Il était allé voir Yurai, et Yurai avait répondu à son appel. Il avait pu consigner ses paroles dans son carnet, ce carnet de cuir décoré de pierres de chaque couleur des dieux. L'améthyste de la corneille, le saphir de la dragonne, l'aventurine jaune de l'anaconda, l'ambre de la renarde, le rubis du griggly, le quartz rose de la tigresse.

Le jade du raptor.

C'est Mido qu'il avait choisi de venir voir en deuxième, pour plusieurs raisons. Déjà, parce qu'il lui faisait très peur, et que c'était une bonne manière de mettre son plan à l'épreuve. S'il échouait, rien ne servait d'aller voir tous les autres dieux, fut-ce-ils conciliants. L'ouvrage ne serait complet qu'avec chacune de ses parties remplies.

Ensuite, parce qu'il avait parlé de lui avec Nocera et avec Lestat, la première briguant sa couleur... Et le second l'ayant obtenu. Il serait mentir, que de dire que cette dernière ne l'intéressait pas. L'intelligence était une valeur qui prenait de l'importance pour lui, et il le voyait surtout à travers son dédain de ceux qui en manquaient. Oh, non pas qu'il était méchant avec eux, mais... S'en affligeait.

Peut-être allait-ce de pair avec son détachement croissant à sa meute. Certes, il en appréciait certains membres pour ne pas dire la plupart, et ceux de sa famille plus que tout, mais ne ressentait pas d'attaches fortes avec leurs valeurs. Il ne se scindait pas assez pour vouloir partir, mais dormait de moins en moins au Dédale. De plus en plus avec menthe, son écureuil, au milieu des bois.

En solitaire, parfois avec quelques bouquins.

Il n'était pas non plus venu les mains vides. Il avait posé la question à Nocera, lui avait fait part de son intention, et cette dernière lui avait décrit le casse-tête qu'elle avait créé pour le dieu vert. Un présent, montre d'intelligence, montre de son engagement. De ce qu'il représentait pour elle.

Si le dieu vert représentait un peu plus pour Cendres que les autres dieux, serait-ce assez pour attirer son attention ? Les dieux ces êtres curieux, hors du temps, insaisissables et qui le faisaient rêver. Si proches de cette nature sauvage qu'il admirait, mais si lointains aussi.

Cendres ne pouvait mentir au dieu vert et feindre un intérêt qu'il ne ressentait pas. Alors, il lui offrirait tout ce qu'il avait : sa curiosité, sa sincérité et sa volonté de bien faire... Sur un lit, l'espérait-il, pas trop stupide pour nouer tout ça en bouquet.

Il avait réfléchi longuement à ce qu'il pourrait apporter. Il doutait qu'une clématite trouve le moindre intérêt aux yeux du dieu de l'intelligence. Un jeu, peut-être ? Mais serait-ce considéré comme une copie de l'intention de Nocera, avec sa machine infernale ? Qu'est-ce qui se rapportait le plus à l'intelligence, selon lui, une marque... Evidente ?

Il avait passé de nombreuses heures à la bibliothèque à chercher, sans trouver. Et finalement c'est dans ses lectures habituelles, qu'il avait trouvé. Dans ses romans d'aventure et de magie, de voyage et d'exploration. Ca lui paraissait évident, bien que la crainte demeurait que ce ne soit pas une bonne idée. Mais s'il ne s'arrêtait pas sur quelque chose, il ne résoudrait jamais son problème.

Il était allé voir Fergus. Fergus le grognon, Fergus le ronchon, et lui avait expliqué son idée. L'idée n'avait pas beaucoup plu.

Je suis pas ORFÈVRE moi petit ! Tu veux pas aller faire ta merde ailleurs ?

Mais, évidemment, à force de grommellements, il l'avait aidé. La tâche avait pris plusieurs jours de minutieuse application sur de minutieuses pièces. Tant de minuscules pièces. Trente-deux, pour être précis. Seize blanches, et seize...

VERTES ? Mais tu te MOQUES DE MOI ?

Mais non, il ne se moquait pas.

Et Fergus l'avait fait, sous les yeux ébahis de Cendres.

