L’odeur de ce qui fut son clan avait commencé à s’effacer de son pelage. Tout ce qui le rattachait aux Etelkrus à présent, tenait en cette broche accrochait à son oreille.
Son glowstick.
Narcisse avait repoussé cette rencontre, probablement par crainte, mais maintenant il ne pouvait plus reculer. Il ne le voulait plus. Le moment était venu de confronter son dieu. L’hybride observa la fresque représentant sa mère, passant sa patte dessus.

T’ai-je déçu, MaSheina ?
En cherchant à devenir plus fort, pour affronter les ennemis des Etelkrus. En devenant un parfait soldat, obéissant sans cherché à comprendre.
Et toi MaAnette ?
J’ai privilégié le clan à la famille.

Le front vint se poser contre la fresque.

T’ai-je déçu Pepper, en me détournant de cette voie ?
J’avais juré de défendre les nôtres, de te défendre toi. J’ai échoué dans ces deux missions.
J’aimerais que tu sois là, comme au premier jour, pour me dire quoi faire.
Que je n’ai plus besoin de réfléchir à nouveau.

Narcisse resta ainsi un moment, avant de s’approcher de la fontaine, son museau levé vers la statue de l’Anaconda, un sourire triste aux babines. Il n’aurait pas cru, que ce serait si difficile d’affronter son dieu.

« — Durant des années, j’ai cru faire les bons choix, que le clan devait passer avant mes propres intérêts. J’ai combattu pour le nom des Eteltkurs, je me suis entraîné pour rendre les miens plus forts… »

Jusqu’à me convaincre que c’était là mon seul rôle.

« — … mais je me suis égaré. »

Ils ont brisé ma foi envers le clan, les traîtres qui ne sont plus.
Et je n’arrive plus à me raccroché aux Etelkrus.

« — Je ne peux pas garder vote couleur, si cela signifie une fois de plus être leur serviteur.
Ma foi vous appartient.
Vous êtes et resterez le seul à qui j’adresserai mes prières, Kiro.
Mais chez les Etelkrus je n’y ai plus ma place aujourd’hui. »

Alors j’attends votre jugement.

Narcisse laissa le dieu parler, suivant la tête du serpent. Oui, il avait connu Yersine, pour son histoire, mais aussi parce qu’il avait dû le protéger il fut un temps. Il se souvenait aussi de ce qu’il représentait pour les Etelkrus, un combattant.
Un mercenaire.
À la question, l’hybride fixa Kiro. C’était sur lui que reposait ce choix désormais, celui de conserver le glowstick ou de de finalement tourner le dos à ce tout ce qui pouvait le rattacher aux Etelkrus. Pouvait-il réellement songer un seul instant à ne plus être un enfant de Kiro ? En venant ici, il avait craint la colère de son dieu, compté sur lui aussi quelque part, pour l’aider dans sa décision à quitter le clan.
C’était une forme d’approbation, qu’il était venu chercher.

Que désires-tu, Narcisse ?
Enfant, être celui capable de défendre son clan.
Briller aux yeux de sa mentor, la défendre coûte que coûte.
Être un soldat.
Adulte, respecter ses serments.
Veiller sur son Frère et sa famille.

Et maintenant ?
L’image de Mildred s’implante directement dans son esprit. L’accompagner, la voir sourire. Être à ses côtés, tout en pouvant voir ses soeurs, ses amis, c’était tout ce qu’il souhaitait à présent. Une vie tranquille, sans avoir de sang à verser, sans se sentir trahi de nouveau.
Simplement vivre avec les siens tout en demeurant rattaché à son dieu.
Celui qui l’avait vu grandir.

Il vint poser une patte sur son poitrail.

« — Je suis et resterai un de tes enfants, Kiro. »

La truffe pointue vint toucher la tête du serpent.

Rien ne pourra changer cela, sur ces terres ou ailleurs.
Dans le monde des vivants ou celui des morts.
Ma foi t’appartiendra, tant que tu voudras de moi à tes côtés.

Oui, sa présence n’aurait plus lieu d’être sur ces terres à présent. Auquel cas, il connaîtrait le même sort que ceux qu’il avait si longtemps chassé.
Il deviendrait un paria.
Un ennemi de ce qui fut auparavant son clan.
À la mention de l’autel, un mouvement de tête.

