[Libre] La ruée

Elle n’était pourtant pas partie très loin.

Le camp qui en était à peine à ses balbutiements commençait tout juste à s’organiser sous leurs efforts communs, les présentations avaient été plus ou moins faites - venait le temps pour Anita d’assouvir la soif de curiosité qui emplissait son coeur, de calmer cette vague d’excitation sourde qui l’avait submergée à chaque fois que ses yeux s’étaient posés sur un nouveau paysage durant leur si longue traversée vers le Nord.
Alors elle s’était éloignée - non pas vers le troupeau vers lequel plusieurs loups avaient commencé à converger, mais vers des points de vue un peu plus isolés desquels elle comptait profiter avant de retourner prêter patte forte pour les nombreuses tâches qu’il leur fallait effectuer.

Elle aimait ce qui commençait à se construire ici. Elle aimait ce retournement du quotidien, ce bouleversement de leur routine, ce tout nouveau monde qui se peignait sous leurs yeux - et elle qui appréciait tant sa Moere et toute la vie qui y grouillait dans un tableau luxuriant se trouvait même à admirer également la beauté glaçante de ce désert hostile et de ses teintes de gris et de bleu.

Mais la profonde vibration qui secoua brusquement la glace et qu’elle sentit arriver jusque sous ses pattes ne pouvait pas venir des sabots des rennes.
Anita redressa la tête, oreilles pointées dans la direction du bruit sourd, ses yeux alertes fouillant le paysage désolé.
Il y avait bien de multiples silhouettes formant de petites tâches brunes et courant en tous sens dans une débandade incontrôlée qu’elle aurait pu attribuer à la présence de ses confrères prédateurs.

Ce qu’elle ne s’attendait pas à voir, c’était l’immense forme grise qui avait percé la glace un peu plus loin, envoyant voler éclats de banquise et trombes d’eau dans les airs et ponctuant son arrivée grandiose d’un sifflement venu d’un autre âge.
Le souvenir de l’oiseau monstrueux venu s’en prendre à elle à la Moere ressurgit, vif et bien plus urgent.
Car quelque chose lui susurrait que ce n’avait finalement été qu’un début. Que la peur qui a un moment s’était emparée d’elle ce jour-là serait amenée à ressurgir plus tôt qu’elle ne l’aurait pensé.

Son coeur se serra un instant mais elle n’y pensa pas davantage quand elle lança plutôt son corps dans une course leste en direction de l’agitation, guettant du coin de l’oeil les nombreuses silhouettes qui commençaient à affluer depuis une autre direction - celle du camp.
A mesure que ses foulées la rapprochait de leur lieu de convergence elle commença à les distinguer, ses camarades, d’autres inconnus, unis dans l’urgence de la situation.

Tous arrivaient avant elle tant le camp se trouvait proche, bien trop proche de l’apparition du monstre. Il faudrait l’abattre avant qu’il ne s’en prenne à eux.
Eux Etelkrus qui si tôt arrivés trouvaient déjà leur fonction de défenseurs venus au secours d’une autre meute dans le front commun qu’il fallait établir.

Elle n’était plus très loin, devait encore maintenir l’effort et l’allure pour les rejoindre dans l’assaut.

Dez, Narcy, Holly, Pepper, Alex...
... Alex.

D’un bond elle bifurqua pour ajuster sa trajectoire vers la forme imposante de sa soeur qui venait de porter un coup à l’immense créature. Devant sa gueule béante aux crocs acérés le sol si pur était désormais constellé de sang - le blessé était lui évacué et soigné plus loin, laissant la place pour tous de se jeter dans la bataille.

— AXIE !

Son jappement résonna dans le ciel vers lequel elle avait porté sa voix pour être entendue de sa soeur.
Anita ne cessa pas de courir, accéléra même encore pour les dernières foulées, attendant que sa soeur se place comme elle savait qu’elle le ferait. Les ailes noires se déployèrent de sous le rabat de fourrure qui les gardait au chaud dans son habit d’hiver et sans hésiter elle bondit au plus haut et au plus loin qu’elle put, se réceptionna sur le dos musclé qui sans faute était apparue pour sécuriser ses pattes pour ses périlleuses voltiges. Comme toujours il le faisait.

Ce fut désormais un claquement de cuir qui prit la suite de l’enchaînement tant exercé, emportant son corps agile plus loin que d’habitude, plus vite qu’elle n’aurait pu le faire sans leur nouvelle présence.

Droit vers la nuque du prédateur, aussi immense soit-elle, endroit sur lequel elle pourrait piquer depuis le ciel sans passer devant les soldats d’ivoire bien rangés dans sa gigantesque mâchoire.

Vous voilà soudainement nombreux à l'attaquer, à le mordre, à le ronger. Vous vous serrez les coudes, vous jouez de votre nombre, et Noé, son premier repas, est soigné, guéri comme par magie, et éloigné de ses mâchoires.
Il s'agite, gronde, tente de vous contrer de sa taille. Lui, couvert de blessures peu profondes mais douloureuses ; vous, vociférant, aboyant. Alors, quand la reine louve, la toute petite grise et son serpent ailé, le blesse plus que tout les autres ; volant devant son nez comme une mouche sur un fruit pourri ; il hurle. Un hurlement à vous faire frémir. Et d'un bond, semble à son tour gagner les airs, claquant sa mâchoire sur les deux horreurs.

Il te rate de peu, Désastre. Enfin, c'est ce que tu crois. Quand les mâchoires claquent dans le vide, et qu'il retombe, tu perds de ta vigilance. Et sa queue te fouette le visage avec tant de violence que l'air claque. Que ton œil saigne. Se crève. Une large balafre suinte sur ton crâne, tu vacilles, mais tint bon malgrè la douleur.

Te voila borgne.

Et il retombe. Ou plutôt, replonge.
La glace se brise sous son poids, et tous tombent avec. Dans cette eau glacée qui est sienne.

16 PVS
Consommation d'un fruit donnant + 1 PA END

Tous les loups présent s'investirent dans la bataille. Il y avait ceux qui combattaient, dont elle faisait partie, et ceux qui, plus loin, soignait le blessé. Elle était donc confiante, pour la suite, Holly : Tout irait bien.
Tout irait bien.

Son optimisme se fit vacillant lorsque le monstre décida de s'en prendre à Pepper et Désastre. Si la mentor n'eut à souffrir d'aucun mal, ce ne fut pas le cas de l'ami, défiguré.
Un gémissement fila entre ses crocs.

- Oh non, Désastre.

Tiendrait-il bon ? Il n'en avait pas le choix.
Elle ne pourrait, hélas, pas aller vérifier son état. Pas en pleine bataille. Elle n'était, de toutes manières, pas la mieux placée pour cela et... n'en aurait même pas l'occasion.
Sous ses pattes, la glace se brisa. Il lui fallait lutter, se hisser sur le bord.
Pour sauver sa propre vie.

[PC FOR : 3]

6 PVS

Autour de lui, les loups continuaient de le soigner. Il leur en était reconnaissant, tellement reconnaissant et espérait récupérer suffisamment pour pouvoir aider, à son tour. L'environnement, autour de lui, se faisait plus net : il récupérait tranquillement ses esprits.

Noé n'eut, cependant, pas le temps de s'en réjouir, se retrouvant plongé dans l'eau glacée.