Et pourquoi t'as besoin d'cette daube déjà ?
- C'est un cadeau.
- Aaah un cadeau. Ben tu fais des drôles de cadeaux, Cendres, crois moi.

Il n'avait rien répondu. Une seule pièce dénotait, dans les pièces vertes. C'était le roi. Le roi n'était pas fait de métal vert, sombre et poli, étincelant.

Il était fait de jade sculpté. Oh, ça avait été un peu plus délicat, de tailler dans le jade pour en sortir un roi-loup-raptor, basé sur les représentations trouvées dans d'anciens bouquins, sur le dieu Mido. Mais il avait finit par trouver quelque chose de satisfaisant. Et Fergus l'avait aidé à l'ouvrage, le provisionnant en outil utiles et en conseils avisés. Derrière ses airs d'ours bourru, c'était une bonne âme, toujours prête à aider... Et surtout amoureuse de son métier.

Enfin, l'ensemble était terminé.

Cendres rassembla toutes les pièces, et les glissa dans sa besace. En plus, il y plaça un plat morceau de bois sculpté, sur lequel quarante-deux cases se découpaient.

Il était prêt.

En rampant dans la tanière profonde, il sentit un frisson le parcourir. Il émergea dans une antre emplie de squelettes de grands reptiles, qu'il admira un moment. Il n'avait jamais osé se rendre en ces lieux, encore. Il aimait découvrir de nouveaux lieux. Menthe, prévenu, restait sagement accroché à son épaule. Ici, ça n'était pas comme dans l'Eglise de Yurai. L'ambiance était profondément différente.

Cendres s'assit face à la fontaine du dieu vert et prit le temps de l'admirer, elle aussi.

Elle était si belle. Semblable à celle de Yurai. Probablement à celle de ses frères et soeurs, aussi.

En prenant son temps Cendres disposa le plateau devant lui avant de placer chaque pièce à son emplacement.

Un jeu d'échecs.

Quoi de mieux, pour simuler la vivacité d'esprit et l'anticipation dont tout bon stratège avait besoin ? Les pièces de métal blanc étaient très classiques, oubliables. Taillées délicatement, elles n'étaient que courbes et angles sans importance.

Les pièces vertes étaient bien différentes. Sans revenir sur le roi de jade, pièce maîtresse à l'effigie (espérée) de Mido, chaque autre était un monstre tout de crocs et de griffes. Le raptor, seconde pièce maîtresse, protégeait le flanc droit de son roi. Autour deux, fous étaient devenus flagelleurs mentaux, montre de la puissance de l'esprit sur la matière. Des wyvern étincelantes prenaient la place des cavaliers, et les tours se faisaient pyramides ornées d'yeux, d'une représentation tirée de livres qu'il ne maîtrisait pas totalement (d'aucun auraient dit parts de triforce, mais les vrais savent).
Tous les pions étaient des loups, dans des positions toujours différentes de défense, d'intimidation ou d'attaque.

Le plateau était prêt, le côté ouvragé tourné vers la fontaine.

Cendres inspira profondément.

Dieu Mido.

(Aurait-il du commencer par Mido tout court ? Ou Puissant Mido ? Ou - bon.)

Je cherche à consigner, avec le plus de fidélité possible, une présentation des dieux. A destination de ceux qui ne vous connaissent pas.

Il ouvrit l'ouvrage entamé, et le plaça devant lui, ainsi qu'un stylo.

J'aurais aimé trouvé dans la bibliothèque une explication de première main. Sur ce que sont les dieux. Qui vous êtes.

Il hésita.

L'histoire ne vous a pas été tendre.

Il avait trouvé beaucoup de littérature négative au sujet du dieu-raptor. Il ne souhaitait pas se moquer. C'était un simple constat.

Mais comment distinguer le vrai du faux ? Si je parviens à réaliser cet ouvrage, qui n'aura vocation à être utile qu'un laps de temps réduit avant de devoir être ré-écrit, alors chacun saurait où se pencher pour trouver la vérité. Dictée des dieux même. Sans avoir à se fier à un tiers, sans avoir à vous déranger.

