The Farthest Shore . pv nocera

Tu es parti. Tu as quitté ces terres et le poids de ta punition s’est envolé de tes épaules. Tu as vu le monde sous un autre angle, une inclinaison différente, plus douce. Tu as parcouru terres et mers, pour arriver là où les tiens murmurent aux êtres. Là où l’eau remplace presque tout, sur des milliers d’îles où les habitants s’y déplacent par bateaux et embarcations. Tu t’y es réposé, tu as apprit leur langue, tu as reprit ton souffle. Il était temps. Sur les terres pourries des Dieux l’air est toujours lourd, te plombant les poumons comme de la pollution. Tu détestes ça. Mais loin tu respires de nouveau. Oiseau libre, immenses ailes surplombants les cieux. Tu y rencontras même un loup que tu osas aimer. Plus âgé que toi, il t’a apprit à vivre sur les rives, il t’a apprit les histoires et les légendes de ces terres.  

Mais tu sais bien que tu ne peux pas rester là-bas. Même si tout chez toi te hurle de le faire, tu as toujours un but, aussi futile soit-il. Guider les errants et surtout protéger ceux que tu apprécies encore. Dommage pour toi ils se font rares et n’ont sûrement pas besoin de toi. Qu’importe.

A l’aube tu fais demi-tour, tu retournes vers ta malédiction, vers les péchés et le vice. Tu quittes l’homme que tu as aimé le temps d’un rêve, tu quittes les grandes étendues d’eau calmes et tranquilles.

Tu retournes dans le froid et le silence. Le chemin est long, fatiguant et c’est à contre-coeur que tu pénètres de nouveau dans ta prison. Tes pattes dans la poudreuse ton regard se perd. C’est une douleur qui te fait revenir sur terre, la cicatrice te brûle légèrement, comme un baiser de bienvenue, une morsure qui ne lâche pas prise.

-Content de te voir aussi Ao.

Ceci dit, tu l’ignores car tu n’y fais plus attention, mais cette phrase est sortie d’une autre langue. Une langue venu de si loin, de ton voyage, un langage oublié par tous que tu as apprit aux côtés des conteurs de mots. Ton être tout entier a perdu les coutumes des terres de punk wolf. Il va falloir te recadrer.

En attendant tu commences à avoir faim, alors doucement, comme une vieille ombre, tu glisses sur la neige, cherchant une proie. L’odeur qui vint à ton museau ne fut pas celle d’un repas mais d’un souvenir. Un souvenir qui te percuta de plein fouet. Tu redressa la tête d’un coup. Quel est son nom ? Nocera. Ca, tu ne l’as pas oublié. Où est-elle ? Tu cherches un instant, tu danses entre la peur et l’impatience. Surtout la peur.

Mais tu cherches. Sur ces terres glaciales, tu cherches ton souvenir.

Glaner des informations n'était jeu d'enfant, les circonstances souvent facétieuses. Auprès de Méridor, elle n'avait eu assez pour se diriger. Ce fut alors auprès de quelques visages oubliés qu'elle s'abreuva, pas pour qu'on lui relaye tout le déroulé des faits, mais plutôt une direction. Une boussole pour aller avec les photographies un peu rongées par le temps dans son esprit ; des flashs revenus en bouffées nostalgiques depuis sa discussion avec Eva. Avec était venue une morsure de tristesse, celle de la dernière rencontre, à se dresser contre une paroi pour gagner l'attention, en vain.

Tard sonnait-il mieux que jamais ?
Son esprit osait espérer que oui.
L'aiguille magnétique avait pointé vers le Nord. Là-bas le Roi avait-il créer son nouveau domaine, rumeur racontait. Vague phrase qui ne lui permettait pas de savoir à quoi s'attendre, mais qui avait néanmoins permit de voguer, accrochée à la barre d'un espoir maigre. Elle n'avait regardé plus que la voûte céleste, pour y chercher ses semblables et ne jamais perdre sa destination.

