Cape, épée... Et panseur - Désastre

Les paroles de Pepper n'était pas tombées dans l'oreille d'une sourde et encore moins dans celle d'une fainéante : Elle voulait aller patrouiller dans le Nord.
Plus que d'apporter l'aide promise aux Nakhus, ce serait une nouvelle aventure, l'occasion de découvrir de nouvelles choses et, peut-être, de revenir plus forte, plus instruite. Mais ce n'était pas tout, de vouloir y aller : Si ses pattes devaient la mener jusqu'à la grève gelée, elle savait aussi qu'elle risquait fort de tomber malade, avec son poil peu épais et son corps habitué au climat chaud du Sud.
Il lui fallait donc se préparer.

Elle avait récupéré l'une des peaux de bête disponibles au Castel : Celle d'un bison. Très honnêtement, devoir porter cela rebutait quelque peu la louve coquette qu'elle était, tant la couleur sombre contrastait avec les teintes pastelles de son pelage à elle... Mais soit ! Ils n'avaient, ici, que bien peu d'animaux au pelage blanc et elle avait bien d'autres choses à faire que de se rendre aux Monts Célestes pour chasser des chèvres des montagnes juste pour des raisons esthétique.
Elle serait donc moche avec sa cape en peau de bison.

Enfin, encore fallait-il la faire, la cape.
La louve bleue avait décidé de ne pas faire cela dans son coin. Actuellement, elle aimait s'entourer des siens. Mais puisque cette fourbe d'Anita avait déjà sa cape et n'avait donc pas besoin de participer à un atelier de couture. Ce serait donc avec Désastre seul, qu'elle œuvrerait aujourd'hui. Du moins, si il acceptait de travailler en sa compagnie.

- Salut ! Ça te dit qu'on fasse nos préparatifs pour le Nord ensemble ?

Elle la connaissait déjà, la réponse.
"D'accord."

Oh, il n'avait pas l'air d'aller très bien, Désastre. L'avait-elle dérangé plus que de coutume ? C'était fort probable.
Elle vit bien vite la petite bestiole accrochée à l'une des oreilles du panseur. Sans qu'elle ne puisse le retenir, un grand sourire attendri vint fendre son visage.

- Ooh mais il est trop mignon ! C'est quoi, son p'tit nom ?

Son regard pétilla et elle du se faire violence pour ne pas s'approcher davantage : Quelque chose lui disait que ce n'était pas une bonne idée, étant donné la posture tendue de Désastre.
Holly devait bien avouer avoir un faible pour les mignonnes petites bestioles... Raison pour laquelle elle s'occupait d'ailleurs de ce bébé mouette rieuse, aujourd'hui resté à la tanière. Désastre et elle devaient avoir la même passion pour les bestioles. Celles qu'ils ne chassaient pas, en tout cas.
Bref, ce n'était pas tout, de s'émerveiller, il fallait aussi travailler.

- Oui ! Il faudra au moins ça, si l'on ne veut pas tomber malade.

Mais ça, il devait déjà le savoir. C'était lui, le panseur, après tout.
Redevenant sérieuse, la louve bleue se coucha a même le sol, rapprochant les peaux trouvées... Et se demandant par où elle pourrait commencer. Si il y avait moyen de faire un truc pas trop moche, aussi. Pour cette dernière option, elle n'avait pas vraiment d'espoir, honnêtement.
De ses griffes, elle fit sur le sol un croquis de ce qu'elle souhaitait réaliser.

- Je pense qu'idéalement, il faudrait plus qu'une simple cape. Le vent pourrait s'engouffrer en dessous, sinon. Nous pourrions peut-être réaliser une sorte de manteau, ajusté au niveau du torse, protégeant le ventre tout en laissant les coudes dégagés pour ne pas gêner les mouvements. Peut-être faire quelque chose qui remonte sur le cou, pour protéger du froid et des morsures. En plus, avec quelque chose d'assez ajusté, nous évitons de nous prendre les pattes dedans... Ou d'offrir une prise à un potentiel adversaire. Nous pourrions le refermer à l'aide d'un laçage en corde.

Elle leva les yeux vers lui.

- Tu en penses quoi ? Tu as d'autres idées ?

Est-ce-que ça lui semblait faisable, tout simplement ?

- C'est très joli, Sourire. Ça lui va bien. Il semble heureux d'être avec toi.

Ses paroles étaient on ne peut plus sincères : C'était doux, comme prénom, Sourire et plutôt flatteur pour la petite créature. Après tout, qu'y avait-il de plus beau et doux qu'un vrai sourire ? Pourtant, il y avait, dans ce nom, comme une douce ironie, puisqu'il venait de celui qui, jamais, ne portait sur son visage la moindre expression joyeuse.

