Désastre a les yeux clos.

Il monte à son museau les odeurs des composés organiques volatiles qui s'échappent de la peinture, alors que le pinceau court sur son museau dans de guerrières arabesques. De rouge se part visage, pattes et bout de sa queue, dans un cérémonieux silence.
L'apprenti et le mentor se toise en face à face, dans les derniers instants passés comme tel.
A cet issu, ils deviendraient égaux l'un de l'autre.

Il a un an depuis peu, quitterait bientôt son rôle de Cœur Apprenti, prétendrait ce même jour au glowstick choisi.
L'adolescent perché sur de hautes pattes, au corps tout en muscle et aux épaules qui s'élargiraient encore dans une stature que l'âge adulte lui apporterait, dépassait maintenant ce mentor avec qui il avait commencé en arrivant à la moitié de ses antérieurs.
Il s'accrocha une dernière fois au sourire lumineux sans répondre de la même façon, le quitta pour s'aventurer dans la moere qu'il connaissait maintenant, pour y avoir tant couru, pour y avoir tant grimpé, pour s'être entrainé pour cette épreuve qu'il frôlait désormais d'une griffe.

Il est temps.

Désastre s'aventure sur les mêmes sentiers traversés avec Anita, s'enfonçant dans le tunnel créé par les racines épaisses. Il se demande s'il reverra la salamandre observée là. Si elle était devenue grande, maintenant.
Comme Serpent, plus si petit que ça maintenant. Il le surprend entre ses pattes, avant qu'il ne remonte d'une experte ondulation le long de son côté gauche pour venir se nicher autour de ses épaules.
Il l'accompagnait comme à chaque fois sur ces terres siennes, là où jadis il l'avait trouvé faible et inutile. Il était désormais bungarus candidus fort et malin, quand lui n'était plus un louveteau à l'instable développement.

Il ne souriait toujours pas, depuis cette fois, Désastre. Il avait toujours l'air morne et éteint.
Mais il était devenu plus grand, plus fort, plus compétent. Il était devenu satisfaisant aux yeux de Pepper, du moins l'espérait-il.
Surtout.
Il avait quitté les choix qu'on avait fait pour lui. Il était né pour être Epée au glowstick rouge.
Il devenait Panseur au glowstick jaune.
Une émancipation. Un premier pas.


Le jeune mâle se stoppa devant l'Arbre aux Serpents.
Son cœur bat un peu plus vite, mais il n'a pas peur. Presque pas. La crainte de la douleur avait été travaillé, dans cette période de peur dont il fut soudain atteint. Comme dans la phobie tout aussi sotte qu'était celle que d'avoir peur d'être malade, qui ne subsistait que dans une pratique bien plus axée sur les blessures et une prise de poudre de passiflore pour calmer l'ombre de l'angoisse. On l'avait comprit, on l'avait aidé. Il s'était entouré, avait fait des autres une compensation à sa faiblesse
Deux malédictions, parmi toutes les choses qui avaient déjà perturbés cette première année de vie. Une créature monstrueuse, des dragons sans beauté, un corps qui tombe des montagnes et hante les nuits...
Ses yeux se mi-closent, coupent en deux l'étoile jaune qui se dessine sur le rouge des iris.
Il vient chargé de trop de choses, plus rien n'aurait pu le surprendre.

Qui sait, pourtant, ce dont Kiro était capable.

L'enfant cafardeux face au divin facétieux.
Le face à face jurerait mais pourtant se ferait.
Désastre pencha la tête et se présenta à la fontaine au bout du chemin. Il n'y a en lui aucune appréhension, aucun stress. Il n'y a non plus l'enthousiasme ou l'excitation de nombreux autres jeunes loups.
Il se présentait comme un jour normal, dans l'absence de ressentis qui semblait le rendre imperturbable, dans la facticité de son être façonné et déjà cassé.

« Je viens pour devenir votre disciple.
S'il vous plait. »

Son souffle se fait ténu, ses yeux focalisés sur la fontaine.
Il attend maintenant.

Et se prépare à être digne, parce qu'il ne peut pas décevoir.

Désastre ne s'attarde sur les battements de son cœur, comme il en oublie sa queue qui doucement se met en mouvement, quand descendit le dieu jaune.
Une seconde rencontre, avec ce dieu aussi familier que particulier. Celui qui étire son long corps, pose ses antérieurs sur le rebord de sa fontaine, quand le reste est étiré là-haut. Il dévore cette scène, n'y voit que le fabuleux sans en comprendre la portée comique.