La neige se profila bientôt.
Elle tâchait le blanc inhospitalier, son pelage sombre nuit taillant un sillon dans cette clarté imperturbable. Qu'elle avait changé, la fille des étoiles. Vie elle s'était construite, trouvant maison, amis, but. Mais il y avait toujours cette histoire, perturbée récemment, mais inachevée sur un pan. Elle portait en son creux la silencieuse angoisse que vouloir l'écrire soit obsolète, désormais. Tard sonnait-il mieux que jamais ?
Seul essayer montrerait si les pages avaient été arrachées.
Ou si elle attendaient encore qu'on en écrive la suite.

Ses yeux, seule partie restée claire, se posèrent enfin sur une silhouette.

Blanc.
Elle eu peur de se tromper, sa photo interne restée bloquée à un temps où il avait porté plus de cette doux chocolat. Mais il lui teintait encore un peu du corps. Et il y avait encore le miel et l’opale, ces deux yeux qu'elle avait connu, au moins un temps, doux. Qu'elle trouvait ce jour là inquiets.

"Avalon."

Elle inspira, lança ce qui lui vint par la tête.

"J'avais promis."

Que je repasserais vous voir, de temps en temps.
Même si cela faisait presque une éternité.

Nocera. Tu sais que c’est elle seulement car ton coeur t’hurle dessus. Mais elle n’est plus celle que tu as un temps aimé. Son pelage est un couché de soleil annonçant une pluie d’étoile filante, ses cheveux, courts, et son visage semble … mélancolique. Tu t’approches, un peu plus, toujours un peu plus, faisant chanter la neige sous tes pattes.

-J’ai cru que tu étais morte. Non. Que j’étais mort. Mort dans ton esprit, dans ta poitrine, loin.

Tu esquisses un sourire qui déchire ton visage, te fait presque mal aux lèvres. Cela fait bien longtemps que tu n’as pas parlé cette langue là et cela s’entend, ta voix tremble un peu et tu butes sur quelques mots. Mais elle est là. Bien là. En face de lui. Une promesse qu’Avalon a oublié, enterré sous un passé mouvementé.

-Cela fait si longtemps Nocera. Tu restes toujours une fille de la lune, tu es devenu encore plus belle que dans mes souvenirs.

Tu effleures sa joue avec ton museau, un peu maladroit. Tu ne sais pas, au final, si elle te déteste. Après tout, c’est une enfant des Dieux, et toi les dieux … eh bien disons qu’ils ne font plus partie de tes moeurs. Tu te demandes ce qu’elle a vécu elle, quel chemin a t-elle traversé. Lui, oiseau en cage dans son dôme, n’a rien pu voir. Yersine. C’était le nom du troisième, du blessé, de celui qui défendait ce faible lapin. Ton visage s’adoucit et tu plonges tête baissé dans la nostalgie. Cela te fait du bien, in a way.

-Pardonne moi, d’avoir disparu là où la neige n’est pas.

Elle se souvenait du calme qui habitait sa voix, et de la patience qui se dégageait de ses mouvements. Des caractéristiques qu'elle retrouva. S'il s'était habillé de blanc, et d'une cape, elle pouvait associer le fantôme du passé avec l'image du présent ; superposer et d'un clignement d’œil refaire une photo à stocker dans ses souvenirs.

Elle se fit surprendre par son contact et par ses mots. Autant de l'action que de ce que cela lui évoqua : elle eu l'impression de ne plus frissonner, une note de chaleur en elle qui dissipa le froid environnant. Le compliment lui agita malicieusement son esprit, et une ficelle de son cœur, ravivant l'intrigue qu'elle avait toujours eu. Lui, loup qui avait semblé inatteignable et indépendant, qui s'était avéré doux. Semblé plein de verve, dont l'hésitation dans le geste et le débit de parole l'agitait aujourd'hui. Loup complexe et entier qui la surprenait toujours, piquait son âme à vif comme si peu d'autres. Elle associa l'accent habitait son timbre à côté du calme comme celui de l'endroit où la neige n'était pas.

"J'ai cru que tu étais mort. Je t'ai vu brièvement sous le dôme, tu étais mal en point." Oreilles baissée, elle se pressa un peu plus contre lui. "J'ai entendu ton soulèvement, et ton départ pour le nord. Tu es devenu un enfant de la neige."