Il représentait un mystère, Désastre, si calme, si silencieux, si sérieux, ne parlant que bien rarement de ce qu'il ressentait mais gardant tout de même ses distances dès lorsqu'ils ne combattaient pas. Elle se souvint des mots prononcés aux falaises littorales, avant la chute dans l'océan, de ces choses, qu'il tâchait de contrôler. Ces choses trop nombreuses, pour un si jeune mâle.
Trouvait-il toujours de l'aide auprès de Pepper ? Si oui, pourquoi y avait-il tel écart, entre eux deux, actuellement ?
Elle lui souhaitait sincèrement le meilleur, le bonheur, espérait voir fleurir sur son visage, un jour, un magnifique sourire. Mais pour l'aider, elle n'avait pas encore d'idées. Alors elle se contentait de ces silences, de cette présence, de ces coups d’œil qui le couvaient, veillaient sur lui, de temps en temps. Par ce que quelque chose lui disait qu'il ne serait pas bon de le forcer, qu'il pourrait prendre la fuite et elle ne le voulait vraiment pas.
Holly l'appréciait, Désastre.

Elle laissa ces pensées là de côté, au profit du travail, écoutant attentivement les modifications que souhaitait apporter le loup gris. Elle hocha la tête, ne trouvant rien à y redire. Ou presque, une autre idée venant de germer dans son esprit.

- Ce sont de très bonne idées. Nous pourrions aussi rajouter une capuche. C'est quelque chose qui pend, mais je pense sincèrement que nous serons heureux d'en avoir une, pour protéger les oreilles et les yeux du froid... Et du vent, en cas de tempête. Si elle est trop gênante, nous pouvons partir sur le même système de scratchs que les attaches. Ainsi, si quelque chose nous attrape par la capuche, elle se détachera du reste d'elle-même.

Tout en parlant, elle déroula l'une des peaux, la plus grande, à côté de Désastre. Ils auraient beaucoup de couture à faire, avant d'arriver à ce résultat assez ambitieux... Alors autant ne pas perdre de temps.

- Je te propose de faire ta cape directement sur toi et que tu en fasses de même sur moi. Je pense que ce sera plus simple, pour faire quelque chose à la bonne taille, sans se tromper... Et qu'il ne doit pas être simple de confectionner quelque chose sur soi-même.

Elle n'était pas encore experte de la couture et préférait donc opter pour la solution de facilité, puisqu'ils n'avaient pas de mannequins sur lesquels travailler. Autant profiter d'être deux pour fonctionner ainsi.

Elle hocha vigoureusement la tête, à la suggestion de Désastre. Les lunettes, c'était une bonne idée, de même qu'épaissir le manteau sur ces zones de leurs corps plus sensibles au froid. Elle espérait que la peau, assez fine, de leurs animaux du Sud soit suffisamment épaisse pour leur permettre de résister au froid du Nord... Dans le pire des cas, ils n'auraient qu'à chasser autre chose, là bas. Ils devaient bien avoir leur propre faune locale, après tout.

A sa proposition, il ne semblait pas très à l'aise, par contre, Désastre. Holly se souvint alors de cet écart qu'il mettait systématiquement entre eux, lorsqu'ils étaient amenés à se côtoyer. Si elle avait pu, elle aurait abattu l'une de ses pattes avant sur son crâne, réactions exaspérée face à son propre manque de jugeotte.
Au lieu de cela, elle réfléchit à une solution pour se dépêtrer de cette situation sans que Désastre puisse penser qu'elle avait pitié de lui.

- Oh, je ne sais pas trop suturer, moi, j'aurais peur de te piquer... Je ferais peut-être mieux de travailler à part, avec des mesures.

Tenait-elle la route, son excuse ? Elle le saurait bien vite.
En attendant, elle fouilla la réserve à la recherche de vêtements qui pourraient faire l'affaire. Elle en ressorti un body élimé, probablement de ceux qui permettaient d'empêcher l'accès aux blessures à ces loups qui ne pouvaient s'empêcher de se gratter.
Holly le déplia et le mit à plat devant Désastre.

- Ça me semble pas mal, ça. Il est peut-être à ta taille, pour les mesures.

Holly haussa un sourcil, détaillant du regard, à défaut de pouvoir s'approcher, le vêtement enfilé par Désastre. Il était vrai qu'il s'y retrouvait quelque peu... saucissonné. Voilà qui devait être particulièrement inconfortable : Il faudrait donc faire attention à ce que ce ne soit pas le cas, avec le manteau qu'il porterait dans le Nord.
Aux indications données par Désastre, elle hocha la tête.

- D'accord.

Pour une fois que c'était elle qui le disait.
Elle fit sauter les coutures du vêtement, mettant les différents morceaux à plat, comme l'avait fait son camarade avec un pull. Là, c'était l'avant, plus court sur le ventre, mais plus profond, pour bien prendre le poitrail. Et là, l'arrière. Il n'y avait pas beaucoup de pièces, sur des vêtements sans manches... Ce qui ne serait pas le cas de leur manteau qui se devait d'en comporter, ainsi qu'une capuche.
Elle se pencha donc sur le pull de Désastre, en étudia soigneusement les différences. Le col aussi était intéressant.

- Oui, c'est bon !

