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Cassius
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Cassius

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MessageSujet: Une offre | Misiek   Une offre | Misiek EmptyLun 13 Juil 2020, 17:59




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Misiek


Un beau jour, l'idée lui avait traversé l'esprit. Fugacement, comme ça, quelques mots soupirés du bout des lèvres par son subconscient dans le creux de son oreille, tandis qu'il observait la manière qu'avaient les rayons du soleil couchant de se réverbérer sur les murs de sa tanière, bien trop grande pour lui seul.
Depuis, elle ne le quittait plus.

Il avait bien essayé de s'en défaire. Cela faisait des semaines qu'il redoublait d'escapades, toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus dangereuses. Cherchant la catharsis dans l'épuisement physique, celui qui noyait votre esprit dans une brume opaque et ne laissait plus de vous qu'un corps-machine parfaitement à même de fonctionner tout seul. Incapable de fonctionner autrement, à vrai dire.
Ca ne marchait pas.
Il n'y avait gagné que des courbatures. Une meilleure endurance et une musculature plus affutée qu'avant, ce qui était toujours bon à prendre, mais n'était qu'une bien maigre compensation face au sacrifice qu'il envisageait de faire.
Oh, certes, des fois, l'idée semblait partir. Il croisait la route d'un ours ou d'un puma, ressortait de là avec l'esprit au calme, quelques cicatrices de plus, et de la viande pour des jours.
Ça ne durait pas.
Il en était arrivé à envisager de chercher des adversaires plus gros, plus puissants, plus vifs. Un challenge plus important, dans l'espoir que la paix intérieure s'installe un peu plus longtemps. Au final, ça n'avait fait qu'empirer les choses. A présent, ça le taraudait nuit et jour, allait jusqu'à hanter ses rêves, les rares fois où il parvenait à trouver un sommeil suffisamment profond pour en faire.

Joaquín n'avait jamais été doté d'une patience exemplaire. Point positif, elle était ajustable : certaines situations l'encourageaient, d'autres la réduisaient à un minimum que beaucoup auraient jugé indécent. Elle avait pu à une époque sembler infinie lorsqu'elle touchait à ses sœurs, était relativement correcte s'il était question de femelles, devenait presque inexistante lorsque confrontée à la plupart des mâles. C'était un schéma simple et sans ambiguïté, quelque chose de clair où il lui était parfaitement possible de s'y retrouver.
Là, il était question d'être patient avec lui-même. Avec une partie de son putain de cerveau qui semblait décidée à vivre sa vie comme elle l'entendait, sans réellement se soucier de ce que pouvait en penser le reste de touts ces choses tangibles ou non qui faisaient de lui Joaquín. Déchirure intérieure, situation nouvelle à laquelle il avait fait l'effort de s'adapter du mieux qu'il pouvait. Il avait attendu que ça passe. Ça n'était jamais passé.
Il avait attendu remarquablement longtemps.
Ça n'avait servi à rien.
Alors, un matin, excédé par ce qui devenait littéralement une obsession à laquelle il ne pouvait visiblement pas échapper, il s'était levé, l'air maussade, et avait quitté son antre, son oiseau rapidement derrière lui.
Le premier quart du chemin qui séparait la Passe Ventue de la Côte, il l'avait fait l'allure crispée. Ses membres endoloris par des semaines d'effort intense en étaient moins la cause que les pensées contradictoires qui tourmentaient alors son esprit. Il avait largement mordu sur le territoire Etelkru sans même s'en rendre compte.
Le deuxième quart, il avait commencé à avoir la frousse. Son pas s'était ralenti, et c'était probablement une bonne chose qu'il se soit alors trouvé de nouveau sur les Terres Libres, car le trajet avait trainé en longueur, et il aurait probablement été intercepté par une patrouille pour peu qu'il se soit encore trouvé sur les terres de la meute, en admettant bien sûr que ses membres aient été capables de garder leurs frontières.
Ils étaient capables.
Ca ne faisait aucun doute. Sinon, il n'en aurait pas été là.
Le troisième quart, il avait tenté de se convaincre que c'était la meilleure idée possible : il valait mieux prévenir que guérir, et c'était peut-être au final ça qu'il avait cherché tout du long. Ou c'était peut-être un départ vers une forme de quiétude, d'accomplissement de soi. Ça coïncidait après tout avec ses besoins. Avec ses désirs. Son inaptitude à une stricte vie en solitaire, aussi bien que cette nécessité qu'il avait depuis tout petit de se trouver une utilité. Une cause à défendre, peut-être. Il n'en savait trop rien. A la fin du troisième quart, il était convaincu que c'était la bonne chose à faire, et que tout irait bien, qu'il arriverait à s'adapter.
Le dernier quart avait été un enfer. Toute certitude s'était effondrée comme un château de cartes aurait été soufflé par l'embrun de la mer lorsque ses pattes avaient commencé à fouler le sable blanc de la plage et chaque millimètre de son crâne avait été noyé par le doute et une terreur sans nom. C'était bien la première fois qu'il s'était senti comme ça. Faible et impuissant. A la merci de quelque chose qu'il ne parvenait même pas à nommer. Sentiment totalement étranger dont il ne voulait guère : à ce moment-là, son esprit avait capitulé. Et il aurait tourné les talons sans sommation, tout abandonné comme le plus infect des couards, si ses yeux ne s'étaient alors posés sur ce qui avait été autrefois le fragile abri que s'était construit une certaine petite louve, au creux des rochers. Il n'y avait désormais plus ici que quelques débris, témoins fugaces d'une existence précaire dont il ne savait pas si d'autres que lui pouvaient les reconnaître.

