Ce sang qui bout en moi l P.V. Kala

Elle avait quitté Saqqarah en grondant, en grommelant. Ses pattes heurtaient le sol à un rythme irrégulier alors qu'elle bondissait de tas de neige en tas de neige, fondant sa colère dans l'étendue implacable et glacée. Elle appréciait Saqqarah, mais des fois ce dernier était vraiment étrange. Et surtout, il était toujours trop... Étouffant. C'était gentil, mais Alex avait déjà eu du mal à se débarrasser de la présence omniprésente d'Anette, c'était pas pour que ses potes se comportent comme des boulets avec elle.

Elle avait bien assez à faire à se préoccuper de sa survie, pour en plus avoir à s'occuper des états d'âme des autres.

La louve crème marchait donc d'un pas puissant et exhalant chaleur voir brasier. Elle laissait derrière elle des traces impossibles à manquer, nettes et profondes.

Tout son corps fulminait, sa peau semblait enfler et désenfler en même temps, des frissons la parcouraient. Ca la grattait, ça la démangeait, ça lui donnait envie de se rouler par terre... Mais finalement la sensation finit par refluer. Elle secoua ses ailes et s'arrêta à quelques mètres du camp. Elle avisa une congère et se laissa tomber dedans tête la première, pour se nettoyer du gros du sang qui recouvrait son poitrail. Elle frotta, et finit par s'assoir à côté après s'être ébrouée.

L'air frais lui fit du bien. Le paysage, ascète au possible, aussi.

Le loup gris ne mit pas longtemps à la rejoindre. Elle lui adressa un sourire torve. Il n'était pas bien grand, Saqqarah, surtout à côté de sa grande carcasse épaisse et taillée pour la guerre, déjà parcourue de multiples cicatrices. Cependant, le corps de son ami ne détonnait pas tant que ça : pour lui aussi, la vie n'avait pas été tendre. Mais Alex n'y prêtait aucune attention - ainsi était, après tout, la vie des Etelkrus.

Elle fit gonfler son poitrail et claquer ses mâchoires.

T'es prêt, d'mi portion ? Tu commences.

Elle se remit d'aplomb, droite.

Barbare.

Il bondit vers elle, il est plus vif qu'avant, plus à l'aise sur ses pattes et plus à l'aise sur ses appuis. Il n'est plus ce jeune louvard plus vieux qu'elle et pourtant incapable même de porter un coup. Il avait grandi, forci, s'était affiné. Il n'était plus le panseur pataud et incapable de se mouvoir autrement que par à-coups maladroits, quand il n'était pas question de soigner les autres.

Mais ça n'était pas suffisant.

Elle vit distinctement la patte du loup filer vers sa tête, mais ne fit absolument rien pour l'éviter : le coup lui arrive sur la joue, déviant légèrement le haut de son corps et laissant quelques sillons sanglants dans le coin de sa mâchoire. Elle n'avait rien fait pour l'esquiver, le coup n'était pas assez fort, il ne méritait pas qu'elle brise son maintien, sa posture d'attente. Elle agita légèrement la tête, secoua son col, chassa de ce mouvement les gouttes de sang qui allèrent s'écraser sur la glace, la tâchant de carmin. Un sourire torve entoura ses babines.

C'mieux que la daube que tu faisais avant. Mais c'est pas suffisant.

Elle bondit tel un trente-six tonnes organique, ses pattes foulant le sol et ses griffes raclant la glace et la faisant voler de tous côtés. Elle ne s'empreint pas de dentelle ou de réflexion : aujourd'hui, elle frappait. Elle était un monstre, elle fonçait tête baissée, et de l'épaule renverserait le monde.

De l'épaule, elle heurterait Saqqarah dans le but de l'éjecter, de l'envoyer rouler au sol de toute sa masse.

L'échauffement était presque terminé.