A partir de ce moment, elle ne dirait plus rien, bien trop concentrée sur ce travail minutieux qu'elle avait à faire.
Faute d'avoir un scalpel, puisqu'elle n'était pas panseuse, elle s'empara d'une pierre très affûtée pour découper la peau épaisse. Elle opta pour des morceaux de belle taille, quitte a prendre une certaine marge et retirer de la matière un peu plus tard.
Aux coutures, bien embêtante à défaire si elle se trompait, elle préféra, pour le moment, des épingles à nourrice, histoire d'avoir une idée de ce qu'elle faisait et de ses mesures.

Elle tourna la tête vers Désastre, désignant son ouvrage de la patte.

- Ca te semble correct ? Est-ce-que tu veux bien l'enfiler, s'il te plait ?

Une fois le manteau enfilé, elle l'observa attentivement, à la recherche de ce qu'elle pourrait modifier. Au moins, il ne semblait pas trop serré, dedans, bien au contraire puisque l'arrière était même un peu lâche. Elle n'aurait cependant aucun soucis pour modifier cela rapidement, avant d'entamer les coutures.

- Ok !

Elle reprit le vêtement, modifia l'emplacement des agrafes. Voilà qui lui semblait mieux. D'une craie blanche elle dessina les poches, à l'arrière, pour mieux pouvoir les coudre. C'était plutôt symétrique, elle était contente.

A son tour, désormais.
Elle enfila le début de pull et fit quelques mouvements, tout en prenant garde de ne pas faire sauter les épingles... et ruiner le travail de Désastre, ce qui aurait été bien dommage. Le verdict tomba rapidement.

- C'est parfait. Tu t'es bien débrouillé.

Il ne la gênait pas du tout et elle pourrait même, peut-être, rajouter une doublure à l'intérieur si elle avait l'occasion de croiser la route d'un animal à la peau plus épaisse et adaptée au froid qu'un gnou. Occasion qu'elle provoquerait, si elle ne venait pas à elle : Il était important de se préparer au mieux pour cette expédition.
Elle le laissa modifier ce qu'il voulait directement sur elle, ou récupérer le vêtement si cela lui plaisait mieux. Elle, ne voyait aucun soucis à ce qu'il l'approche... Ce n'était pas comme si elle était souvent en contact physique avec ses camarades, après tout.

Une fois libre, elle remplaça les épingles du vêtement qu'elle confectionnait par les coutures définitives. Elle les fit serrées, afin que rien ne lâche, tâchant de se souvenir de ce que lui avait appris Izykia. C'était un travail long et minutieux. La louve bleue bâilla à s'en décrocher la mâchoire. Plusieurs fois, elle changea de position, cherchant celle qui lui était la plus confortable... et lui évitait les crampes.

Elle faisait de son mieux, pour cette confection, veillant à faire quelque chose d'assez solide lorsque le manteau se retrouverait malmené par le mouvement et le combat. C'était important : Une zone qui sautait, c'était un morceau de peau mis à nu, à la merci du froid et des crocs des prédateurs. Et même si le vêtement ne pourrait peut-être pas protéger Désastre de n'importe quelle créature... Elle veillerait à ce qu'il lui soit utile.
Il n'était pas question de le perdre sur cette expédition, lui non plus, ce panseur si talentueux, cette fleur, à peine éclose, dévoilant tout juste la beauté de ses pétales.

Dans ses poches, elle fit plusieurs compartiments, afin qu'il puisse trier ses plantes, ses billes, sans avoir à se mélanger si il devait se saisir de quelque chose de bien spécifique dans une situation critique. C'était couper davantage de tissu, renforcer les points les plus vulnérables : La gorge, la nuque et le ventre. Il était regrettable, que la peau ne soit pas celle d'un animal de grand froid.

Lorsque Désastre se redressa, lui déposant son vêtement terminé, elle mit un moment à réagir, bien trop concentrée sur ses derniers ajustement.
Holly finit néanmoins par redresser la tête, la nuque quelque peu endolorie.

- D'accord !

Pendant ce temps là, elle peaufina son travail et vérifia qu'aucun fil ne dépassait. C'était correct, là, comme ça... Peut-être qu'un connaisseur y aurait vu quelques défauts.

Désastre revint avec de la peinture. Elle l'observa, curieuse, tracer sur l'épaule de la cape qu'il avait faite pour elle une épée. Parfaite, sans déborder. Wow. La. Pression. Saurait-elle faire si bien, elle ? C'est qu'elle n'avait jamais eu vraiment loisir de s'essayer au dessin.
Elle tenterait, tout de même, pour faire plaisir à l'ami gris.
En attendant... Sourire reconnaissant, sur ses babines.

- Merci, Désastre, elle est parfaite.

Holly s'empara à son tour des couleurs, traçant sur l'épaule une croix. Ca lui semblait correct, l'on voyait quelques coups de pinceau, les bords n'étaient pas aussi nets que sur l'épée de Désastre mais... Mais ça faisait le job.
Dommage, elle aurait aimé lui offrir mieux.