumer son jugement. Il était dans ses filets désormais, s'en échapper ne serait pas chose aisée.

Cette rencontre s’éternisait. Alys avait laissé le clan aux pattes de Cassandre et des bêtas, mais on se rendrait bientôt compte de sa disparition. Les yeux du loup s’élargirent comme des soucoupes en entendant les paroles de la prêtresse, tandis qu’un ricanement s’échappait de sa gueule. Bon sang ! Elle avait faux sur tout la ligne la gamine. Semblait-il à son goût rongé par les regrets ? Certes, l’Etelkru n’avait pas toujours fait ce qu’il fallait, mais sa simple présence en ces lieux venait d’effacer les remords qu’il avait pu alors ressentir. Sa tache était accomplie, à elle de l’accepter ou de faire ce que bon lui semblerait. Le disciple de Dairo n’avait ainsi plus rien à lui dire, ni à faire ici.

« — Tu m’as mal compris Anianka. Le remord ne me hante point, je ne suis pas ici pour requérir ton pardon, uniquement faire quelque chose qui me semblait nécessaire.»

Maintenant que cela est fait, plus rien ne les retenaient tous deux ici. Bien qu’il avait parlé d’un ton calme, nul doute que si elle continuait à le titiller, Alys aurait du mal à contenir son agacement. Les oreilles du loup noir remuèrent en entendant les conditions d’Anianka. Cette fourbe souhaitait marchander son pardon ?! C’était tomber bien bas… Ne comprenait-elle donc pas qu’il n’en avait rien à faire ? Son pardon accordé ou non, Alys ne se sentirait nullement acculé sous les regrets, ce serait lui accorder bien trop d’importance. Tous deux étaient tellement différent… mais au moins semblaient-ils avoir une chose en commun. Que ne ferions-nous pas pour défendre notre honneur ?

« — Encore une fois ne te méprends pas, ce qui a été commis ne peut-être oublié, mais rien ne m’empêchera d’avancer.» L’Etelkrus marqua une courte pause, le regard détourné vers l’île au loin. « Mais étant donné ma présence en ces lieux, parles donc. Je suis bien curieux de savoir ce qu’une morveuse arrogante peut bien souhaiter ?»

Nécessaire ? Répéta la prêtresse d'une voix consternée, le regard devenu plus menaçant.

Ses belles paroles n'auront pas durées bien longtemps. Alys avait beau dire ce qu'il voulait, il n'avait pas changer. Anianka elle, était bien décidée à avoir ce qu'elle voulait. La prêtresse plissa les yeux et le dévisagea sans aucune retenue, sa queue fouettant l'air avec impatience.

Dans mon élan de générosité, je t'offre trois possibilités, mon cher Alys. Commença la féline tout en souriant ironiquement.

D'un coup de museau, elle dégagea la mèche sanglante qui lui barrait la vue, de sorte de mieux pouvoir le fixer.

Soit, tu tues Ezhekiel, si ce vieux couard n'est pas déjà mort.

Franche, sans détours. C'était une vengeance équitable, il avait banni sa mère sans ménagement et il avait traité sa soeur et elle comme des étrangères au sang impur. Ce gros lâche se terrait au fin fond de sa tanière et était donc inaccessible pour Anianka. Mettre fin à sa minable vie n'était pas si difficile pour Alys, ce serait comme une délivrance même.

Soit, tu abandonnes ton rang d'Alpha et tu quittes les Etelkrus. Tu es indigne de ce poste, tu es tout aussi immature et grotesque que ce grand père qui était ton alpha. Tu ne mérites aucunement un tel honneur après le mal que tu as pu faire.

Ses paroles étaient mordantes, quoi qu'une lueur amusée brillait dans ses prunelles brûlantes.

Le meilleur pour la fin, ma dernière proposition : tu deviens le progéniteur de ma prochaine portée.

Elle marqua une courte pause, son sourire s'élargissant sur ses babines.

Rien de tel que des enfants batards pour se mettre à la place de ceux que tu as méprisé.

C'était là l'occasion de réparer cette erreur de jugement sur les sang-mêlés et de prouver que les deux meutes n'étaient ni opposées, ni étrangères. Oh bien sûr, Anianka pourrait très bien utiliser son pouvoir, là, tout de suite, et lui faire faire les trois propositions sans aucune négociations. Mais elle avait envie de le taquiner un peu et surtout, voir comment il réagirait. Aura-t-il assez de bon sens pour accepter l'une des trois ? Ou la défira-t-elle ? Aucune crainte ne voilait ses paroles, Anianka était sûre d'elle malgré son ventre rond. Elle avait les cartes en mains, c'était désormais à Alys de jouer.

Anianka n’avait pas changé. Toujours aussi arrogante et insupportable. Finalement, son départ des Etelkrus avait été une décision des plus sage, Alys ne l’aurait probablement pas supporté au quotidien… La prêtresse reprit une nouvelle fois la parole, offrant trois choix à l’alpha pour se faire pardonner. Hein ? Non, mais et puis quoi encore ? Toutefois, il ne put l’interrompre et l’écouta énumérer ses possibilité. La première était de tuer Ezhekiel. Le regard du disciple de Dairo se fit particulièrement glacial, lui qui avait servi de nombreuses années le mâle noir, comment aurait-il pu trahir sa confiance en lui ôtant la vie ? Jamais il n’aurait pu faire cela à sa soeur de plus est, pas maintenant qu’elle vivait un certain bonheur.