Comme je le fais actuellement. Allons. Ne te rabaisse pas tant, Cendres.

Ou même rien qu'un message, que vous souhaiteriez passer.

Il ne savait plus trop quoi dire, et avait l'impression de s'embourber beaucoup, alors il passa directement à la suite :

Comme preuve de ma bonne foi, je vous ai apporté ce présent. Il s'agit d'un jeu d'échec.

Evidemment, que c'est un jeu d'échec. Ca se voit. Il expliqua sa démarche :

Dans la littérature, il s'agit d'un jeu toujours associé à l'intelligence, les parties souvent redoutables déterminent les meilleurs stratèges. Je vous ai réservé les noirs. Parce que j'imagine que si vous jouez contre des mortels, ça n'est pas le résultat que vous chercherez, mais la démarche. Un premier coup est toujours intéressant, aux échecs.

Ca n'était pas comme si il pouvait perdre, Mido. Jusque là neutre, sérieux et même un peu constipé du slip, Cendres se laissa aller à un sourire, en désignant les pièces.

Les pions des pauvres mortels, reflétant notre condition si éphémère, sont oubliables et communs. Les vôtres sont grandioses. Mais surtout menaçants.

Il leva les yeux vers la fontaine.

Menaçante.

Des yeux remplis d'attente, et d'espoir.

Il frémit, lorsque les premières pièces s'animent. Il est là. Une boule lui prend la gorge et il ouvre grand les yeux, incapable de les dissocier de cette partie qui se joue devant ses yeux. Il frémit - il a pris les verts. La vitesse de mouvement des pions rend l'ensemble difficile à suivre mais les pupilles du loup capé de blanc s'étrécissent alors qu'il examine le déroulé de l'action. Chaque passe des blancs reflète un choix qu'il aurait fait, conscient et averti, et pourtant à chaque mouvement des verts la maîtrise incomparable du dieu vert est flagrante. De bout en bout, les verts grondent et grognent, passent et repassent et petit à petit mangent le plateau. Point de longue chasse au roi sur un plateau vide, c'est une défaite humble qui s'exécute.

Un triomphe évident.

Mais qui ne signe pas une fin.

L'échiquier disparaît et Cendres recule d'un pas alors que son manuscrit, tombé au sol, s'ouvre d'un claquement de vélin jusqu'à son centre et se couvre d'une encre verte, écriture vive et agressive. Dentelée.

Les mots qui s'ajoutent tonnent en son coeur. C'est plus que ce qu'il espérait en venant ici, il ne repartira pas mari d'une ombre... S'il se montre à la hauteur. Il y a quelque chose d'exaltant à l'idée de converser avec un dieu. Fut-ce à l'écrit. Fut-ce sous forme d'énigmes.

Cendres fixe les mots plaqués sur le carnet.

Les tourne, et les retourne.

A aucun instant il ne songe à repousser l'épreuve qui lui est offerte, le souvenir des énigmes de Nocera résonne en lui. La joie qu'il avait pris à les décortiquer, la frustration d'avoir parfois échoué, le stress du moment pendant lequel il faut chercher. Et le cerveau tourne et retourne, cherche affinités et dissonances pour enfin pointer dans la bonne direction.

Une première idée s'impose à lui.

L'ennui.

Il arrive en l'absence de Lewis, il reste en présence de toute autre personne. Au grès des rencontres il va et- non. Trop de dissonances. Il cherche, de nouveau. Mais à chaque fois ses pensées reviennent à ce mot et cette idée qui l'envahit et chasse le reste, Cendres gronde. Il doit élargir. De quoi manque-t-on ? D'amour, d'eau, de nourriture ou de sommeil - mais rien ne correspondait.

Ou peut-être...

La faim s'impose à son tour, tournicote et phagocyte toute son attention, mais ça n'est pas la réponse. Parce que le mot n'est pas féminin.

Il saisit le stylo et le laisse glisser sans rien écrire sur la page, perdu dans ses pensées. Il ne voit plus rien, rien que ces mots tracés de vert sur la page.

Sa patte se stabilise, trace quelques lettres d'un mouvement sûr.