Trop tard, susurra une voix cruellement identique à la sienne dans son esprit. Trop tard pour faire demi-tour.
Il se planta là, comme un connard, et regarda autour de lui à la recherche d'une trace. D'une piste. Il huma attentivement l'air, espérant que ce faisant il pourrait être distrait de ces incertitudes qui continuaient de le bouffer, même maintenant. Se raccrochant aux sensations du mondes qui l'entourait. Faisant barrage au reste.
A l'idée qu'elle n'était peut-être pas là, au final.
Elle pouvait être loin.
Elle pouvait être partie, usée par ce continent trop peu hospitalier pour une fragile fleur comme elle.
Ça aurait réglé le problème. Tout serait rentré dans l'ordre. Il aurait pu retourner à son existence chiante, mais si familière.
Aurait-il été déçu ?
Elle aurait pu être morte. Happée par une gueule Etelkru ou quelque monstre venu tout droit d'il ne savait trop où cette fois-ci, sans que cette fois-ci personne ne l'ait vue, sans que personne ne l'ait su.
Non.
Ça, là. Exactement ça.
Cette pensée lui était intolérable.
S'il était arrivé trop tard, il ne se le serait jamais pardonné.
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MessageSujet: Re: Une offre | Misiek   Une offre | Misiek EmptyVen 17 Juil 2020, 15:40

҈
UNE OFFRE
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MISIEK


Tu peux encore sentir son souffle désagréable sur ta nuque, tu peux encore sentir ses crocs s’enfoncer dans ta peau. Tu peux simplement sentir cela car tu es venue au monde sans pouvoir ressentir la moindre douleur physique. Alors il ne te reste que la vague sensation, comme quand on effleure une épaule du bout du museau ou quand le vent vient happer ton pelage. Une simple sensation. Tu aimerai que cela soit différent. Tu ne veux pas garder cela contre toi, tu veux détester davantage cette attaque. Tu veux haïr un défunt, mais bien sûr Misiek tu ne peux pas. Car tu ne te souviens pas de la suite des évènements. Tout est trouble, tout est abstrait.

Cela fait maintenant quelque temps. Tes plaies, encore bandées, se referment. Ton coeur lui, se resserre. Et ta vision se fait sombre. Tu as quitté ton ancien abri, il était trop bancal, trop maladroit. Tu as migré vers un espace plus à sec. Avec les herbes longues ramené quelque jours plus tôt tu as fabriqué avec soin de quoi t’allonger et tu passes tes journées ici, à l’ombre des roches et des arbres, fixant tes pensées, en silence. Toujours en silence.
La nuit tu entends les prédateurs s’approcher, rôder et partir. La nuit tu entends les proies trouver refuge près de toi et eux aussi, quitter ton flanc quand le soleil se lève. Et la journée recommence.