« — Je le ferai, Kiro. »

Quand le dieu disparaît, Narcisse se sent comme libéré d’un poids.
Un soupir qui franchit ses babines, alors qu’un moment, il fixe la statue devenue inerte. Pour autant, il ne pouvait pas partir, pas de suite. Son museau se pose sur le rebord de la fontaine.
Pour passer une dernière nuit aux côtés de son dieu.
Pour passer sa dernière nuit, en tant qu’Etelkru.
Avant de devenir un solitaire.

Le moment était arrivé.
La Prêtresse perçut sa présence au sein de la Moere bien avant qu'il n'atteigne l'Arbre, et même s'il aurait pu s'agir d'une promenade comme une autre dans ce lieu aimé de tant d'entre eux disciples... Elle savait, elle sentait qu'il s'agissait d'un point de bascule. Qu'aujourd'hui, son frère allait finalement se présenter à leur Dieu pour lui exposer ce que l'Anaconda saurait déjà, dans sa grande omniscience, mais qu'il devait pour autant formuler à voix haute.
Et ainsi serait scellé son sort en tant que disciple, et non plus en tant qu'Etelkru : Kiro allait-il lui laisser la liberté à laquelle il aspirait tout en lui accordant de préserver sa couleur ? Ou serait-il contraint de laisser derrière lui le jaune qui leur était si cher ?

Anita ne nourrissait aucun doute sur la conclusion de cette entrevue.

Dans tous les cas, l'hybride ne chercha pas à croiser la route de Narcisse durant son cheminement vers le Temple. Il n'avait pas besoin de ses encouragements ; et de toute façon, il les avait déjà reçus.

Elle attendit simplement que passe le temps, que de là où elle l'observait de loin, sa silhouette soit absorbée par l'entrée béante qui menait aux entrailles de l'Arbre.
Avant de cheminer à son tour dans sa direction, lentement, quand elle ressentit par prescience l'instant opportun - que leur entrevue était conclue ; et qu'il était temps de s'assurer du dénouement.
La louve se glissa à travers les racines mille fois effleurées, dont chaque bout d'écorce portait la fragrance des plus fidèles disciples. Bientôt, l'une d'entre elles s'effacerait, comme d'autres l'avaient fait.

En attendant, il était encore bien présent, le contour de son corps se dessinant devant la lumière dorée qui émanait de la fontaine.

Aux côtés de son frère Anita vint se poster, un sourire léger sur les lèvres, une salutation à son Dieu glissant dans ses pensées. Avant de jeter un regard vers l'oreille de son frère où toujours brillait un petit soleil, comme elle s'y était attendue.

— Alors c'est bel et bien fait, maintenant.

Si elle n'avait jamais eu de scrupules à s'exprimer au naturel dans l'enceinte du Temple - c'est à dire en y hurlant plus d'une fois, elle adopta malgré tout une voix basse et presque révérencieuse. Pour honorer la sérénité de l'instant et celle que venait certainement de retrouver son frère, peut-être. Un silence passa avant qu'elle n'ajoute quelques mots.

— Que comptes-tu faire désormais ?

Où iras-tu, mon cher frère, dès que tu auras quitté ce Temple ?
Penses-tu voyager à nouveau, au moins quelques temps ? Seras-tu proche, seras-tu loin ?

Narcisse se redressa à l’approche de sa soeur. C’était fait en effet. Une nouvelle page qui se tournait. Désormais, il n’était plus soldat de ce clan, ni serviteur. Avec l’approbation de sa soeur et de Kiro, il pouvait partir la conscience tranquille, vivre enfin loin de tout ça.
À la question, il laisse planer un silence avant de répondre.

« — Vivre aux côtés de celle que j’aime.
Rendre visite à mes amis.
Planter des fraisiers. »

Prendre du temps pour lui, pour ce qu’il aimait faire, sans être contraint par des gardes et patrouilles.
Ou les missions visant à protéger les futurs traîtres.
Le museau se tourne vers la fresque, représentant l’histoire de leur défunte mère. Narcisse aurait tant souhaité qu’elle et MaAnette soient encore là, à leurs côtés. Qu’ensemble, ils puissent profiter de longues après-midi au bord de la plage, sans aucune tracas.

« — Pepper… quand aurait-elle pensée selon toi ? »

M’aurait-elle traqué au même titre que les ennemis Etelkrus ?
Asservi comme Yersine ?