L'appétit.

Toutes les cases sont cochées.

(Avec mes excuses pour le retard ): )



Son coeur bondit dans sa poitrine quand presque instantanément un brasier manger les pages du carnet, flammes vertes sans chaleur qui dévorent sans brûler. Un simple mot, qui embrase tout son corps. Les félicitations, aussi ténues soient-elles, d'un dieu. Et pas que : les pages se remplissent et exaucent son voeu. Oui ! Une page, celle qu'il estimait la plus difficile à remplir, celle qui lui tenait aussi le plus à coeur, avait été obtenue. Il inspire une large goulée d'air, soupire.

Mais ça n'est pas fini. Il n'a pas le temps de remercier le dieu de cette réponse que déjà une seconde page se couvre d'écritures, une nouvelle question se pose.

Une nouvelle énigme.

Il la lit goulument, curieux et excité de cette nouvelle épreuve qu'il compte bien relever, quoi qu'il lui en coute.

Il peut initier, ou être un principe pour s'affronter,
Autant qu'être fait trait, ou par plusieurs avoir été égarés.

Qui est-il ?

Les idées fluent et affluent. Le terme de trait le dirige droit vers la flèche, son autre appellation, mais aucune case n'est cochée. Il faudra faire mieux. Il prend chaque partie une à une, cherche un point d'entrée, un mot à tordre assez et qui lui permettrait une victoire facile, un indice critique. Le mot égaré lui semble le plus prometteur, il est un remplacement pour perdre c'est évident, mais que peut-on perdre ? Le Nord, mais ne Nord n'initie ni ne prend part aux combats. La tête, la boule, mais ces mots de la même façon ne se confirment pas.

Victoire facile, ce ne sera pas. Mais l'inverse l'aurait frustré, il est vrai, c'est donc pour le mieux.

Il attaque d'un autre angle la question.

Initier peut se rapporter au début, mais aussi au mentorat et au guide. Il explore ces idées, relit les mots couchés sur le papier, mais rien ne résonne en lui avec l'exactitude qui annonce toujours une réponse plus cohérente que les autres. Le maître, ou le parent peut-être, la famille ? Les liens. Les liens initient une discussion, mènent à la colère et à l'affrontement, le lien peut se faire trait, et un lien de corde peut se perdre.

C'est une idée, la meilleure qu'il ait eu jusque là, mais elle n'est pas parfaite il en a conscience. Il n'ose pas l'écrire sur le papier, la proposer au dieu : il craint son dédain d'une réponse à demi-réfléchie.

Il inspire, de nouveau, mais bloque sa respiration et ferme les yeux pour chasser de son esprit les mots qui le parasitent maintenant. Le lien, le mentor, la flèche la boule et le nord reviennent et reviennent et l'empêchent de partir sur de nouvelles idées. Il fait claquer sa langue contre son palais, fronce les babines et se fait plus dur.

Le trait. Le trait peut-être sera nouvelle aide. Un trait d'humour ? Mais l'humour ne mènera nulle part, et il doute le dieu vert très porté sur ce dernier en ces temps. Le trait d'union ? On retrouve l'idée des liens, avec les mêmes possibilités qui se recoupent derrière. L'union peut initier une discussion ou une relation, l'union peut mener à l'affrontement sur un désaccord, le trait d'union, l'union n'est plus lorsque plusieurs l'égarent...

Il aime aussi cette réponse. Elle est encore meilleure que la première. Il remplaça le Lien par l'Union, mais ne l'écrit pas tout de suite. Non, pas tout de suite... Il lui faut encore réfléchir, car ça n'est pas suffisant. Il ne peut pas s'arrêter à un peut-être.

Alors il réfléchit, et réfléchit encore. Il tourne et retourne chaque idée dans sa tête, tellement longtemps qu'il a l'impression qu'un mois complet se passe alors qu'il est bloqué dans cette grotte entre squelettes et fontaine. Mais il n'en est rien, ce sont les minutes qui l'entourent et s'engrainent sans faillir.

Tic.

Tac.

