Dernière lueur -Luidia-

Luidia

L’endroit le plus probable où vous trouverez la petite aux mèches sang et or ses derniers temps, c’est sur la plage. Sans que personne ne comprenne trop pourquoi, l’enfant retourne toujours sur la côte pour observer la mer et fouiller ce que les vagues apportent. Chaque jour elle découvre de nouvelles choses fabuleuses qu’elle utilise ensuite pour se construire une cabane entre deux grosses pierres en lisière de bois. C’est ainsi qu’elle occupe ses journées. Multipliant les allez-retours entre la plage et sa cachette, traînant derrière elle tantôt le reste d’une voile de navire, tantôt des planches détrempées.

À l’ombre des arbres, elle joue au milieu de son joyeux foutoir. Sa cachette n’a de cabane que le nom puisse qu’elle ressemble plus a un dépotoir qu’autre chose. Pourtant, l’œil avisé remarquera que, bien que brinquebalante, la structure a été soignée et est entretenue par sa propriétaire. Décorée avec des coquillages et des plumes colorée. Preuve de son ingéniosité précoce. La louve dont les mèches tombent toujours sur ses yeux et lui barrent la vue, inspecte sa dernière trouvaille. Un médaillon doré semblable à celui des autres loups de l’île mais qui ne porte pas le même dessin. Ici une étoile de mer, gravée au centre, est entourée par des points et quatre symboles. Elle n’en comprend pas le sens mais l’objet lui plaît. Alors elle passe la chaîne autour de son cou. Maintenant il est à elle. Et même si vous lui dites qu’elle est trop petite pour le porter (ce qui est vrai, puisse que le pendentif traîne dans le sable quand elle marche) elle ne le retirera pas.
Ravie, elle sort de sa cabane et retourne sur la plage pour faire le tour de l’île et le montrer à sa maman. Là, elle découvre un spectacle fascinant. Le ciel qui était bleu encore tout à l’heure, est désormais teinté de rose, d’orange et d’or tandis que le soleil disparaît derrière l’horizon. Les yeux de l’enfant brillent. Elle s’élance sur la plage pour observer le paysage de plus près.

Dans son champ de vision apparaît soudain une silhouette à contre jour. La louve freine des quatre pattes dans le sol. Va-t-elle oser s’approcher de cet inconnu qui semble avoir son âge si l’on en juge par sa taille ? La fille de la tempête hésite puis, redresse fièrement la tête et bombe le torse. Elle marche, que-dis-je ? Elle se pavane sur la plage, mettant en valeur sur son poitrail son trésor. Puis, elle va s’asseoir face à la mer, pas trop loin de ce loup qu’elle ne connaît pas mais pas trop près non plus. Le vent marin vient mélanger ses cheveux. La houle vient déposer du sable sur ses pattes. Elle jette un coup d’œil, l’air polisson, à cette silhouette sombre qui est a quelques pas. Et car son propre comportement de princesse de la mer, la fait rire, elle glousse discrètement.

Elle l’observe en silence. Ah ! Il s’approche ! La petite a du mal à tenir en place. Sa queue s’agite dans le sable trahissant son enthousiasme grandissant. La silhouette du louveteau se précise à mesure qu’il approche. Un pelage violet et des cheveux blancs courts. Le sourire de la fille adoptive de Naïade s’étire d’une oreille à l’autre. Elle le laisse venir jusqu’à elle. Lui aussi affiche un sourire radieux qui dévoile une magnifique rangée de petites quenottes blanches et brillantes. Rien à voir avec le sourire un peu effrayant de certains vieux pirates !

Sans qu’elle n’ai le temps de réagir, le mâle se jette sur elle. Surprise, l’enfant échappe un cri alors qu’ils tombent dans le sable. Là voilà littéralement inondée par une vague de câlins et de compliments. Elle ne s’attendait pas du tout à ça ! Mais une fois la surprise passée, elle rit et sa voix cristalline monte dans le ciel qui se pare des couleurs de la nuit. Il la chatouille quand il glisse sa truffe dans sa fourrure et elle rit de plus belle. Incapable de se délivrer de son emprise pour éviter les guilis elle décide de renverser la situation. L’enfant l’entoure à son tour de ses pattes et bascule sur le côté.

Alors qu’ils se retrouvent truffe à truffe, elle remarque ce qui lui avait échappé depuis tout ce temps.

— Tu as les yeux comme maman !

Sauf que les siens sont bleus et jaunes!
Les dernières lueurs du jour disparaissent sur leurs corps allongés dans le sable au bord de l’eau. Il commence à se faire tard. Et probablement qu’ils vont se faire gronder à rentrer chez eux après le couché du soleil. Mais le temps est une notion bien abstraite quand on s’amuse. Évidemment elle n’a pas répondue à la question de Eros, mais que voulez-vous ? Elle passe si vite d’une chose à l’autre qu’elle a déjà oublié ce qu’il lui a demandé.

— Pareil ? Pareil ? Ça veut dire que c'est ma maman aussi ?

Luidia hésite. Ses oreilles se penchent sur côté ses sourcils se froncent tandis qu’elle réfléchi. Elle le renifle, l’odeur qu’il porte ne ressemble pas à celle qu’elle connaît. Et puis il y a un point essentiel.

— Pas possible, les bébés de maman sont encore dans son ventre !

Elle libère une de ses pattes et montre son propre ventre pour appuyer ses propos avant d’afficher une moue désolée sur son petit museau. Cela semblait le rendre si heureux de savoir qu’ils font partie de la même famille. Pour ne pas qu’il soit triste après cette annonce, elle lui rend son étreinte. C’est pas grave s’ils ne sont pas frère et sœur ils peuvent quand même jouer ensemble. En parlant de jeu, la fille de la tempête en trouve un tout a fait adéquat. Luidia s’échappe d’entre les pattes d’Eros et sautille dans le sable humide. Sa queue bat énergiquement derrière elle. Ce jeu va forcement lui plaire.

— On peut faire notre famille à nous !

Elle pousse le loup du museau pour le forcer à se lever à son tour. Oh oui ce jeu va être gé-ni-al. Soudain elle a une révélation. Elle lui mordille l’oreille et tire sur son poil pour lui indiquer de la suivre. Toute excitée à l’idée de lui présenter sa cabane, Luidia part devant à vive allure et multiplie les « dépêche-toi ! » et autres « Allez viens ! » à l’attention du mâle aux mèches blanches.