Une brise souleva les mèches de cheveux du noiraud tandis qu’il écouta la deuxième proposition. Hors de question pour lui de quitter ce poste que ses aînés lui avaient confié. De plus, Anianka ne savait rien de lui, alors le traiter d’immature c’était quelque peu peu déplacé venant d’elle. La dernière — probablement la plus ridicule — laissa quelques secondes le mâle perplexe avant qu’un léger rire s’échappe de sa gueule. Bon sang, était-il en train de rêver ou bien… La morveuse lui demandait d’avoir des enfants avec lui ? Elle qui était déjà enceinte jusqu’aux dents, que dirait le père de ses futurs enfants d’ailleurs ? À moins qu’il ne s’agisse que d’un coup d’un soir… Reprenant son sérieux, Alys abordait un sourire aux babines, tandis que ses prunelles reflétaient un certain amusement.

« — Ah Anianka… Les Lazulis ont-ils fait de toi une sombre idiote ? Tu connaissais déjà ma réponse avant même de prendre la parole n’est-ce pas ? Comment peux tu croire que je puisse accepter ne serais-ce qu’une seule de tes propositions ? »

Bien sur qu’il ne le pouvait, les trois feraient de lui un traître aux yeux de tous et ruinerait la vie de son fils. Si Alys refusait, ce n’était pas uniquement pour une question d’honneur, mais parce que Siam avait encore de longues années à vivre devant lui. Un soupir s’échappa de la gueule du loup qui reprit la parole.

« — Je ne méprise en aucun cas les sang-mêlés, même si toi tu mérites ce traitement compte-tenu de ton arrogance. Si il a quelqu’un que je devrais éliminer, ce serait tes mères ne penses-tu pas ? Celles qui t’ont engendré et fait de toi ce que tu es devenue. »

L’Etelkrus lui tourna le dos, rabattant son capuchon sur sa tête, tandis que ses prunelles vairons étaient posées vers l’île lointaine. Anianka s’apprêtait à devenir mère et pourtant, elle ne semblait pas se rendre compte de ce que cela engendrait.

« — Plutôt que de songer à la vengeance, songes à tes enfants, ce que tu veux réellement pour eux. Veux-tu que ta colère empoisonne leur esprit ou qu’ils soient ce que tu ai fais de mieux au cours de ta vie ? Avoir un louveteau, ça vous change tout, votre perception du monde, vos désirs. Tout passera après lui, ta vie entière n’aura que pour unique but de le protéger et faire ce qu’il y a de mieux pour lui. » Le disciple ferma doucement ses paupières avant de reprendre la parole quelques secondes plus tard. « Réfléchies à tout ça, prouve-moi que j’ai tors, que tu n’es pas qu’une simple morveuse égoïste et arrogante. Et alors, seulement si tu n’y parviens pas, je t’accorderais l’une de tes trois demandes. »

Il ria, se moquant des paroles plus que sérieuses de la prêtresse. Elle le dévisagea d'un regard tranchant, son museau incliné vers le sol lui donna un air encore plus sombre que celui qu'elle avait pu laisser apercevoir au début de cet entretien. D'ailleurs leur entrevu s'éternisait et la lumière de l'astre du jour faiblissait, assombrissant peu à peu les lieux.

Il cracha des paroles insultantes, la traitant d'idiote. Ah ! Voilà le mâle renfermé et mal léché qu'elle avait connu, il refaisait enfin surface derrière son masque faussement compréhensif. Elle l'écouta sans bouger d'un cil, il reprit l'expression de “sang-mêlé” et bien qu'il n'employa pas le terme “bâtard” cela était identique venant de sa gueule. Il mentionna ses mères et là Anianka plissa les yeux, quelques rides se formèrent sur son museau pourtant d'ordinaire si charmant. Il lui tourna le dos et elle se leva, sa queue fouettant l'air avec une nervosité décuplé. Les paroles qui suivirent soufflèrent dans les oreilles couchées de la femelle comme un soin lointain apporté par la brise du soir.

Elle pensait justement à eux à cet instant. Il parlait d'enfants comme si il savait ce que c'était d'en avoir, comme si Anianka était trop stupide pour savoir les responsabilités que cela engendraient. Ses enfants étaient une raison supplémentaire pour elle de vouloir se venger. Alys menaçait tous les sangs-mêlés en les considérant de la sorte, il empoisonnait le cerveau des Etelkrus sur les autres meutes et sur les solitaires.

Le poison entre nous deux Alys, c'est toi. Cracha-t-elle entre ses crocs d'un air menaçant.

Je n'ai aucune preuve à te donner, tu n'es pas mon Alpha. Rajouta la prêtresse en gonflant sa poitrine, se tenant droite et haute sur ses pattes.

Un sourire carnassier vint soulever ses babines et un rire à vous glacer le sang émergea de sa gueule, comme une mélodie macabre.

Là, d'un coup de patte, elle planta ses griffes dans son flanc droit et se balafra la peau. Du sang coula le long de son ventre rond, elle se lécha les griffes et se mordit violemment la patte, l'entaillant de sorte qu'aucune trace de morsure soit lisible. Elle trempa sa patte dans son sang à la vue du mâle impuissant et d'un bond inattendu, sauta sur lui. Elle le percuta de pleins fouet, des gouttes de sang giclèrent sur leurs pelages, leurs habits et sur l'herbe. Dans le feu de l'action, elle lui peignit le visage de son propre sang avec sa patte et lui enfonça presque dans la gueule, colorant ses crocs de rouge écarlate.
Elle se laissa tomber au sol dans un hurlement puissant, si fort que tout le territoire serait alerté sur le champs et que les gardes les plus proches rappliqueraient dans les secondes qui suivraient.