Le dieu se souvient de lui, c'est un honneur qu'il cache mais qui, au fond, apporte une plaisante sensation à celui trop oublié, souvent rejeté, par celle qu'il avait érigé au même rang que le divin.
Comme une chose inatteignable, bien supérieure, qu'il se devait de vénérer sans attendre quelque chose en retour.
Au fond, il est content, Désastre.

Devenant être flottant, le dieu se fait volatile dans ses mots, il prononce des choses que le jeune Etelkrus ne peut pleinement saisir. Les phrases à double sens, les sous-entendus, c'est quelque chose qu'il n'arrive pas à comprendre. Il sait que le dieu est facétieux par les dires qu'on lui a rapporté, mais il ne sait différencier ses moments de sérieux de ceux plus plaisantins.
Aussi, dans le doute, prend-t-il tout au pied de la lettre, Désastre.
Ses commissures osent remonter, un peu. C'est un sourire un peu bancal, mais il tente l'effort face au divin, parce qu'il le lui a ordonné. Ça lui donne un drôle d'air, peu habituel, un sourire qui ne présume rien de fiable mais qui est pourtant là.
Il se demande de quelles demoiselles il parle, aussi. Sans doutes celles qui lui aurait souligné le fait qu'il ne souriait pas assez. Holly et Alexandrine. Peut-être Anita, aussi, parce qu'il lui avait dit qu'elle l'aimait bien, Kiro.
L'expression se dissipe, compliquée à tenir.
Il hoche la tête lorsqu'il lui dit aller dehors, n'a pas le temps de bouger que déjà ils y sont.

Il était toujours impressionnant de constater en face le pouvoir d'un divin.

Ce même divin qui maintenant saisi Serpent, celui qui remonte curieusement sa tête vers lui, et Désastre espère qu'il ne lui fera pas de mal.
Il ne s'opposerait à ce qu'il le prenne comme sacrifice, parce qu'il n'était pas en mesure de contredire un choix d'un Dieu, même si celui-ci lui ferait mal.
Il serre les dents.
Serpent est précieux, pour Désastre. Il écoute Kiro lui parler de son ami, parce qu'il en est un, ne le lâche plus des yeux rouges. Il craint de le voir soudain se consumer, et d'être touché en plein cœur.
Mais non. Non, bien sûr que non, que de mal à Serpent il ne serait fait. Il comprend enfin qu'il aura rôle important dans son épreuve, quand l'Anaconda repose le petit bungarus candidus sur le sol. Celui qui ne devient plus si petit que ça, finalement.
Parce qu'il grandit.
Il s'allonge.
Il grossit.

Bientôt c'est tout le tour de la clairière qu'occupe Serpent.

Les dernières recommandations sont écoutées, même si Désastre ne regardait désormais plus que son familier. Parce qu'une de ses écailles faisaient désormais la taille de son corps, parce qu'il ne pouvait que le trouver plus beau encore maintenant qu'il pouvait apprécier en grand format le moindre détail de sa peau. Avait-il déjà vu, cette mince fissure dans cette écaille ? Bien sûr que non.
Kiro lui précise qu'il n'a pas le droit de le blesser, mais c'est une évidence pour lui. Il n'aurait pas pu s'y résoudre, Désastre. Sans obligation de le faire, faire du mal à Serpent était chose inconcevable.
Même s'il était petit et fragile...
Même s'il était inutile...
Il lui apportait quelque chose, qu'il cachait à beaucoup, comme un précieux trésor.

« Je n'aurais rien pu lui faire. »

Le rouge carmin guette la tête du serpent, son petit œil rond qu'il voit de profil et reflète la cime des arbres et les nuages qui chargent le ciel.
Bonne chance petit loup !

« Mmh. »

Merci. Je ne commettrais ni erreur, ni déception à votre égard.
Quand disparaît Kiro, s'élance Désastre.
Il court autour de la clairière, détend ses longues pattes aux muscles affûtés. Il s'est entraîné dur, traçant derrières les zèbres et les gnous, parcourant la moere et la rougelande, se confrontant à d'autre dans l'ascension des grands arbres. Il a gagné en vitesse, en agilité.
Il a tout fait, pour être prêt pour ce moment.
Il ne devait pas échouer.
Il ne le pouvait pas.

Derrière lui s'arrache l'herbe et se lève la poussière, dans la vive trajectoire.
Il se redresse à un ultime moment sur ses postérieurs, les appuis contre le sol pour y transmettre toute sa puissance. Celle qu'il délivre dans le sol pour mieux bondir, élançant au maximum ses antérieurs pour se tendre. Il a l'air d'une lionne fondant sur sa proie, avec ce corps si solide.
Mais il est loup, et il ne compte pas tuer.
Il ne griffe même pas, quand ce bond lui permet ascension sur le bout de la queue de Serpent.