Il rouvre les yeux et plisse le museau, la colère bouillonnant en lui. Il ne trouve pas. Il n'a rien de mieux à offrir que cette demi-réponse, quelque chose d'insatisfaisant, quelque chose qui n'est pas complet il le sent.

Tic.

Le temps passe.

Le temps passe.

Le temps qui est début à tout, présent quand rien n'existait encore, le temps qui permet de se préparer aux épreuves à venir. Le temps qui est imparti lors d'un combat entre bonnes gens, parfois sonné par la chute du soleil dans les cieux. Le temps qui sur un trait se tire et se marque, car jamais il ne recommence, quatrième dimension et aussi linéaire que les trois autres.

Le temps qui se perd, minutes après minutes.

Il n'est pas aussi confiant que pour le premier, mais plus qu'union ce mot lui plaît, et satisfaisant pour le dieu il espère il sera.

Il écrit sa réponse, juste sous la question.

Le temps.

Son poil se hérisse.

C'est une erreur.

Il sent la honte et surtout la frustration l'envahir, tambouriner dans son coeur, plus fort. A Mido impatient il propose du temps, quelle bêtise. Cendres se force à se calmer, rappelle à lui la quiétude nécessaire à la réflexion. Que dirait Nocera, que ferait-elle ? Il se souvient de leur échange. Il se souvient qu'elle aussi, avait fait erreur. Et qu'avec elle aussi, le raptor s'était montré clément.

Il était encore là, face à ses pages qui brûlaient sans discontinuer. Il était là, face au dieu vert qui l'attendait.

Tic.

Tac.

Cendres ferma les yeux et ainsi posté se remémora les écrits.

Il peut initier, être un principe pour s'affronter. Se faire trait, ou se perdre.
Qui est-il ?

Si le temps n'était pas la réponse. Si l'union ne lui semblait pas convenir assez... Que pouvait être de trait ? Le terme se rapportait à de nombreux domaines et de nombreuses expressions. En repartant de la base, en étant méthodique et réfléchi...

Un trait pouvait se rapporter à la peinture, à l'écriture, au dessin. Mais ce concept ne collait à aucune autre partie de l'énigme... Une ligne ? La ligne intervient dans les affrontements, elle scinde parfois le terrain en deux, une ligne se perd mais n'initie pas. La lumière ? On en revenait au soleil, il initie le jour en se levant, il se perd le soir... Mais n'est pas principe.

Il sent le temps qui passe comme une sueur froide qui lui mange le corps.

Il se rapproche de l'échec. Et l'échec est intolérable.

Avoir le trait, aux échecs, était de jouer le premier coup. L'idée de combat et d'initiative était cohérent, mais il n'y avait de mot à en sortir.

Quand soudain lumière se fit.

Un trait, qui pouvait plaire à Mido. Un trait, indispensable pour se trouver dans son temple.

Un trait, qui cochait toutes les cases.

L'initiative que l'on prend. La compétition. Il se perd, sur une mauvaise réponse par exemple.

L'esprit, qui s'inscrit sous le temps, sur les pages mangées de vert.

Le soulagement, qui l'étreint. La réponse est bonne, la lumière verte ne se fait pas plus menaçante qu'elle ne l'était - ni plus chaleureuse. Elle ne serait probablement jamais chaleureuse. Mais Cendres ne s'en inquiétait pas, s'il avait voulu lumière chaleureuse il serait allé s'enrouler dans les chapes violines de Yurai. Ca n'était pas ce dont il avait besoin, ce dont son esprit avait besoin. Ce dernier devait être nourri, et qui mieux que le dieux vert pouvait le faire ?

Lorsque le livre se ferme et lui tout entier de divin vert, il frissonne. Lorsque se tracent les derniers mots sur la couverture, un sourire se glisse sur ses babines. Autant les deux précédentes lui ont mis la tête à l'envers, autant la difficulté lui en a semblé absurde... Autant celle-là lui semble couler comme l'eau d'une rivière. Fluide, évidente. Il saisit le pinceau et s'apprête à graver la réponse à même la couverture, en dessous de la question.

Suspend son geste.