Elle pouvait sentir son corps, fort et affirmé sous son toucher. Présent. Réel, vivant.

"Tu va mieux."

C'était tout ce qu'elle avait craint, mais elle avait trouvé là ce qu'elle avait espéré ; une vision neuve, une figure apaisée des problèmes. Elle aussi avait eu des choses à surmonter, et comme pour consolider ce qui se reformait déjà à le recroiser, elle n'hésita pas à se lancer dans son histoire.

"Je vais bien. Il y a un manoir par chez moi, habité par un esprit morbide et ses araignées, qui se joue quelque fois des loups de la meute, pour trop traîner en sa demeure peut-être. Mon ouïe et celle de mon jumeau ont été prises, mes couleurs, Yersine a affronté les arachnides..." Elle profita d'évoquer son nom pour parler un peu de lui, le troisième visage de leurs rencontres premières. "Qui t'a cherché aussi. Grâce à Yurai, il est passé sous le dôme. Je l'ai revu, pour voir le manoir, à la bibliothèque aussi, avant qu'il ne reparte accomplir une quête qui lui importait. Entre-temps, le manoir a joué un tour et des enfants magiques sont nés, portant les gênes de trois parents... dont les siens."

Elle fit une grimace. C'était fantasque, mais aussi tellement punk wolf.
Elle se délogea enfin de son contact, pour l'observer dans ses yeux, iris opalescents et d'or.

"Je sais également où il se trouvait récemment, pour retourner le voir. Je profites d'aider à réparer les terres pour ce faire. Je voulais te retrouver pour... y aller ensemble ? Je sais que tu as toujours..." Été attiré par lui. "Je voulais voir si cette histoire pouvait encore s'écrire."

Elle se souleva d'un sourire à son tour.

"Mes promesses sont éternelles."

Elle, voulait encore prendre ce crayon et regarder vers demain en sa présence.

Elle ne savait si elle retournerait danser avec les araignées, bien que l'envie l'eu habité un moment après avoir su que Sobieski avait été touché. Elle hocha la tête, prenant l'offre en compte cependant, marquant ainsi qu'elle l'avait entendu sans l'interrompre.
Parjure.
Le mot fut lâché, attrapé avec tristesse par Nocera. La pleine mesure de sa position face aux dieux, opposée à celle de Yersine qui était bien plus pieux qu'elle-même encore. Elle baissa la tête, jouant avec l'idée que peut-être oui, cela compromettrait les chapitres futurs. Mais sa cape sur les épaules, et la chaleur dans l'âme, elle se rappela qu'il n'y avait pas qu'un seul type de foi dans ce monde.
Elle écouta sa peur et s'attarda sur les détails de son pelage découvert entièrement. Elle synthétisa ses paroles, eu l'impression de voir la logique dans ce qui l'animait : peut-être peur de perdre la sérénité qu'il avait acquis, de ne faire que glisser dans le rôle qui lui avait été attribué par d'autres. De ne plus être lui, mais simplement l'imagine que d'autres en projetaient ?

Elle comptait pour lui.
Plus elle passait du temps en face de lui, plus elle était sûre.
Elle non plus ne voulais plus le perdre.

"Nous n'avons pas besoin de voir les autres, ni les dieux."

Le regard un peu embrumé, elle s'avança et de son propre chef cette fois qu'elle passa son museau contre sa joue. Une simple pression pour avec espoir, l'inciter à le baisser pour coller leurs fronts un instant. Un murmure de sa part, une autre promesse proférée. Superflue sans doutes, mais elle aimait la solennité de ces pactes et la précédente avait été remplie, quoi de mieux que d'en offrir une à durée illimitée.
Éternelles, oui.

"Je serais la barrière, je serais le lien."

Entre lui et les dieux, entre lui et les autres. Il n'y aurait à s'inquiéter que de retrouver le loup noir. L'avenir leur dirait où ils se retrouveraient, où ils vivraient. Une étape à la fois.

"Vers l'Île aux Roses. Cela va nous faire descendre par les terres Nakhus." annonça t-elle finalement.

Elle recula d'un pas, deux, et les yeux accrochés aux siens, l'attendit.
Voulait-il partir dès à présent ?