La réponse de son frère écarquilla les yeux d'Anita et la laissa bouche bée, un sourire ébahi figé sur les lèvres. Avait-elle bien entendu ? Oui, il n'y avait pas de doute. Mais c'était tellement inattendu qu'elle eut du mal à s'en remettre et qu'elle eut du mal à se concentrer sur la suite, qui lui paraissait en comparaison bien plus banale. Son frère n'avait jamais mentionné une quelconque relation, et à vrai dire, sa soeur ne s'était jamais posée la question de savoir.
Mais la révélation lui tombait d'elle-même dessus en ce moment et sa queue se mit à battre derrière elle, ses yeux à briller, alors qu'elle se pencha vers lui sur l'air de la confidence, avide d'en savoir plus.

—   Celle que tu aimes ?! Oh Narcy, je savais pas ! Ca fait longtemps ? Tu nous la présentes pas ? Vous allez vivre où ?

Les questions partirent en salve de sa gueule. Comment se contenir, après tout ? Ce n'était pas tous les jours qu'une telle nouvelle venait bouleverser - et égayer - la routine. Au moins était-elle presque sûre d'une chose : la concernée ne pouvait être d'origine Etelkrus, autrement, son frère n'aurait sûrement pas autant ressenti le besoin de s'en éloigner. Et puis elle l'aurait remarqué, quand même. Non ?
Anita finit tout de même par se tenir à un peu de calme, suivant le regard de son frère, et parcourant à son tour de ses iris les dessins incrustés dans le Temple. La question que posa son adelphe lui fit redresser les oreilles et la plongea cette fois dans un silence opposé à son excitation précédente, s'adonnant à la réflexion plutôt qu'à une réaction spontanée.

—   Mhh.

Anita ne voulait pas répondre trop hâtivement, ni bricoler une réponse qui ferait simplement plaisir à son frère. Non, elle tenta réellement de s'imprégner de ses souvenirs de leur tante et mentore commune, de s'immiscer dans ce qu'aurait pu être sa psyché.

—   Je pense... Qu'elle aurait été fière de ton évolution. Et sans doute qu'elle aurait préféré te garder à ses côtés au service du clan, mais elle aurait compris tes besoins tout comme elle savait bien que MaAnette finirait ses jours loin du Castel.

Pepper avait été un pilier de force et de motivation, presque obsessionnelle dans sa volonté de faire des Etelkrus une meute inébranlable et redoutable, mais cela ne l'avait pas empêchée d'être attentive aux besoins de ceux qui lui étaient proches. Meneuse droite et sévère, mais également oreille ouverte et épaule sur laquelle se reposer.

—   Elle nous aimait sincèrement, toi peut-être même un peu plus ! Tu étais son petit prodige. Elle aurait voulu que tu trouves ton bonheur.

Elle voulait leur bien à eux tous, ses apprentis, ses nièces et neveux spirituels.
Plus que celui de son propre fils.
La pensée lui amena un petit sourire triste et vaguement amer, comme chaque fois qu'elle se remémorait cette dramatique situation.
Après une petite pause, elle reprit d'une voix douce, cherchant cette fois le regard doré de son frère.

—   Pepper ne t'aurais pas considéré comme un traître.

Si c'est cela qui te tracasse, si c'est à cause de cette crainte que son souvenir tourne encore dans ton esprit.

Ah oui. Peut-être, avait-il omis ce léger détail sur sa vie. La queue féline se balance doucement, alors qu’il cherche un moyen de s’extirper de cette situation. Beaucoup de questions, auxquelles il n’avait pas forcément de réponses. Ne savait pas comment les formuler.

« — C’est un peu compliqué. » Le disciple de Kiro tourna son museau vers la statue. « Celle que j’aime… pas celle qui m’aime. Je pense qu’elle apprécie juste que je veille sur elle. »

Ça lui convenait d’une certaine manière.
Narcisse n’avait pas besoin de plus. N’en demandait pas plus.
Il reposa son regard sur sa soeur, écoutant son avis sur la question. Sur ce qu’en aurait pensé Pepper. Le petit prodige.
Qui quitte le nid pour devenir ce qu’il devait de base chasser. Véritable ironie.
Les yeux dorés observent un instant Anita. Maintenant qu’il partait… qu’Alex était dans le nord… qui veillerait sur sa soeur ?
Fais attention à elle, Kiro.

« — Je ne me considère pas comme un traître. »

Il avait servi.

« — Merci, Tita. »

L'air un peu gêné de son frère retint quelques instants ses ardeur alors qu'elle se fit attentive à la réponse, puis son excitation retomba tout à fait à sa réponse succincte.

—   Oh.

