Rallumer le feu ✡ Holly

La mort de Joy avait été un nouveau choc.
Si elle acceptait, sans trop de difficulté, que la mort emmène, dans ses bras froids, les âmes des plus âgés, tout cela s'avérait plus difficile, lorsqu'il s'agissait d'une louve d'âge moyen, combattante émérite, probablement bien plus forte qu'elle mais, tout de même, tuée par un prédateur. Une louve qui avait été une collègue, une mère de famille. Une louve qui laissait, derrière elle, de biens jeunes orphelins.

C'était pourtant un choc qu'elle encaissait plutôt bien. Oh, évidemment, ce n'était pas non plus la grande joie, elle demeurait triste en rependant à ce qui était arrivé à sa collègue... Mais elle tenait le cap, et la tête froide, gardant en tête ses priorités et ce qu'elle devait faire.
Veiller sur les enfants de Joy s'était rajouté à sa liste. Elle avait déjà côtoyé Etna et Épine, deux adorables louvettes, innocentes et adorables, encore pleines de doutes. Elles avaient encore tant à apprendre. Si elles le souhaitaient et l'acceptaient, Holly les prendrait sous son aile, comme Pepper l'avait fait pour elle. En faire des louves fortes que ce drame, survenu durant leur enfance, ne saurait plomber.

L'on pouvait se relever, après ce genre de choses.
Holly en était la preuve vivante.

Aujourd'hui, elle souriait aisément. Parfois plus par politesse qu'autre chose, elle devait bien l'avouer, lorsque l'un de ses congénères à qui elle n'était pas vraiment liée venait vers elle : Elle avait à cœur d'être avenante. Parfois, avec l'espoir d'apporter un peu de chaleur, rien qu'un tout petit peu, à un loup à l'expression morne, pour elle ne savait quelle raison. Souvent, à ceux à qui étaient précieux : A sa copine, si belle et si forte. A ses amis qui l'avaient aidée à se relever et pour qui son cœur débordait de reconnaissance.

Elle n'était pas seulement devenu plus forte, Holly.
Elle avait surtout compris une chose : Les choses n'étaient jamais blanches ou noires. A côté des drames, l'on trouvait de belles choses. Aux côtés de la mort, se tenait l'amitié, le soutient, les sentiments.

Ce fut l'un de ces sourires sincères, qui fleurit sur ses babines lorsque Désastre vint l'aborder, une lueur nouvelle dans le regard.
Comme en écho, son propre sourire se fit plus lumineux. Quel bonheur, que de le voir ainsi.

- Avec plaisir !

Elle remua doucement la queue, joviale.

- A nous deux, on devrait réussir à faire le meilleur feu que Punk Wolf n'ait jamais connu !

Après tout, leurs capes étaient parfaites... Leur feu le serait aussi.

- On commence par quoi ?

C'était son idée, et donc à lui de lui indiquer ce qu'elle devait faire... Bon, et par ce que, contrairement à lui, elle n'avait pas mené de recherches sur le feu. Dans son esprit, il suffisait de frotter deux silex ensemble et, bim, ça fait des chocapics. Mais ça se trouvait où, d'ailleurs, le silex ?

Voilà, il avait raison, Désastre : Faire le meilleur feu de l'histoire de Punk Wolf devenait leur nouvel objectif.
Elle écouta sérieusement les instructions. Tout d'abord, ils devraient donc se rendre sur l'île abysse. C'était à peine si elle relevait la situation, Holly, le fait que, pour une fois, Désastre se montre meneur de ce projet. Après tout, d'eux deux, il était celui qui s'était le plus renseigné sur le sujet. Alors, il lui semblait logique, à elle, de se tenir derrière lui et d'apprendre de ce qu'il avait à lui dire et à lui montrer.
Son statut de Conseillère ne changerait rien à cela : Dans bien des domaines, elle restait ignorante.

Holly lui emboîta le pas, après avoir sifflé Grandes-Ailes pour qu'il la rejoigne -Après tout, ce serait l'occasion pour lui de revoir des copains Mouettes-. Puisque Désastre ne disait rien, elle, elle se mit à rêvasser tranquillement durant le trajet. Elle pensa, évidemment, à Alex, à son corps musclé, à ses ailes puissantes, à son rire, à son odeur... Au fait qu'elle était, il fallait bien l'avouer, particulièrement mordue. Les battements de son coeur se firent plus rapides et elle sourit, peut-être un peu bêtement.

Rêverie qui prit fin, une fois arrivée à l’Île Abysse : Il lui fallait désormais se replonger dans les choses sérieuses, le travail, et se montrer très attentive si elle ne souhaitait manquer aucun détail important. Ils commenceront donc par le Silex. La louve bleue hocha la tête.

- D'accord ! Oui, je les ai toujours.