Le mouvement le surprend, Désastre prend soudain de la hauteur dans un saut pour se laisser retomber sur la peau du serpent quand revient sous lui la queue, timing parfait bien qu'un peu juste, ne restant suspendu dans les airs que le temps d'un aller-retour de celle-ci.
Il s'agite et lui fait perdre l’équilibre, Serpent, l'adolescent craint la chute maintenant.
Il se refuse pourtant de s'accrocher, en plantant ses griffes dans l'interstice entre deux écailles. Ne pas blesser Serpent. Ne pas être éliminer pour ça, surtout, ne pas perdre l'amitié de son reptile.
C'est de cabrioles que son équilibre est gardé, il saute et progresse ainsi, plus agile que rapide.

Puis quand vient une ligne droite, le long du dos du reptile, Désastre accéléra l'allure. C'est un sprint qui le saisit, rapide et vif. Il se fait éclair, court et court encore.
Il sait cependant que la victoire ne peut être décrochée si aisément.

Ce n'est pas maintenant, qu'il gagnerait la tête de Serpent, là où brille ce qu'il doit percevoir.


Le frisson qui a parcouru le corps du reptile comme un séisme l'avait fait ainsi tomber au sol, lui laissant à peine le temps de se réceptionner sur ses quatre pattes écartées, se tordant avec souplesse sur celles-ci pour encaisser au mieux le choc, l'accusant de ses articulations qui se plient puis se détendent.
Mmh.
Ses oreilles s'abaissent et il s'immobilise lorsqu'il voit Serpent prendre la fameuse position qu'il lui avait apprise. Ce n'était sans doute pas une si bonne idée, que de lui avoir apprit tel tour.
Il sait qu'il ne lui restait plus qu'à courir, maintenant.
Tournant le dos au reptile, l'adolescent s'élance au travers des arbres.

Il devait faire attention. Kiro le lui avait dit.
Et il comprend pourquoi, Désastre, quand tombe au sol des branches, puis des troncs, que le corps immense de Serpent arrache sur son passage.
Même si la peur de se faire écraser le rouge, il ne peut s'empêcher d'avoir cette pensée inquiète. Il espère qu'il ne s'écorchera pas, ni ne se plantera écharde entre deux écailles...

Soudain le mâle fait volte-face. Il fait face à Serpent.
Il vient sur lui.
S'approche, encore.
Il ne le laissera pas aller plus loin dans les bois, rasant les arbres et risquant blessure à chaque fois.

D'une esquive sur le côté, il laisse passer le Serpent en cercle et repart de l'autre côté. La clairière, c'est là-bas qu'il devait le ramener. Il presse l'allure, ouvre la gueule alors que fume son corps. La sueur perle sur son front et se mêle aux longs poils de son encolure, mais il n'abandonne pas.
Ce n'était pas encore finit, et la détermination le faisait autant tenir que l'adrénaline.

Désastre est pourtant surpris dans un glapissement, quand s'effondre soudain sur lui un arbre.
Il ne l'avait pas vu venir.
Le voilà prit au piège, il croit.


Les oreilles contre son crâne et le cœur battant fort, l'algophobie le fait soudain haleter alors qu'il est coincé sous les branches.
Désastre monte dans la fièvre, ne veut céder à cette panique mais la sent pourtant gravir en lui les échelons. Il avait lutté contre elle jusqu'à présent, ah. L'avait repoussé dans un coin, certain que ses aptitudes et sa nécessité de satisfaire le dieu jaune le préserverait.
Mais il avait fait de Serpent un être un peu plus malin qu'un autre serpent, et de se retrouvé piégé là, ayant manqué de peu de se faire écraser, faisait soudain surgir en lui cette peur contre qui il menait une lutte discrète et secrète jusqu'à maintenant.
Calme-toi. Tu n'as pas le droit de paniquer maintenant.
Ses pupilles se sont réduites à un point dans le rouge carmin. Il va finir écrasé !
Calme-toi. Pense à l'éclair jaune.
Il ferme les yeux. Il manque d'air, là-dessous !
L'éclair jaune.


Désastre jaillit d'entre les branches, les laissant rafler ses épaules et ses flancs. Il reprend une allure rapide, il ne doit plus avoir peur, parce qu'il n'avait plus à céder ainsi à des démons trop vieux pour ne pas être oubliés. Il avait fait tant d'effort, pour arriver jusqu'ici. Tant d'efforts, pour apprendre à gérer cette peine.
Aujourd'hui serait jour de son sacre.
Il court et ne se se stoppe plus, il n'y ni peur ni hésitation qui maintenant ne le marque.
Il est un esprit libre.
Il est Désastre, sans pression de quiconque sur ses épaules.