Sa voix avait perdu quelques octaves et elle joua avec la terre du bout d'une griffe, un peu confuse. Ce n'était pas exactement ce à quoi elle s'attendait, et cela ranimait quelques souvenirs enfouis de tout ce qu'elle avait enregistré de compliqué et douloureux à propos des relations qui allaient au-delà de l'amical, mais... Si cela convenait à son frère, pourquoi ne pas se réjouir quand même ? Il avait été libre de son choix, Narcy n'était pas quelqu'un que l'on manipulait facilement.
Elle laissa donc revenir un sourire léger sur son visage, espérant simplement que la situation ne finirait pas par le blesser et qu'elle évoluerait pour le mieux.
Son frère méritait enfin la paix et un accomplissement simple et libre de doutes.

Pour le reste, elle hocha la tête, ravie d'entendre que lui-même ne porterait pas le fardeau d'une mauvaise considération de ses actes.
Elle redressa les oreilles à son remerciement, le fond de ses yeux s'allumant encore un peu plus.

—   Mais de rien.

Une courte pause, pendant que ses yeux améthystes bondirent vers les murs du Temple pour parcourir les fresques représentant la vie de Sheina.

—   Au moins tu ne fais pas la même erreur que nos mères, tu sais t'écouter pour te retirer au bon moment.

J'espère en être capable également, lorsque sera venu le temps.

L’expression d’Anita change à la rectification de Narcisse. Bien sûr, pour eux qui avaient grandi dans une famille aimante, cela devait être un peu difficile à concevoir. L’ancien Etelkrus n’avait jamais cherché l’amour, n’en a jamais fait un objectif.
À la mention de leurs mères, un sourire. Oui, Anette avait eu du mal lâcher prise. Peut-être étais-ce pour protéger Anita, au tant que possible, lui évité le poids du pouvoir.

« — Y penses-tu ? À te retirer ? »

Lui avait refusé le poste de pouvoir lorsqu’Hollyhock le lui avait proposé. Ne regrettait pas ce choix.
Anita n’avait pas vraiment eu son mot à dire, lorsque le trône lui fut cédé.

« — Pourquoi ne pas prendre ta retraite, pour te concentrer sur toi-même ? Pepper, MaAnette… elles ne sont plus.
Plus rien ne te retient pour céder ta place. »

Aux Etelkrus, tu ne leur dois rien, petite soeur.

« — Je serais ravie de t’accueillir. »

Si tu souhaites t’éloigner de tout cela, même un temps.

Une note claire s'échappa de sa gueule, signe de sa réflexion, à la question sur sa retraite. Elle laissa ses yeux revenir sur son frère pendant qu'il explicitait davantage le fond de sa pensée et les raisons qui, selon lui, devraient la motiver à quitter ses responsabilités pour se reposer. Anita pencha la tête sans se départir de son sourire.

—   Au contraire ! Puisqu'elles ne sont plus là, c'est vraiment ma vision à moi que je peux essayer de transmettre. Enfin, en essayant de la faire concorder avec celle d'Holly, évidemment. Je ne suis pas toute seule.

Narcisse semblait penser qu'elle n'avait accepté la responsabilité du rôle que pour leur faire plaisir et qu'une fois parties, elle pouvait souffler et se dédouaner de ce fardeau, comme si elle n'attendait qu'une chose : être libérée d'une entrave. Mais ils en avaient déjà discuté, ce jour dans les terres libres où son frère lui avait fait part de sa décision de quitter prochainement les Etelkrus. Anita ne voyait pas en sa place ni l'opportunité de se saisir d'un pouvoir galvanisant pour le simple plaisir de l'exercer, ni une charge insurmontable qu'on lui aurait imposée et dont elle ne pouvait se défaire.
C'était la possibilité de peut-être pouvoir changer les choses, et même si cela ne fonctionnait pas pour l'ensemble du tableau - d'au moins influer en bien sur quelques destins. Bien évidemment que cela venait avec des contraintes, de la fatigue et des soucis supplémentaires : elle n'allait pas le nier.
Cherchait-elle pour autant à passer à autre chose au plus vite, afin de revenir à une existence plus simple ? Pas vraiment.

—   J'ai l'impression d'avoir l'opportunité de faire en sorte que des existences s'améliorent, et ce n'est pas rien. J'aimerais continuer à poursuivre ce but un peu plus longtemps.