Il n'est pas réfléchi. Et tout geste doit être réfléchi, il doit en mesurer les conséquences. Il lève la tête vers le pinceau qu'il a saisit sans réfléchir. Qui git maintenant entre ses doigts, les illuminant de vert. Qui brille, d'un éclat particulier, de cet éclat qu'il a vu sur bien d'autres disciples.

Ca n'est pas juste une énigme, offerte par le dieu vert. Ca n'est pas juste un jeu, auquel il prend part. Le dessein est bien plus grand que cela. C'est un glowstick, que lui offre le dieu vert. Il lui propose de rejoindre ses rangs, de partager sa parole. De le faire sien.

Sa pensée va à Lewis. Elle est seule qui arrête son geste, le tient en suspend. Lui impose de réfléchir. Lewis qui n'aimait pas les dieux. Lewis qui les trouvait inutiles, qui les rejetait. Son coeur se serre. Ils n'en avaient pas reparlé, depuis ce soir. Depuis ce soir à la vasque, où ils avaient regardé les lucioles. Où ils avaient parlé, joué dans l'eau, ri ensemble. Un soir comme un autre, mais particulier tout de même.

Sa patte hésita, un instant encore.

Et il se rappela d'elle, défonçant le crâne géant du Mozzarella, le tirant comme une damnée pour l'apporter au dieu rouge, Aka. Il se souvint de son excitation, lorsqu'il lui avait remis la bague rouge qui depuis brillait à sa patte. Il se souvint de ses éclats de rire.

Et apposa la réponse au bas du carnet.

La vérité.

Pour quelques mots sur un carnet

Tu fais bon choix, peut se dire le Dieu Vert. Mais il ne te parle pas, dans cette relation de silence qui s'est installé entre vous. Il n'aura pas même prit peine de t'apparaitre ; il vient de moins en moins aux mortels et même à ses disciples et ceux en devenir.

Reste plus proche de la raison que du cœur. Celui capable de t'emmener à déraison.
Fait attention, si tu veux conserver ce don.

Mido n'aimait point les mal instruits, les bêtes et les ignares. Tu n'étais pour le moment en mesure de le décevoir, il t'autoriserait quelques faux pas comme il en autorisait à tous ses disciples à la condition qu'ils ne cessent de s'instruire.
Et puis, tu as vu juste.
La vérité.
C'est elle, la troisième réponse. C'est elle aussi, le don dont on parle.

Ce mot reste inscrit sur ce carnet, tu remarques rapidement qu'il s'agit d'un autre.
Il a suffit que tu clignes des yeux une fois, pour que l'un soit le tien, et l'autre celui du divin.
Dans le tien, Mido aura écrit.
Dans le divin, il n'y a rien, si ce n'est ce mot ornant la couverture et luisant d'un vert discret, qui en viendra à s'intensifier lorsque tu approcheras le stylo.
Lui que tu as toujours en patte. Lui qui est ton glowstick.

Mido ne te dira rien de plus, voilà que se dissipe l'ambiance de vert et de malaise pour ne laisser dans le temple que les couleurs d'or de l'automne, et le silence.
Tu es désormais l'un des siens.

Tu lui appartiens.
Bienvenue, disciple du Raptor.

- Pouvoir définie par le staff : Certitude de Mido -
Dans ce carnet marqué de La Vérité, que l'on pourrait penser double identique du tien si on l'observait par la quatrième de couverture, tu laisses glisser la plume de ton glowstick et laisse derrière lui des phrases illuminées.
Tu observes les lettres danser, celles qui composent les mots qui se veulent ordonnés en une affirmation qui, si elle n'est de justesse faite, la trouve entre les pages. Tu notes une question, attend un instant.
Obtiens ta réponse.
Tu comprends dès lors qu'il ne peut y avoir moindre mensonge en ce carnet, que celui-ci corrige tes pensées et te guide vers une voie faites de certitudes et de savoirs.
Tu comprends qu'on ne peut plus te mentir. Tu comprends que tu ne peux plus te perdre; comme tu ne peux perdre quiconque.
Tu comprends que tu as accès à bien des choses, à partir de maintenant.