Il mène Serpent vers la clairière, il retourne à leur point de départ après ce tour épuisant dans les marécages à demi asséchés. Dans la terre à mi-parcours, il dérape, fait lever un cerclage de fumée à demi-opaque qui floute le paysage autour de lui.
Serpent n'y est plus qu'une ombre menaçante, qui cherche dans le nuage de fumée quand lui est déjà reparti.

Une feinte, pour gagner quelques secondes.
Plus vite.

Il doit le prendre de vitesse, celui qui a cessé de faire la roue pour onduler si rapidement dans sa direction.

Il se jeta contre un arbre, disparu derrière un autre. Le fils de Pepper gravit les branches, bondissant de l'une à l'autre, changeant d'arbre, revenant sur un autre.
Serpent l'avait bien vu, il enserrait parfois un arbre pour l'arracher de sa queue enroulée tout autour, le laissant tomber après l'avoir regardé puis secoué pour en déloger les habitants, souvent des oiseaux qui s'envolaient effrayés.
...
Les sourcils du jeune mâle se fronce.
Il réfléchit,  n'a jamais eu l'air aussi expressif qu'en ce moment présent, dans une assurance qu'il porte à bout de pattes.
Dans cette sensation d'être vivant.

Alors il se laisse emporter sur un arbre, Désastre, contracte ses muscles pour se maintenir en positon contre le tronc, adapte sa posture à l'inclinaison de l'arbre.
Et quand de sa queue Serpent le lève au-dessus de sa tête, agitant l'arbre...
Désastre bondit, se propulsant de tout l'élan que lui avait permis une course folle le long du tronc.
Il fend l'air, ne doute plus un instant de lui. Il y a dans son ombre des éclats rouges et des ailes qui se dessinent, lui apporte les quelques derniers centimètres qui lui manquent par la force qu'elles exercent dans l'air.

Il se heurt contre les écailles, plus dur qu'une réception dans la terre battu.
Mais il y est.
Il atterrit sur la tête de Serpent, épuisé.


Désastre fait un pas, un peu chancelant. Il pose furtivement sa joue entre les deux narines du bongarus, dans une affection offerte avant de franchir dans un trot leste le front de Serpent.
Les derniers mètres sont franchis.
Et ses yeux ne quittent plus le symbole dessiné là.
Une étoile.

C'était une étoile.

Et il l'observe, cette étoile sur le front de Serpent. Il l'observe tant que celle-ci semble s’imprégner dans son iris même, se décalquant sur la forme déjà présente, prenant sa place du jaune illuminé.
Le cœur de Désastre bat un peu plus vite, c'est fou ce qui l'habite.
La douleur est légère et soutenable, la puissance différente.
Il retient son souffle, dans une apnée légère.

Elle est grisante, cette sensation.

Sous ses pattes se réduit la taille de Serpent, bientôt il bondit pour ne pas que son poids sur sa tête ne cause du tort au reptile.
Sa queue ondule dans l'air dans un lent mouvement de balancier, alors qu'il observe sans un mot le dieu fixant l'horizon. Désastre s'approche un peu, regarde les arbres écroulés les uns sur les autres, les tranchés dans les chemins.
Il en a semé un, des désastres derrière lui.
A la réflexion du dieu, l'adolescent a un mouvement de recul, léger, alors qu'un son unique s'échappa de sa gorge.
J'espère qu'il n'y avait personne qui se promenait.

« Ah. »

Il espérait aussi, Désastre.
Le voici qui guette maintenant d'un air étrange les environs. Le dieu prend cependant avec légèreté la situation, et le jeune loup suppose que tout écrasé par lui se verrait réanimé par le pouvoir du divin.
Oui. Il ne devait sans doute s'en inquiéter.
Il n'y aurait rien de grave, il avait le droit...

Il avait le droit de se sentir un peu heureux, maintenant.

Kiro le félicite, dans un sourire immense qui le rend plus brillant encore.
Un clin d’œil, l'ordre d'aller montrer son glowstick à ses amis, notifiant ceux -plutôt, celui- ayant déjà obtenu le sien, avant lui. Oui, se dit-il. Il ne leur cacherait pas.