Mais cette fois là c’est différent. Tu parviens à te lever tôt, tu parviens à trouver tes forces et un peu de motivation et tu sors. Tu te penches au dessus d’un point d’eau, te déshydrate et reprend ta marche. Vers où ? Là où tu l’as rencontré pour la première fois. Cet oiseau sauvage et farouche. Lui qui s’est posé si près de ton océan, de tes coquillages. Lui qui est reparti voler dans le ciel avec un morceau de ton être.

Et comme suspecté, après quelques heures d’attente, il arriva. Tu lèves la tête et un léger sourire s’affiche sur ton visage. Il revient illuminer ton coeur, il revient voler au dessus de toi. Tu hésites un instant. Devrais-tu ressentir de la gêne ? Après tout, il n’a pas voulu de toi. C’est compréhensible et c’était tout à fait logique, tu n’es pas taillé pour leur aventures. Et si cela ne t’as pas blessé, si tu l’as tout de suite encaissé, tu ne sais pas comment eux l’ont vécu. Comment il l’a vécu.

-Joaquín..

Maintenant tu sais dire son prénom sans bégayer, sans buter sur les lettres et sans que ta voix tremble. Et c’est l’unique mot que tu sais dire sans problème. Tu fais quelques pas vers lui.

-Que fais-tu ici ?






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Cassius
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MessageSujet: Re: Une offre | Misiek   Une offre | Misiek EmptyMar 21 Juil 2020, 18:08

Il ne mit guère longtemps à remonter jusqu'à Misiek : elle n'était à vrai dire pas bien loin. La silhouette claire de la petite louve se dessinait désormais clairement face à lui, encore quelques secondes et il était face à elle.
Il aurait bien voulu que la confusion qui agitait son esprit s'efface, à présent qu'il la voyait face à lu. Elle était réelle, tangible, il était venu jusqu'à elle, l'avait trouvée. Ca aurait pu l'apaiser.
Malheureusement pour lui, la vie n'était pas un roman, et on avait veillé dès sa plus tendre enfance à lui enseigner que les niaiseries n'étaient guère tolérées dans un monde comme le leur. Pas de vent magique pour dissiper ses peurs en agitant en slow motion les cheveux de la femelle. Pas de violons, pas de filtre pop pour venir se superposer par dessus la pellicule de son existence.
Il avait désormais juste l'impression qu'un bloc de béton particulièrement froid venait d'être coulé dans son estomac. Et il avait le pressentiment que ça n'était pas prêt de s'arrêter.
Il espérait juste que ça passe avec le temps.

Il laissa refermer la maigre distance qui les séparait encore, ses oreilles s'agitant vaguement à l'ouïe de son prénom, l'illusion éphémère d'un apaisement possible bientôt balayée sa question.
Que faisait-il ici ?
Une belle connerie, sans doute.
Et pourtant, à voir les bandages qui recouvraient des blessures qu'il jugeait bien trop nombreuses, il savait qu'il s'agissait là d'une connerie nécessaire.
C'était peut-être ça, maturer. Grandir, finalement. Accepter de faire des sacrifices personnels et voir autre chose que le bout de son propre nez.

— Je te cherchais.

Bien moins décontracté qu'il ne pouvait être d'ordinaire, toute trace de nonchalance effacée, il se balança maladroitement d'une patte sur l'autre, son regard allant trouver le sable à ses pattes.
Quelques secondes puis sur un soupir contrit il se résigna à lever de nouveau les yeux vers Misiek. On n'allait pas jouer les grands romantiques ni tourner autour du pot des heures : il n'avait jamais été ce genre de personne, à vrai dire il exécrait ce genre de personne. Arrête de fuir, Joaquín. Ce n'est pas dans ta nature. Tu n'es bon qu'à prendre le taureau par les cornes.

— Tu veux toujours venir vivre avec moi ?

Le ton était involontairement sec, presque agressif. Craché après une grande inspiration qui n'allégeait en rien le poids de ses mots. Comme un gosse à qui on aurait forcé la main.
Sauf que personne ne lui forçait la main.
Il venait ici de son propre chef.
Alors pourquoi était-ce si difficile, putain ?
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