Tu n'imagines pas, quel allier tu possèdes entre tes pattes, Cendres.

Malus - Tu remarqueras un jour, en essayant sans doute, que certaines questions n'ont de réponses : elles ne trouvent à la place qu'un embrasement du papier qui te brûlera un peu les pattes, te laissera peut-être un peu amer face à cette page perdue qui limite un peu plus la place dont tu disposes. Tout ce qui n'aurait pu être vu ou entendu, du moins constaté par un moyen physique quelconque...se trouve dans le domaine de l'interdit. Les émotions, les sentiments, les pensées -tout ce qui est amené à changer perpétuellement- ne peuvent t'être accessible. Ce qui concerne les divins aussi.
Il te faudra, aussi, faire attention ce que tu demandes. Il te faut être pointilleux, il te faut être minutieux, pour que précise soit la vérité. Car c'est elle qui à chaque fois te sera donnée. Aussi, marquer Qui mourra demain ne te conduira qu'à noircir une page complète de noms sans que tu ne puisses en déchiffrer le moindre, tant sera lister les vies des proies et des êtres de ces terres et d'ailleurs.
Surtout... N'oublie pas que tu ne possèdes qu'un carnet, dont les pages sont limitées. Fait en usage avec parcimonie.

Usage en combat - Le carnet ne trouve aucun usage en combat physique. De noter judicieusement une question pour obtenir réponse, ou une prétendue affirmation pour obtenir correction, te permet cependant d'obtenir l'aide du Maître du Jeu en Event ; ou une à deux Réussite Critique automatique lors de recherches/de quêtes ou d'initiatives selon résultat du Dé Pouvoir. Contraint les joueurs à te donner vérité si un mensonge a été dit par leur personnage.

Merci pour touuut, le RP, le pouvoir & all <3



La vérité.

Et des mots, qui lui répondent. Des mots tracés vivement sur le papier, une mise en garde. Rien n'est acquis. Il sait que la mise en garde se fonde sur un socle déjà existant, déjà fort, une vraie menace. Puisse-t-il ne jamais avoir à choisir. Mais il observe une nuance toutefois. Plus proche de la raison que du coeur, ne veut pas dire s'en détourner complètement. Ainsi Mido valorise-t-il aussi le coeur, ne le rejette pas.

Finalement, en ces mots, c'est aussi un espoir qu'il discerne. C'est une acceptation, qui se trouve validée alors que le pinceau brille un peu plus fort entre ses pattes. Que son coeur tape un peu plus fort, contre sa poitrine.

Il y a deux livres. Une magie de plus, que Cendres observe avec curiosité. Il y a son carnet, celui avec les questions et témoignages des dieux. Et il y a celui du dieu vert.

Non.

C'est le sien, maintenant. C'est son... Pouvoir. Il suffit à Cendres d'agiter le pinceau au dessus du carnet pour que ce dernier brille d'un éclat plus vif, se reflète dans son regard doré, et éveille en lui des frissons. Un livre. Un livre de vérité.

La curiosité le bouffe un instant. Il a envie d'ouvrir, il a envie d'écrire, il a envie d'essayer, de voir, de mener des expériences, de comprendre.

Et l'ambiance revint à la chaleur de l'automne, et Cendres redressa la tête pour observer la statue. La fontaine du raptor.

En se sentant un petit peu chez lui. Lieu d'escale en voyage.

Il serre un peu plus les deux carnets contre son poitrail et les range dans sa besace, avant de contempler le pinceau. Finalement, il l'entortilla dans une lanière de cuir qu'il fixa solidement autour de son cou, à portée de patte mais aussi en sécurité. Oscillant, contre un pendentif en forme de grenouille qui brillait de façon plus discrète. Il relève la tête une dernière fois vers la fontaine vide de toute entité.

A bientôt, Dieu Mido. Merci.

De m'avoir jugé digne. D'avoir accepté de me recevoir. De comprendre, ce besoin de savoir, de comprendre, de connaître. De donner un sens, aussi. Une direction.

Il reste le temps de gorger ses yeux et son esprit de l'endroit, avant de s'échapper souplement de l'antre du dieu vert.