C'était donc le moment de s'y mettre. Elle le laissa partir de son côté et s'en alla du sien. Ainsi, ils maximiseraient leur chance de trouver quelque chose rapidement.
Sur la roche glissante, elle évolua doucement, précautionneusement. Ses efforts et ses excursions, fréquentes, aux falaises littorales avaient pourtant payé : Elle était, dans ce milieu, plus à l'aise qu'auparavant, trouvant ou loger ses pattes pour ne pas glisser et comment gérer ses appuis pour ne pas perdre l'équilibre. Oh, bien évidemment, elle n'avait pas non plus la grâce de Désastre qui, honnêtement, n'était pas disciple de Kiro pour rien, dans sa façon de se mouvoir, mais, tout de même, elle était contente.

Holly jeta un coup d'oeil à Grandes-Ailes, se demandant si il n'allait pas partir pour rejoindre ses comparses. Mais non, il n'en fit rien, préférant sa compagnie, à elle, voletant autour de son corps lorsqu'il ne se posait pas sur son épaule.
Peut-être qu'ils pourraient rester ensemble jusqu'à la fin de l'une de leurs deux vies, qui sait ?

Elle n'accorda cependant pas plus de temps à son familier : Là non plus, ce n'était pas le moment. Son regard chercha le silex tant convoité. Une ligne plus foncée.
Holly sourit, rayonnante. Là, il y en avait pas mal ! Génial ! Contente de sa trouvaille, elle ramassa ce qu'elle pu avant de revenir vers Désastre.

- J'en ai trouvé pas mal, et toi ?

Il ne lui fallut qu'un regard, pour s'apercevoir que celui de Désastre, lui, ne lâchait pas Grandes-Ailes, tranquillement posé sur son épaule.
La Conseillère eut un bref froncement de sourcil. Comment devait-elle agir, si jamais l'envie lui prenait, au panseur, de s'attaquer à son oiseau ? Car elle n'était pas stupide et savait différencier la curiosité de la prédation, dans sa façon de le fixer. Et elle avait beau l'apprécier, faire du mal à sa jeune mouette ne serait pas chose permise. Tout comme il n'aurait, probablement, pas apprécié qu'elle s'en prenne à Sourire ou à Serpent.
Fort heureusement, Désastre décrocha et revint à ce qui les intéressait, aujourd'hui.

Elle l'écouta de nouveau, toujours attentive, et fut bien impressionnée par ce savoir qu'avait Désastre. Depuis combien de temps, étudiait-il ce sujet ? Avait-il une passion... particulière, pour le feu ? En tout cas, quelle que soit la réponse, c'était intéressant de l'écouter. Ce soir, Holly se coucherait moins bête.
Elle hocha la tête, à ses paroles.

- Oui !

Oui, elle était prête.
De toutes manières, si ce n'était pas eux qui pouvaient aller chercher la pyrite, peu de loups le pourraient. Ils étaient tous les deux jeunes, en pleine forme et entraînés : Tout se passerait bien. De plus, elle faisait confiance à Désastre. Si il envisageait cela, c'était donc possible.
Elle savait qu'il ne prendrait pas de risque inconsidéré, pour des broutilles.

Aux lunettes de plongée tendues, un énième sourire fendit le visage de la Conseillère.

- Oh, merci Désastre !

Il s'était souvenu.
Et ça, c'était super gentil, une attention qui lui faisait réellement plaisir.

Elle devait bien l'avouer : Il n'était pas vraiment agréable de faire de la plongée sans protection sur les yeux. Lors de leur première baignade, elle les avait eus rouges et irrités pendant un moment, avant qu'ils ne retrouvent leur état normal. Alors, avec cette paire de lunettes, Holly était réellement ravie. Les ajustant sur son museau, elle vint rejoindre son comparse.

La louve bleue plongea à sa suite, frissonnant lorsque son corps se retrouva immergé dans l'eau fraîche. C'était agréable, par cette chaleur, et avec ses lunettes, elle ne pouvait que mieux distinguer ce qu'il se passait autour d'elle, apprécier la vue de ce banc de poisson qui passa, quelques mètres plus loin.
Coup d’œil rapide, puisqu'il fallait se remettre au travail. Le travail passait toujours avant.

Elle baissa les yeux vers ce que Désastre lui désignait. Là, ce devait-être ça, le gisement. Un hochement de tête et elle s'enfonçait, prête à en récolter le plus possible. De ses pattes avant, elle laboura la pierre, la décrochant à foison. Il y en avait plein ! Ils venaient de trouver le gros lot.
C'était d'ailleurs, vachement lourd, tout ça.

Elle montra l'un des sacs plein de la patte, celui qu'elle ne pourrait remonter seule. C'était ça, de faire une réussite critique.

