Il ne resterait pas. La décision avait fait son chemin dans son esprit. De doute, elle était devenue certitude : Sa place n'était pas chez les Etelkrus.
Sa présence ici n'était, finalement, due qu'à un désir de retrouver les siens. C'était chose faite, finalement : Il s'était beaucoup rapproché de sa soeur Sokaris, avait pu revoir son frère Horus et allait même devenir oncle. Mais surtout, il avait pu cotoyer ce peuple étranger qu'étaient les Nakhus et s'était rapidement retrouvé dans leur façon de voir les choses.

C'était pour cela, qu'il avait été voir son Alpha, Anette. Pour être transparent, pour lui faire part de cette envie qu'il avait de quitter les Etelkrus. Enfin, il n'avait pas été seul, puisque sa sœur, Sokaris, elle aussi porteuse de jaune l'avait suivi. Noé avait été stressé, il ne pouvait le caché et en avait presque retenu son souffle... Jusqu'à ce que la femelle ne leur donne l'autorisation de partir. Elle n'était, cependant, pas pour leur laisser leurs glowsticks et remettait donc le choix final à Kiro.
D'où sa présence ici.
Ou presque.

Pour lui, il n'était pas question de négocier : Disciple de Kiro depuis peu de temps, il ne se sentait pas légitime.
Il leva les yeux vers la statue du divin puis, hésitant, plus par gêne de trahir la confiance que le Dieu jaune avait pu avoir en lui en lui faisait don de sa couleur que par réel regret, il détacha de sa cuisse le lien qui maintenait son glowstick, le déposant sur l'autel.
Il s'inclina.

- Je suis désolé.

Maintenant, il lui fallait partir.

La voix du Dieu jaune le fit frémir.
Il ne dit rien, cependant, n'étant pas assez fou pour couper la parole de Kiro, mais assez pour lui rendre son glowstick après avoir passé si peu de temps en tant que disciple, accusant chaque parole et ce qui serait désormais son sort.
Sa peau serait désormais marquée d'un tatouage et il deviendrait couleuvre une heure par jour. Cette durée pourrait se retrouver allongée selon les personnes qu'il bernerait... Mais ça n'arriverait plus. Pas volontairement, du moins. Il ne voulait blesser personne.
Il n'avait jamais voulu blesser personne et encore moins offenser un Dieu.

La punition était cependant justifiée. Il ne ressentit pas la moindre colère, ni amertume, juste cette immense tristesse et, évidemment, la honte d'avoir été un si mauvais disciple, celle de ne pas avoir réussi à rendre la fleur que Kiro lui avait faite, en le laissant passer son épreuve lors de son retour. Par ce qu'il savait, que ça avait été une chance, de pouvoir redevenir Etelkrus aussi rapidement, après des années d'errance en tant que solitaire.
En vérité, ce châtiment n'était pas grand chose.

- Je comprends.

Sa gorge se serra et son regard se fit flou. Que pouvait-il dire d'autre ? Qu'il était, encore, désolé ? Ça n'aurait peut-être qu'attisé la colère de Kiro.
Lorsque l'on était bon qu'à s'enfoncer, il valait mieux se taire.

Il s'inclina devant la statue du Dieu jaune, malgré tout, avant de se détourner. Son regard glissa vers Sokaris. Sokaris qu'il avait entraîné dans cette sale histoire. Peut-être qu'il n'aurait jamais du revenir sur Punk Wolf, finalement, lorsqu'il avait reconnu le chemin. Ça aurait évité tout ça.
Là où il passait, il semait colère et chagrin.

- Je... Je t'attend dehors. Si tu veux.

Sa voix se brisa sur le dernier mot. Voudrait-elle encore de lui, Sokaris, après tout cela ?
A l'extérieur du temple, son regard se posa sur la ligne d'horizon.
Il voulait partir, loin d'ici, et ne plus jamais revenir.

Il fallait que cela arrive.
Une nouvelle fois, son cœur se brise.