Elle sourit. Peut-être ne pourrait-il le comprendre, lui qui avait eu au cours de sa vie des aspirations bien différentes des siennes et qui désormais cherchait la paix, loin de toutes ces considérations.
Mais elle, elle avait toujours aimé se tourner vers les autres. Parfois en délaissant un peu ses propres besoins, c'était vrai. Mais elle ferait en sorte de ne pas se laisser consumer, elle le lui avait promis.

—   Je ne compte quand même pas rester Alpha jusqu'à ma mort, rassure-toi. Il faudra bien que je pense à céder ma place, même si je t'avoue que pour le moment... Je ne sais pas trop qui je verrais à ma place.

S'il y avait bien une chose qu'elle ne voulait pas pour conclure son ère, c'était de catapulter n'importe qui à la tête du clan, sans préparation ni réflexion, comme cela était déjà arrivé trop de fois par le passé. Alors elle prendrait le temps d'assurer sa suite.

—   Merci pour la proposition, en tout cas ! Je serai sûre de venir troubler ta tranquillité quelques fois.

Le regard espiègle, elle vint toucher sa joue de sa truffe.

Faire concorder sa vision, avec celle d’Hollyhock. Narcisse avait travaillé aux côtés de la louve bleue, eut la même mentor. De ce fait, il savait que sa vision, était bien différente de celle d’Anita. Les problèmes liés au trône.
Bien content d’y avoir échappé.
Qui lui succèdera à cette soeur ? Les problèmes des Etelkrus, ne le concerne plus, il n’avait plus d’alpha à servir, s’était libéré de tout serment. Narcisse avait juste constaté les effets du rôle d’alpha chez MaAnette… le refus de lâcher le pouvoir tant qu’aucun autre ne soit digne de la relever. Parfois, il n’y avait tout simplement pas de prétendant.

« — Tu ne la troubleras pas. »

Un sourire qui étire ses babines, accompagné d’un soupir.

« — Tu voudras bien… garder un oeil sur Désastre pour moi ? Je ne pourrais plus voir le frère aussi souvent qu’avant… je sais qu’il apprécie ta compagnie. »

Les autres l’agaceraient probablement.
Narcisse ne voulait pas le perdre ou le voir se refermer sur lui-même une seconde fois.

La longue queue d'Anita balaya le sol et elle ne défit pas de son sourire joueur. Son frère avait beau affirmer le contraire, elle se ferait un plaisir de l'embêter quand elle viendrait lui rendre visite : c'était avant tout à cela que servaient les frères et sœurs, non ? A toujours créer de l'agitation, même là où on aspirait à la tranquillité.
Elle redressa cependant les oreilles et lissa son visage vers un air attentif quand son frère reprit la parole, l'air un peu plus soucieux. Ah, oui. Dez.
Un sourire revint sur ses lèvres, plus doux, et elle lui asséna un nouveau coup de museau dans l'encolure.

—   Ne t'inquiètes pas pour ça. J'ai pas prévu de le laisser tranquille, lui non plus.

Il pouvait partir l'esprit tranquille - et demeurait toujours la promesse d'Anita. Narcisse était le bienvenu pour venir rendre visite aux siens restés Etelkrus dès qu'il le souhaitait. Les yeux de la Prêtresse remontèrent sur la statue de l'Anaconda, Dieu dont il porterait toujours la couleur au final et qui constitueraient malgré tout un dernier lien indéfectible avec le clan.

A l'extérieur, bientôt la nuit tomberait. La louve se tourna vers son frère.

—   Veux-tu rester seul ici pour la nuit ?

En communion avec la tranquillité du Temple, chargé de souvenirs et de symbolisme.

—  ... Ou bien veux-tu que je la passe avec toi ?

Endormis l'un contre l'autre, comme les corps longilignes des serpents venant parfois se glisser le long des racines ou de la fontaine.
Comme avant, lorsque le Temple s'était transformé en la tanière pleine de vie de leur famille.

Hum. Narcisse comptait un peu là-dessus en effet. Les paupières se ferment un instant, revoyant l’image du Frère.
Nous nous sommes affrontés.
Nous avons voyagé là-bas, dans ces contrées lointaines.
Je suis heureux de savoir, que d’autres puissent aussi veiller sur toi.

« — Merci. »

Le museau se tourne vers sa soeur, un timide sourire étirant ses babines. Jadis, c’était ici que leur famille vivait, dans la tanière de la prêtresse. Même si Narcisse ne pourrait plus s’y rendre, comme lorsqu’il appartenait aux Etelkrus…

« — Restes. C’est notre maison ici, après tout. »

À nous.
Enfants de MaAnette et MaSheina.
Nous sommes ici chez nous.