Il ne suffisait que d'un geste pour qu'ils parviennent à se comprendre. C'était ça, entre autre, qu'elle appréciait avec Désastre.
Alors que le mâle gris s'emparait de l'un des lourds sacs. Elle, prit l'autre entre ses crocs, usant aussi du fond de sa mâchoire pour ne pas couper l'anse. Un coup de patte vigoureux contre la roche et elle se projetait en avant, nageant avec force et vigueur pour ne pas se laisser emporter par le poids de son précieux butin : Il serait bien dommage de rester coincée au fond.

Mais puisque ce ne serait pas le cas, il était inutile d'y songer. Grâce à un entraînement rigoureux, elle avait développé des muscles puissants, malgré sa fine stature. Elle pouvait donc tenir un moment, malgré l'effort considérable demander, sans trop s'épuiser. Juste assez pour regagner la surface, en tout cas.
Holly plissa aussi les yeux, lorsque ses yeux clairs et sensibles retrouvèrent la lumière du soleil. Elle bougea les lunettes, les glissant sur son front, repoussant sa frange dégoulinante d'eau en arrière, de ce fait, et s'ébroua. Les pierres, elles, furent confiées à Désastre : D'eux deux, il était le mieux placé pour savoir quoi en faire. Il y en avait pourtant en grand nombre et beaucoup de belle qualité... Qu'il serait dommage de jeter.

Ils n'auraient qu'à les ramener au Castel. Pour les autres : Eux aussi, auraient besoin du feu.
Elle les rassembla, alors, celles qui lui paraissaient correctes. De quoi donner à Alex et Anita, au moins, puisqu'elles étaient leurs amies.
La remarque de Désastre la fit relever la tête et elle sourit, flattée. D'autant plus qu'elle savait que Désastre jamais ne mentait.

- Merci. Venant de toi, je suis flattée.

Il était un loup aux nombreuses qualités, après tout. Aujourd'hui, il lui dévoilait un savoir important et un talent certain pour trouver ce qu'il fallait. Il ferait sans doute un très bon allié, lorsqu'ils partiraient au Nord.

Sans perdre de temps, Désastre se remit en mouvement et elle l'imita, écoutant à nouveau ses instructions. Elle sourit, amusée, à la précision sur l'amadou.
Il était temps de le chercher, donc. Tout en fouillant les environs, elle se permit une petite question, là, comme ça.

- Tu ne t'embrase donc jamais pour... Anita ~ ?

Ils avaient l'air plutôt proches, tous les deux. Peut-être étaient-ils seulement amis. Mais... Dans le doute, elle voulait bien savoir, quand même. C'est qu'elle était jolie, Anita, très jolie, même.

Déconcentrée par ses propres bêtises, elle buta sur une pierre et se ramassa au sol.

Aïe, ça ne faisait pas de bien, ça.
Elle se redressa bien vite, cependant, ayant connu situations plus... Délicates. Et puis, elle n'avait rien du tout, à part quelques égratignures qui seraient vite guéries. Reprenant ses recherches, elle écouta Désastre se questionner et, bien vite, prit la décision de rétablir les choses, pour lui qui, visiblement, prenait tout au premier degré.

- Non, s'embraser, c'est une expression, dans cette situation.

Il fallait qu'elle lui explique, elle qui ne savait pas dire à sa copine ce qu'était l'amour exactement.

- C'est par ce que quand tu es amoureux, tu ressens quelque chose de très particulier, vis à vis de la personne. Elle n'est plus comme les autres, même amis, elle devient spéciale. Tu aimes la voir, tu as besoin de la voir et les moments passés avec elle sont parfaits, magiques.

Ça, c'était pour les choses simples.
Passons désormais aux compliqués, celles qu'elle maîtrisait moins et qui faisaient pourtant la nuance entre une amante et une meilleure amie. Elle remua doucement la queue.

- L'amour, c'est un sentiment merveilleux. L'amour, c'est lié à la passion, en quelques sortes. Ton cœur bat plus fort, sans que cela ne soit dangereux ni désagréable, au contraire du stress.

Ça ne lui semblait pas... Trop mal.
En tout cas, pour elle, c'était comme cela que se passaient les choses vis à vis d'Alex. Et si tout n'était pas toujours simple, si elle ressentait comme un pincement au cœur, lorsque la louve beige lui exprimait ses craintes -L'aimait elle comme elle l'aimait ?- Holly était, de façon générale, heureuse d'être amoureuse.
Par ce que c'était ça, les moments passés ensemble étaient magiques et elle se sentait bien, tellement bien, à ses côtés.
Elle, elle s'embrasait pour Alex.

Malgré ses explications et la concentration qu'elles lui avaient demandé, elle n'en perdit pas de vue la mission pour autant. L'Amadou étant trouvé, il leur fallait désormais aller le chercher sur les arbres. Là encore, elle verrait si l'entraînement qu'elle s'était imposé paierait, ou non.