« Oui.
...
Mmh.
Merci. »

Il hoche la tête et se recule d'un pas, quitte des yeux le dieu qui maintenant ne se réduit plus qu'à une trace diaphane, puis inexistante. Il contemple en silence la moere malmenée, cette fraction de territoire maîtrisée par le divin.
Puis il s'en défait, Désastre.

Se tourne vers Serpent, posant pour la première fois ce nouveau regard sur quelqu'un.
Illuminé d'une lumière nouvelle, autre que celle provenant de son glowstick.

Après le tête à tête avec l'Anaconda, après le lien particulier entretenu avec Serpent, ce fut au tour du Lycaon de trouver sa place en face de lui.
Le mentor est présent et il s'approche de l'apprenti. Il a assisté de loin à l'épreuve, peut-être a-t-il eu un peu peur pour lui, peut-être à t-il eu aussi peur qu'une branche ne lui arrive sur la tête. Il n'est pourtant parti et c'est tenu là, Désastre voit cela comme un privilège et s'en sent honoré.
Tawana était pour lui quelqu'un d'important. Un peu moins que Pepper, un peu moins que Anette elle-même un peu moins que Pepper...il venait troisième dans cette hiérarchie de respect (et, quelque part, d'admiration) que c'était forgée le jeune loup depuis sa naissance.
Qu'il soit là aujourd'hui était pour lui important.

Doucement la commissure de ses lèvres se soulèvent, dans quelque chose qui sur le visage toujours si morne apparait comme un sourire plus que concret. Pour quiconque le connaissait, il aurait du moins paru comme tel ; pour les autres, c'est à côté qu'ils seraient passés.
Mais Tawana le connaissait bien, Désastre. Tant qu'il avait été la personne, la seule, à qui il avait parlé d'une de ses peurs, celle des maladies. Et il l'avait aidé. Et il l'avait fait progressé.


Le rire est léger entre les crocs du panseur, alors que fuse les premières félicitations. Il fut le premier à saisir, dans son regard, le glowstick rose qui avait prit place sur l'étoile tenue des gênes de Pepper.
A cette réflexion quant à la difficulté de l'épreuve il ne vient qu'une seule réponse.

« Oui. »

Ce n'était pas tout, pourtant. Il passe sur le visage du plus âgé quelque chose que l'adolescent ne cherche à comprendre, acceptant ce changement sans se poser de questions. Il ne peut pas saisir l'élan de tristesse qui peut envahir Tawana, il ne pense pas qu'un louveteau qui devient adolescent peut peiner un adulte.
Pour lui grandir est une chance, non pas une peine du temps qui passe et qu'on ne rattrape plus.
Tawana reprit la parole.
Désastre entrouvrit la gueule, les yeux un peu plissés, le museau légèrement relevé. Il croit que ça lui fait quelque chose, quand la fierté à son égard est divulgué. Il est satisfait d'avoir été si bon apprenti, il a voulu être exemplaire et il y est parvenu.
Tous ces efforts sont aujourd'hui récompensés.
Peut-être, comme il sera bon disciple et comme il fut bon apprenti, deviendra-t-il un jour un bon fils.

Sans que Désastre ne glisse un mot, le loup tacheté s'éloigne et lui revient, chargé de présents. Oh. Ses oreilles se dressent, ses yeux s'y posent et il se questionne. Pour..lui ?
Il est surpris, du collier qui trouve place autour de son cou.
Il est surpris, du bracelet qu'il lui passe autour de la patte.
Il est surpris, qu'il lui dise, à lui, lui témoigner du respect.

Son cœur bat un peu vite.
Tout ça est nouveau, pour Désastre.
Ses yeux lumineux ne quittent plus Tawana, il l'observe et ne s'en détache pas. Du sourire sur les lèvres, de ses yeux humides qui bientôt débordent de larmes. Il est un peu perdu mais pourtant trouve réaction, face à ce tumulte qui le secoue.

« Merci, Tawana. Je suis fier d'avoir été votre apprenti, j'ai..hâte que nous travaillons ensemble, maintenant.
Vous êtes importants. »

C'est vrai, ce qu'il lui dit. Et Désastre se redressa, s'approchant du loup. Il n'était pas aussi expressif dans sa joie, il ne pouvait être capable de pleurer celle-ci. Mais de lui-même il le lui montre pourtant, par ce qu'on lui a apprit à faire. Un câlin, parce que ça fait du bien et que ça réconforte. Son épaule contre la sienne, sa tête contre son échine, dans une étreinte bancale et maladroite comme il ne savait que faire, alors que sur son front persiste le contact du museau de celui qui fut mentor.
Une étreinte qu'il improvise, oui, rien que pour lui.

Il est important, si il savait à quel point.