La louve avait eu l’occasion de le contempler, l’anaconda, restant silencieuse dans la pénombre. Elle ne su pas vraiment si elle devait se montrer effrayée ou peinée par cette apparition brutale et par cette colère qui ciblait son frère de lait. Elle qui n’avait obtenu de réponse lorsqu’elle était venu lui accorder une prière dans ses moments de doute. Elle qui avait du faire face à un Dieu bien plus grand que le sien et qui était prête à renoncer à elle-même pour le bien de tous. Que pouvait-elle bien dire ou faire face à tel jugement ? La sévérité n’était-elle pas mérité ?

Et ce regard, cette tristesse dans les yeux de son frère ainsi puni par le divin qui la glace d’effroi, elle, pensant à ce qu’il pouvait envisager de faire maintenant qu’il était déchu. Prendrait-il la fuite ? La louve se mit à espérer une nouvelle fois. Espérer que Noé l’attende, qu’il ne prenne pas la fuite comme il l’avait fait quelque année plus tôt. Priant qu’elle ne se retrouve pas à nouveau seule dans ce monde à porter ses enfants.  

Puis après ce silence pesant, elle finit par lâcher quelques paroles emplies de tendresse envers son frère. Un petit message  en sa faveur qu’elle adresse comme une prière au Dieu sien - pour l’instant-.

« J’espère qu’un jour, vous lui pardonnerez. Il a beau avoir grandi en apparence, il resté l’enfant qu’il était lorsqu’il nous a quitté au fond du cœur. »

Elle s’approche du Dieu, doucement, ressentant comme un poids au fond du cœur et s’assit face à lui. La louve détourne le regard, s’attendant à ce que les foudres du Dieu s’abattent sur elle. La louve ne sourit pas, la louve ne plaisante, ni ne s’amuse en cet instant grave. La louve penche la tête, elle marque une pause, une nouvelle fois. Devait-elle prendre le risque de s’attirer son courroux une nouvelle fois ? Elle qui était si peinée de voir son Dieu dans un tel état et à la fois si peinée de voir son frère ainsi souffrir.

La louve pensa qu’au lieu de le suivre, peut-être il aurait mieux valu qu’elle le dissuade de cette idée. Mais … Elle ne conçoit pas de le voir ainsi malheureux jusqu’à la fin de ses jours.

La louve retire son collier portant la perle servant de glowstick, geste empli de regret auquel elle est forcée.  


Humble la louve s’adresse au Dieu jaune.

« Puis je vous demander, mon Dieu, Vous que je ne reconnais pas derrière cette colère, vous qui êtes habituellement joie et rire, que vaudrait-il mieux pour vous ? Laissez partir vos enfants heureux pour qu’ils puissent trouver meilleure vie ailleurs, ou bien prendre la décision de les garder au près de soi, même si ce choix les conduira à ne jamais trouver le bonheur ? Je ne prétend pas pouvoir trouver une réponse à votre place… Mais puisque je me vois ainsi troublée, je me dois m’en remettre à vous car l’ultimatum auquel je fais face est insoluble. »

La louve pose un regard humide vers son Dieu. Ta disciple n’a t-elle pas assez souffert ?

« Il m’est difficile de choisir aujourd’hui entre ma foi et ma famille.
Si je fais aujourd’hui le choix de renoncer à la famille qu’il me reste, cela me briserai. Comme vous le savez, je n’ai pu revoir mes parents avant la chute du dôme de Mido. Renoncer à cette famille qu’il me reste, m’obligerait à bafouer les valeurs que mon propre clan m’a enseigné, ces valeurs qui sont les miennes. D’autre part, si je fais le choix de suivre ma famille, je me dois de me remettre à vous… et me voit forcée de renoncer à ma foi qui pourtant ne m’a jamais abandonnée pendant mon exile … j’espère que vous comprendrez que jamais il n’y eut en moi l’idée de vous bafouer ou de vous trahir. »

Elle s’arrête, contemple le vide, la tête basse. Elle ne souhaite affronter le regard du divin, posant une patte contre son propre ventre rebondi avant de reprendre.  Si cela était tout ce qu'elle avait à offrir...

« Quelque soit votre décision, même si vous me reprenez vos faveurs, sachez que je ne vous oublierai pas et ce quelque soit la distance qui me sépare de votre temple. Je ne manquerai pas de compter vos louanges à mes enfants à naître. Ils ne pourront ignorer les valeurs qui sont celles de Kiro. »