Et ce fut le cas, quand bien même elle ne pourrait pas tout prendre.
D'un bond souple, elle vint poser ses pattes contre l'écorce d'un arbre qui avait été un peu penché par le climat et, tout en tâchant de conserver son équilibre, dégagea l'Amadou, laissant Désastre le récupérer.

Tout en dégageant l'amadou, elle sourit.

- C'est par ce que je le suis.

A quoi bon le cacher ? Elle n'en avait pas honte. C'était beau, d'aimer.
Elle pensa à Alex, à ses sentiments, confus. Etait-elle bonne, sa définition de l'amour, finalement ? Pouvait-elle réellement se targuer de s'y connaitre juste par ce qu'elle avait ce sentiment là ? Elle repensa aux paroles de Cendres, au terrier, il y a mille façons d'aimer.
Elle pensa à lui, à Désastre, qui prenait tout au pied de la lettre, même les expressions.

- Ce que je t'ai dit, c'est ce que je ressens pour la personne que j'aime. Mais est-ce que c'est vraiment le cas de tout le monde ? D'autant plus lorsque une relation amicale devient amoureuse... Bref, c'est assez compliqué et il serait assez présomptueux de se dire "Pro en amour" juste par ce qu'on aime. Un jour, un loup m'a dit qu'il y avait mille façons d'aimer. Il n'a pas tord ! On aime pas ses parents comme on aime son frère ou ses amis. Peut-être qu'aimer, c'est tout simplement voir en la personne quelque chose de spécial et apprécier du temps avec elle.

Il lui semblait important d'apporter cette nuance.
... Même si, ohlala, elle risquait de le perdre, le pauvre. Il semblait tellement tout écouter, tout enregistrer, qu'elle craignait de dire des bêtises. Peut-être aurait-elle du éviter le sujet. En plus, elle lui avait finalement redonné une autre définition. Hu. Même pour elle, tout semblait si compliqué, elle n'était finalement certaine que de ses propres sentiments.
Bon, tant pis, trop tard. Elle guetta tout de même son expression, au cas où, descendant en même temps de l'arbre pour regagner le plancher des vaches.

Holly le suivit hors de la forêt, afin qu'ils puissent faire le feu en toute sécurité. La plage était, en effet, un endroit plus prudent. Si le feu devenait incontrôlable, peut-être serait-il vite éteint par les vagues. Elle l'espérait, en tout cas, espérait encore plus fort que rien de grave n'arrive.
Ce n'était pas rien, de se confronter à un tel élément.

Elle laissa Désastre faire, puisqu'il s'y connaissait. Bientôt, naquit le brasier, répandant autour d'eux ses couleurs chaudes, magnifiques, contrastant avec les teintes si froides de son propre pelage.
Aux paroles de Désastre, elle sourit.

- Je te l'avais dit, que ce serait le plus beau de tout Punk Wolf. Tu as eu une excellente idée.

Une pensée.

- Nous pourrions l'utiliser pour faire sécher de la viande, aussi. Je ne sais pas si nous trouverons toujours de quoi chasser, en exploration.

Il ne serait donc pas inutile d'avoir, sur eux, quelques lamelles de viande.

Quelque chose qui produisait beaucoup de fumée. Mhh. Elle fronça les sourcils, Holly, réfléchissant à ce quelque chose qu'ils pourraient emmener et qui pourrait faire office de fusée de détresse. Peut-être aurait-elle du travailler plus assidûment sur les explosifs, aussi. Elle avait la théorie, mais pas la pratique et, le temps de préparer les poudres, tout ça... Ils n'auraient peut-être pas le temps. De plus, elle n'était pas certaine qu'elles apprécient l'humidité, les poudres.
Puis c'était dangereux, si ils en venaient à fragiliser la glace.

Peut-être pourraient-ils recourir à quelque chose d'un peu plus soft.

- On peut fabriquer de petits pétards. J'ai vu ça dans un livre. Ce ne doit pas être compliqué... Mais il nous faudrait du matériel particulier.

Elle pencha la tête sur le côté.

- Sinon, pour la fumée, peut-être qu'un simple morceau de plastique ferait l'affaire. Un accessoire, quelque chose comme ça.

C'était peut-être plus simple. Elle proposait, il disposait.
Là, pour le moment, c'était à son tour d'essayer de faire un feu. Serait-elle aussi... capable que Désastre ? Car là, il ne lui fallait pas utiliser ses petits muscles ou bien son agilité, mais bien sa tête, pour ne pas se tromper. Il n'y avait, cependant, qu'un moyen de le savoir : se lancer, réunir les ingrédients ramasser plus tôt, tenter de créer l'étincelle.
Et espérer.